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Une extension du « réseau Max Jacob » via Lascaux et Masson

Les éditions du « cycle Masson » procèdent, comme celles du cycle précédent, de recommandations initiales de Max Jacob. La figure 1, faisant état du « réseau » déployé par le poète au service de Kahnweiler, comporte ainsi les noms de plusieurs jeunes auteurs de ce cycle comme Artaud, Limbour, Leiris, Desnos ou Bataille. Apparaissent également sur cette figure les noms de plusieurs peintres, Masson lui-même, Lascaux et Roux. Ces entremises du poète datent des années 1921 à 1924 même si elles ne se concrétisèrent en un projet d’édition que plusieurs années plus tard, à l’instar de L’Anus solaire de Bataille qui ne parut qu’en 1931.

Max Jacob s’était retiré, à l’époque, à Saint-Benoît-sur-Loire et ne faisait que des séjours épisodiques et courts à Paris. L’essentiel des échanges entre Kahnweiler et le poète à propos de ces recommandations se traitait donc par courrier. À titre d’exemple, nous citons un extrait de lettre de Max Jacob à Kahnweiler en date du 1er novembre 1922 où le poète remercie le marchand d’avoir accepté, sur ses conseils, d’éditer le jeune Artaud64 et salue l’entrée de Masson au sein de la galerie de Kahnweiler :

[…] Une lettre de Lascaux me rassure sur l’état de ton cœur à mon endroit. Tu n’en veux pas à mes protégés et sans doute guère à leur protecteur, puisque tu viens encore de faire deux heureux en la personne des jeunes Artaud et Masson. Il est vrai que je ne t’ai guère parlé du premier et que le talent du second parle plus haut que je n’aurais pu faire si je l’avais fait. Merci donc65.

Pour ce cycle, les recommandations de Max Jacob portèrent d’abord sur des peintres, Lascaux, Masson et ultérieurement Roux, lesquels intégrèrent bientôt la galerie Simon et même, pour Lascaux, la famille Kahnweiler en épousant la sœur de Lucie. Kahnweiler reconnaissait volontiers ces entremises du poète, déterminantes pour ses activités entre les deux guerres, en

64 Annexe 1 p. 898-99.

65 Daniel Henry Kahnweiler, marchand, éditeur, écrivain, exposition, Centre Georges Pompidou, 1984, op.

précisant que les relations amicales entre Max Jacob, Masson et Lascaux dataient de la période où tous trois vivaient à Montmartre :

[Francis Crémieux] : – Masson, c’est tout de même le trait d’union entre les deux générations, du moins dans votre esprit.

[Kahnweiler] : – Le trait d’union était Max Jacob car Max Jacob a connu tous ces jeunes gens-là également. Les jeunes poètes se rendaient auprès de lui. Les peintres, Masson les a connus presque tous à Montmartre car il avait habité à Montmartre – avant de venir rue Blomet – un hôtel meublé. Lascaux aussi, je l’ai connu par Max.

[F.C.] : – Et Masson, par Lascaux ?

[K.] : – Oui, Masson était l’ami de Lascaux à Montmartre66.

Un autre aspect du réseau relationnel de Kahnweiler à cette époque est que ce sont ces peintres, Lascaux et Masson, qui lui présentèrent leurs amis poètes, Limbour, Leiris, Desnos etc. à contrario, majoritairement, du cycle précédent. En ce sens, le « cycle Masson » présente bien des points communs avec le « cycle Apollinaire/Picasso » puisque, en 1907-1908, ce furent également les peintres, Picasso, Derain etc. qui introduisirent Apollinaire ou Max Jacob auprès du jeune Kahnweiler. Cet élément est déterminant dans le rapport images-texte des éditions comme nous le verrons plus loin.

Nous avons situé Tric trac du ciel d’Artaud et de Lascaux comme l’ouvrage charnière entre les cycles « Max Jacob » et « Masson » pour plusieurs raisons67. Artaud tout d’abord fut recommandé auprès de Kahnweiler à la fois par Max Jacob et par Lascaux, déjà membre de la galerie Simon. Artaud ensuite fut, très tôt, membre du « groupe de la rue Blomet », dont nous reparlerons, et partagea l’aventure des premiers temps du surréalisme avec Limbour, Leiris, Desnos etc. Enfin, comme nous le verrons plus loin, le texte d’Artaud relève d’une littérature inquiète plus proche de celle de Leiris ou de celle du Ximénès de Jouhandeau que des récits fantaisistes de Malraux ou de Radiguet appartenant au cycle précédent.

Pour conclure sur les relations de Kahnweiler à l’œuvre pour les éditions de ce « cycle Masson », il apparaît que Lascaux et Masson lui-même ont été à l’origine de l’essentiel des publications de cette période. Ne font exception, pour leurs auteurs – et non pour leurs illustrateurs –, que A Village, de Gertrude Stein et de Lascaux, et Entwurf einer Landschaft, de Carl Einstein et de Gaston-Louis Roux, puisque Stein et Einstein étaient des d’amis de longue date du marchand.

66 Ibid., p. 134.

Le « groupe de la rue Blomet »

Ce réseau d’écrivains et d’artistes introduits auprès de Kahnweiler par Masson est souvent intitulé le « groupe de la rue Blomet », du nom de l’atelier qu’occupa le peintre de l’hiver 1921-1922 au début de l’année 192668. Masson, blessé en 1917 sur le front de la Somme, avait été profondément marqué par la guerre et son « expérience » impressionnait les jeunes peintres ou poètes en herbe qui se regroupèrent bientôt autour de lui : Tual, Lascaux, Artaud, Limbour, Leiris – ultérieurement encore Desnos – et, de manière plus épisodique, Joan Miró, son voisin d’atelier, Jean Dubuffet et Jouhandeau. Masson avait une large culture et le groupe se retrouvait autour de la lecture de Nietzsche, des auteurs élisabéthains, des romantiques allemands, des grands occultistes, de Lautréamont, de Sade etc. Les liens amicaux entre les membres de la rue Blomet étaient également forts.

Masson et la plupart de ses jeunes amis participèrent également, dès 1922, aux « dimanches de Boulogne » chez les Kahnweiler. Leiris intégra bientôt, comme l’avait fait Lascaux, la famille du marchand en épousant Louise. Lorsque, à partir de 1926, les réunions dominicales à Boulogne s’estompèrent, les Masson et les Salacrou restèrent des proches de la famille de Kahnweiler, élargie désormais aux Lascaux et aux Leiris.

Orthodoxie surréaliste, dissidence Bataillienne, synthèse enfin : des éditions en prise directe avec l’avant-garde littéraire

Limbour, dès 1922, fréquenta également – sans trop en faire état auprès de ses amis de la rue Blomet – le « groupe de la rue Fontaine », celui de Breton et de ses amis69. Avec Desnos, il conseilla à Breton, en février 1924, de se rendre, rue d’Astorg, à la première exposition « Masson ». Breton fut « conquis » par la peinture de Masson et, à la suite de ses échanges avec le peintre, l’ensemble du « groupe de la rue Blomet », Masson en tête, rejoignit à l’automne 1924 le mouvement surréaliste, au moment de la parution du Manifeste. Durant deux à trois ans, Limbour, Desnos, Leiris et Artaud furent ainsi des membres actifs du groupe, ce qui fait écrire :

Pendant quelques brèves années, les cercles qui se réunissent rue Blomet, dans l’appartement des Kahnweiler, et place Blanche, autour d’André Breton, se superposent70.

68 Annexe 1 p. 905-06, p. 912, p. 935-36 et p. 946-48.

69 Annexe 1 p. 906.

70 Picasso, Léger, Masson : Daniel Henry Kahnweiler et ses peintres, exposition, Villeneuve-d'Ascq, LAM, Lille métropole, musée d'Art moderne, d'Art contemporain et d'Art brut, 28 septembre 2013-12 janvier 2014, cat. sous la direction de Jeanne-Bathilde Lacourt, Villeneuve-d'Ascq, LAM, 2013, p. 48.

Desnos devint un champion des sommeils médiumniques71, Leiris, sous la direction d’Artaud, s’attaqua à un « Glossaire du merveilleux surréaliste », qui devint le Glossaire72, etc. et tout le « groupe de la rue Blomet » participa à la revue La Révolution surréaliste73, y compris Masson pour des illustrations. Cette revue recommanda bientôt, par des encarts, plusieurs des éditions de Kahnweiler, dûment estampillées « surréalistes » : Soleils bas de Limbour,

Simulacre de Leiris et C’est les bottes… de Desnos, toutes trois illustrées par Masson74. En publiant successivement plusieurs des acteurs-clé du mouvement de la rue Fontaine, les éditions de la galerie Simon devinrent en quelque sorte, entre 1924 et 1926, une succursale surréaliste.

Les relations entre Breton et les membres du « groupe de la rue Blomet » ne tardèrent pas cependant à se dégrader pour divers motifs : réticences vis-à-vis d’un engagement politique – au moment où il fut décidé d’une adhésion « en bloc » des surréalistes au Parti Communiste, – refus de l’autoritarisme de Breton, fortes réserves quant à l’embrigadement moral des membres du mouvement75. Masson, plus encore peut-être que ses jeunes amis, était en fait un libertaire et son tempérament s’avéra incompatible avec les orientations et le mode de fonctionnement du groupe de Breton. En novembre 1926, Artaud et Soupault – ce dernier pourtant co-auteur avec Breton des Champs magnétiques ! – furent exclus du groupe au titre de leurs activités petites-bourgeoises. Limbour, Leiris, Masson préférèrent bientôt prendre leurs distances, l’un en Égypte, l’autre en voyage, le dernier par de longs séjours en province – productifs en termes de peinture –76. Dès le début de l’année 1928, l’ex- « groupe de la rue Blomet »77, Masson, Desnos, Limbour, Tual et Leiris, avait largement repris son autonomie par rapport à l’orthodoxie surréaliste.

Georges Bataille, un ami de Leiris et, par ce dernier, de Masson, avait, lui, toujours été réticent vis-à-vis de Breton et de son mouvement. Il avait essayé, sans succès, de dissuader Leiris, et d’autres, de s’enrôler78. Bataille se trouva donc isolé pendant quelques années. Ses amis se rapprochèrent de lui, cependant, au fur et à mesure de leur éloignement de l’orthodoxie surréaliste. Bataille, par son anti-idéalisme forcené, apparut bientôt comme la seule figure

71 Annexe 1 p. 935.

72 Annexe 1 p. 914 et p. 972.

73 Voir une présentation rapide de la revue La Révolution surréaliste dans : Yves Chevrefils Desbiolles, op.

cit., p. 92-94.

74 Annexe 1 p. 936 et p. 940.

75 Annexe 1 p. 936-37, p. 961-67 et p. 974-77.

76 Annexe 1 p. 908-09 et p. 974-75.

77 Masson avait quitté son atelier de la rue Blomet en 1926.

intellectuelle à même de tenir tête à Breton79. Ce dernier le reconnut d’ailleurs implicitement puisqu’il s’en prit aussi à Bataille, n’ayant pourtant jamais été membre du groupe surréaliste, lorsqu’il jeta l’anathème, en décembre 1929, sur l’ensemble de la dissidence du mouvement. Le Second Manifeste du surréalisme s’en prenait ainsi à Masson, à Leiris, à Limbour, à Soupault, à Vitrac, à Naville, à Baron, à Duchamp, à Ribemont-Dessaignes, à Queneau, à Prévert, à Morise etc. et surtout à Bataille.

Ce dernier était cependant impliqué depuis le début de l’année 1929 dans une aventure d’un autre ordre, le lancement de la revue Documents, dont il avait été nommé secrétaire général80. Deux conservateurs de la BNF avaient approché en 1928 le marchand d’art et mécène Georges Wildenstein – une relation et un collègue de métier de Kahnweiler – pour éditer un nouveau périodique d’art et d’archéologie ouvert à la recherche ethnologique. Le sous-directeur du musée d’ethnographie du Trocadéro, Georges-Henri Rivière, s’était associé au projet. L’historien d’art allemand Carl Einstein – un ami de Georges Wildenstein ainsi que de Kahnweiler –, récemment arrivé en France, fut nommé directeur de la revue. Il partageait avec Bataille un intérêt pour les arts primitifs. Bataille introduisit au poste de secrétaire de rédaction ses amis Limbour – qui ne fit pas l’affaire – puis Leiris, que Bataille avait initié à l’ethnologie. Assez vite, la personnalité de Bataille s’imposa à la tête de la revue. Il orienta Documents vers « l’irritant et l’hétéroclite, si ce n’est l’inquiétant »81 et, tant par les sujets traités que par l’iconographie de la revue, il la transforma en un outil de promotion d’une contre-histoire de l’art ainsi qu’en une machine de guerre anti-surréalisme. Enfin, sous sa houlette, Documents devint le pôle essentiel de regroupement des dissidents du mouvement, qui y intervinrent comme collaborateurs, comme auteurs d’articles ou même en tant que « sujets » traités82. « Ce fut la première fois que Bataille se trouva en position de chef de file »83.

Dès lors qu’il fut mis en cause par le Second Manifeste du surréalisme, Bataille rétorqua donc à Breton, avec l’aide principale de Desnos84. La publication de la réponse, Un cadavre, fut d’ailleurs financée par G.-H. Rivière, comme une sorte de réplique commune de l’équipe de

Documents au « pape » de surréalisme. En éditant en 1930 Carl Einstein, accompagné par le

jeune peintre Roux, un collaborateur également de Bataille, puis en publiant L’Anus solaire de

79 Annexe 1 p. 965-66.

80 Annexe 1 p. 965.

81 Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l'œuvre, op. cit., p. 149.

82 À titre d’exemple, Carl Einstein publia dans le no 2 de la revue un article sur André Masson.

83 Ibid., p. 155.

Bataille lui-même en 1931, illustré par Masson, Kahnweiler se faisait donc le porte-parole de la dissidence du surréalisme, menée et théorisée par Bataille, quelques années après avoir dirigé une sorte de succursale, pleinement « orthodoxe » à l’époque, du même mouvement.

Bataille et Breton continuèrent à polémiquer jusqu’à ce qu’une sorte d’union sacrée antifasciste fît taire leur différend. Kahnweiler, de son côté, suspendit, après la parution de

L’Anus solaire, son activité d’édition du fait de la crise économique. Il est donc difficile de

situer son positionnement dans le champ politico-esthético-littéraire de ce milieu des années 1930. Une initiative toutefois rassembla, à cette période, bon nombre de « ses » artistes ou ex-artistes et de « ses » auteurs, ceux qu’il avait précédemment édités. Il s’agit de la revue

Minotaure, lancée en 1933 par Skira et par Tériade85. Les deux fondateurs de la revue réussirent alors à faire collaborer Breton et Bataille, ainsi que d’autres anciens « ennemis », à cette sorte de synthèse entre La Révolution surréaliste et Documents. Le titre-même de la revue est attribué à Masson et à Bataille. Tzara ou Leiris, par exemple, collaborèrent à Minotaure, ce dernier pour rendre compte de sa participation à la mission ethnologique Dakar-Djibouti86. Les couvertures furent signées par nombre d’artistes ou ex-artistes de Kahnweiler, comme Picasso (no 1, 1933), Roux (no 2, 1933), Derain (no 3-4, 1933), Borès (no 5, 1934) ou Masson (no 12-13, 1939). En d’autres circonstances donc, le marchand aurait pu avoir été l’éditeur de cette revue…En tout cas, il est probable que Kahnweiler s’y « reconnaissait »87. Lorsque le marchand se décida à reprendre ses éditions en 1939 – pour sa dernière publication de la période –, il publia d’ailleurs le Glossaire de Leiris et de Masson, une œuvre faisant directement référence à l’époque où les rues Astorg, Blomet et Fontaine coïncidaient ou presque en tant que pôles d’attraction des avant-gardes.

Une homogénéité certaine dans la littérature publiée

Trouvant pour la plupart leur origine dans les échanges de la rue Blomet, les textes de ce « cycle Masson » paraissent assez homogènes. L’ère des « années folles » est révolue et l’angoisse imprègne nombre de ces ouvrages, comme l’expose François Chapon :

85 Tériade participa, rappelons-le, aux « dimanches de Boulogne », comme Iliazd. Les deux éditeurs, ou futurs éditeurs, peuvent, à certains égards, être considérés comme des émules de Kahnweiler.

86 Annexe 1 p. 978.

87 Ce fut sans doute surtout le cas au début des parutions de la revue puis à partir de 1936. Entre-temps, en effet, Breton, qui s’était imposé comme seul meneur de Minotaure, avait donné un ton moins consensuel à la revue. Masson, par exemple, reprit sa collaboration à Minotaure à partir de 1936 : Yves Chevrefils Desbiolles, op. cit., p. 141-146 et 159-161.

Cependant, comme l’a vu finement Kahnweiler, la génération qui a suivi la guerre de 1914 ne peut surmonter son angoisse. L’extérioriser, n’est-ce pas déjà une façon de conjurer, en la dénonçant, son emprise ?88

Tric trac du ciel traduit ainsi l’inquiétude existentielle de son auteur, Artaud, perceptible

même dans le portrait, joint à l’ouvrage, que fit de lui Lascaux89.

Leiris, pratiquant avant l’heure, pour Simulacre, une sorte d’écriture automatique90, l’utilisa pour faire surgir « le monde informe et ténébreux qu’on découvre au fond de soi » 91.

Les poèmes de Desnos pour C’est le bottes de sept lieues. Cette phrase « je me vois », alliant fantaisie et obsession de la mort, n’ont que peu à voir avec des contes de fées92 :

Dans plusieurs des textes de C’est les bottes de sept lieues entrent pêle-mêle des allusions à la vie, à la mortalité, à l’infini, à la tombe93.

Le « conte satanique » de Jouhandeau, Ximénès Malinjoude, – une allusion au Malin et à l’auteur – traduit les démêlés moraux de l’écrivain à propos de son homosexualité94. Le héros y fait montre d’une haine tournée non seulement envers l’Homme, que Ximénès méprise, mais aussi contre Dieu, « incapable de se damner »95. Un ami de l’auteur, Henri Rode, écrivit à propos de ce texte :

Jouhandeau reconnaît quelque part avoir voulu, avec cet écrit, se vider une fois pour toutes de méchanceté et de fiel, et avoir réussi96.

L’œuvre de Carl Einstein, Entwurf einer landschaft (Esquisse d’un paysage)97, apparaît comme l’exploration par l’auteur d’un paysage intérieur, « dominé par l’inanité du langage » et « l’omniprésence de la mort vide de sens et de contenu »98. La tonalité générale du texte est sombre et prémonitoire du destin de Carl Einstein qui, à l’instar de Walter Benjamin, mit fin à ses jours en juillet 1940 au pied des Pyrénées.

88 François Chapon, Le peintre et le livre : l'âge d'or du livre illustré en France, 1870-1970, op. cit., p. 115.

89 Annexe 1 p. 900 et illustration 1-47.

90 Annexe 1 p. 915.

91 Guy Poitry, Michel Leiris, dualisme et totalité, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1995, p. 128.

92 Annexe 1 p. 937-38.

93 Renée Riese Hubert, Surrealism and the Book, Berkeley, Calif., University of California press, 1988, p. 240.

94 Annexe 1 p. 946-47.

95 Pierre-Marie Héron, Marcel Jouhandeau, l'orgueil de l'homme, Limoges, Pulim, 2009, p. 29.

96 Cité par Pierre-Marie Héron : ibid., p. 30.

97 Annexe 1 p. 956.

98 Liliane Meffre, Carl Einstein, 1885-1940 : itinéraires d'une pensée moderne, Paris, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 260.

Bataille, en plus sinistre encore, persista dans ce registre de l’introspection avec L’Anus

solaire99. Si tant est que l’on puisse qualifier cet ouvrage d’érotique, il s’agit d’un érotisme

« primordial » – à mille lieues de celui de L’Amour fou de Breton – où les coïts, sources de terreur, ont lieu entre les astres. Bataille semble avoir voulu bâtir, par le biais d’une telle œuvre, une sorte de généalogie de la part maudite de l’homme100.

Lorsqu’il fit paraître en 1939 Glossaire j’y serre mes gloses – conçu en grande partie 15 ans plus tôt dans le cadre du « bureau des recherches surréalistes » –101, Leiris dévoilait aussi ses convictions intimes, mais de manière plus apaisée que ne l’avaient fait, en leur temps, Jouhandeau, Einstein ou Bataille – et surtout cette fois avec une pointe d’humour –. Une même inquiétude existentielle perce pourtant ici ou là au travers des jeux de mots lyriques du

Glossaire, à l’instar de cette « entrée » du répertoire : « Vie – un Dé la sépare du viDe » …

Seules deux œuvres du « cycle Masson » se différencient peu ou prou de cette veine inquiète et sombre prévalant de Tric trac du ciel en 1923 au Glossaire en 1939 : Soleils bas de Limbour et A Village de Gertrude Stein. Soleils bas est un recueil de poèmes lyriques conçus par l’auteur antérieurement à son implication dans le mouvement surréaliste102. L’ouvrage fut cependant illustré par Masson – plus en phase, sans doute, avec les textes d’un Leiris, d’un Jouhandeau, d’un Desnos ou d’un Bataille – et dûment estampillé par Breton comme une œuvre « surréaliste ». Il est vrai que Leiris, commentant bien plus tard ce recueil de son ami Limbour, y décelait, sous son apparente légèreté romantique, l’idée, prégnante, de la mort. Quant à l’édition de la pièce de théâtre A Village, Are You Ready Yet Not Yet de Gertrude Stein, il apparaît qu’il s’agit avant tout d’une affaire d’amitié entre Kahnweiler, Lascaux et l’auteur, se retrouvant autour d’un projet commun après la disparition de leur ami Juan Gris103. Cette œuvre participe donc à l’atmosphère lourde de la période, mais d’une autre manière.

Une homogénéité certaine apparaît donc entre les textes de ce « cycle Masson », a

contrario du précédent.

99 Annexe 1 p. 968-69.

100 Michel Feher, Conjurations de la violence : introduction à la lecture de Georges Bataille, Paris, PUF, 1981, p. 7.

101 Annexe 1 p. 973.

102 Annexe 1 p. 907.