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Si Anneliese Maier ne faisait pas grand cas des mathématiques d’Oresme, trois ouvrages à peu près contemporains vont commencer, dans la suite de Wieleitner, à abstraire le contenu mathématique du DC et à en préciser le rôle dans l’histoire des mathématiques : l’essai de Carl B. Boyer sur l’histoire de l’analyse, The history of the calculus and its conceptual development260, qui consacre un plein

chapitre aux apports médiévaux, et en particulier à la théorie de la « latitude des formes » ; le manuel d’histoire générale des mathématiques de Becker et Hofmann, publié en 1951 et traduit en français en 1956 sous le titre Histoire des mathématiques ; la Geschichte der Mathematik de Joseph Hofmann paru dans les années 1950.

L’étude de Carl Boyer est une étape importante dans l’intégration du DC dans l’histoire générale des mathématiques. D’Oresme lui-même, il ne mentionne dans sa bibliographie que l’Algorismus

proportionum édité par Curtze, et un manuscrit du DLF, traité qu’il attribue plutôt à un élève

d’Oresme et dans lequel il voit une pale imitation du DC, qu’il ne connaît du reste qu’indirectement par les travaux déjà mentionnés de Wieleitner et Pierre Duhem. Il n’a donc pas de donnée supplémentaire à disposition mais, postérieur aux datations proposées par Thorndike, il inverse la

259 „Diese Entdeckung nimmt gewiss nicht die analytische Geometrie Descartes’vorweg, aber in einem andern

Sinn kann man – cum grano salis – sagen, dass sie eine Vorahnung gewisser Ideen des 17. Jahrhunderts enthält, insofern sie nämlich versucht, qualitative Phänomene durch körperliche Gestaltmomente zu erklären.“ Maier,

Das Problem der intensiven Grösse. p.109.

260 Carl Benjamin Boyer, The history of the calculus and its conceptual development: the concepts of the

calculus. New York (N.Y.) : Dover Publications Inc., 1959. L’ouvrage a d’abord été publié sous le titre The concepts of the Calculus, A critical and historical discussion of the derivative and the integral à New York en

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chronologie de Duhem qui faisait de Swineshead une dégénérescence d’Oresme. C’est donc avec Boyer que se fixe l’idée qu’Oresme va essentiellement mettre sous forme géométrique les raisonnements discursifs élaborés par les mathématiciens d’Oxford, incarnés strictement par Swineshead pour Boyer qui n’en mentionne aucun autre (à l’exception de Bradwardine, qui n’est cependant pas directement concerné par la science des latitudes des formes). Ce renversement était du reste plus en accord avec le proemium du DC. Surtout, c’est moins la géométrie analytique cartésienne qui l’intéresse que le calculus newtonien et son application au mouvement. Dans la continuité d’Hugo Dingler, ce sont donc les notions de variation, d’instantanéité et de continuité qui deviennent centrales.

Dans sa recherche des origines de la dérivation et de l’intégration, Boyer reconnaît un rôle important aux « contributions médiévales », c’est-à-dire en fait aux recherches mathématiques relatives à la latitude des formes incarnées par Swineshead puis Oresme : ce sont eux qui auraient introduit l’idée d’étudier « le changement quantitativement », et d’introduire en mathématique « le concept de variation ».261 Il s’agit alors d’un tournant absolument majeur : « En général, les mathématiques

grecques étaient l’étude des formes, non de la variabilité ». Si Boyer pêche de toute évidence par hellénocentrisme, il prend néanmoins la peine d’étendre l’idée aux « hindous » et aux « arabes », qui n’étudieraient selon lui que des constantes, non des variables. C’est donc sur la manière dont se réalise mathématiquement l’intuition supposée de taux de variation (constant ou variable, plus ou moins instantané, etc) qu’il concentre son étude, et c’est à ce titre que la théorie de la latitude des formes, et en particulier celle d’Oresme, joue un rôle majeur. Cette idée avait déjà été formulée par le philosophe allemand Hugo Dingler262 pour lequel Oresme jouait un rôle historique de pivot entre

une science hellène orientée vers l’Etre et la science moderne maitrisant au contraire le Devenir, Oresme étant le premier dans cette perspective à réduire « tous les phénomènes à un flux successif –

formae fluentes – mesuré selon la coordonnée invariante du temps, primum omnium successivorum. »263

L’analyse de Boyer suit des principes empiristes : il suppose l’existence d’une « intuition » vague, en l’occurrence celle du taux de variation, et examine la manière dont le mathématicien essaie de la déterminer, avec plus ou moins de réussite. C’est pourquoi les raisonnements « verbaux » sont une tentative (attempts) pour quantifier la variabilité, au moyen des concepts de latitude uniforme et

261 « This consisted in the idea – often expressed, to be sure, in terms of dialectical rather that mathematical

method – of studying change quantitatively, and thus admitting into mathematics the concept of variation. » Ibid. p.71.

262 Hugo Dingler, Geschichte der Naturphilosophie, Berlin, 1932. Selon Durand, Dingler tenait lui-même cette

thèse générale de Kurd Lasswitz, qu’il expose dans sa Geschichte der Atomistik vom Mittelalter bis Newton, 2 vols, Hamburg et Leipzig, 1890.

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difforme, mais une tentative limitée et absconse qui n’atteint pas la clarté du calcul différentiel. Autrement dit, Swineshead (et Oresme) essaient de faire du calcul différentiel, mais sans y parvenir : le calcul différentiel se réalise lui-même par tâtonnements dans l’histoire. La limite des raisonnements médiévaux, c’est en particulier l’absence de concept de limite, qui empêche une pleine démonstration de ce que Swineshead ou Oresme affirment, par exemple le théorème du degré médian, ou les calculs mobilisant des séries infinies. L’apport spécifique d’Oresme est alors de géométriser les raisonnements de Swineshead : en somme, il en reste au niveau de l’intuition sans parvenir à des concepts aussi clairement définis que l’analyse moderne, mais substitue à l’intuition

physique de Swineshead une intuition géométrique. Pour le dire autrement, leurs raisonnements

sont insuffisants parce qu’ils ne sont pas pleinement symboliques, c’est-à-dire algébriques, et ne sont pas conduits « au moyen de considérations arithmétiques fondées sur le concept de limite ».264.

Boyer ne limite pas pour autant l’apport d’Oresme à l’utilisation de « système de coordonnées » pour l’étude de la variation. Il lui reconnaît également une clarification, sinon une pleine conceptualisation, de notions et d’idées fondamentales de la dynamique. Il a par exemple l’intuition correcte que si l’accélération (velocitatio) est uniforme, alors la vitesse (velocitas) est uniformément difforme ; que la surface de la figure qui représente une variation de vitesse dans le temps représente la distance parcourue par le mobile ; qu’il est possible de représenter une vitesse instantanée, et par conséquent un taux de variation instantané par une ligne. Il reconnaît à Oresme sur ces deux derniers points une primauté historique : ce sont des événements de première

importance dans l’histoire glorieuse du calculus. En revanche, il ne s’agit pas de prémisses d’une

« géométrie analytique », contrairement à ce que soutenait Duhem, puisqu’Oresme n’a pas l’idée d’associer une courbe à une équation.

Ainsi, ce qui vaut maintenant à Oresme son importance n’est plus son éventuelle anticipation de la géométrie analytique, mais sa contribution à la conceptualisation d’une science mathématique du mouvement. S’appuyant sur le texte de Boyer, Melbourne G. Evans fait d’Oresme un médiateur entre Aristote et Newton : alors qu’Aristote rejetait la composition du continu par des indivisibles, Oresme, sans cesser d’être aristotélicien à la lettre, chercha à exprima l’idée de taux de variation instantanée265. Implicitement, Oresme doit donc interpréter la surface sous la ligne de crête comme

la somme de lignes parallèles : il travaille de fait à l’aide d’infiniment petits. Cette même idée qu’Oresme interprète implicitement la surface comme la somme d’une infinité d’indivisibles sera régulièrement reprise pour expliquer sa identification de la surface avec la distance parcourue, dans

264 Boyer, History of the calculus. p.87.

265 Evans, M. G. “Aristotle, Newton, and the Theory of Continuous Magnitude”. Journal of the History of Ideas

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le cas d’une configuration de mouvement, notamment par les historiens qui inscrivent Oresme dans l’histoire du calculus266 : c’est alors la similitude avec une procédure d’intégration, au moins limitée

au cas de l’uniformément difforme, qui est mise en avant.

Becker et Hofmann267 ne consacrent quant à eux que quelques lignes au DC268 qu’ils interprètent

comme « le point culminant » d’une tendance à la quantification, thème qui deviendra particulièrement récurrent dans l’historiographie par la suite.269 A la différence de Maier, qui voit

d’abord dans les figures un mode de clarification et de représentation des variations, Becker et Hofmann insistent plutôt sur leur rôle opératoire comme mode d’addition et de soustraction des qualités « d’une façon purement symbolique ». Ce sont donc avant tout des derniers chapitres de la partie III du traité, ceux qui concernent la mesure des qualités, qui retiennent leur attention. Le lecteur qui ne lit que ne connaît le traité que par ces quelques lignes ignore totalement qu’il y a autre chose dans le traité. Le point qui avait déjà occupé Wieleitner, et indirectement Anneliese Meier, est là encore le point saillant : « Les développements particuliers nous montrent que l’attention principale reste orientée vers la figure et non vers la variation de la fonction ».

Après une première traduction du DC a été établie en russe par Vassili Zoubov en 1958, une étape est franchie en 1959 avec la première publication de la vaste synthèse de Marshall Clagett, The science

of Mechanics in the Middle Ages270. L’historien américain a divisé son ouvrage en trois parties

consacrées à la statique, la cinématique et la dynamique médiévale : il a projeté sur le moyen-âge les catégories modernes. Dans un esprit très comparable à celui de Duhem, il abstrait du DC des passages qui peuvent servir à l’histoire des concepts de la mécanique classique : ce qui n’y sert pas n’est pas mentionné. Aussi publie-t-il de larges extraits traduits en Anglais des sections théoriques de la première et seconde partie, ainsi que certains chapitres de la métrique des qualités. De manière significative, il résume alors ainsi l’objet du DC : « to represent by figures, that is geometrically,

variations in qualities ». Les chapitres sur les pouvoirs des configurations ont disparus, et cette

attitude éminemment sélective de Clagett ne changera pas avec son édition complète du traité quelques années plus tard.

266 Par exemple, en 1979, Edwards, C.H. Jr. The historical development of the calculus, Springer-Verlag, 1979,

p.89.

267 Oskar Becker et Joseph E. Hofmann, Geschichte der Mathematik. Bonn : Athenäum Verlag, 1951; Oskar

Becker, Joseph E. Hofmann, et Georges Bouligand, Histoire des mathématiques, trad. par René Jouan. Paris, 1956.

268 Intitulé De uniformitate et difformitate intensionum. 269 Ibid. p.172-3.

270 Marshall Clagett, The science of mechanics in the Middle Ages. Madison : University of Wisconsin Press,

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Dans la foulée des études mathématiques de Boyer, Becker et Hofmann, l’historien soviétique Youschkevitch va publier en 1963, à son tour, une Geschichte der Mathematik in Mittelalter, où tout un chapitre est consacré à Oresme, et en particulier à la théorie de la latitude des formes.271

encore, les parties mathématiques sont abstraites du reste du traité, et c’est immédiatement la relation entre théorie des configurations et théorie des fonctions qui est interrogée, dans la continuité de Wieleitner, et surtout de Boyer272. Mais Youschkevitch se fait une idée dialectique du

progrès mathématique : il est vain de poser une définition de la fonction comme s’il s’agissait d’une chose en soi transhistorique : c’est la dynamique du mouvement qui engendre l’idée de fonction, les « étapes de son devenir » qu’il faut saisir, comme il l’exprime dans un article postérieur de 1968. Le principal intérêt de la théorie d’Oresme, c’est donc que s’y trouve en germe l’idée de fonction et de sa représentation géométrique, bien qu’il faille attendre le XVIIe siècle pour que le concept en soit déterminé, et les méthodes d’analyse précisées.

Néanmoins, Youschkevitch est peut-être le premier à véritablement lire le contenu des parties mathématiques dans leur singularité. Il remarque par exemple qu’Oresme propose de rassembler en une même figure la variation de la vélocité selon la durée du mouvement et selon son sujet, et s’étonne qu’Oresme propose ainsi l’étude d’une quasi-fonction à deux variables, sans pour autant l’élaborer. Il décrit précisément la classification qu’Oresme élabore des qualités linéaires, et complète son exposé par une description des deux questions des QSGE, en particulier sa démonstration de la divergence d’une série harmonique. Il renoue avec l’enthousiasme de Duhem en estimant qu’Oresme se trouve « au seuil de la géométrie analytique de Descartes et Fermat, de la dynamique de Galilée, et de la géométrie des indivisibles de Cavalieri. »273 C’est du reste une

caractéristique de Juschkewitsch de ne pas hésiter à rapprocher les travaux médiévaux de ceux du XVIIe siècle : il insiste en particulier non seulement sur l’usage du mot fluxus par Swineshead (mais aussi par Oresme), qui caractérise évidemment la méthode des fluxions de Newton, mais sur la similarité de certaines définitions de Heytesbury avec celles de Newton ou de Maclaurin, en particulier celle de vitesse instantanée. Il n’a aucun doute, en fait, sur leur connaissance directe de Swineshead (a minima).274

Plus que Boyer, Youschkevitch distingue nettement la richesse d’une pensée et les limites de son expression. Sa conclusion sur la théorie générale de la latitude des formes (au-delà d’Oresme) lui est nettement favorable, et ce n’est pas tant les lacunes qu’il retient, que les perspectives ouvertes par

271 A.P.Youschkevitch, Geschichte der Mathematik im Mittelalter, Leipzig, 1963, p.401-412.

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In dieser Lehre liegt der Keim für die Idee des funktionalen Zusammenhanges und seiner graphischen

Darstellung. », Ibid. p.402.

273 Ibid. p.412. 274 Ibid, p.404.

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ces réflexions dont il saisit bien la profondeur : « La doctrine de la latitude des formes illustre le cas d’une théorie dans laquelle sommeillent de riches possibilités qui se sont pourtant figées, parce que d’un côté elle manquait de contact vivant avec la science de la nature, et de l’autre les outils algébriques étaient insuffisamment développés »275. Une meilleure connaissance des chapitres

qu’Oresme consacre à la musique auraient peut-être modéré ce jugement sévère sur l’abstraction radicale supposée de ces recherches.

Dans un article écrit en français et publié en 1968, il reprend dans une perspective plus dialectique la question de la relation entre les figures du DC et l’idée de fonction. Sans présupposer de définition préalable d’une essence supposée éternelle de la « fonction », il propose en quelques lignes d’indiquer les « étapes de son devenir » depuis les grecs (en fait depuis les tablettes mésopotamiennes, mais il limite l’ancienneté des fonctions « zig-zag » à l’époque Séleucide) jusqu’à Euler. Là encore, il en vient à reconnaître le rôle central de la théorie générale de la latitude des formes en lien avec l’analyse cinématique, en ce que la notion de fonction commence à devenir « explicite », notamment par l’introduction de la notion de « grandeur variable sous la forme d’un

fluxus qualitatis, d’un courant quantitatif continu de qualité » devenu inévitable pour l’étude

systématique des mouvements non-uniformes. La vérité de la nature commence à être dite sous la forme de lois fonctionnelles ou quasi fonctionnelles définies « rhétoriquement ». La terminologie qui nait alors est en partie celle que nous utilisons encore. Ces conclusions ne spécifient pas le rôle d’Oresme dans ce mouvement plus général, mais le situe dans le progrès général de la notion de fonction. En revanche, le cas d’Oresme est plus précisément étudié dans la synthèse française des travaux mathématiques d’Oresme qu’il propose en 1983.

Dans les textes précédents, on ne le voit pas se prononcer sur la relation entre Swinehead et Oresme. Il est ici beaucoup plus clair, puisqu’il introduit le traité comme un « développement essentiel » de « la théorie de Swineshead sur l’intensité des formes ». Là encore, la question de la notion de fonction retient son attention, et il estime qu’Oresme a « considéré plus en détail » cette notion que ses contemporains d’Oxford, bien qu’il employé le terme ancien de « rapport » pour désigner « une correspondance entre grandeurs ».276 En revanche, souligne-t-il, la description de ces

« fonctions » est verbale ou simplement géométrique. Plus loin, il souligne encore qu’au centre de la théorie d’Oresme se trouve la notion de « largeur variable », que cette théorie contient des éléments

275 “Die Lehre von der Breite der Formen ist ein Beispiel für eine Theorie, in der reiche Möglichkeiten

schlummern, die jedoch erstarren mußte, weil ihr einerseits ein lebendiger Kontakt mit der Naturwissenschaft fehlte und weil andererseits der (algebraische) Hilfsapparat ungenügend entwickelt war.“ Ibid. p.413.

276 Nous retrouverons plus tard cette même idée – qu’Oresme emploie l’ancien langage des rapports pour

parler de fonction – dans Peter Damerow et al., Exploring the limits of preclassical mechanics: a study of

conceptual development in early modern science : free fall and compounded motion in the work of Descartes, Galileo, and Beeckman. New York : Springer, 2004.

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qui seront plus tard développés dans la théorie des grandeurs variables du XVIIe siècle. Finalement, « les théories d’Oresme contiennent quelques idées profondes, mais l’appareil mathématique disponible pour résoudre les problèmes concrets y est pauvre. De plus cet appareil fonctionnait à vide pour l’analyse d’exemples ingénieux mais artificiels…Oresme n’a absolument pas imaginé l’étude algébrique de courbes qui est cependant le fondement de la géométrie analytique. » Reste qu’il juge indéniable que la théorie d’Oresme a joué un rôle dans la « gestation » des découvertes de Descartes et Fermat, de Galilée et de Cavalieri277, une fois la notion de grandeur variable étroitement

impliquée dans la philosophie naturelle, et formée « l’appareil algébrique ».

Comme on le voit, la singularité de Youschkevitch, c’est de rapprocher la théorie des configurations de celle des indivisibles de Cavalieri.

En 1976, il publie une synthèse sur l’histoire de la notion de fonction qui va faire autorité par la suite, où plusieurs pages sont consacrées à Oresme278. Le point-de-vue qu’il adopte est analogue à celui de

Boyer, de Crombie279 et donc de Dingler : bien que l’antiquité ait étudié différentes fonctions, elle

n’en a pas dégagée l’idée générale, ni celle de quantité variable. Au contraire, la notion de fonction est pour la première fois apparue dans les écoles oxoniennes et parisiennes de philosophie naturelle au XIVe siècle : d’une part, l’étude de la latitude des formes a forgé plusieurs concepts essentiels, la vitesse instantanée ou ponctuelle, l’accélération, la quantité variable ; d’autre part apparaissent des lois quantitatives fonctionnelles pour rendre compte de la nature. Dans cette perspective, le DC est central : la ligne de crête d’une figure définit graphiquement une relation fonctionnelle continue entre une première variable (latitudo) dépendant d’une autre variable indépendante (longitudo). Youschkevitch n’hésite pas à assimiler le couple longitudo/latitudo à un système de coordonnées, ni à identifier comme Duhem la description verbale de la proportion interne caractéristique d’une qualité uniformément difforme (I.11) à l’équation d’une droite. Surtout, il ajoute qu’Oresme avait recours à des considérations infinitésimales, implicitement (dans les notions de vitesse instantanées et d’accélération) et explicitement (les sommations et progressions géométriques des derniers chapitres du DC). Il répète enfin la similitude entre les deux théorèmes géométriques de cinématique d’Oresme (la vitesse moyenne d’un mouvement uniformément difforme (DC.III.7) ; la variation des distances, dans un mouvement uniformément difforme, proportionnelle au carré du temps (QSGE Q.13 et 14)). En revanche, Youschkevitch est à ma connaissance le premier à noter la similitude entre la théorie d’Oresme non seulement avec la géométrie analytique cartésienne, mais surtout avec la

mathesis universalis telle que Descartes la décrit dans ses Regulae, où il suggère d’étudier toute

277 Ibid., p.123.

278 Youschkevitch, A. P. “The concept of function up to the middle of the 19 th century”. Archive for History of

exact Sciences, 16(1), 1976 : 37-85.

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