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Les fonctions attentionnelles

1. Introduction théorique

1.5. Les fonctions attentionnelles

Dans la section traitant des FE, nous avons brièvement précisé que le système attentionnel jouait également un rôle majeur dans le développement des FE, il serait étroitement connecté au réseau des FE. Des changements au niveau du système attentionnel exerceraient une influence marquée sur le développement des FE. De ce fait, il convient de définir et de détailler le rôle joué par ce construit dans le développement des FE. Nous présenterons un certain nombre d’études qui relèvent une nette amélioration de l’attention au cours de la période préscolaire.

Tout d’abord, Zesiger (2009) insiste sur l’importance de l’attention lors de la réalisation de tâches cognitives. En effet, selon l’auteur, « toute tâche cognitive relève un minimum d’attention, même si les exigences peuvent fortement varier d’une épreuve à une autre. De manière similaire, toute tâche, pour autant qu’elle ne repose pas strictement sur des traitements cognitifs automatisés, fait appel à des ressources exécutives» (p. 334). Dès lors, la plupart des épreuves attentionnelles et exécutives nécessitent la mise en œuvre conjointe de plusieurs composants, notamment l’inhibition. D’ailleurs, Bastin et Deroux (2007) insiste sur le fait que le développement des capacités attentionnelles est lié à l’acquisition des capacités d’inhibition. Ils précisent que « l’installation progressive d’une meilleure inhibition permettrait une sélection plus efficace des stimuli cibles par la suppression des distracteurs » (p. 99). C’est pourquoi, il est nécessaire d’examiner le développement du système attentionnel étant donné ses liens étroits avec les capacités d’inhibition de l’enfant.

Selon Monette et Bigras (2008), « les tests d’inhibition devraient corréler avec des indicateurs de comportements d’inattention, d’impulsivité et avec les tests d’attention, étant donné l’importance des processus attentionnels lors de la réalisation de tests de FE » (p.

330). Akshoomoff (2002) relève également que le « self-control » et le contrôle inhibiteur

semblent être des facteurs importants dans le développement de l’attention. En effet, d’après Passler, Isaac et Hynd (1985), l’amélioration de l’habileté à ignorer les distracteurs potentiels, la diminution de l’impulsivité et de l’exploration joueraient un rôle clé chez les jeunes enfants dans le fait de porter sélectivement leur attention sur les sources d’information dans l’environnement pour maximiser l’apprentissage.

La transition développementale entre 3 et 5 ans représenterait un état de transition entre un contrôle plus volontaire ou indépendant de l’attention (Ruff & Rothbart, 1996). En effet, Epsy, Kaufmann, McDiarmid et Glisky (1999) soulignent également que les enfants d’âge préscolaire montrent un développement rapide et stable de leurs capacités attentionnelles entre 3 et 6 ans incluant le développement de l’habileté à « shifter » leur attention de manière plus fluente et à inhiber des comportements moteurs non pertinents pour la réponse à donner.

Nous allons, à présent, tenter de définir ce que recouvre cette vaste notion. Selon Zesiger (2009), les fonctions attentionnelles et exécutives sont multiples et interdépendantes. La décomposition en systèmes et sous-systèmes est sujette à de vives discussions. Il n’y a toujours pas de consensus à l’heure actuelle. Il est également difficile de séparer ce qui est considéré comme « attentionnel » de ce qui est « exécutif ». Selon Zesiger (ibid), le système attentionnel est un réseau complexe de sous-systèmes interconnectés. Toutefois, il est possible de distinguer trois sous-systèmes principaux :

L’attention sélective : capacité à centrer volontairement ses mécanismes de perception sur un stimulus particulier et de traiter activement cette information en négligeant les stimuli non pertinents (Garnier, 2003, cité par Zesiger, ibid).

L’attention soutenue : capacité à maintenir son attention sur une longue période de temps.

L’attention exécutive : responsable du contrôle des comportements dirigés vers un but […] et de l’inhibition de réponses automatiques (Posner, 2001, cité par Zesiger, ibid). Précisons que d’autres modèles ont été mis en évidence.

Le développement du système attentionnel va permettre aux jeunes enfants d’exercer un contrôle plus volontaire sur leurs pensées et leur comportement (Garon et al., 2008). En effet, selon les auteurs, l’habileté à focaliser son attention sur une tâche et ignorer une information non-pertinente dans l’environnement est un premier pas nécessaire pour tout comportement dirigé vers un but. Malheureusement, selon Garon et al. (ibid), à l’heure actuelle, il y a peu d’études longitudinales sur le développement de l’attention au cours de l’enfance. En effet, selon Mahone (2005), la difficulté à mesurer l’attention chez les enfants de moins de 6 ans pourrait être due à la nature variable de l’attention à cet âge, ce qui mènerait à une pauvre fidélité pour de tels tests. Un second problème serait lié à la modalité

de réponse. La plupart des tests attentionnels utilisés pour les enfants plus âgés et chez les adultes dépendent d’une certaine forme de réponse motrice. Or, les enfants d’âge préscolaire, spécialement ceux de moins de 4 ans, ont beaucoup de difficulté à inhiber les réponses motrices ce qui mène à un taux élevé d’erreurs de commission chez ces enfants.

L’étude de McKay, Halperin, Schwartz et Sharma (1994) fait partie des premiers travaux réalisés sur l’attention chez des enfants âgés de 7 à 11 ans ainsi que 16 adultes. Au niveau de l’attention soutenue, ils ont utilisé des tests de performance continue (appuyer le plus rapidement lorsqu’une lettre apparaît sauf si c’est une lettre différente). Les résultats à ce type d’épreuve ont révélé que les temps de réaction décroissent avec l’âge et augmentent au cours de la tâche ; le nombre de réponses correctes croît également avec l’âge, mais diminue au cours de la tâche. Concernant l’attention sélective, ils ont utilisé une épreuve de détection de cibles visuelles en présence et en l’absence de distracteurs. Les résultats ont montré une diminution des temps de réponses avec l’âge. Les conclusions de cette étude ont révélé que ces différents systèmes attentionnels se développaient de manière différentielle. Leur évolution serait différente avec l’âge.

Plus tard, d’autres études se sont également penchées sur la problématique développementale de l’attention, mais chez des enfants d’âge préscolaire. Corkum, Byrne et Ellsworth (1995) ont construit une épreuve d’attention visuelle sélective de type papier-crayon que nous détaillerons dans la partie Méthode. Cette épreuve s’adresse à une population d’enfants de 3 à 5 ans et 11 mois. Dans ce type de tâche, les enfants doivent barrer le plus rapidement possible les figures correspondant au modèle situé sur le haut de la feuille, la complexité augmente au cours de l’expérience. Les résultats ont permis de démontrer une augmentation des performances pour les 4-5 ans par rapport aux 3 ans aussi bien au niveau du temps de réalisation de la tâche qu’au niveau de la précision. Les auteurs n’ont pas trouvé de différence significative au niveau des erreurs entre les groupes d’enfants pour la reconnaissance des formes géométriques qui est l’étape la plus facile. La dernière feuille présentant des dessins de poissons reste pour tous les âges la feuille la plus difficile.

Une seconde étude de Ruff, Capozzoli et Weissberg (1998, cités par Garon et al., 2008) a aussi pu mettre en évidence qu’à 42 mois, le focus attentionnel des enfants augmentait en réponse aux distracteurs, ce qui suggère une habileté augmentée pour moduler l’attention en réponse aux demandes de la tâche.

L’étude d’Akshoomoff (2002) a également révélé que l’habileté à soutenir et à focaliser son attention au cours d’une tâche demandée par l’expérimentateur émerge juste à la fin de la

période préscolaire. En effet selon l’auteur, au cours du développement précoce, des changements significatifs apparaissent dans les régions neuronales dévolues à l’attention.

Dans cette étude, 52 enfants entre 3,5 ans et 5,5 ans devaient réaliser deux tâches de type vigilance mesurant des temps de réaction. Ces tâches incluaient des stimuli visuels présentés de manière brève (500 ms) et continue. L’enfant dans une tâche, notamment, devait presser le plus rapidement dès l’apparition d’un canard (cf. figure 2).

Figure 2 : Illustration de la tâche de vigilance.

L’expérience comportait plusieurs blocks courts. Les résultats obtenus montrent qu’à 5 ans, les enfants commettent toujours beaucoup d’erreurs d’omission. Les résultats suggèrent également que les enfants peuvent rester focalisés sur une tâche et répondre rapidement lorsque la tâche est relativement brève. Enfin, l’auteur souligne que les habiletés nécessaires pour ce type de tâche de vigilance, plus particulièrement la vitesse d’initiation de la réponse et la sélection de la réponse, émergent entre 3,5 ans et 4,5 ans.

Une autre recherche menée par Weissberg et al. (1990, cités par Mahone, 2005) va également dans le sens d’une amélioration rapide des performances attentionnelles entre 3 et 5 ans à une tâche visuelle et auditive mesurant des temps de réaction. Dans cette tâche, les enfants devaient presser rapidement sur un bouton après avoir entendu un son. Ils ont recueilli les erreurs d’omission, de commission ainsi que le temps de latence de la réponse.

Les enfants de 3 ans et demi réalisèrent la tâche avec succès. Pour les auteurs, ces améliorations rapides reflètent un développement général du contrôle des processus excitateurs et inhibiteurs. Pour ce type de tâche, les erreurs de commission représenteraient l’indicateur le plus sensible du développement du contrôle inhibiteur. Notons qu’un grand nombre de tâches attentionnelles à l’âge préscolaire se présentent sous la forme de tests mesurant des temps de réaction, car, selon Mahone (ibid), les réponses qui requièrent de presser sur un bouton en réponse à un stimulus sont adaptées aux enfants de l’âge de 2 ans. En effet, ils sont très souvent capables de réaliser ce type de tâche.

Au regard de ces différents éléments théoriques, nous comprenons mieux que des problèmes attentionnels au cours du développement peuvent compromettre l’émergence des habiletés des FE et inversement. En effet, les enfants présentant des problèmes attentionnels devraient avoir des déficits dans plusieurs tâches des FE (Garon et al., 2008).