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Perceptions par les différents acteurs

Avant d’entrer dans les descriptions des rôles respectifs joués par les divers acteurs interrogés, commençons par pointer quelques points de vue subjectifs que nous avons perçus dans leurs propos.

Selon le Directeur général de la DGEO, il se pourrait que le programme de formation continue de la HEP-VD soit constitué à partir des inscriptions aux cours proposés, ainsi que des intérêts des formateurs!; l’offre générant la demande davantage que la demande ne générerait l’offre (DGEO, ll.!23-26).

Le Directeur avec lequel nous nous sommes entretenu ne peut pouvait pas dire avec certitude que c’est à la HEP-VD que le programme de formation continue est piloté, il l’imaginait tout au plus (Dir., ll.!46-52).

La SPV a l’impression que la HEP-VD fait relativement cavalier seul pour établir l’offre!: le Président de cette association n’a pas l’impression que la DGEO ait une réelle influence sur l’élaboration du programme de formation continue de la HEP-VD, ni que les Directeurs d’établissement y soient véritablement associés!; et la SPV se perçoit elle-même comme assez dépossédée de l’offre (SPV, ll.!13 et 56-59).

Pour le Président de la SPV, il se pourrait que la réalité de l’offre soit très pragmatique!: qu’elle émane de certains formateurs parvenant à faire inscrire leur thématique dans le programme de formation continue de la HEP-VD!; d’autres formateurs peut-être plus discrets n’y parvenant pas, leur problématique serait dès lors absente de l’offre!; enfin, certaines prestations, peut-être intéressantes à fournir, ne trouveraient d’écho auprès d’aucun formateur de la HEP-VD. Un autre phénomène qui pourrait exister serait qu’une part de l’offre soit générée par quelques formateurs de la HEP-VD dont l’engagement nécessite d’être justifié (SPV, ll.!122-131).

Pour terminer, les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD ne pensent pas que la DGEO ait la volonté d’accroître la centralisation du pilotage de l’offre de formation continue. Ils ont au contraire l’impression que la DGEO cherche à responsabiliser davantage les établissements scolaires ainsi que les Directeurs, dans le sens d’une plus grande autonomie des établissements, également en termes de formation continue (HEP, ll.!428-434).

Certaines de ces opinions pourraient être considérées comme un reflet négatif vis-à-vis de l’IFC de la HEP-VD et de la DGEO, ainsi que du pilotage qui est mené entre les différents acteurs pour constituer l’offre de formation continue. Toutefois, ces perceptions nous paraissent à nuancer et à ne considérer qu’en tant que telles, car nous verrons plus loin que la qualité reconnue par nos interlocuteurs à l’offre de formation continue de la HEP-VD pondère sensiblement ces opinions.

Cependant, ces points de vue nous paraissent mettre en évidence des zones vraisemblablement confuses, dans lesquelles la coordination entre les différents acteurs gagnerait à être clarifiée.

Concernant ces perceptions, retenons simplement qu’elles correspondent à l’avis que nous avons exprimé dans notre première et notre troisième hypothèses spécifiques. Nous y reviendrons de manière plus complète dans la discussion et la vérification que nous ferons de ces hypothèses.

Dispositif de pilotage de l’analyse des besoins

Pour la plupart des acteurs interrogés, c’est essentiellement l’IFC de la HEP-VD qui définit la formation qu’elle veut offrir à travers son catalogue (DGEO, l.!1!; Dir, ll.!46-52!; SPV, ll.!23-24!; HEP, ll.!1-3). Ceci tendrait à corroborer notre première hypothèse, selon laquelle le programme de formation continue de la HEP-VD ne relève pas d’un dispositif visant à l’harmonisation d’une enveloppe professionnelle définie pour le métier d’enseignant à l’école obligatoire, puisque c’est principalement le prestataire de formation lui-même qui définit l’offre de formation continue.

Voyons la description que font chacun de nos interlocuteurs de leur rôle et de son fonctionnement dans le cadre du pilotage de l’analyse des besoins.

Du point de vue de la DGEO

Le Directeur général de la DGEO admet que son service n’est pas le leader pour le domaine de l’offre de formation continue destinée aux enseignants à l’école obligatoire, quand bien même elle représente leur service employeur. Selon lui, ce raisonnement se justifierait en ce sens que la HEP-VD est constituée de manière à transmettre aux enseignants, dans une formation de base, l’ensemble des éléments constitutifs d’une compétence à enseigner. Le travail de l’IFC de la HEP-VD serait dès lors d’extraire de l’ensemble des enseignements de la formation initiale les éléments utiles aux enseignants qui sont déjà dans le système. En identifiant les nouvelles théories et les nouveaux paradigmes du métier, ainsi qu’en isolant les nouvelles manières de faire ou les problèmes nouveaux à résoudre dans l’école qui n’existaient pas auparavant, la HEP-VD intégrerait les évolutions du métier d’enseignant dans la formation de base, et les offrirait en termes de formation continue aux enseignants déjà en fonction (DGEO, ll.!62-74).

Des responsables de la DGEO sont membres de la commission consultative de l’IFC de la HEP-VD et peuvent prendre influence sur l’offre. Historiquement, les représentants de la DGEO à ce conseil ont toujours été des membres de la Direction pédagogique de la DGEO, plutôt que de sa Direction des ressources humaines. Le Directeur général de la DGEO reconnaît que cette situation relève d’un paradoxe (DGEO, ll.!2-3)!:

Je dis paradoxalement, parce qu’en réalité se former de manière continue pour maintenir à niveau ses compétences, ça devrait être plus un problème général RH qu’un problème pédagogique. Mais les choses sont ainsi faites que, c’est probablement historique, que la formation continue a toujours été liée à l’évolution du système pédagogique.

(DGEO, ll.!4-7)

Il arrive que la DGEO mandate la HEP-VD pour mettre sur pied des formations continues!; cela se produit essentiellement lors de l’introduction de nouveaux moyens d’enseignement ou dans le cas de nouvelles exigences sur le poste enseignant.

Pour la DGEO, en tant que futur service employeur des étudiants de la HEP-VD, il est intéressant que ce soit cette Institution qui prodigue ces formations continues, car les formations initiales s’en trouvent également orientées dans le sens d’une culture de l’école qui devient partagée. Toutefois, il peut arriver que la HEP-VD manifeste son désintérêt à proposer cette formation ou à la proposer dans les orientations demandées par la DGEO, auquel cas la DGEO se tournerait vers d’autres prestataires de formation continue (DGEO, ll.!47-54 et 108-115).

Du point de vue du Directeur

Comme nous l’avons signalé, le Directeur que nous avons interrogé ne pouvait pas dire avec certitude que c’était la HEP-VD qui constituait le programme de formation continue, tout au plus il l’imaginait. Il imagine que le pilotage s’effectue en vase relativement clos entre la HEP-VD et la DGEO. Du fait qu’il y a des formations ciblées dans le domaine pédagogique, il imagine et espère que la Direction pédagogique de la DGEO est consultée!; de même que les autres Directions de la DGEO, par exemple celle des ressources humaines pour des formations à composante RH. Il n’a jamais été consulté en tant que Directeur d’établissement dans le but de signaler quels cours il souhaiterait voir apparaître dans le programme de formation continue de la HEP-VD. Toutefois, il ne trouverait pas correct de dire que les Directeurs ne sont pas associés, en ce sens qu’ils ont la possibilité de faire part de leurs demandes de formations négociées pour des cours ne figurant pas ou seulement partiellement dans le programme (Dir., ll!46-48 et!53-63)!:

On n’est pas associés forcément à ce qui figure purement là-dedans, mais on peut alors en tout temps, en tout cas entrer en discussion pour une formation qu’on souhaiterait voir être offerte aux enseignants. (Dir., ll.!63-65)

Du point de vue de la SPV

La SPV fait également partie de la commission consultative de l’IFC de la HEP-VD, au sein de laquelle il ne serait toutefois pas débattu du contenu de l’offre de formation continue elle-même, mais plutôt de ses orientations générales!; par exemple si le type de formations les plus demandées par les enseignants sont en établissement, en groupe, sur les pratiques, etc. Le Président de la SPV reconnaît que cette commission lui a permis d’indiquer certains grands axes identifiés à travers des demandes récurrentes d’enseignants!; par exemple que les enseignants attendent plutôt une formation continue qui puisse trouver son efficacité dans la pratique quotidienne – ce qui ne correspond pas forcément à l’avis du Président de la SPV, qui souhaiterait promouvoir également d’autres formes de formation continue dont nous indiquerons certaines dans le chapitre suivant –, ou en signalant certains intitulés de cours «!un peu ronflants!» qui lui semblaient contreproductifs (SPV, ll.!1-13 et 22).

Du point de vue de la HEP-VD

Les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD mènent leur analyse des besoins de formation à travers des consultations auprès de partenaires variés et à différents échelons, décrits comme des cercles concentriques!:

1. Pour commencer, c’est l’IFC de la HEP-VD qui est l’initiateur des «!opérations catalogue!».

2. Rapidement, une prise de température est effectuée auprès des Unités d’enseignement et de recherche (UER)30 de cette Institution!: de par leur activité, les membres des UER côtoient des enseignants ainsi que des praticiens

formateurs31, ce qui leur procure un avis sur les besoins dans leur domaine!; sur cette base, ils font des propositions de cours qui leur semblent devoir être offerts.

3. La consultation s’élargit encore du fait que les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD rencontrent régulièrement des responsables de la DGEO, notamment de sa Direction pédagogique ainsi que sa Direction des ressources humaines, et avec lesquels ils s’entretiennent sur le thème de la formation continue, entre autres.

4. Ensuite, une commission consultative de l’IFC de la HEP-VD a été créée, composée de représentants des partenaires de l’offre, notamment de la DGEO et d’associations d’enseignants.

5. Les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD rencontrent également régulièrement les représentants de diverses associations d’enseignants, qu’elles soient généralistes ou centrées sur une spécialisation donnée.

6. Puis, les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD ont des liens avec les répondants de formation en établissement32, qui leur font remonter des demandes de formation continue.

7. Enfin, les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD sondent également les tendances romandes à travers des rencontres périodiques avec les responsables de formation continue des autres cantons romands!; et les tendances suisses par la participation aux commissions suisses de formation continue (HEP, ll.!4-18 et 140-144).

Lorsque nous observerons les facteurs d’évolution de l’offre, nous verrons de façon plus approfondie de quelle manière l’analyse des besoins est menée par les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD.

30 Les formateurs de la HEP-VD sont organisés en Unités d’enseignement et de recherche, disposant chacune d’un-e responsable, et à chacune desquelles incombe une dimension de la formation!: soit des didactiques, comme par exemple Français, Mathématiques et sciences de la nature ou encore Langues et cultures!; soit des dimensions transversales telles qu’Interactions sociales, Développement de l’enfant à l’adulte ou encore Enseignement, apprentissage et évaluation (HEP, ll.!322-325).

31 Les praticiens formateurs sont des enseignants ayant suivi une formation complémentaire, et qui assurent l’accompagnement des étudiants en stage professionnel dans leurs activités d’enseignement.

32 Certains établissements ont conservé cette fonction datant de l’époque de la réforme École vaudoise en mutation, durant laquelle chaque établissement scolaire disposait d’un animateur de formation en établissement!; certaines de ces personnes

Par ailleurs, les Responsables de la direction de l’IFC de la HEP-VD voient les rôles respectifs de cet Institut, de la DGEO ainsi que des enseignants évoluer vers une logique de marché. D’une précédente logique «!hiérarchique!» en vertu de laquelle la formation continue venait d’«!en haut!» (HEP, l.!443) et représentait «!l’outil du Département pour faire passer des réformes!» (HEP, l.!448), on serait en train de passer à une logique de professionnels de l’enseignement identifiant eux-mêmes leurs souhaits de développement ou les innovations qu’ils envisagent de mettre en place (HEP, ll.!440-446)!:

On passe vraiment d’une relation où on était très proches des services employeurs […] à une logique où on a un Département qui pilote la ligne établissements scolaires-enseignants, et puis qui fait porter sur les épaules des professionnels la responsabilité de leurs actes!; et du coup nous, on s’adresse à ces mêmes professionnels en leur disant!: «!De quoi est-ce que vous avez besoin pour répondre au mieux aux attentes de votre service!?!» Et donc là, quelque part, nous, on prend une certaine distance vis-à-vis du Département, non pas pour des raisons de désaccord, mais pour privilégier l’axe par les enseignants. Oui, je pense que si on devait regarder historiquement l’évolution de la formation continue, on a un changement assez important, là. (HEP, ll.!446-455)