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L'inhibition chez les enfants d'âge préscolaire

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Master

Reference

L'inhibition chez les enfants d'âge préscolaire

RICHARD, Sylvie Sabine

Abstract

La présente étude a pour premier objectif d'élaborer une batterie de tests évaluant les fonctions exécutives (FE) chez les enfants de 4 à 6 ans, plus particulièrement l'inhibition et la mise à jour en mémoire de travail, permettant à plus long terme leur utilisation auprès de populations à risque de présenter des déficits cognitifs, notamment des enfants souffrant de drépanocytose. Les épreuves d'inhibition, à savoir le Stroop Fruits et le Go/NoGo, ont été réadaptées aux enfants d'âge préscolaire et deux tâches de mise à jour ont été créées, la dernière a toutefois été abandonnée. L'attention sélective a également été étudiée, à l'aide du Corkum, de par son influence sur les FE. En plus de cette élaboration de tâches et de leurs passations auprès d'enfants en bonne santé, l'ultime but de notre recherche a été de décrire les différentes trajectoires développementales de l'inhibition, de l'attention et de la vitesse de traitement (VdT) ainsi que l'influence de ces deux dernières ressources sur l'inhibition.

RICHARD, Sylvie Sabine. L'inhibition chez les enfants d'âge préscolaire. Master : Univ.

Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:22730

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Mémoire de Master en Psychologie du Développement

L’inhibition chez les enfants d’âge préscolaire

Mémoire de Master présenté par Sylvie Richard (richars2@etu.unige.ch)

Directeur de Mémoire : Professeur Claude-Alain Hauert Assistant doctorant : Nicolas Ruffieux

Juin 2011

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Résumé

La présente étude a pour premier objectif d’élaborer une batterie de tests évaluant les fonctions exécutives (FE) chez les enfants de 4 à 6 ans, plus particulièrement l’inhibition et la mise à jour en mémoire de travail, permettant à plus long terme leur utilisation auprès de populations à risque de présenter des déficits cognitifs, notamment des enfants souffrant de drépanocytose. Les épreuves d’inhibition, à savoir le Stroop Fruits et le Go/NoGo, ont été réadaptées aux enfants d’âge préscolaire et deux tâches de mise à jour ont été créées, la dernière a toutefois été abandonnée. L’attention sélective a également été étudiée, à l’aide du Corkum, de par son influence sur les FE.

En plus de cette élaboration de tâches et de leurs passations auprès d’enfants en bonne santé, l’ultime but de notre recherche a été de décrire les différentes trajectoires développementales de l’inhibition, de l’attention et de la vitesse de traitement (VdT) ainsi que l’influence de ces deux dernières ressources sur l’inhibition. Les résultats montrent un effet d’âge pour l’inhibition, la VdT et l’attention, plus marqué entre 5 et 6 ans. Des relations sont présentes entre la VdT ainsi que l’attention et l’inhibition.

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Table des Matières

1. Introduction théorique...1

1.1. Introduction générale ... 1

1.2. Les Fonctions Exécutives (FE)... 2

1.2.1. Le modèle tripartite de Baddeley et Hitch (1974)...3

1.2.2. Le modèle intégratif de Miyake et al. (2000)...4

1.2.3. Développement des FE...5

1.3. Le concept d’inhibition... 7

1.3.1. Tests d’inhibition...9

1.4. Développement de l’inhibition... 13

1.4.1. Du bébé à la période préscolaire...13

1.4.2. Développement de l’enfance à l’âge adulte...17

1.5. Les fonctions attentionnelles ... 18

1.6. Vitesse de traitement / VdT ... 22

1.7. Hypothèses théoriques ... 26

2. Méthode ...28

2.1. Participants ... 28

2.2. Procédure ... 28

2.3. Tests... 29

2.3.1. Stroop Fruits...29

2.3.2. Go/No-Go...31

2.3.3. Tâches de mise à jour en mémoire de travail...32

2.3.4. Corkum...36

2.4. Hypothèses opérationnelles de recherche... 37

3. Résultats ...39

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3.1. Statistiques descriptives... 39

3.1.1. Go/No-Go...39

3.1.2. Stroop Fruits...39

3.1.3. Corkum...46

3.1.4. Vitesse de traitement...48

3.2. Statistiques inférentielles ... 48

3.2.1. Effet de l’âge sur les capacités d’inhibition...49

3.2.2. Effet de l’âge sur la VdT et relation entre VdT et inhibition...50

3.2.3. Effet de l’âge sur l’attention et relation entre attention et inhibition...51

4. Discussion ...53

4.1. Rappel des objectifs de l’étude ... 53

4.2. Rappel des hypothèses théoriques ... 53

4.3. Interprétation des résultats... 54

4.4. Les limites ... 58

5. Conclusion...63

6. Bibliographie ...64

7. Annexes ...70


 


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1. Introduction théorique

1.1. Introduction générale

Dans le cadre de ce travail, nous allons nous intéresser tout particulièrement au développement de l’inhibition chez les enfants âgés de 4 à 6 ans. L’inhibition constitue une des composantes principale des Fonctions Exécutives (FE). A l’heure actuelle, un grand nombre d’études porte un intérêt particulier au domaine des FE chez les enfants. En effet, selon Monette et Bigras (2008), les FE ont très souvent été étudiées dans le contexte de lésions du cortex préfrontal en neuropsychologie. Mais un certain nombre de recherches s’intéresse également au lien entre FE et l’intelligence, le langage, la théorie de l’esprit et la compétence sociale. D’autres études investiguent le rôle des FE dans le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), les troubles envahissants du développement (TED), le trouble des conduites, etc. C’est pourquoi, les FE représentent un sujet d’intérêt privilégié dans le domaine de l’enfance. Ces différentes recherches soulignent

« l’importance des FE dans le développement des problèmes d’ajustement social ou cognitif » (Monette & Bigras, ibid, p. 323). L’inhibition plus spécifiquement contribue, selon Bastin et Deroux (2007), « à de nombreux processus cognitifs tels que le langage, la mémoire ou encore l’attention » (p. 126), d’où l’intérêt que nous portons à cette composante exécutive.

Notre recherche s’inscrit dans le cadre du sujet de thèse de Nicolas Ruffieux concernant les enfants atteints de drépanocytose et souffrant d’AVC silencieux. Les fonctions exécutives sont les fonctions cognitives les plus fréquemment touchées dans cette maladie (Berkelhammer et al., 2007).

Notre étude vise à développer cinq tests mesurant l’inhibition, la mise à jour et l’attention sélective chez les enfants d’âge préscolaire. Actuellement, les cliniciens disposent de peu de tests spécialement conçus, validés et normés pour évaluer les FE des enfants de 4 à 6 ans.

Cette tranche d’âge représente pourtant une période charnière dans le développement des FE (Garon, Bryson & Smith, 2008).

Les principaux buts de notre recherche seront donc les suivants :

En premier lieu, obtenir des données de référence chez les enfants d’âge préscolaire.

Deuxièmement, investiguer la vaste thématique du développement des capacités d’inhibition à l’âge préscolaire, non seulement d’un point de vue théorique en approfondissant la littérature traitant de ce sujet, mais également d’un point de vue empirique en analysant et

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en interprétant les résultats obtenus dans notre échantillon à la lumière de ces mêmes références théoriques.

Pour ce faire, nous commencerons par exposer les concepts théoriques principaux relatifs à notre travail de recherche, soit les FE, l’inhibition, les fonctions attentionnelles et la vitesse de traitement. Nous formulerons ensuite un certain nombre d’hypothèses que nous tenterons d’infirmer ou de confirmer au vu de nos résultats. Enfin, nous présenterons quelques limites et points forts.

1.2. Les Fonctions Exécutives (FE)

Les FE seraient des processus de contrôle de la cognition lors de la résolution de problèmes complexes ou nouveaux. Il s’agit, selon Zesiger (2009), d’une notion apparue relativement récemment en neuropsychologie. Elle a remplacé le concept de fonctions frontales qui a été sujet à de nombreuses critiques. En effet, selon Zesiger (ibid), « la référence directe à des structures cérébrales pour définir des fonctions cognitives ne paraissait pas satisfaisante, d’autant plus que les réseaux sous-tendant ces fonctions se sont révélés plus largement distribués dans le cerveau » (p. 332). Afin de mieux cerner ce que sont réellement les FE, nous proposons la définition suivante.

Selon Seron, Van der Linden et Andrès (1999), les fonctions exécutives consistent en « un ensemble de processus dont la fonction principale est de faciliter l’adaptation du sujet à des situations nouvelles, notamment lorsque les routines d’actions, c’est-à-dire des habiletés cognitives surapprises, ne peuvent suffire ». Selon Chevalier (2010), les FE joueraient dès lors un rôle « régulateur » dans la cognition. Il distingue deux types de processus : les processus exécutifs et les processus contrôlés.

Les processus exécutifs vont permettre au sujet de « gérer la mise en place, l’exécution et le retrait des processus spécifiques à une activité donnée et de sélectionner les informations sur lesquelles les appliquer ».

Les processus contrôlés sont, quant à eux, plus spécifiques aux tâches à réaliser, ils sont plus ou moins automatisés et nécessitent de ce fait des degrés variables de contrôle.

Pour l’auteur, la fonction principale des processus exécutifs est de contrôler « l’attention » (p. 150).

L’auteur considère que les FE constituent la partie de la mémoire de travail ou MDT qui a pour fonction de contrôler les informations contenues dans le focus attentionnel et les traitements réalisés sur celles-ci. Il souligne l’importance des caractéristiques situationnelles,

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car les ressources attentionnelles requises par ces traitements vont varier en fonction des situations. Les FE sont d’ailleurs particulièrement impliquées dans les situations conflictuelles. Les situations conflictuelles émergent lorsque « plusieurs informations, conduisant à des réponses différentes, interfèrent les unes avec les autres » (Chevalier, ibid, p. 151). En d’autres termes, « plus les informations sont saillantes et plus les traitements à réaliser sont automatisés, moins le niveau de contrôle exécutif requis est élevé » (p. 151).

A l’heure actuelle, on considère que l’inhibition, la flexibilité et la mise à jour sont les principales composantes des FE. Nous les définirons plus loin dans le modèle intégratif de Miyake et al. (2000). Dans les premiers modèles des FE, ces composantes étaient représentées dans un seul module de traitement de l’information comme « le système attentionnel superviseur » du modèle de Norman et Shallice (1986) ou « l’exécutif central » de Baddeley et Hitch (1974).

1.2.1. Le modèle tripartite de Baddeley et Hitch (1974)

Les auteurs ont conçu un modèle tripartite de la mémoire de travail avec un composant central, dénommé « l’exécutif central » ou « administrateur central ». La mémoire de travail fonctionne comme « un système de capacité limitée capable de stocker mais aussi de manipuler les informations, permettant ainsi l’accomplissement de tâches cognitives comme le raisonnement, la compréhension, la résolution de problèmes grâce au maintien et à la disponibilité temporaires des informations » (Gil, 2006, p. 175). Il s’agirait d’une « mémoire tampon » qui permettrait l’allocation des ressources attentionnelles, supervisée par un système de contrôle de l’attention dénommé « administrateur central ».

L’« administrateur central » coordonne deux systèmes esclaves, l’un permettant de stocker temporairement des informations verbales, « la boucle phonologique », l’autre de nature visuo-spatiale, « le calepin visuo-spatial », permet « le maintien temporaire des informations visuelles et des informations spatiales » (Gil, ibid, p. 175). Selon Baddeley (2003), les prérogatives de l’administrateur central seraient notamment « de focaliser, de diviser et de basculer l’attention » (p. 835), faisant ainsi de ce dernier le siège du contrôle exécutif.

Ces premières propositions théoriques concernant les FE ont un caractère unitaire, elles vont progressivement céder la place à des modèles en faveur d’une décomposition en sous- systèmes partiellement autonomes. C’est notamment ce que Miyake et collaborateurs ont proposé dans leur modèle intégratif des FE.

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1.2.2. Le modèle intégratif de Miyake et al. (2000)

Ce n’est que plus tard qu’un nouveau courant a tenté de démontrer que ces FE étaient dissociables. Ce courant s’est appuyé sur les études factorielles (Monnette & Bigras, 2008).

Plusieurs modèles ont ainsi pu mettre en évidence différents construits.

C’est notamment le cas du modèle intégratif de Miyake, Friedman, Emerson, Witzki et Howerter (2000). Selon les auteurs, les FE sont organisées hiérarchiquement et sont conceptualisées comme étant à la fois un construit unitaire et un ensemble de composantes dissociables les unes des autres. Ils ont administré une batterie de tests mesurant l’inhibition, la flexibilité et la mémoire de travail à de jeunes adultes. Ils ont utilisé l’analyse factorielle confirmatoire pour tester différents modèles. Ce qui leur a permis de mettre en évidence trois facteurs à la fois distincts et modérément corrélés entre eux ; l’inhibition, la flexibilité et la mise à jour (updating). Monette et Bigras (ibid) ont proposé une définition pour chacun des construits :

La flexibilité : « La flexibilité correspond à la capacité d’alterner dynamiquement entre différentes tâches, différentes opérations ou différents registres mentaux » (p. 325) ;

La mise à jour : « La mise à jour est un terme utilisé par Miyake et al. (2000) et ce processus consiste à conserver l’information en mémoire à court terme visuelle ou auditive, à éliminer l’information non pertinente et à effectuer des transformations sur cette information » (p.

325). Le terme « manipulation mentale » est également utilisé. Les tests de mise à jour comprennent, entre autres, les tâches d’empan à rebours, le N-Back, etc. ;

L’inhibition : « l’inhibition est la capacité de retenir de façon délibérée une réponse prépondérante, activée, dominante, saillante, automatique, surapprise ou une réponse en cours et le contrôle de l’interférence » (p. 324).

A l’heure actuelle, on considère que ces trois construits sont les principales composantes des FE. Toutefois, Monette et Bigras (ibid) ajoutent à cette liste d’autres fonctions, telles que la planification ou la fluidité.

Miyake et al. (2000) ont également mis en évidence l’existence d’un mécanisme commun aux FE qui se caractériserait par un système central inhibiteur ou par l’attention. Les auteurs insistent sur le rôle clé de l’attention dans le développement des FE. En effet, selon Garon et al. (2008), plusieurs études concernant le développement précoce des FE indiquent que la maturation de la capacité attentionnelle forme une fondation pour le développement des FE

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au cours de la période préscolaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous investiguons également le lien entre capacités attentionnelles et inhibition dans notre recherche.

Selon Garon et al. (ibid), ce modèle de Miyake et al. est abondamment cité et est considéré comme une intégration des modèles unitaires et des modèles fractionnés des FE. C’est pour cela qu’au cours de ce travail nous ferons surtout référence aux composantes mises en évidence par Miyake et al. (2000). Toutefois, nous nous centrerons plus spécifiquement sur l’une d’entre elle, l’inhibition.

1.2.3. Développement des FE

La question du développement des FE reste encore, à l’heure actuelle, largement débattue.

Il est non seulement difficile d’identifier les composants exécutifs de base, mais il est encore bien davantage de spécifier leur trajectoire développementale. Toutefois, deux conceptions s’opposent.

La première conception considère que le développement des FE semble intrinsèquement lié à la maturation du cortex préfrontal (CPF). Il semble de plus lié à d’autres structures, telles que le cortex pariétal supérieur (Crone, Wendelken, Donohue, Van Leijenhorst & Bunge, 2006, cités par Chevalier, 2010) et les ganglions de la base (Heyder, Suchan & Daum, 2004, cités par Chevalier, ibid). Le rythme de maturation du CPF est particulièrement intense de 2 à 6 ans (Kagan & Baird, 2004, cités par Chevalier, ibid). Ce qui expliquerait les progrès soutenus au niveau du développement des FE durant la période préscolaire. Selon Crone (2009), après cette période, les progrès semblent moins importants, en particulier pour la fonction d’inhibition, mais ils se poursuivent à un rythme relativement régulier.

D’autres données neurophysiologiques relèvent que les structures pré-frontales et les réseaux qui y sont liés se développent en différents stades. Le premier irait de la naissance à 6 ans et le second de 8 à 16 ans (Thatcher, 1991, cité par Zesiger, 2009).

La seconde conception considère que « les FE seraient recrutées chaque fois que l’enfant apprend une nouvelle habileté. Celle-ci étant par définition coûteuse en ressources cognitives puisque non automatisée, elle nécessiterait la mise en œuvre de processus en mémoire de travail et d’inhibition par exemple » (Zesiger, ibid, p. 334).

Diverses propositions théoriques ont été avancées en faveur de l’existence de grands stades de développement des FE chez les enfants d’âge préscolaire. Garon et al. (2008) ont effectué une revue des différentes études portant sur les FE chez les enfants d’âge

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préscolaire, leur revue suggère que les aptitudes qui sous-tendent les FE se développent hiérarchiquement avec deux grands stades de développement. Avant 3 ans, ce sont des aptitudes basiques pour les FE qui émergent. Après 3 ans, c’est une période intégrative dans laquelle les aptitudes basiques se coordonnent. Garon et al. (2008) ainsi que d’autres auteurs soulignent clairement que la période entre 3 et 5 ans est très importante pour le développement des FE. Ils précisent que la littérature indique qu’il y a des améliorations liées à l’âge dans les trois composantes des FE au cours de cette période. Nous ne détaillerons pas ici le contenu de ces études pour les trois composants des FE, par contre, nous le ferons plus loin dans notre section dévolue au développement plus spécifique de l’inhibition.

Concernant plus précisément l’évolution conjointe de la MDT et de l’inhibition, les études menées chez les enfants d’âge préscolaire montrent que les épreuves évaluant l’inhibition et le maintien actif en mémoire de travail saturent un seul et même facteur, ce qui suggère que ces deux fonctions exécutives ne sont pas différentiables durant cette période du développement, en particulier à 3 ans (Wiebe, Espy & Charak, 2008, cités par Chevalier, 2010). En revanche, dès l’âge de 7 ans, on observe une certaine division des fonctions d’inhibition, de mise à jour de la MDT et de la flexibilité (Huizinga et al., 2006 ; Lehto et al., 2003 ; Miyake et al., 2000, cités par Chevalier, ibid). En d’autres termes, il semblerait que les FE se dissocient progressivement au cours de l’enfance.

Une autre conception du développement des FE a été exposée par Zelazo, Müller, Frye et Marcovitch (2003). Ils ont proposé l’idée de la « théorie de la complexité et du contrôle cognitif ». Dans cette théorie, les auteurs présentent un modèle qui repose sur la conception que le développement des FE se traduirait par une amélioration progressive des capacités à formuler et à utiliser des règles de plus en plus complexes permettant de contrôler le comportement. Pour ce faire, ils ont utilisé l’épreuve du « Dimensional Change Card Sort » dit DCCS. L’épreuve est constituée de cartes ayant deux dimensions, la forme et la couleur (cf. figure 1). Les enfants doivent alors trier ces cartes en fonction soit des couleurs, soit de la forme. Au cours de la première partie, on demande à l’enfant de trier en fonction d’une dimension (couleur), puis dans la seconde partie on lui demande de trier les cartes selon la dimension complémentaire (forme). Les résultats montrent une augmentation progressive des capacités de l’enfant. A 2 ans, les enfants utilisent une règle simple (« si rouge … là »), par contre ils n’arrivent pas à combiner cette règle avec la règle complémentaire (« si bleu…ici »). A 3-4 ans, les enfants réussissent le premier classement sans erreur, mais lorsque l’on change de jeu (jeu des formes), ils ne parviennent pas à trier les cartes en fonction de cette nouvelle règle. Les enfants n’auraient pas les habiletés nécessaires pour

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intégrer ces deux types de règles en une « méta-règle » qui articulerait toutes les règles (par exemple, « pour le jeu des couleurs, bleu…là et rouge…là ; pour le jeu des formes, lapin…ici et bateau… là »).

Figure 1 : Illustration schématique de l’épreuve du DCCS tirée de Chevalier et Blaye (2006). Les flèches noires indiquent les tris corrects dans le « jeu de la couleur » tandis que les flèches grises représentent les

tris corrects dans le « jeu de la forme ». Le gris indique la couleur bleu. Le blanc indique la couleur rouge.

Cette capacité apparaîtrait vers 4 ans. Pour les auteurs, au cours du développement, plusieurs transitions de cet ordre seraient réalisées, chacune de ces transitions permettraient d’atteindre un nouveau niveau hiérarchique. Cette amélioration des performances avec l’âge correspondrait à une augmentation des capacités de métacognition et de réflexion, qui mènerait à un contrôle augmenté de la pensée et de l’action. Ce type d’épreuve ferait appel aux capacités d’inhibition, de mémoire de travail. Par conséquent, leur développement respectif déterminerait les performances des enfants.

1.3. Le concept d’inhibition

L’inhibition est un concept très répandu en psychologie cognitive. Toutefois, selon Chevalier (2010), un tel succès conduit immanquablement à de multiples conceptions de l’inhibition et souvent seule une définition réductrice est admise. Ainsi, on définit cette notion comme « un processus qui permet de bloquer ou de supprimer des informations ou des réponses non pertinentes pour l’objectif à atteindre » (Simpson & Riggs, 2007, cités par Chevalier, ibid).

Censabella (2007) considère que l’inhibition est un concept non unitaire. En effet, plusieurs études ont tenté de proposer différents processus d’inhibition, notamment Carlson et Moses (2001) qui distinguent deux types d’inhibition. Selon les auteurs, il existerait deux facteurs,

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soit « delay ou la capacité de tolérer un délai avant de recevoir un renforcement et conflict ou conflit cognitif, comme on l’évalue dans le Test Stroop » (Monette & Bigras, 2008, p. 324). Il est également important de faire la distinction entre l’inhibition comportementale qui se caractérise par « le contrôle intentionnel du comportement overt, l’inhibition motrice » et l’inhibition cognitive qui se caractérise par « le contrôle intentionnel ou non-intentionnel des contenus ou processus mentaux » (Harnishfeger, 1995, cité par Barral, De Pretto, Debû &

Hauert, 2010, p. 56).

Friedman et Miyake (2004) ont quant à eux distingué 3 types d’inhibition :

1. « La résistance à l’interférence provoquée par des distracteurs » ou « filtrage » (précoce) qui consiste à bloquer les informations avant qu’elles n’entrent en mémoire de travail. Ce type d’inhibition permet de protéger les informations pertinentes contenues en MDT (Chevalier, 2010). Ce concept est très proche de la notion d’attention sélective.

2. « L’inhibition de réponses prépondérantes » ou « inhibition comportementale » servirait à bloquer des réponses automatiques activées de manière exogène par des caractéristiques de l’environnement. Les tâches de Stroop (Stroop, 1935), de Stop-Signal (Logan, 1994) et d’Antisaccade (Hallett, 1978) sont souvent utilisées pour ce type d’inhibition.

3. « La résistance à l’interférence proactive » ou « inhibition conceptuelle », selon Chevalier (ibid), consiste en la suppression en MDT des informations non pertinentes ou qui ne le sont plus afin de mettre à jour la MDT et bloquer les informations initialement pertinentes dans les situations qui requièrent de la flexibilité. C’est ce type d’inhibition qui pourrait constituer le socle exécutif commun aux trois grandes fonctions (Miyake et al., 2000).

Selon Chevalier (ibid), les travaux actuels concernant les FE chez l’enfant se sont surtout centrés sur la notion d’ « inhibition de réponses prépondérantes ».

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Mais plus spécifiquement chez l’enfant d’âge préscolaire, Dempster (1993, cité par Pennequin, Nanty & Khomsi, 2004), a proposé un modèle concernant le développement des capacités de l’enfant à résister à l’interférence. Il fait une distinction entre trois formes d’interférence :

L’interférence de forme motrice qui est liée à l’aptitude à résister à la répétition d’un acte moteur qui devient non-approprié (tâche Go/No-Go ou Stop Signal).

L’interférence de forme perceptive est définie comme étant la capacité à résister à la distraction engendrée par des stimuli visuels saillants (tâches d’attention sélective).

L’interférence provenant de la composante linguistique de la tâche, plus spécifiquement lorsque la lecture des stimuli interfère avec la réponse correcte (tâche de Stroop, la lecture d’un mot de couleur interfère avec la dénomination de la couleur de l’encre) (p. 205).

Selon Dempster (1993), ces trois formes de résistance à l’interférence ne se développent pas au même rythme. De la naissance jusqu’à l’âge de 2 ans, l’enfant serait sensible à l’interférence motrice. Après 2 ans, on observe une diminution de la sensibilité à ce type d’interférence qui est accompagnée d’une augmentation de la sensibilité à l’interférence perceptive. Vers 6 ans, l’enfant devient plus sensible à l’interférence linguistique. Enfin, à partir de 8 ans, l’enfant devient de moins en moins sensible aux trois formes d’interférence.

Plusieurs auteurs ont ainsi pu mettre en évidence que la capacité à résister aux interférences augmente, lors du développement (Enns & Cameron, 1987 ; Howe & Pasnak, 1993 ; cités par Pennequin et al., ibid).

1.3.1. Tests d’inhibition

A l’heure actuelle, il existe peu de mesures pour évaluer les capacités exécutives et, par conséquent, les capacités d’inhibition chez les enfants de moins de 6 ans et il en existe encore moins pour les enfants de moins de 3 ans. Welsh, Pennington, Rouse, Ozonoff et McCabe (1990) ont fourni les premiers exemples dans la littérature neuropsychologique pédiatrique de tâches développementales adaptées aux populations cliniques préscolaires et plus particulièrement dans ce cas avec des enfants souffrant de phénylcétonurie. Il est pourtant indispensable de pouvoir mettre au point des outils d’évaluation particulièrement pour les jeunes enfants. L’objectif majeur est de pouvoir évaluer les habiletés exécutives

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avant l’entrée à l’école. Une intervention précoce pourrait réduire l’impact des déficits exécutifs particuliers au niveau scolaire, social et psychologique.

En ce qui concerne plus spécifiquement les tests évaluant les capacités d’inhibition chez les enfants d’âge préscolaire, Monette et Bigras (2008) établissent une distinction entre les tests d’inhibition « chaude » et « froide ». Les premiers tests se réfèrent « aux processus de contrôle lors de la prise de décision ayant un enjeu affectif ou motivationnel » (p. 324). Les seconds tests seraient liés à « la résolution de problèmes complexes ou nouveaux, sans charge affective ou motivationnelle » (p. 324).

Dans les tests d’inhibition « chaude », l’enfant ne doit pas réaliser une action ou doit se conformer à l’imposition d’un délai. Si l’enfant ne respecte pas la consigne, il a droit à une sanction immédiate. Dans ce type de tests, l’enfant retire un avantage ou un renforçateur contrairement aux tests d’inhibition « froide ». Par exemple, dans la tâche « Délai gratifié » l’enfant doit résister à la tentation de s’emparer d’une friandise à sa portée et l’on mesure le temps nécessaire pour que l’enfant s’en empare. Dans l’épreuve « Jouet interdit », l’examinateur demande à l’enfant de ne pas toucher à un objet attrayant pendant un certain temps. Selon Monette et Bigras (ibid), ces tests ont tendance à corréler entre eux et à corréler avec les tests d’inhibition froide. De plus, ces épreuves ont aussi moins tendance à corréler avec le fonctionnement cognitif général que les tests d’inhibition « froide », ce qui met encore en évidence la distinction à réaliser entre ces deux concepts.

Les tests d’inhibition « froide » contrôlent l’émission d’une réponse dominante. Par exemple, dans le test « Jour/Nuit », où l’enfant doit dire « nuit » en présence d’une carte représentant un soleil et « jour » sur présentation d’une carte représentant une lune.

C’est dans cette catégorie de tests que l’on retrouve le plus grand nombre de tests connus et utilisés à la période préscolaire.

Les tests les plus étudiés sont surtout les tests de type « Jour/Nuit », « Go/No-go » et les tests de performance continue « où le participant doit rapidement répondre à un stimulus (go), et ne pas répondre à un autre stimulus (no-go). Le stimulus go est toujours présenté plus souvent que le stimulus no-go, afin que la réponse motrice soit dominante » (Monette &

Bigras, ibid, p. 324). Ces tests sont sensibles à l’âge et démontrent de bons indices de fidélité. Ils ont aussi l’avantage de donner un score continu et plafonnent à un âge plus avancé que 4 ans. Schirlin (2001, cité par Mazeau, 2008) a d’ailleurs utilisé ce type d’épreuve (Go/No-Go) dans une étude portant sur 96 enfants de 3,5 ans à 6,5 ans. L’enfant devait taper en condition « Go » lorsqu’on lui présentait une carte bleue et ne pas taper en

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condition « No-Go » lorsqu’on lui présentait une carte rose ; il y avait 16 essais (8 en condition « Go », 8 en condition « No-Go »). L’auteur relève que les enfants de 3,5 ans à 4,5 ans produisent en moyenne 12 réussites sur 16 essais. De 4,5 ans à 5,5 ans, les enfants produisent 15 réponses correctes sur 16 essais. Et de 5,5 ans à 6,5 ans le taux de réussite est de 100%. On observe donc de nets progrès avec l’âge à ce type d’épreuve. Toutefois, Levin et al. (1991) suggèrent que c’est surtout entre 7 et 9 ans que les plus grands progrès sont réalisés par les enfants pour ce type de tâche.

Les tests de « contrôle de l’interférence », de type « conflit cognitif » font également partie des tests d’inhibition « froide », notamment le test à effet Stroop, dans lequel le sujet doit nommer la couleur de l’encre d’une série de mots désignant des couleurs. Archibald et Kerns (1999) ont modifié et administré deux tests de type Stroop à des enfants de 7 à 12 ans, le Stroop « Soleil-Lune » adapté du Stroop « Jour-Nuit » de Gerstadt, Hong et Diamond (1993) et le Stroop « Fruit » adapté de la version de Santostefano (1988). Archibald et Kerns (1999) ont voulu obtenir des données normatives à partir de tests qui ne nécessitent pas de bonnes compétences en lecture. En effet, les auteurs partent du principe que les performances au traditionnel test Stroop sont sensiblement influencées par les aptitudes en lecture et, de ce fait, une telle tâche ne permettrait pas de mesurer précisément les capacités inhibitrices chez des sujets ayant de faibles aptitudes en lecture. Ces tâches sont également appropriées pour les enfants d’âge préscolaire, car les stimuli utilisés sont familiers et adaptés à leur développement. De plus, les mesures se font sur le nombre d’items complétés en 45 secondes, plutôt que sur le nombre total d’erreurs, ce qui nous donne un indice plus sensible par rapport aux performances et au développement de l’enfant. Enfin, l’étude a révélé que ces tests de type Stroop étaient tout à fait adaptés dans l’évaluation de l’inhibition chez les enfants. En effet, les deux épreuves corrélaient significativement avec le score d’interférence au Golden Stroop de Golden (1978) qui nécessite la mise en œuvre de capacités verbales inhibitrices. C’est pour ces différentes raisons que nous avons utilisé, dans le cadre de notre recherche, la version adaptée du Stroop « Fruit » de Archibald et Kerns (1999), cette tâche sera décrite plus précisément dans la section Méthode.

Pour l’ensemble de ces épreuves, de multiples études ont pu mettre en évidence une forte augmentation des performances durant la période préscolaire (Espy, 1997 ; Gerstadt, Hong

& Diamond, 1994 ; Gerardi-Caulton, 2000 ; Prevor & Diamond, 2005 ; Simpson & Riggs, 2007, cités par Chevalier, 2010). En effet, Prevor et Diamond (2005) ont utilisé une tâche de Stroop de type couleur/objet qu’ils ont administré à 168 enfants entre 3 ans et demie et 6 ans et demie. Dans cette épreuve, les expérimentateurs présentaient des lignes de dessins d’objets familiers avec une couleur congruente (une carotte orange) et une couleur non

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congruente (une carotte verte) ou dans une couleur « neutre » pour les objets n’ayant pas une couleur canonique (un livre rouge), il y avait également des formes abstraites. Les résultats ont révélé que la tendance prédominante des enfants était de nommer l’objet plutôt que la couleur. Les enfants étaient également plus rapides et précis dans la dénomination de la couleur d’un stimulus dont la forme ne pouvait être nommée. Avec l’âge, les enfants étaient également beaucoup plus rapides dans la dénomination des couleurs.

Une seconde étude de Epsy, Kaufmann, Glisky et McDiarmid (2001) a permis de développer des données normatives pour les enfants d’âge préscolaire à des tâches exécutives adaptées à leur développement. Ils ont également déterminé si la performance aux tâches différait selon les groupes d’âge. Pour ce faire, ils ont administré une batterie de tests à 98 enfants âgés en moyenne de 30 à 60 mois. En matière d’inhibition, ils ont utilisé deux tâches : l’épreuve « Self Control » dans laquelle l’examinateur présente une récompense que l’enfant ne doit pas toucher ; on mesure le temps mis par l’enfant pour toucher la récompense. Et l’épreuve « Shape School » qui est une variante de la tâche Stroop dans laquelle l’enfant, après avoir dénommé la couleur de 15 personnages dans une première condition (condition contrôle), ne devait dénommer que la couleur des personnages qui sourient mais pas de ceux qui ne sourient pas (condition d’inhibition). Les résultats à l’épreuve « Shape School » ont permis de démontrer qu’il y avait un effet significatif de l’âge au niveau du temps requis pour dénommer les figures pertinentes ainsi qu’une augmentation avec l’âge des stimuli correctement identifiés dans la condition d’Inhibition. Les enfants de 36 mois présentaient de plus faibles performances relativement aux enfants plus âgés aux conditions d’inhibition et de contrôle de la tâche. Les performances diffèrent ensuite significativement dans le sens d’une amélioration entre 42 mois et les enfants plus âgés.

Contrairement aux prédictions des auteurs, les résultats à l’épreuve « Self Control » ont montré qu’il n’y avait pas d’effet de l’âge à ce type d’épreuve.

Enfin, l’étude de Senn, Espy et Kaufmann (2004) a tenté de comprendre les relations entre les trois composants exécutifs (mémoire de travail, inhibition et flexibilité mentale) au cours de la période préscolaire (2,8 à 6 ans). Ils ont proposé trois tâches exécutives avec pour but de prédire les capacités de résolution de problèmes au cours du développement. L’épreuve utilisée pour mesurer l’inhibition « Shape School » était une variante de la tâche Stroop présentée précédemment. Ils ont ensuite utilisé une forme d’équations structurales et ont pu tester différents modèles. Le modèle qui rend le mieux compte des résultats est celui dans lequel la mémoire de travail et l’inhibition ont un effet direct sur les capacités de résolution de problèmes. Concernant plus particulièrement l’inhibition, l’étude a révélé que c’est l’inhibition

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qui semble déterminer le plus fortement les capacités de résolution de problèmes chez les moins de 4 ans. Ce serait la mémoire de travail après 4 ans.

En conclusion, l’ensemble de ces épreuves mesurant les capacités inhibitrices chez les jeunes enfants mettent clairement en évidence qu’il existe une période développementale entre 3 et 6 ans où d’importants progrès sont réalisés. De ce fait, il nous semble important d’investiguer le développement de ce construit à la période préscolaire. C’est ce que nous allons approfondir dans la suite de notre travail. Nous effectuerons une revue des données de la littérature qui abondent dans le sens d’une amélioration significative des performances en matière d’inhibition.

1.4. Développement de l’inhibition

Selon Houdé (2000), l’inhibition constitue un facteur central dans le développement cognitif de l’enfant. L’auteur considère que « se développer, c’est apprendre à inhiber ». En effet, selon Houdé (ibid), le développement de l’intelligence ne consiste pas seulement à construire et à activer des stratégies cognitives nouvelles. L’enfant doit aussi apprendre à bloquer des stratégies qui entrent en compétition. Houdé (1999) précise que c’est dans

« des domaines variés tels la construction de l’objet, le nombre, la catégorisation et le raisonnement que le développement cognitif ne doit pas seulement être conçu comme l’acquisition progressive de connaissances (ou de structures de complexité croissante), mais aussi comme relevant de la capacité d’inhibition (en MDT) de réactions qui entravent l’expression de connaissances déjà présentes » (p. 184).

En d’autres termes, l’enfant développe sa capacité à inhiber une structure concurrente qui interfère en MDT. Car, selon Houdé (1999), l’esprit humain est « une sorte de jungle où les multiples compétences du bébé, de l’enfant et de l’adulte sont à tout moment susceptibles de se téléscoper, d’entrer en compétition (en même temps qu’elles se construisent). D’où la nécessité d’un mécanisme de blocage : l’inhibition » (p. 184). Il nous paraît, dès lors, intéressant de mettre en évidence les périodes charnières du développement de l’inhibition au cours de l’enfance.

1.4.1. Du bébé à la période préscolaire

L’inhibition commence à se développer dès les premiers mois de vie du nourrisson. Comme le suggèrent Garon et al. (2008), de simples formes d’inhibition de la réponse se développent au cours de la dernière moitié de la première année. Ce qui reflète l’habileté

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grandissante de l’enfant à imposer un contrôle cognitif sur son comportement. En effet, selon Diamond (1998) citée par Gillet, Hommet et Billard (2000), le nourrisson de 1 an est capable de résister à l’attraction visuelle d’un objet placé dans une boîte transparente. Pour le saisir, le bébé effectue un détour et glisse sa main dans l’ouverture située sur le côté de la boîte.

Alors que quelques mois plus tôt, il aurait recherché directement l’objet, en essayant de l’attraper malgré la cloison transparente.

Diamond (1985) a également examiné les performances de bébés humains âgés de 7 à 12 mois dans la situation de « delayed response » (réponse différée) et dans le paradigme piagétien classique « A-non-B ». Dans l’épreuve « A-non-B », on place sous les yeux de l’enfant un objet dans un premier emplacement puis, après une série d’essais, dans un second emplacement. A 8 mois, les enfants ont tendance à chercher l’objet là où ils l’ont précédemment retrouvé, même si l’objet a été déplacé dans le nouvel emplacement. En revanche, dès 12 mois, les enfants sont capables d’inhiber la tendance à chercher l’objet à l’emplacement initial. Selon Diamond (ibid), il s’agirait d’un problème lié conjointement à la MDT et à l’inhibition d’une réponse dominante.

La coordination de la MDT et de l’inhibition de la réponse se développe autour des 2 ans lorsque les enfants sont capables d’utiliser une règle gardée à l’esprit afin d’inhiber une réponse prédominante (Garon et al., 2008).

Les capacités d’inhibition continuent à croître au cours de la période préscolaire comme le montre l’amélioration rapide des performances des enfants entre 3 et 6 ans à l’épreuve de la Statue (NEPSY). Cette tâche implique une résistance aux distracteurs sonores (Klenberg et al., 2001, cités par Roy, 2007). On demande à l’enfant de rester immobile, les yeux fermés pendant 75 secondes. Pendant ce temps, l’examinateur le distrait pour voir s’il est capable de « résister à la tentation » de réagir aux stimulations (Bastin & Deroux, 2007).

Des progrès de 3 à 7 ans ont également été mis en évidence lorsqu’il faut inhiber une réponse en cours au « Stop signal » (Williams, Ponesse, Schachar, Logan & Tannock, 1999, cités par Roy, ibid).

Mischel et Mischel (1983) se sont intéressés au contrôle de l’inhibition sur le comportement chez des enfants de 3 à 6 ans. Ils ont utilisé le paradigme du délai de la récompense. Les enfants devaient faire le choix entre une petite récompense immédiate ou une plus grande récompense, mais qui serait plus tardive. Les enfants de 3-4 ans sont incapables d’inhiber leur tendance à aller vers la récompense immédiate, bien qu’ils préfèrent la plus grande récompense. Ils ont beaucoup plus de difficulté à garder deux choses à l’esprit. A 5-6 ans, les enfants arrivent mieux à attendre la plus grande récompense.

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Livesey et Morgan (1991) ont également pu mettre en évidence qu’à 3-4 ans les enfants ont tendance à échouer aux tâches Go/No-Go (tâche discriminative représentée par des jeux de lumières de type rouge « appuyer », bleu « ne pas appuyer »), car ils ne peuvent inhiber leur réponse. Ils comprennent et se souviennent des instructions, ils peuvent les verbaliser, mais ils ne peuvent agir en accord avec ces instructions. A 5-6 ans, ils réussissent très bien à ces tâches. Bell et Livesey (1985) ont rapporté des résultats similaires avec des enfants de 3 à 6 ans. Ils suggèrent que bien que les jeunes enfants comprennent la signification des cibles à discriminer dans une tâche de Go/No-Go et ce en indiquant la réponse verbale correcte, ils montrent toutefois une inhabilité à retenir leur réponse motrice. En effet, selon Reed, Pien et Rothbart (1984), l’emploi flexible du contrôle inhibiteur dans les situations de résolution de problème pourrait impliquer non seulement la suppression d’une réponse dominante (mais incorrecte), mais aussi l’activation d’une réponse sous-dominante (mais adaptative), ou alors l’alternance entre l’initiation et l’inhibition d’une réponse prédominante. C’est ce qui poserait problème aux très jeunes enfants. Par exemple, dans la tâche du « dragon et de l’ours », l’évaluateur demande d’effectuer une série d’actions (tirer la langue, taper dans les mains etc.). Ensuite, il présente deux animaux en peluche à l’enfant. L’enfant doit exécuter les actions demandées par le premier animal en peluche et ignorer les demandes de l’autre.

Selon Reed et al. (ibid), les enfants de 3 ans ont beaucoup de difficulté à inhiber leurs actions à cette tâche, bien qu’ils aient compris la règle, alors que les enfants de 4 ans y parviennent.

Cette capacité à contrôler l’impulsivité s’observe aussi chez les enfants plus âgés. En effet, Diamond (2001) s’est intéressée à l’amélioration développementale de ces habiletés chez les enfants de 3 ans et demi à 7 ans. Elle a utilisé trois tâches :

• Le Stroop « Jour/Nuit » (Gerstadt, Hong & Diamond, 1994)

• La tâche de « Tapping » de Luria (1996) (l’enfant tape une fois quand l’expérimentateur tape deux fois et inversement)

• La tâche des « Trois chevilles de couleurs » (taper les chevilles dans le même ordre de couleur, par exemple, rouge-vert-jaune, mais l’ordre spatial diffère)

Selon Diamond (ibid), toutes ces situations nécessitent que le sujet se souvienne de consignes complexes et qu’il parvienne à inhiber une tendance à répondre en utilisant la réponse la plus immédiate.

Pour la tâche « Jour/Nuit », les enfants doivent garder deux règles à l’esprit et doivent inhiber la tendance à dire ce que le stimulus représente réellement, ils doivent dire le

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contraire. Les enfants de 3 ans et demi à 4 ans et demi trouvent la tâche très difficile ; à 6-7 ans, la tâche est très facile. De plus, les enfants de 3 ans et demi à 4 ans et demi commettent plus d’erreurs et présentent des temps de réponses plus longs que les enfants de 6-7 ans. Il en est de même pour la tâche de « Tapping », les enfants s’améliorent de façon significative entre 3 ans et demi et 7 ans, ils sont plus rapides et plus précis, mais l’amélioration la plus marquante apparaît à partir de 6 ans. Pour la tâche des « Trois chevilles de couleurs », les enfants présentent une amélioration développementale au cours de la même période d’âge que pour les deux tâches précédentes.

En d’autres termes, les performances à ces trois tâches suivent un développement progressif et parallèle. Ces tâches sont fortement corrélées entre elles.

Selon Diamond (2001), ces améliorations seraient dues aux changements maturationnels au niveau du cortex préfrontal dorso-latéral, elles nécessitent de la MDT et de l’inhibition. Les progrès à ce niveau-là apparaissent surtout entre 3 et 6 ans.

Une étude plus récente de Tsujimoto, Kuwajima et Sawaguchi (2007) met aussi en exergue la relation entre MDT et Inhibition au cours de l’enfance. En effet, comme nous venons de le préciser MDT et inhibition sont étroitement liées l’une à l’autre. C’est pourquoi, nous avons jugé utile d’investiguer leur évolution conjointe en vous présentant cette étude.

Les chercheurs ont examiné la performance de deux groupes d’enfants à des tâches de MDT visuo-spatiales et auditives et à une tâche d’inhibition de la réponse de type Go/No-Go.

Chez les jeunes enfants de 5 à 6 ans, la performance à la tâche visuo-spatiale de MDT était significativement corrélée à la tâche de MDT auditive. De plus, ces tâches étaient corrélées significativement à la performance à la tâche d’inhibition de la réponse, particulièrement aux items de type No-Go. Par contre, aucune corrélation significative n’a été mise en évidence parmi ces tâches chez les enfants plus âgés de 8 à 9 ans.

Les analyses de régression multiple ont révélé que chacune des composantes était significativement liée l’une à l’autre chez les jeunes enfants, alors qu’elles étaient indépendantes chez les enfants plus âgés.

Ces résultats suggèrent que la MDT et l’inhibition de la réponse partagent un système commun à 5-6 ans, tandis qu’à 8-9 ans, la MDT et l’inhibition de la réponse recrutent des systèmes différents. Les auteurs parlent de « fractionnement développemental » au cours de l’enfance. Il semble donc que ces deux fonctions exécutives se séparent et se spécialisent progressivement au cours de la période préscolaire.

C’est d’ailleurs ce que Beveridge, Jarrold et Petit (2002) ont pu mettre en évidence dans leur étude menée chez des enfants de 6 à 8 ans à qui ils ont administré trois tâches (Tâche de

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performance continue, Stroop ainsi qu’un Stop Signal). Les résultats ont montré que les enfants avaient de meilleures performances à 8 ans qu’à 6 ans. Mais, ils ont surtout relevé qu’il n’y avait jamais d’interaction entre les effets de MDT et d’inhibition. Pour les auteurs, les aspects de MDT et d’inhibition constituent des entités séparables au sein des fonctions exécutives puisqu’il n’y a pas d’interaction entre ces deux composantes.

1.4.2. Développement de l’enfance à l’âge adulte

Afin de clore ce chapitre sur le développement de l’inhibition au cours de l’enfance, il nous paraissait pertinent de vous présenter l’évolution de ce construit depuis la période scolaire à l’âge adulte et cela dans le but d’avoir une vision globale du développement de l’inhibition.

C’est dans cette optique que nous avons sélectionné la recherche menée par Jonkman (2006). Cette étude avait pour objectif de montrer les changements dans la réponse d’attente, de préparation, de « conflict monitoring » et dans la réponse d’inhibition subséquente de 6 ans à l’âge adulte. Pour ce faire, ils ont utilisé une épreuve de type

« Go/No-Go » informatisée, plus précisément la tâche CPT-AX dans laquelle le sujet devait presser sur un bouton avec la main droite quand la lettre X apparaissait, mais uniquement quand elle était précédée par la lettre A. Par contre, le sujet devait inhiber sa réponse quand le A était suivi d’une autre lettre que le X.

Les données comportementales ont révélé des patterns développementaux clairs. Les mesures en lien avec les processus attentionnels comme le pourcentage des scores de détections correctes et d’inattention montrent de larges progrès développementaux entre le début de l’enfance (6-7 ans) et la fin de l’enfance (9-10 ans). Après 10 ans, le développement des processus attentionnels se prolonge, toutefois, la différence aux mesures comportementales des processus attentionnels entre les enfants plus âgés et les adultes est plus réduite.

En revanche, au niveau du comportement impulsif (fausses alarmes et score d’impulsivité), celui-ci ne diffère pas entre 6-7 ans et 9-10 ans, mais une réduction significative du comportement impulsif a lieu après 10 ans.

En d’autres termes, l’habileté à inhiber montre un développement progressif depuis le début de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. L’étude ne précise pas l’âge ou la période développementale où l’on considère que les capacités d’inhibition ont atteint leur pleine maturité.

Huizinga, Dolan et Van der Molen (2006) se sont justement intéressés aux changements développementaux chez des sujets âgés de 7 à 21 ans au niveau de trois composants des

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FE (MDT, Shifting et Inhbition). Pour les tâches d’inhibition, ils ont utilisé des épreuves de type « Stop-Signal » dans laquelle l’enfant doit répondre rapidement à un stimulus et retenir sa réponse lors de la présentation d’un stimulus différent et une épreuve de type Stroop. Ils ont effectué des analyses de variance. En matière d’inhibition, l’étude a ainsi révélé que les capacités d’inhibition atteignent des niveaux adultes entre 11 et 15 ans.

En conclusion, au vu des différents éléments théoriques et résultats empiriques exposés concernant l’inhibition, nous constatons que cette fonction évolue de façon considérable au cours de l’enfance et ce dès la naissance.

1.5. Les fonctions attentionnelles

Dans la section traitant des FE, nous avons brièvement précisé que le système attentionnel jouait également un rôle majeur dans le développement des FE, il serait étroitement connecté au réseau des FE. Des changements au niveau du système attentionnel exerceraient une influence marquée sur le développement des FE. De ce fait, il convient de définir et de détailler le rôle joué par ce construit dans le développement des FE. Nous présenterons un certain nombre d’études qui relèvent une nette amélioration de l’attention au cours de la période préscolaire.

Tout d’abord, Zesiger (2009) insiste sur l’importance de l’attention lors de la réalisation de tâches cognitives. En effet, selon l’auteur, « toute tâche cognitive relève un minimum d’attention, même si les exigences peuvent fortement varier d’une épreuve à une autre. De manière similaire, toute tâche, pour autant qu’elle ne repose pas strictement sur des traitements cognitifs automatisés, fait appel à des ressources exécutives» (p. 334). Dès lors, la plupart des épreuves attentionnelles et exécutives nécessitent la mise en œuvre conjointe de plusieurs composants, notamment l’inhibition. D’ailleurs, Bastin et Deroux (2007) insiste sur le fait que le développement des capacités attentionnelles est lié à l’acquisition des capacités d’inhibition. Ils précisent que « l’installation progressive d’une meilleure inhibition permettrait une sélection plus efficace des stimuli cibles par la suppression des distracteurs » (p. 99). C’est pourquoi, il est nécessaire d’examiner le développement du système attentionnel étant donné ses liens étroits avec les capacités d’inhibition de l’enfant.

Selon Monette et Bigras (2008), « les tests d’inhibition devraient corréler avec des indicateurs de comportements d’inattention, d’impulsivité et avec les tests d’attention, étant donné l’importance des processus attentionnels lors de la réalisation de tests de FE » (p.

330). Akshoomoff (2002) relève également que le « self-control » et le contrôle inhibiteur

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semblent être des facteurs importants dans le développement de l’attention. En effet, d’après Passler, Isaac et Hynd (1985), l’amélioration de l’habileté à ignorer les distracteurs potentiels, la diminution de l’impulsivité et de l’exploration joueraient un rôle clé chez les jeunes enfants dans le fait de porter sélectivement leur attention sur les sources d’information dans l’environnement pour maximiser l’apprentissage.

La transition développementale entre 3 et 5 ans représenterait un état de transition entre un contrôle plus volontaire ou indépendant de l’attention (Ruff & Rothbart, 1996). En effet, Epsy, Kaufmann, McDiarmid et Glisky (1999) soulignent également que les enfants d’âge préscolaire montrent un développement rapide et stable de leurs capacités attentionnelles entre 3 et 6 ans incluant le développement de l’habileté à « shifter » leur attention de manière plus fluente et à inhiber des comportements moteurs non pertinents pour la réponse à donner.

Nous allons, à présent, tenter de définir ce que recouvre cette vaste notion. Selon Zesiger (2009), les fonctions attentionnelles et exécutives sont multiples et interdépendantes. La décomposition en systèmes et sous-systèmes est sujette à de vives discussions. Il n’y a toujours pas de consensus à l’heure actuelle. Il est également difficile de séparer ce qui est considéré comme « attentionnel » de ce qui est « exécutif ». Selon Zesiger (ibid), le système attentionnel est un réseau complexe de sous-systèmes interconnectés. Toutefois, il est possible de distinguer trois sous-systèmes principaux :

L’attention sélective : capacité à centrer volontairement ses mécanismes de perception sur un stimulus particulier et de traiter activement cette information en négligeant les stimuli non pertinents (Garnier, 2003, cité par Zesiger, ibid).

L’attention soutenue : capacité à maintenir son attention sur une longue période de temps.

L’attention exécutive : responsable du contrôle des comportements dirigés vers un but […] et de l’inhibition de réponses automatiques (Posner, 2001, cité par Zesiger, ibid). Précisons que d’autres modèles ont été mis en évidence.

Le développement du système attentionnel va permettre aux jeunes enfants d’exercer un contrôle plus volontaire sur leurs pensées et leur comportement (Garon et al., 2008). En effet, selon les auteurs, l’habileté à focaliser son attention sur une tâche et ignorer une information non-pertinente dans l’environnement est un premier pas nécessaire pour tout comportement dirigé vers un but. Malheureusement, selon Garon et al. (ibid), à l’heure actuelle, il y a peu d’études longitudinales sur le développement de l’attention au cours de l’enfance. En effet, selon Mahone (2005), la difficulté à mesurer l’attention chez les enfants de moins de 6 ans pourrait être due à la nature variable de l’attention à cet âge, ce qui mènerait à une pauvre fidélité pour de tels tests. Un second problème serait lié à la modalité

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de réponse. La plupart des tests attentionnels utilisés pour les enfants plus âgés et chez les adultes dépendent d’une certaine forme de réponse motrice. Or, les enfants d’âge préscolaire, spécialement ceux de moins de 4 ans, ont beaucoup de difficulté à inhiber les réponses motrices ce qui mène à un taux élevé d’erreurs de commission chez ces enfants.

L’étude de McKay, Halperin, Schwartz et Sharma (1994) fait partie des premiers travaux réalisés sur l’attention chez des enfants âgés de 7 à 11 ans ainsi que 16 adultes. Au niveau de l’attention soutenue, ils ont utilisé des tests de performance continue (appuyer le plus rapidement lorsqu’une lettre apparaît sauf si c’est une lettre différente). Les résultats à ce type d’épreuve ont révélé que les temps de réaction décroissent avec l’âge et augmentent au cours de la tâche ; le nombre de réponses correctes croît également avec l’âge, mais diminue au cours de la tâche. Concernant l’attention sélective, ils ont utilisé une épreuve de détection de cibles visuelles en présence et en l’absence de distracteurs. Les résultats ont montré une diminution des temps de réponses avec l’âge. Les conclusions de cette étude ont révélé que ces différents systèmes attentionnels se développaient de manière différentielle. Leur évolution serait différente avec l’âge.

Plus tard, d’autres études se sont également penchées sur la problématique développementale de l’attention, mais chez des enfants d’âge préscolaire. Corkum, Byrne et Ellsworth (1995) ont construit une épreuve d’attention visuelle sélective de type papier- crayon que nous détaillerons dans la partie Méthode. Cette épreuve s’adresse à une population d’enfants de 3 à 5 ans et 11 mois. Dans ce type de tâche, les enfants doivent barrer le plus rapidement possible les figures correspondant au modèle situé sur le haut de la feuille, la complexité augmente au cours de l’expérience. Les résultats ont permis de démontrer une augmentation des performances pour les 4-5 ans par rapport aux 3 ans aussi bien au niveau du temps de réalisation de la tâche qu’au niveau de la précision. Les auteurs n’ont pas trouvé de différence significative au niveau des erreurs entre les groupes d’enfants pour la reconnaissance des formes géométriques qui est l’étape la plus facile. La dernière feuille présentant des dessins de poissons reste pour tous les âges la feuille la plus difficile.

Une seconde étude de Ruff, Capozzoli et Weissberg (1998, cités par Garon et al., 2008) a aussi pu mettre en évidence qu’à 42 mois, le focus attentionnel des enfants augmentait en réponse aux distracteurs, ce qui suggère une habileté augmentée pour moduler l’attention en réponse aux demandes de la tâche.

L’étude d’Akshoomoff (2002) a également révélé que l’habileté à soutenir et à focaliser son attention au cours d’une tâche demandée par l’expérimentateur émerge juste à la fin de la

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période préscolaire. En effet selon l’auteur, au cours du développement précoce, des changements significatifs apparaissent dans les régions neuronales dévolues à l’attention.

Dans cette étude, 52 enfants entre 3,5 ans et 5,5 ans devaient réaliser deux tâches de type vigilance mesurant des temps de réaction. Ces tâches incluaient des stimuli visuels présentés de manière brève (500 ms) et continue. L’enfant dans une tâche, notamment, devait presser le plus rapidement dès l’apparition d’un canard (cf. figure 2).

Figure 2 : Illustration de la tâche de vigilance.

L’expérience comportait plusieurs blocks courts. Les résultats obtenus montrent qu’à 5 ans, les enfants commettent toujours beaucoup d’erreurs d’omission. Les résultats suggèrent également que les enfants peuvent rester focalisés sur une tâche et répondre rapidement lorsque la tâche est relativement brève. Enfin, l’auteur souligne que les habiletés nécessaires pour ce type de tâche de vigilance, plus particulièrement la vitesse d’initiation de la réponse et la sélection de la réponse, émergent entre 3,5 ans et 4,5 ans.

Une autre recherche menée par Weissberg et al. (1990, cités par Mahone, 2005) va également dans le sens d’une amélioration rapide des performances attentionnelles entre 3 et 5 ans à une tâche visuelle et auditive mesurant des temps de réaction. Dans cette tâche, les enfants devaient presser rapidement sur un bouton après avoir entendu un son. Ils ont recueilli les erreurs d’omission, de commission ainsi que le temps de latence de la réponse.

Les enfants de 3 ans et demi réalisèrent la tâche avec succès. Pour les auteurs, ces améliorations rapides reflètent un développement général du contrôle des processus excitateurs et inhibiteurs. Pour ce type de tâche, les erreurs de commission représenteraient l’indicateur le plus sensible du développement du contrôle inhibiteur. Notons qu’un grand nombre de tâches attentionnelles à l’âge préscolaire se présentent sous la forme de tests mesurant des temps de réaction, car, selon Mahone (ibid), les réponses qui requièrent de presser sur un bouton en réponse à un stimulus sont adaptées aux enfants de l’âge de 2 ans. En effet, ils sont très souvent capables de réaliser ce type de tâche.

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Au regard de ces différents éléments théoriques, nous comprenons mieux que des problèmes attentionnels au cours du développement peuvent compromettre l’émergence des habiletés des FE et inversement. En effet, les enfants présentant des problèmes attentionnels devraient avoir des déficits dans plusieurs tâches des FE (Garon et al., 2008).

1.6. Vitesse de traitement / VdT

Dans le cadre de notre mémoire, notre attention s’est également portée sur la vitesse de traitement, car, comme le résument clairement Kail et Ferrer (2007), une vitesse d’activation rapide des informations ou un processing rapide est associé à une capacité augmentée en mémoire de travail, en raisonnement inductif et en une plus grande exactitude dans la résolution de problèmes arithmétiques. En effet, la vitesse à laquelle les enfants exécutent des opérations cognitives simples prédit de manière constante la performance à une variété de tâches cognitives (Kail & Ferrer, ibid), d’où notre intérêt pour cette notion. La vitesse de traitement peut également être conceptualisée comme « la vitesse d’activation des informations ».

Généralement, selon Hale (1990), les jeunes enfants sont beaucoup plus lents comparativement aux enfants plus âgés, qui à leur tour répondent plus lentement que les adultes à une grande variété de tâches nécessitant un traitement des informations. Il existe, dès lors, une association entre capacité de VdT au cours de l’enfance et développement des FE et de ce fait du contrôle inhibiteur. Toutefois, selon Miller et Vernon (1997), la raison précise de l’augmentation de la vitesse avec l’âge n’est pas entièrement claire. Différentes raisons ont été proposées pour expliquer l’augmentation développementale en VdT de la prime enfance à l’adolescence. Celles-ci incluent l’augmentation de la vitesse d’identification des stimuli et d’encodage, la réduction de la vitesse de prise de décision ainsi qu’une sélection plus rapide de la réponse.

Afin de mieux saisir la nature des changements liés à l’âge dans la VdT ainsi que dans ces liens avec d’autres processus cognitifs, un certain nombre de recherches ont examiné la définition des propriétés caractérisant la VdT. Selon Kail (1991), le profil développemental associé à l’augmentation de la VdT constitue une de ces propriétés. La VdT augmente sensiblement au cours de la petite enfance et à l’âge scolaire, elle continue à croître, mais pas aussi rapidement qu’à la fin de l’enfance et au début de l’adolescence. Elle atteindrait une valeur asymptotique au milieu et à la fin de l’enfance.

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Hale (1990) a relevé qu’il existait trois types d’hypothèses concernant les tendances développementales observées dans la VdT. Elle nomme la première hypothèse, « tendance globale ». Cette hypothèse suppose que toutes les composantes du traitement de l’information se développent en concert. Les processus contrôlés se disputent les ressources de traitement ainsi leur efficacité est sensible à la quantité de telles ressources. La seconde hypothèse, « la tendance locale », suppose que les composantes du traitement de l’information changent avec l’âge, mais que ces différentes composantes se développent à des degrés différents. La troisième hypothèse, « la tendance stratégique », se focalise sur les différences dans la sélection et l’organisation des composantes (Chi, 1977, cité par Hale, ibid). En effet, on suppose que les différences quantitatives dans les latences des enfants reflèteraient des différences qualitatives au niveau des stratégies cognitives.

Les deux dernières hypothèses prédisent que la différence dans l’ensemble des temps de réponse varierait en fonction des composantes particulières de traitement de l’information employées pour une tâche particulière. Ce qui ne serait pas le cas pour la première hypothèse. Selon Hale (ibid), il est très difficile de déterminer laquelle de ces hypothèses explique le mieux les différences liées à l’âge dans la VdT.

Kail et Ferrer (2007) ont investigué empiriquement cette question développementale de la VdT en utilisant des données longitudinales chez des sujets âgés de 5 à 18 ans en moyenne. Un de leur objectif était d’examiner la forme de la fonction qui caractérise le changement lié à l’âge dans la VdT. Ils ont administré deux épreuves le « Visual Matching » et le « Cross Out » tirés de la Woodcock-Johnson Psychoeducational Battery-Revised. Dans la première épreuve, les sujets devaient comparer des chiffres et entourer les paires de chiffres identiques. On mesure alors le nombre de rangées complétées correctement en 3 minutes. Dans la seconde tâche, les sujets devaient comparer 19 figures géométriques (pour chaque ligne) à une figure géométrique de référence et souligner les figures identiques à celle de référence. On mesure alors le nombre de rangées complétées correctement en 3 minutes. Les résultats de cette étude ont montré que pour les deux mesures, le pattern développemental le plus évident était que la performance s’améliore à travers l’enfance et l’adolescence, mais plus rapidement encore au cours de l’enfance. Le meilleur des modèles testé, celui qui décrit le mieux le changement en VdT entre 5 et 18 ans est le modèle dit

« quadratique » représenté graphiquement par une parabole (cf. figure 3).

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