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PROCESSUS DE CONSTRUCTION DU PATRIMOINE EUROPEEN

III. Processus de transmission

2. Les contextes de réception du patrimoine européen : les réseaux des porteurs de projets comme premiers publics

S'il serait intéressant d'étudier l'ensemble des publics des Itinéraires Culturels, il est vite apparu qu'une telle entreprise ne serait pas réalisable dans le temps du doctorat. Pourtant, dans le système complexe que constituent les Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe, il existe un système qui peut aussi être envisagé du point de vue des publics. On pourrait aussi dire que si on se pose la question du public destinataire de la médiation et de la transmission du patrimoine européen dans le cadre des Itinéraires Culturels, il semblerait qu'à ce sujet deux groupes se distinguent clairement dans le discours des porteurs de projet : leur premier public serait les collaborateurs avec qui ils travaillent déjà ou bien ceux avec qui ils souhaiteraient travailler dans le cadre de leur réseau. Vient ensuite le « grand public », sans qu'il soit toujours évident pour les porteurs de projet – comme pour le Conseil de l'Europe – de définir quel est ce grand public.

Il existe un intérêt à une mise en réseau de toutes les lectures particulières et complémentaires du patrimoine puisqu'elle permettrait de passer d'une vision de l'Europe passée à une autre à venir. C'est sans doute pour cela que les Itinéraires Culturels construisent l'européanité du patrimoine sur une mise en lien d'éléments patrimoniaux disparates, dispersés sur le territoire européen et parfois au-delà, et proposent un nouveau regard, commun et partagé, sur l'ensemble de ces éléments en les agrégeant autour d'une thématique. Dans ce cadre, les réseaux transnationaux sur lesquels s'appuient les porteurs de projet ont un rôle déterminant. En effet, si les porteurs d'Itinéraires sont des « passeurs », les membres de leurs réseaux ne le sont pas moins, ou, au moins, aspirent à le devenir. Mais avant de le devenir, on peut considérer qu'ils constituent le premier public à qui s'adressent les discours, la mise en récit et la mise en cohérence de l'européanité du patrimoine.

Les réseaux des Itinéraires Culturels sont très différents les uns des autres et peuvent regrouper des entités très diverses, allant de la simple personne à une association d'envergure nationale, en passant par des musées, des collectivités territoriales, des associations de marcheurs, des centres culturels, etc. A cause de cette grande diversité, les porteurs d'Itinéraires, aussi coordinateurs de leurs réseaux, doivent fonder l'unité de leur action et garantir que, même s'il est admis que des variations auront lieu selon les niveaux, le discours transmis sur leur Itinéraire

Culturel et sur le patrimoine européen dans son champ portent notamment les mêmes valeurs. C'est en cela que nous considérons que les membres des réseaux constituent le premier public des Itinéraires. Il conviendra donc d'étudier quels sont les contextes de réception du patrimoine européen, en particulier dans les interactions entre les coordinateurs et les membres des réseaux pour vérifier comment la transmission du patrimoine européen opère.

Conclusion

Aborder le phénomène de l'émergence du patrimoine européen à partir de notre problématique et selon la construction de notre terrain, nous a amené à formuler différentes hypothèses relevant des processus d'appropriation, de médiation et de transmission auxquels nous nous intéressons plus particulièrement. Au terme de la présentation de ce qui fonde ces différentes hypothèses, résumons-nous.

Dans le cadre des processus d'appropriation, nous formulons trois hypothèses de travail :

- Le « patrimoine européen » est un énoncé performatif fondateur des Itinéraires Culturels. Utilisée à la fois par le Conseil de l'Europe et par les porteurs de projets d'Itinéraires Culturels, l'expression semble faire exister le « patrimoine européen » sans pour autant que ne soit interrogé le concept. Cet énoncé performatif joue un rôle fondamental dans la création et dans la labellisation des projets car il permet l'adhésion commune, mais, s'il donne l'impression d'une définition uniforme, il ne doit pas cacher la diversité des appropriations de l'expression.

- Les Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe naissent d'une interaction entre des systèmes culturels, plus précisément d'une « rencontre » entre l'institution et le porteur de projet ; ils sont un « point de rencontre » où est à la fois mobilisé et co-construit un discours sur le patrimoine comme européen.

- La co-construction de la vision partagée fait partie du processus de labellisation. Elle relève d'un double phénomène de reconnaissance par l'institution et d'adhésion, partielle ou complète, par le porteur de projet. L'institution, par le biais de son Programme, suppose la transparence de son propos et fonde sa vision de l'adhésion sur l'appropriation uniforme. Mais ce n'est pas le cas. C'est l'espace d'appropriation qui est en jeu et, dans ce cadre, les formes de résistance qui peuvent jouer. Le patrimoine mobilisé comme européen peut être l'une des formes de cette résistance.

Dans le cadre des processus de médiation, trois hypothèses structurent notre travail :

- Les porteurs d'Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe sont les médiateurs du Programme des Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe car ils transmettent le Programme dans leurs réseaux à

travers l'Europe. Ils sont donc les relais du concept de « patrimoine européen » tel que l'a pensé l'institution. Mais, ils sont des médiateurs qui, avec leurs propres objectifs, leurs propres structures et leurs propres discours, proposent leur vision de ce qu'est le « patrimoine européen » dans le Programme.

- Par leurs discours, les Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe construisent un certain regard sur le patrimoine comme patrimoine européen. Plus qu'une construction, il s'agit d'une co-construction au cours de laquelle les porteurs d'Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe tout comme l'institution qui porte le Programme s'appuient sur la valeur du patrimoine européen et sur son européanité supposée.

- La traduction joue un rôle de médiation dans le phénomène de publicisation du patrimoine européen dans les Itinéraires Culturels. Mais aussi, elle joue un rôle dans la construction discursive de l'européanité du patrimoine en tant qu'elle ne concerne pas seulement le fait de traduire des mots d'une langue à l'autre, mais de construire un discours à partir du patrimoine dévoilant le sentiment d'appartenance à l'Europe.

Enfin, dans le cadre des processus de transmission, nous travaillons à partir de deux hypothèses : - Dans les discours des Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe, le patrimoine est mis en scène comme européen. Il a déjà été patrimonialisé dans d'autres cadres – nationaux, régionaux, locaux – et il s'agit donc, dans le cadre des Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe, de le mettre en scène comme européen. Dans ce processus, la mise en scène joue un rôle important en tant qu'elle fait appel à la fois à l'imaginaire et au réel en liant entre eux des éléments patrimonialisés disparates dans un même discours.

- Chacun des Itinéraires Culturels fonctionne sur la base de réseaux transnationaux impliquant différents niveaux de communication au sein desquels est mobilisé le concept de patrimoine européen. Mais, par ailleurs, les interactions entre les différents niveaux de coopération à l'intérieur même des réseaux constituent des lieux où se jouent la transmission du concept et où il se trouve travaillé et/ou retravaillé, construit et/ou co-construit. Dans ces structures en réseau, on peut considérer que les membres du réseau transnational sont le premier public de l'Itinéraire Culturel et que, dans ce cas, l'intention de communication est d'abord formulée pour eux. C'est donc là que se construit, en premier lieu, le discours sur le patrimoine européen.

Si nous avons regroupé ces différentes hypothèses de travail par processus, il convient cependant de ne pas oublier qu'elles peuvent parfois dépasser le cadre d'un seul processus et qu'il faudra donc rester vigilant quant à la possibilité de voir ces hypothèses pertinentes dans un ou des autre(s) processus que celui auquel nous les avions attribuées au départ.

qui est en lien avec les hypothèses formulées, mais qui a aussi lui-même été, nous allons voir, l'objet de différents questionnements et réflexions.

CHAPITRE 4.

DE L'EXPLORATION DES ARCHIVES A L'ANALYSE : CORPUS ET

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