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30 OGIS 437-39 = IGR 4.188 31 Cic 2Verr 2.51.

1.5. Contexte historique de la corruption à Rome

Ce n’est pas notre propos de rédiger une histoire événementielle des deux derniers siècles de la République romaine. Néanmoins, il faut avoir en tête certains événements et transformations historiques afin de comprendre l’évolution de la corruption pendant cette période.

81 Médard dans Blundo (2000) 18.

82 Andvig, Fjeldstadt (2000) 60-62. Cf. une discussion historiographique de la corruption dans les sciences

politiques dans Dartigues, de Lescure (2000) dans Blundo (2000).

83 Andvig, Fjeldstadt (2000) 62-72. 84 Cf. Caillé (2000) 9.

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Le période s’ouvre avec la fin de la IIe Guerre Punique, probablement un des moments où l’Etat romain se trouve au bord de l’abîme. Après plusieurs moments de crise, Carthage signa en 202 un traité de paix selon les conditions imposées par les Romains, ratifié à Rome l’année suivante. Nous avons choisi de commencer notre étude avec la fin de cette guerre qui entraîna de profonds changements dans l’Etat romain et inaugura une époque d’expansion militaire vers l’Est et vers l’Ouest. L’Etat romain ne fut pas longtemps inactif : en 200 il entame la IIe Guerre Macédonienne contre Philippe Ve. Ce conflit fut le premier d’une longue série de campagnes qui conduisirent Rome à occuper de facto les territoires grecs, la Macédoine, le royaume de Pergame, les territoires de Carthage en Afrique, la Gaule Narbonnaise et la péninsule ibérique (à l’exception du Nord) vers 121 av. J.-C. En 62 av. J.-C., les provinces du Proche-Orient tombèrent entre les mains des Romains et furent organisées par Pompée : les territoires de Bithynie, Cilicie et la Syrie devinrent des provinces romaines, tandis que la Galatie et la Cappadoce furent laissées à des rois clients de Rome. Finalement, pour la période républicaine, il faut souligner la conquête de la Gaule par César entre 58 et 51 av. J.-C.

Cette énorme expansion territoriale entraîna un afflux de richesses (butin) vers Rome et l'Italie, et fournit de multiples possibilités d’enrichissement pour les généraux. Mais cela ne faisait qu'exacerber une tendance qui existait déjà depuis les débuts de l’expansion romaine en Italie. Elle est importante pour expliquer, comme nous verrons plus tard, le crime de péculat86.

La IIe Guerre Punique provoqua également des changements dans le système politique. Déjà en 216 et en 212, de nouveaux sénateurs durent être élus à cause des pertes pendant la guerre. Les changements dans les étapes du cursus honorum sont importants également pour l’étude de la corruption. En 197 av. J.-C. le nombre de préteurs augmenta de quatre à six, tandis que les consuls restaient toujours au nombre de deux. Cette situation créa un goulet d’étranglement ou un embouteillage dans la partie supérieure de la carrière politique, de manière que la compétition s’intensifia. Le remodelage du cursus honorum continua pendant les années suivantes. En 181 av. J.-C., la même année que la promulgation d’une loi contre la corruption électorale, la lex Baebia réduisit le nombre de préteurs : il y aurait dorénavant quatre ou six préteurs selon les années (en alternance),

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peut-être pour freiner la corruption électorale et alléger l’embouteillage au passage au consulat. Le changement fut bientôt annulé et les préteurs retournèrent au nombre de six87. Une dernière modification effectuée par Sylla augmenta le nombre de préteurs à huit ; le nombre de questeurs fut également modifié et arriva au nombre de vingt. En 180 av. J.-C., la lex Villia annalis établit définitivement un cursus honorum par âge, en déterminant l'âge minimum pour l’édilité curule, la préture et le consulat88. Finalement, la possibilité d’un deuxième consulat fut interdite, probablement en 152, bien que les sources attestent que cette mesure était tombée en désuétude déjà à la fin du IIe siècle av. J.-C89. Toute cette réorganisation progressive du cursus honorum témoigne de plusieurs phénomènes politiques et sociaux90. En premier lieu, on mentionnera la compétition pour les magistratures, renforcée par la possibilité de butins plus juteux. En deuxième lieu, la

nobilitas romaine voulait garder et renforcer la mémoire de la famille ; l’obtention de

magistratures donnait lieu à des imagines à l’intérieur de la maison, qui étaient également paradées pendant les funérailles. La mémoire n’appartenait pas seulement à l’individu, mais aussi à la famille ou au groupe social. Comme l'affirme O. G. Oexle, la mémoire crée l’identité91. Ces deux éléments se trouvent à l’origine d'une compétition exacerbée, notamment aux IIe et Ier siècles av. J.-C.

Les institutions romaines durent s’adapter à tous ces nouveaux défis : des cours de justices furent établies pour lutter contre les différents types de corruption. Suite à de nombreuses tentatives, le modèle définitif fut fourni par la quaestio perpetua de repetundis, un tribunal qui siégeait en permanence pour juger ce chef d’accusation. Ce modèle, établi par la première fois en 149 av. J.-C., fut définitivement mis en place par Sylla dans ses réformes de 81 av. J.-C. ; le dictateur réorganisa les tribunaux permanents, qui gardèrent cette forme pendant tout le dernier siècle de la République. Les procès intentés par des tribuns, importants aux IIIe et IIe siècles av. J.-C., ne jouèrent pas un grand rôle pendant le

87 Liv. 40.44.2.

88 Liv. 40.44.1.

89 App. Ib. 45. Le troisième consulat de M. Claudius Marcellus, qui eut lieu en rapport avec la guerre contre

les tribus de l’Hispanie.

90 Pour une analyse de cette « crise » de la République romaine jusqu’à environ 52 av. J.-C., cf. Meier (1966).

Il signale le tempérament politique romain conservateur, l’échec des réformes des Gracques et l’identification entre aristocratie et classe politique dirigeante comme les principales raisons de cette crise.

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Ier siècle av. J.-C., en dépit de la restauration en 70 av. J.-C. de la puissance tribunitienne après son interdiction par Sylla en 81 av. J.-C.

Tous les événements et tendances expliqués ci-dessus forment le cœur et le contexte de l’étude de la corruption pendant les deux derniers siècles de la République. Notre étude s’arrête au début de la guerre civile entre César et Pompée en 49 av. J.-C. Nous avons choisi cette date car la corruption de la fin de la République doit être étudié pendant que les institutions romaines fonctionnent avec normalité. Une fois que les élections sont surveillées par un dictateur ou un princeps et que les magistratures ne sont pas régulièrement attribuées, comme il arrive dans le cadre d’une guerre civile, l’étude de la corruption change de nature.

1.6. De l'usage politique du don en nature dans une société en voie de monétarisation