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416 Dimensio circuli ou De mensura circuli, traduit par Gérard de Crémone. Voir Clagett. Archimedes, vol1,

pp.15-58.

417 Ibid, Addenda, p.720.

418 Ce traité hybride, qui contient des propositions du Des hélices et du De la mesure du cercle, est inséré dans

certaines copies du Quadripartitum numerorum de Jean de Murs.

419 Mais Clagett estime que ce traité est d’origine grecque. Voir Archimède, Vol1, p. 439. L’original grec serait

donc beaucoup plus ancien, puisque Clagett estime qu’il est cité deux fois dans le corpus de Héron, donc le traité serait antérieur au 5e siècle AD. Pour la traduction latine, Clagett semble placer au moins sa révision au

milieu du XIIIe siècle, dans le cercle de Moerbeke. L’ouvrage est connu de Gérard de Bruxelles au milieu du XIIIe, ainsi que par Roger Bacon.

420 Archimedes. p.12, et surtout M. Clagett, “Three notes”, Isis, vol.48 (1957), pp. 182-83. 421 Voir la note de Clagett, 76-77, Archimedes, Vol.1 p.450.

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Les 7 références explicites à Boèce, toutes issues du De institutione musice422, sont toutes placées

dans la section d’acoustique musicale, et concernent toutes directement la théorie musicale : la base physique du son musical, la division du monocorde, les effets des modes musicaux sur l’âme, aussi bien sur sa moralité que sur sa santé. Une référence plus générale à la « musique spéculative » renvoie à son tour immédiatement à Boèce, qui était la base de l’enseignement de cette discipline à la Faculté des Arts. Oresme en reprend le paradigme du fondement mathématique de la beauté comprise comme absolue, reprise qui le place dans la tradition pythagoricienne423. Nous verrons plus

en détail que l’acoustique musicale d’Oresme est très différente du paradigme de Boèce, ne serait-ce que du fait que la musique théorisée par Boèce est monodique, alors que celle étudiée par Oresme est polyphonique. Oresme lui-même se contente de noter une insuffisance de Boèce, qui n’a essayé d’expliquer mathématiquement que les consonances, mais ne s’est pas intéressant aux rapports de puissance sonore. Boèce est le seul théoricien musical explicitement mentionné : l’influence évidente des théoriciens contemporains, en premier lieu Philippe de Vitry424 et Jean de Murs425, n’est donc

qu’implicite.

S’il est important d’insister dès à présent sur ces références à la musique spéculative de Boèce, cela tient au rôle paradigmatique que jouent les traités de Boèce dans le DC. Premièrement, si Oresme s’éloigne de la lettre de Boèce en matière musicale, il en conserve en revanche l’esprit, notamment en refusant de sacrifier le fond mathématique de la beauté musicale aux multiples arrangements acoustiques auxquels le compositeur ou le chantre se livre en pratique. S’il adopte avec enthousiasme les nouveautés musicales de son temps, il réaffirme en revanche la nécessité d’en exposer le fondement mathématique.

Deuxièmement, dans tout le traité, la musique instrumentale sert de modèle sensible pour penser les rapports et surtout les « difformités harmoniques » objectivées dans la nature terrestre et céleste. Cette extension du fondement mathématique de la musical à la totalité de la nature, à la manière d’une théorie subtile et novatrice de la musica mundana, fait de Boèce et de la musique spéculative un paradigme de première importance dans la philosophie naturelle du DC. La musique ne joue à peu près aucun rôle dans la physique aristotélicienne, et elle n’a peu ou prou aucune place dans les

Questiones super Physicam d’Oresme. C’est au contraire une référence constante d’Oresme, y

422 Pour le texte latin et sa traduction française, voir Boèce, Traité de la musique, éd. par Christian Meyer

(Turnhout, Belgique: Brepols, 2004).

423 « Pythagoricien » est une expression problématique. J’entends par là simplement par là qu’Oresme se

rattache à la tradition de Nicomaque de Gérase dans la version de Boèce, tradition couramment rattachée à Pythagore dont l’image est très vive dans les traités musicaux contemporains d’Oresme, selon laquelle les consonances et partant la beauté musicale s’expliquent par des propriétés mathématiques objectives.

424 Philippe de Vitry, Ars nova, éd. par André Gilles, Jean Maillard, et Gilbert Reaney (Roma, Allemagne:

American Institute of musicology, 1964).

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compris là où on l’attend le moins, en particulier ses traités mathématiques l’Algorismus

proportionum et le De commensurabilitate. C’est dans ce dernier traité, dont la dernière partie met

en scène une confrontation dialectique entre Arithmétique et Géométrie, que la polémique avec Boèce est particulièrement évidente : à son harmonie arithmétique, Oresme entend substituer une harmonie géométrique qui, loin d’être réservée à la musique instrumentale, au contraire doit servir de modèle à l’étude des mouvements célestes dont il est plus vraisemblable de penser qu’ils sont pour certains d’entre eux incommensurables.

Enfin, l’influence de l’arithmétique de Boèce dans la théorie géométrique des configurations est évidente : la géométrisation des qualités s’inspire certainement de la géométrisation des nombres, de tradition pythagoricienne, et exposée par Boèce. C’est en effet un paradoxe des mathématiques d’inspiration pythagoricienne que, d’un côté, elles font de l’arithmétique la première des sciences, et de l’autre elles étudient les nombres et les séries en assimilant ces nombres à des figures géométriques en définissant ainsi des nombres carrés, triangulaires, etc. La classification des qualités en triangulaires, rectangulaires ou circulaires ne peut manquer de rappeler cette classification et géométrisation pythagoricienne des nombres. Nous verrons d’autres éléments, dans les méthodes de raisonnement elles-mêmes, qui semblent puiser leur inspiration dans les méthodes d’étude des séries exposées par Boèce.

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