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Connaissance et naissance en Dieu

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 61-64)

I. La vérité comprise comme le don excessif de la vie

« La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3).

« Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jn 4, 7)

« Un écrit dit : « Personne ne connaît le Père que si ce n’est le Fils », et il suit de là que, si vous voulez connaître Dieu, vous ne devez pas seulement être égaux au Fils, mais devez être le Fils lui-même »77.

En interprétant Jn 17, 3 dans son commentaire du Livre de la Sagesse, Eckhart écrit : « Il faut remarquer qu’il est dit en Jn 17 : « Ceci est la vie éternelle qu’ils te connaissent ». Et Augustin dit, dans le De moribus ecclesiae : « Peut-être demande-t-on de manière opportune ce qu’est la vie éternelle. Mais écoutons plutôt celui qui la donne : « Ceci est, dit-il, la vie éternelle qu’ils te connaissent, toi le vrai Dieu » ; et il suit : « La vie éternelle est donc la connaissance même de la vérité ». C’est donc ce qui est dit ici : Te connaître est la justice consommée, ce que la Vérité dit en Jn : « Ceci est la vie éternelle qu’ils te connaissent ». Ce qui est écrit là en Jn : « qu’ils te connaissent » est dit ici : Te connaître.

C’est pourquoi Augustin dit ainsi dans l’Epistula ad Dardanum : « Heureux ceux pour qui posséder Dieu est le connaître » et suit : « C’est une connaissance très pleine, très vraie, très heureuse » »78.

Si notre connaissance de Dieu nous donne de vivre de sa vie même, c’est parce que tout ce qui est révélé en Dieu comme sa vérité n’est rien d’autre que sa vie même. Affirmer donc l’identité entre le fait de connaître Dieu et le fait de vivre Dieu éternellement, c’est affirmer qu’en Dieu et en l’homme qui vit Dieu le connaître et le vivre sont un. En nous laissant éprouver sa vérité dans sa vie, Dieu nous engendre dans sa vérité propre. C’est pourquoi nous ne cessons pas de recevoir en Dieu le don de la vérité identique au don de notre filiation divine. Ne cesser jamais de vivre de cette connaissance qui est Dieu

77 M. ECKHART, Sermon 16b, trad. G. Jarczyk et P.-J. Labarrière, p. 167.

78 M. ECHARDI, « Expositio Libri Sapientiae », In LW II, § 262, p. 593.

même, c'est ne cesser jamais d'être enfanté dans cette vérité divine qui fait de nous des fils. Qu'est-ce qui rend possible notre naissance filiale dans la vérité de Dieu ? Comment pouvons-nous laisser Dieu être sa propre connaissance en nous ? Comment accéder à être un avec la vérité qui nous souffre en elle ? Faut-il chercher à saisir Dieu par concept ou par étonnement mystique ?

Il est bien clair que ce qui révèle la vie doit être révélé lui-même à lui-même dans la vie, puisque seule la vie est capable d’être sa propre connaissance. Dieu ne peut jamais être l’ob-jet de sa connaissance, puisqu’il est lui-même sa connaissance. Dieu se donne absolument à la manière d’un « non-objet » inconstituable. C’est pourquoi nous ne pouvons le saisir que là où il est en nous sa propre révélation et sa vérité intérieure. Il s’ensuit que personne ne peut prouver conceptuellement la présence de Dieu en lui sans l’éprouver intérieurement dans sa chair vivante, c’est-à-dire sans l’éprouver au sein de son intériorité vivante qui se reçoit elle-même dans la vie immanente divine, puisque

« tant que nous invoquons un concept, il ne s’agit pas encore de Dieu »79. Grégoire de Nysse nous dit que « les concepts créent des idoles de Dieu. Seul l’étonnement saisit quelque chose », puisque « tout concept formé par l’entendement pour essayer d’atteindre et de cerner la nature divine ne réussit qu’à façonner une idole de Dieu, non à le faire connaître »80. En subissant la gravité de l’énormité de la vérité divine, l’homme est submergé par cette même vérité qui le constitue en lui-même en le saturant de sa générosité même.

Quant à l’idolâtrie conceptuelle, elle consiste à ne voir dans la vérité intérieure de Dieu que sa représentation extérieure qui demeure incapable de révéler ce qui est vrai et effectif. Mais que reste-t-il de la vérité divine vivante, une fois qu’elle est réduite à une représentation morte et illusoire ? Jean-Luc Marion voit comme tous les Pères mystiques que la révélation de Dieu sature et submerge de son déluge intuitif tout regard intentionnel qui cherche à la maîtriser, puisqu’elle supporte en elle cette démesure qui

« est la mesure de son propre excès »81 et « se déploie dans la tonalité atone de l’éblouissement »82. Parler donc d’une « non-expérience » qui œuvre au sein de toute

79 J.-L. MARION, « La banalité de la saturation », In Le visible et le révélé, Paris, Cerf, 2005, p. 170.

80 Grégoire de Nysse, La vie de Moïse, Paris, Cerf, 1968, p. 213.

81 J.-L. MARION, « La banalité de la saturation », Op. cit., p. 176.

82 J.-L. MARION, « Métaphysique et phénoménologie », In Le visible et le révélé, Op. cit., p. 95.

expérience qui cherche Dieu dans la nuit de sa révélation invisible, c’est parler de cette épreuve intérieure qui est saturée par ce qui la rend possible, puisqu’elle est cette épreuve qui est donnée nécessairement à elle-même en Dieu.

Nos Pères spirituels ont déjà expérimenté une voie intérieure qui effectue en eux la vérité qu’ils ont cherchée. Mais cette voie demeure indescriptible par des mots, parce qu’elle ne fait que révéler l’excès de toute révélation sur elle-même. Elle est en elle-même une non-révélation et ne peut être saisie que par le sentir du cœur. Seul le sentir intérieur du cœur connaît Dieu, là où Dieu se retire dans l’invisibilité de son essence immanente.

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