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Chapitre 1/ L’Efficience Economique et le Droit

Le principe d'efficience économique est un principe économique faisant l'objet d'une définition tryptique par les économistes (1), et se traduisant, chez les juristes, par des règles juridiques de décisions différentes selon les acceptions (2).

1. Efficience(s) économique(s)

L'efficience économique est communément abordée en mettant en exergue trois types d’efficiences inhérentes à la définition de ce que l'on appelle «le principe d'efficience économique». C'est trois types sont l'efficience allocative, l'efficience productive, et l'efficience dynamique.

L’efficience allocative est atteinte lorsque l’équilibre trouvé, en considérant les contraintes, est la meilleure alternative sur le marché, c’est-à-dire que c’est l’alternative minimisant les coûts de transactions entre acteurs et corrélativement maximisant le surplus social. Le surplus total se compose du surplus du consommateur (la différence entre la disposition à acheter et le prix

réellement payé) et du surplus du producteur (la différence entre la disposition à vendre et le prix de vente).

L’efficience productive signifie que l’équilibre atteint rend impossible de produire la même quantité d’outputs si les inputs sont réduits, et corrélativement la situation dans laquelle il est impossible de produire davantage avec la même quantité d’inputs.

L’efficience dynamique, enfin, fait référence aux considérations de bien-être social futur envisagées dans l’appréciation de l’efficience économique17. L’efficience dynamique se préoccupe

de l’optimalité des incitations de telle façon que, subséquemment, la solution maximisant l’utilisation des ressources disponibles est recherchée sur le long terme (par exemple, l’efficience des monopoles dans le contentieux de la propriété intellectuelle, ces derniers permettant d’optimiser les investissements et l’innovation).

Le principe d’efficience économique appliqué au droit signifie plus généralement que le droit devrait s’assurer que les biens et services se retrouvent chez ceux qui les valorisent le plus, devrait minimiser les coûts sociaux supportés du fait des coûts de transactions entendus au sens large, et devrait minimiser les coûts d’incitations (dissuasions inefficientes) afin que les investissements et l’innovation soient portés à un niveau optimal.

Le principe d’efficience économique implique souvent d’entreprendre une analyse coûts- bénéfices qui peut être appréhendée comme déduite de l’approche philosophique désignée comme la « rationalité des moyens et des fins » (Posner 2000 : 105). L’analyse coûts-bénéfices signifie que,

17 L’inclusion de la dimension dynamique au principe d’efficience économique est fondamental et a été souligné notamment par l’analyse économique dite évolutionnaire. L’évolution de l’économie est envisagée avec la temporalité comme notion-clé plutôt que l’approche statique de l’économie. Schumpter fut l’un des premiers à prendre en compte cette notion d’efficience dynamique, ce qui le rend proche de l’analyse économique évolutioniste. Sur cette parenté, voir notamment Fagerberg (2003), et plus généralement Nelson et Winter (1982). Dans le domaine de la concurrence, voir Blaug (2001).

étant donné les conséquences attendues des différentes alternatives envisageables (d’où le conséquentialisme de l’analyse coût-bénéfices18), les bénéfices cumulés attendus d’un projet sont

plus importants que ses coûts estimés ; et que les bénéfices nets cumulés sont comparativement maximisés par rapport aux autres projets envisagés. La perte des perdants est compensée par les gains des gagnants, ainsi, les gagnants doivent gagner plus que ce que les perdants perdent.

A la différence du principe d'efficience économique, le principe d’effectivité peut être décrit comme étant le premier prérequis pour atteindre l’efficience économique dans le droit19. Il

peut difficilement être pensé une norme juridique qui serait dite être efficiente sans que celle-ci soit effective. L’effectivité de la jurisprudence est rationnelle d’un point de vue économique car l’effectivité minimise les coûts de transactions selon une perspective procédurale tout en maximisant les retours attendus de la norme juridique établie. Une décision judiciaire dite effective réduit les coûts de litiges et les coûts administratifs car les individus ne sont pas contraints à chercher l’application du droit en supportant davantage de coûts de litiges et administratifs. Ainsi, une décision judiciaire effective a l’avantage de multiplier l’applicabilité de la norme juridique à un nombre important de situations et ce, sans que des coûts de transaction additionnels ne soient supportés. Par conséquent, une norme efficiente est a fortiori effective. Cependant, une norme

18 Sen 2002 : 559

19 Nous distinguerons le principe d'efficacité économique dans le droit de l'effectivité du droit ou « effet utile ». Voir Lecourt (1976 : 236-240). Le principe d'effectivité est un principe général du droit européen (Affaires jointes C-46 et C-48/93 Brasserie

du Pêcheur et Factortame, I-1029) et a été déduit de l'article 10 TCE instaurant une nécessaire coopération entre juridictions

nationales et européennes. Audacieusement, la CJCE a lié l'exigence d'effectivité au principe d'équivalence entre les mesures décidées par les juges nationaux dans leur application du droit national et celles décidées dans leur application du droit européen (C-33/76 (1976) Rewe c/ Landwirtschaftskammer für das Saarland, 1989 ; C-45/76 (1976) Comet c/ Productschap voor

Siergewassen, 2043). L'effectivité d'une règle de droit est la condition nécessaire mais non suffisante à son efficience

effective n’est pas systématiquement efficiente20. Dès lors, le principe d’effectivité sera étudié

comme la condition nécessaire mais non suffisante à l’efficience d’une norme juridique.

Après ces définitions des différentes perspectives économiques de l'efficience économique, il convient de préciser les outils de mesure de l'efficience économique dans les règles juridiques.

2. Efficience économique et règles de décisions

A la subjectivité des principes juridiques et autres objectifs politiques21 s’oppose

l’objectivité (relative) du principe d’efficience économique. L’efficience économique recoupe différents critères mais parmi lesquels nous en retiendrons un seul comme pertinent à notre analyse économique du droit comme nous allons voir.

20 Le principe d'effectivité de la règle de droit est un de ces principes dont la CJCE fait usage par références explicites (contrairement au principe d'efficience économique qui nous intéresse plus particulièrement). Par exemple, la CJCE a pu formuler l'exigence d'effectivité des pénalités imposées lorsqu'une violation du droit européen est constatée par les juges nationaux. Audacieusement, la CJCE a lié l'exigence d'effectivité desdites pénalités au principe d'équivalence, à la fois procédurale et substantielle, avec les pénalités imposées par les juges nationaux lorsque leurs droits nationaux respectifs sont violés (Case C-326/88 [1990] Hansen). Le corrélat entre le principe d'effectivité et le principe d'équivalence des mesures prises lorsque celles-ci concernent à la fois le droit européen et le droit national fait sens car, présumant de la détermination du juge national d'appliquer pleinement le droit national pour lequel il a compétence, le juge européen s'assure, sans augmentation de coûts de supervision quant à l'application effective du droit européen, de l'effectivité de la règle de droit qu'il élabore car l'effectivité du droit européen devient fonction de l'effectivité du droit national, présumée être maximale.

21 Par opposition à l'objectivité juridique supposée du juge. L'objectivité par essence limitée du juge s'entend ici comme l'application d'un raisonnement juridique indépendamment des desiderata des juges (Kramer 2007).