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4. Discussion

4.4. Les limites

Après discussion et interprétation de nos résultats au regard de la littérature, nous allons, dans cette prochaine partie, exposer les points forts et les limites que nous pouvons apporter à notre travail de mémoire.

L’une des premières faiblesses de cette étude réside, tout d’abord, dans le petit nombre de participants (N = 63). En effet, cet échantillon était relativement modeste.

Une autre limite est liée à la part d’arbitraire dans la constitution des groupes d’âge. Nous avons constitué trois groupes comprenant des enfants de 4, 5 et 6 ans. Mais nous aurions pu privilégier l’âge en tant que variable continue (en mois). D’ailleurs, cette part d’arbitraire a eu un effet sur la significativité d’un résultat en particulier, les scores d’interférence en [%] au Stroop Fruits. En effet, au niveau de la corrélation entre l’âge en mois et les scores d’interférence en [%] au Stroop Fruits, nous observons un lien significatif. Or, les résultats relatifs à l’analyse de variances sur les moyennes des scores d’interférence en [%] au Stroop Fruits portant sur les trois groupes d’âge n’ont montré aucun effet significatif de l’âge. Il est donc important de demeurer prudent dans l’interprétation de tels résultats.

Les périodes de passation des épreuves constituent également une limite importante à notre recherche. Les moments de l’année scolaire où les enfants ont effectué les tests ont probablement eu une influence sur les scores obtenus aux différentes épreuves. En effet, pour des raisons d’organisation, certains enfants ont réalisé les tâches en fin d’année scolaire (mai/juin 2010) tandis que d’autres enfants les ont effectuées en début d’année scolaire (août/septembre/novembre 2010). Les enfants qui débutaient leur année scolaire n’avaient donc pas les mêmes niveaux de développement, de connaissances et de compétences comparativement aux enfants qui terminaient une année scolaire, cet écart était d’autant plus marqué chez les enfants de 4 ans qui commençaient leur scolarité et qui, pour certains d’entre eux, maîtrisaient à peine la connaissance des couleurs et la manipulation des feutres. Il est important de considérer la période de passation de nos tests, car, comme nous l’avons précisé au cours de ce travail, la tranche d’âge de 4 à 6 ans constitue une période charnière dans le développement des FE, les enfants réalisent des progrès rapides et importants. De ce fait, une différence de plusieurs mois entre les enfants du même âge (par exemple le groupe des 4 ans) exerce un effet notable sur les progrès réalisés aux tests d’inhibition. Il est alors nécessaire de nuancer la significativité de nos résultats au regard de cette limite.

Le petit nombre d’épreuves mesurant les différents construits (inhibition, VdT et attention) constitue la troisième faiblesse de cette étude. Au cours de cette recherche, seules quelques tâches ont été utilisées pour mettre en évidence l’évolution des performances des enfants. Il aurait été intéressant de proposer d’autres épreuves pour évaluer chaque construit.

Pour la VdT, nous pourrions, par exemple, utiliser une épreuve informatisée comme la tâche

« Couleur » tirée de Miller et Vernon (1996), l’enfant devait comparer sur un écran d’ordinateur la couleur de deux formes et indiquer si ces formes étaient de même couleur. Le fait d’utiliser un ordinateur rend l’expérience peut-être plus ludique et adaptée à l’enfant, surtout chez les petits dont la motricité fine est encore en développement (difficulté à tenir le feutre et barrer les figures). D’ailleurs, le développement graphomoteur joue un rôle clé dans les épreuves de type papier-crayon évaluant la VdT, car les enfants, plus spécifiquement les enfants de 4 ans, prennent plus de temps pour tracer les figures. Après réflexion, il nous semble plus judicieux de réaliser la tâche avec un tampon plutôt qu’un feutre, la VdT dépendrait moins des aptitudes graphomotrices.

Concernant l’attention sélective, nous pourrions imaginer d’administrer une épreuve de type barrage comme celle tirée de la NEPSY avec des chats et des lapins à barrer parmi des distracteurs, cette épreuve est adaptée aux enfants dès 3 ans (cf. figure 4).

Figure 4 : Illustration de l’épreuve barrage tirée de la NEPSY.

Parallèlement aux épreuves d’attention visuelle sélective, une tâche plutôt auditive aurait été utile, comme celle tirée de la NEPSY (cf. figure 5). Cette épreuve, selon Mazeau (2008), est étalonnée de manière fiable et fournit une norme pour un âge donné. Dans cette épreuve, l’enfant doit satisfaire une condition contrôle (donner un jeton de la couleur correspondant à celle qui a été énoncée, « rouge ») qui consiste essentiellement à inhiber des distracteurs (série d’autres mots), puis, dans un deuxième temps, il répond à une épreuve dite de

« conflit » (mettre carré rouge dans la boîte quand il entend le mot jaune etc.).

Figure 5 : Illustration de l’épreuve d’attention auditive.

Cette épreuve serait pertinente, car elle demande de se « focaliser » sur un item ou une consigne, la cible étant noyée parmi des distracteurs. De plus, comme le souligne Mazeau (2008), cette tâche peut être comparée, en note standard, à la performance obtenue par l’enfant aux épreuves d’attention visuelle, ce qui permettrait de « repérer d’éventuelles dissociations entre l’attention auditive et visuelle » (p. 210).

Concernant finalement les épreuves d’inhibition, nous avons montré que les scores à l’épreuve Go/No-Go plafonnaient rapidement et ne montraient pas d’effet d’âge significatif.

Un des éléments d’explication réside dans le fait que notre tâche nécessitait la mise en œuvre d’une inhibition verbale plutôt que motrice, nous supposons, au regard de nos résultats, que l’inhibition d’une réponse verbale pose moins de difficultés aux enfants de cette tranche d’âge. Il serait, dès lors, intéressant de proposer une épreuve de type Cogner/Frapper (NEPSY) qui nécessite l’inhibition d’une réponse motrice (cf. figure 6).

Figure 6 : Illustration de l’épreuve Cogner/Frapper.

De plus, nous sommes d’avis que les mesures liées à l’impulsivité lors de la passation d’une épreuve de type Go/No-Go seraient plus précises si elles étaient faites sous forme informatisée, cela nous permettrait de mesurer la vitesse d’initiation de la réponse et la sélection de la réponse, éléments qu’il nous était difficile de mesurer de manière fiable et précise dans notre épreuve.

A la lecture des différentes épreuves utilisées dans les études présentées dans notre cadre théorique pour mesurer l’inhibition, nous avons également été très intéressée par les épreuves de type inhibition « chaude » (voir page 10) dans lesquelles l’enfant retire un avantage ou un renforçateur contrairement aux tests d’inhibition « froide » (Stroop Fruits ou Go/No-Go). Par exemple, dans la tâche « Délai gratifié » l’enfant doit résister à la tentation de s’emparer d’une friandise à sa portée et l’on mesure le temps nécessaire pour que l’enfant s’en empare. Ces tests ont tendance à corréler entre eux et à corréler avec les tests d’inhibition « froide » (Monette & Bigras, 2008), d’où l’intérêt de les utiliser. Nous pensons que ces tests sont peut-être plus motivants, plus ludiques et adaptés aux situations quotidiennes de l’enfant comparativement au Stroop Fruits qui nécessite une bonne connaissance des couleurs, qui est moins écologique et qui est également exigeant sur le plan attentionnel, (surtout dans la condition d’inhibition) particulièrement chez les jeunes enfants.

Une autre limite à notre étude concerne la durée totale d’administration des épreuves, chaque enfant devait demeurer attentif pendant approximativement 45 min. Or, comme le souligne Monette et Bigras (ibid), les jeunes enfants ont beaucoup plus de difficultés à maintenir une attention soutenue sur une longue période de temps, leurs capacités attentionnelles sont plus limitées, ce qui va avoir un impact sur la performance d’une période de l’évaluation à l’autre. En effet, nous avons eu l’occasion d’observer, surtout chez les enfants de 4 ans, un déclin rapide de l’attention, il fallait souvent les motiver et les encourager particulièrement après une épreuve exigeante en ressources attentionnelles comme le Corkum. Il aurait été intéressant de pouvoir effectuer ces passations sur une plus longue période de temps en ponctuant chaque passation de test par une pause ou un jeu qui ne demande pas une grande capacité attentionnelle.

Finalement, la difficulté à isoler, à définir théoriquement et opérationnellement chaque construit, nous semble être une limite centrale non seulement dans notre travail, mais également au niveau de l’ensemble des recherches investiguant les FE. Monette et Bigras (ibid) soulignent qu’il est très difficile d’isoler une composante des FE. En effet, les FE sont composées « d’habiletés cognitives qui interagissent entre elles ou avec des processus cognitifs non exécutifs lors de la résolution de problèmes » (p. 326). De ce fait, il est difficile de mesurer de façon adéquate une composante des FE sans qu’elle ne soit confondue avec une autre de ses composantes ou avec d’autres processus cognitifs. C’est une difficulté que nous avons rencontrée au cours de la création et de la sélection de certaines tâches et au moment de la compréhension et de la définition des concepts, notamment pour les notions d’inhibition et d’attention sélective. Zesiger (2009) insiste d’ailleurs sur le fait qu’il est difficile

de séparer ce qui est considéré comme « attentionnel » de ce qui est « exécutif ». Le système attentionnel est un réseau complexe de sous-systèmes interconnectés. De plus, au sein même de l’inhibition, des distinctions subtiles peuvent être opérées, c’est ce que Friedman et Miyake (2004) mettent en évidence avec leurs trois types d’inhibition, dont « la résistance à l’interférence provoquée par des distracteurs » ou « filtrage » qui consiste à bloquer les informations avant qu’elles n’entrent en mémoire de travail. Ce concept est très proche de la notion d’attention sélective, d’où notre difficulté à demeurer toujours claire et précise dans la définition et l’opérationnalisation de chaque concept.

Suite aux limites exposées ci-dessus, nous aimerions clore ce chapitre en vous présentant certains aspects positifs apportés par ce travail.

Tout d’abord, la répartition à part égale du nombre de participants pour chaque groupe d’âge constitue un premier point positif. En effet, chaque groupe comprenait 21 enfants.

Un second point fort de notre travail réside dans le fait que nous avons fait en sorte de proposer des tâches adaptées aux jeunes enfants, faciles et rapides à administrer (pour éviter que l’enfant ne se fatigue trop vite). En effet, sur le plan développemental, nous avons vraiment veillé à sélectionner des épreuves constituées d’images familières pour l’enfant et n’exigeant pas de compétences en lecture. De plus, nous avons fait en sorte de ne pas trop surcharger les enfants d’épreuves.

Un autre élément positif est lié au contrôle de la nouveauté des tâches proposées aux enfants. Nous avons vraiment choisi des épreuves que les participants n’avaient jamais réalisées. En effet, Rabbit (1997, cité par Van der Linden et al., 2000) insiste sur le fait qu’un contrôle exécutif pour une tâche peut n’exister que lors de sa première présentation. Nous avons fait en sorte de respecter ce principe.

Enfin, nous avons sélectionné et élaboré nos tests sur la base de modèles théoriques, comme celui de Miyake et al. (2000). Nous nous sommes véritablement imprégnée de la littérature pour constituer notre travail de recherche.