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Fonctionnement exécutif chez les enfants d'âge préscolaire : étude exploratoire d'une batterie de tests exécutifs

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Master

Reference

Fonctionnement exécutif chez les enfants d'âge préscolaire : étude exploratoire d'une batterie de tests exécutifs

BARRAS, Patricia

Abstract

La drépanocytose est une maladie génétique entraînant des accidents cérébrovasculaires qui engendrent chez l'enfant l'apparition très précoce de dysfonctionnements attentionnels et exécutifs. La présente recherche vise à contribuer à la détection et la prévention de ces complications à travers l'élaboration d'une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants d'âge préscolaire. Pour ce faire, nous avons administré une batterie d'épreuves exécutives auprès d'un échantillon de 59 enfants en bonne santé âgés entre 4 et 6 ans dont nous avons analysé les compétences en inhibition au moyen d'une version « Stroop fruits » pour enfants.

Nous prédisions l'existence d'un effet de l'âge sur l'inhibition ainsi qu'un effet médiateur de la vitesse de traitement sur les performances observées. Les résultats révèlent, d'une part l'absence d'une augmentation des performances en inhibition entre 4 et 6 ans, et d'autre part, l'augmentation des compétences en vitesse de traitement, ces dernières médiatisant le lien entre l'âge et les performance en inhibition mesurées au moyen du « Stroop fruits [...]

BARRAS, Patricia. Fonctionnement exécutif chez les enfants d'âge préscolaire : étude exploratoire d'une batterie de tests exécutifs. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:13083

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Mémoire de Master en Psychologie du Développement

Fonctionnement exécutif chez les enfants d’âge préscolaire

Etude exploratoire d’une batterie de tests exécutifs

Mémoire présenté par Patricia Barras (barrasp4@etu.unige.ch)

Directeur de mémoire : Claude-Alain Hauert Assistant doctorant : Nicolas Ruffieux

Septembre 2010

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Résumé

La drépanocytose est une maladie génétique entraînant des accidents cérébro- vasculaires qui engendrent chez l’enfant l’apparition très précoce de dysfonctionnements attentionnels et exécutifs. La présente recherche vise à contribuer à la détection et la prévention de ces complications à travers l’élaboration d’une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants d’âge préscolaire. Pour ce faire, nous avons administré une batterie d’épreuves exécutives auprès d’un échantillon de 59 enfants en bonne santé âgés entre 4 et 6 ans dont nous avons analysé les compétences en inhibition au moyen d’une version « Stroop fruits » pour enfants. Nous prédisions l’existence d’un effet de l’âge sur l’inhibition ainsi qu’un effet médiateur de la vitesse de traitement sur les performances observées. Les résultats révèlent, d’une part l’absence d’une augmentation des performances en inhibition entre 4 et 6 ans, et d’autre part, l’augmentation des compétences en vitesse de traitement, ces dernières médiatisant le lien entre l’âge et les performance en inhibition mesurées au moyen du

« Stroop fruits ». La vitesse de traitement semble donc être une dimension importante à prendre en compte dans l’élaboration d’un instrument d’évaluation du jeune enfant. Les facteurs limitant l’interprétation des performances observées ainsi que des suggestions quant à d’éventuelles modifications du matériel et des conditions d’évaluation sont discutées.

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Table des matières

1. INTRODUCTION THEORIQUE ... 1

1.1Introduction générale ... 1

1.2Les fonctions exécutives ... 3

1.2.1Définition et aspects théoriques ... 3

1.2.2 Le développement des fonctions exécutives chez l’enfant ... 6

1.2.3 Fonctions exécutives et drépanocytose ... 9

1.2.4Les fonctions exécutives chez les enfants d’âge préscolaire ... 11

1.2.5L’inhibition : définition et développement chez l’enfant ... 13

1.3La vitesse de traitement ... 18

1.3.1Définition et aspects théoriques ... 18

1.3.2 Effet médiateur de la vitesse de traitement ... 21

1.4Hypothèses théoriques... 23

2. METHODE ... 24

2.1 Procédure expérimentale ... 24

2.1.1 Procédure ... 24

2.1.2 Participants ... 25

2.2 Batteries de tests ... 26

2.2.1 Première version ... 26

2.2.1.1 Mouvements de main ... 26

2.2.1.2 Mémoire des Chiffres en ordre direct ... 27

2.2.1.3 Fluence verbale animaux ... 27

2.2.1.4 Précision visuo-motrice ... 28

2.2.1.5 Go-nogo et Go-nogo inversé ... 28

2.2.1.6 Dénomination ... 29

2.2.1.7 Color Trails Cars ... 29

2.2.1.8 Children’s Color Trails Test ... 30

2.2.1.9 Test des puits ... 30

2.2.2 Deuxième version ... 32

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2.2.2.1 Mémoire des Chiffres en ordre indirect ... 32

2.2.2.3 Stroop des fruits ... 33

2.3 Mesures ... 34

2.3.1 Score composite de vitesse de traitement ... 34

2.3.2 Score d’interférence ... 35

2.3.3 Score de flexibilité ... 35

2.3.4 Effet médiateur de la vitesse de traitement ... 36

2.4 Hypothèses opérationnelles ... 37

3. RESULTATS ... 38

3.1 Statistiques descriptives ... 38

3.1.1 Attention visuelle ... 38

3.1.2 Stroop des fruits ... 40

3.1.2.1 Scores de réponses correctes ... 40

3.1.2.2 Score final ... 43

3.1.2.3 Erreurs par étapes ... 46

3.1.2.4 Erreurs totales ... 48

3.1.2.5 Score d’interférence ... 49

3.1.2.6 Score de vitesse de traitement ... 49

3.1.7.7 Score composite de vitesse de traitement ... 50

3.1.3 Fluence verbale animaux ... 51

3.1.3.1 Score total ... 51

3.1.3.2 Score à 30 secondes ... 52

3.1.3.3 Score à 90 secondes ... 52

3.1.3.4 Persévérations ... 53

3.1.3.5 Intrusions ... 54

3.1.4.1 Condition simple ... 54

3.1.4.1.1 Temps de réalisation ... 54

3.1.4.1.2 Erreurs attentionnelles ... 55

3.1.4.2 Condition alternance ... 56

3.1.4.2.1 Temps de réalisation ... 56

3.1.4.2.2 Erreurs ... 57

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3.1.4.3 Score de flexibilité ... 58

3.2 Statistiques inférentielles ... 59

3.2.1 Hypothèse 1 ... 60

3.2.2 Hypothèse 2 ... 60

3.2.3 Hypothèse 3 ... 60

4. CONCLUSION ... 62

5. BIBLIOGRAPHIE ... 74

6. ANNEXES ... 78

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1. INTRODUCTION THEORIQUE 1.1 Introduction générale

Les fonctions exécutives (FE) se définissent comme des processus cognitifs de haut niveau et sont mises en œuvre lorsqu’un traitement contrôlé demandant un effort mental est requis. Elles permettent aux individus d’organiser et de structurer leur environnement et leurs actions, surtout dans des situations nouvelles et non automatisées. Les processus exécutifs, qui contrôlent et régulent la cognition et l’action, suscitent un intérêt croissant dans le domaine de la psychologie développementale. De nombreuses études ont cherché à déterminer le fonctionnement normal et pathologique de ces fonctions chez les jeunes enfants.

Ce travail de mémoire a pour objectif d’explorer une série d’épreuves mesurant les fonctions exécutives en les adaptant aux enfants d’âge préscolaire. Cette recherche s’inscrit dans le cadre du travail de thèse mené par M. Nicolas Ruffieux, Assistant Doctorant au sein de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de Genève, en collaboration avec l’Université de Yaoundé et les Hôpitaux Universitaires Genevois. Ce dernier porte sur l’élaboration d’une batterie de tests neuropsychologiques chez des enfants atteints d’une maladie d’origine génétique, la drépanocytose (ou anémie falciforme). Chez ces enfants, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) comptent parmi les symptômes les plus dramatiques de la maladie. Il existe également des formes d’attaques dites « silencieuses » qui provoquent des lésions plus bénignes, mais représentent un facteur de risque important dans l’apparition du premier AVC. Ces micro-lésions, principalement situées dans les lobes frontaux du cerveau, sont difficilement détectables au cours d’un examen neurologique standard. Elles peuvent uniquement s’objectiver à l’aide d’une IRM. Une évaluation détaillée à l’aide du Doppler Transcrânien et d’un examen neuropsychologique, qui mesure essentiellement les FE et attentionnelles permettrait également de détecter ces micro-lésions et favoriserait une prise en charge plus approfondies des enfants jugés à risque. Notre recherche vise à évaluer une batterie de tests neuropsychologiques mesurant les FE chez les enfants d’âge préscolaire (4 à 6 ans). Il est en effet difficile d’obtenir des données appropriées à cette catégorie d’âge.

L’utilisation future d’une batterie évaluant le fonctionnement cognitif auprès d’enfants drépanocytaires constitue un objectif du travail de thèse de M. Nicolas Ruffieux.

Cette étude à visée exploratoire porte sur 59 enfants âgés de 4 à 6 ans scolarisés dans les écoles genevoises. Notre démarche a dans un premier temps consisté à administrer une

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série de tests neuropsychologiques mesurant principalement les fonctions exécutives. Nous désirions ainsi récolter un ensemble large de données et vérifier l’adéquation de différents tests dans nos catégories d’âge. Nous avons ensuite constaté que certains d’entre eux ne convenaient pas aux enfants d’âge préscolaire. Nous avons donc remanié la batterie en supprimant ces tests. Suite à l’analyse de nos données, nous avons décidé d’étudier de façon plus détaillée l’évolution des performances en inhibition dans nos trois catégories d’âge, cette dernière étant considérée comme une fonction fondamentale dans le développement cognitif de l’enfant. Nous voulons également investiguer les changements qui interviennent dans les performances en vitesse de traitement de nos trois groupes d’âge sur la base de résultats sélectionnés dans notre batterie de tests. Finalement, notre dernier objectif se base sur les travaux de Salthouse (2005) et de Sevino (1998) qui postulent l’effet médiateur de la vitesse de traitement dans les différences d’âge observées lors d’épreuves cognitives complexes. Afin de mieux cerner le fonctionnement cognitif de l’enfant, nous voulons déterminer la fonction médiatrice de la vitesse de traitement sur les changements qui relient l’âge aux performances en inhibition.

Dans la première partie de ce travail, nous commencerons par donner quelques définitions générales sur le concept de FE, ce qui nous mènera par la suite à les relier aux lésions du système nerveux central provoquées par la drépanocytose. Nous analyserons également les fonctions exécutives d’un point de vue développemental, en nous centrant sur l’évolution des performances en inhibition et en vitesse de traitement. Nous présenterons par la suite les fondements théoriques concernant la fonction médiatrice accordée à la vitesse de traitement sur l’évolution des performances cognitives liées à l’âge. En lien avec ces différentes données de la littérature, nous aborderons trois hypothèses théoriques que nous voulons tester sur notre échantillon d’enfants d’âge préscolaire. Dans un deuxième temps, nous décrirons les aspects méthodologiques de l’étude en présentant les conditions de passation ainsi que la batterie de tests et les mesures utilisées. Dans la partie des résultats, nous présenterons, à l’aide de données descriptives et inférentielles, les analyses d’intérêt en lien avec les hypothèses postulées. Enfin, nous aborderons la phase de discussion dans le but de répondre à nos hypothèses de départ, avant de dégager les points forts et les principales limites de cette étude, tout en réfléchissant à des perspectives futures.

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1.2 Les fonctions exécutives 1.2.1 Définition et aspects théoriques

Les FE peuvent être définies comme un ensemble de compétences cognitives de haut niveau, qui interviennent dans des tâches comportementales nécessitant un contrôle conscient et « effortful » (Oh & Lewis, 2009). Elles possèdent également un impact important sur les compétences sociales et les apprentissages, car elles permettent de répondre de façon flexible à l’environnement et de s’engager dans des pensées ou des actions dirigées vers un but (Leon- Carrion, García-Orza, & Perez-Santamaría, 2004). Globalement, les fonctions exécutives sont considérées comme des mécanismes jouant un rôle central dans des tâches de résolution de problèmes et de flexibilité mentale. Elles sont aussi mobilisées lorsque des routines d’actions deviennent insuffisantes ou lors de situations nouvelles (Cragg, 2007). D’un point de vue opérationnel, les fonctions exécutives ont été décrites comme des processus de contrôle intervenant dans des domaines très vastes du comportement, tels que l’inhibition, le maintien d’une réponse dans le temps, l’auto-régulation, la planification, l’organisation ou encore l’intégration de processus cognitifs simultanés (Archibal & Kerns, 1999). Il faut toutefois noter qu’il n’existe pas de consensus quant au nombre et à la nature exacte de ces fonctions.

Leurs définitions varient passablement, si bien que cette notion est souvent décrite comme

« parapluie ». Les FE englobent en effet une série d’habiletés interreliées qui se déclenchent lors d’activités volontaires dirigées vers un but (Lezak, 1993 ; Stuss & Benson, 1986, cités par Anderson, 1998). Dans une acceptation très générale, le concept de fonctions exécutives décrit par Seron, Van der Linden et Andres (1999), renvoie ainsi à un « ensemble de processus dont le rôle principal est de faciliter l’adaptation du sujet à des situations nouvelles, notamment lorsque les routines d’action, c'est-à-dire des habiletés cognitives surapprises, ne peuvent suffire » (cités par Monette & Birgas, 2008).

On distingue principalement trois FE : l’inhibition, la flexibilité et la mise à jour, cette dernière s’apparentant à la mémoire de travail selon certains auteurs. En outre, la planification et la fluidité sont considérées comme deux composantes se rattachant fortement aux FE et leur mesure est souvent prise en considération dans des épreuves cognitives (Monette & Bigras, 2008). L’inhibition se définit par une suppression contrôlée et délibérée de réponses dominantes, automatiques ou prépondérantes (Miyake, Friedman, Witzki & Howerter, 2000).

La flexibilité se caractérise par la capacité à modifier un schéma mental, à s’adapter à une nouvelle tâche, mais cette fonction permet également d’alterner entre différentes tâches ou de

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passer d’une tâche à l’autre (Roy, Gillet, Lenoir, Roulin & Le Gall, 2005). Les épreuves qui permettent de la mesurer suivent une procédure relativement standard, sous formes de deux étapes. Dans un premier temps, le sujet doit associer un stimulus à une réponse et ignorer d’autres distracteurs, tout en maintenant cette règle. Dans un deuxième temps, la consigne s’inverse et une nouvelle règle en contradiction avec la première doit s’appliquer (Garon, Bryson & Smith, 2008). La mise à jour correspond à la mémorisation et à la manipulation simultanée d’une information en mémoire à court terme. Elle permet d’éliminer de l’information mémorisée qui n’est plus pertinente et d’effectuer des transformations sur celle- ci (Miyake et al. 2000 ; Monette & Birgas, 2008). La planification se caractérise par l’élaboration mentale d’un plan lors de la réalisation d’une action complexe. Elle est mobilisée lorsque l’on cherche à atteindre un but, car elle permet la mise en place de stratégies et d’anticipations. Son fonctionnement s’établit parallèlement à des mécanismes d’inhibition et de mémoire de travail (Danis et al., 2008 ; Monette & Bigras., 2008). La fluidité correspond à la production rapide de réponses originales et on la mesure généralement à l’aide d’épreuves de fluence verbale ou écrite. Cette fonction est étroitement reliée aux FE, car son application dépend en partie de capacités de mise à jour et de flexibilité (Monette &

Bigras, 2008). Chez les jeunes enfants, les systèmes attentionnels jouent également un rôle fondamental dans le développement des processus exécutifs. L’amélioration des capacités attentionnelles permet d’exercer un contrôle plus précis sur le traitement de l’information interne et externe (Garon et al., 2008). L’attention soutenue augmente considérablement durant les premières années de vie et cette croissance permet à l’enfant de s’orienter progressivement vers l’élaboration d’un but, tout en diminuant son attirance pour des stimuli complexes ou nouveaux. La capacité accrue à pouvoir orienter le focus attentionnel vers des informations pertinentes permet à l’enfant de développer de meilleures stratégies d’un point de vue exécutif (Danis et al., 2008).

Sur le plan historique, les comportements reliés aux FE ont d’abord été abordés chez des patients présentant des lésions frontales à l’âge adulte avant d’être étudiés chez des individus tout venants ou atteints de pathologies neurodéveloppementales (Monette & Bigras, 2008; Miyake et al., 2000). Les définitions des FE ont traditionnellement été opérationnalisées dans le domaine de la neuropsychologie afin d’évaluer le rôle des lobes frontaux et des comportements les sous-tendant (Grattan & Eslinger, 1991). L’évaluation en neuropsychologie clinique des patients frontaux, qualifiés de dysexécutifs, a ainsi permis d’observer une grande hétérogénéité de déficits cognitifs. Ceux-ci se caractérisent par des

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difficultés attentionnelles, de planification et d’organisation lors de la réalisation de séquences d’actions permettant de se diriger vers un but. A cela s’ajoutent, dans certains cas, des perturbations dans les activités motrices spontanées, des comportements impulsifs ou désinhibés et des troubles affectifs (Boujon & Lemoine, 2002). Plusieurs épreuves ont ainsi été mises en place pour mesurer une variété d’aptitudes déficitaires observées chez les patients qualifiés de « frontaux », tels que la planification, la résolution de problèmes, l’abstraction de la pensée, la formation de concepts, l’auto-contrôle et la flexibilité mentale (Anderson, 1998). Les FE sont donc principalement rattachées au développement des régions frontales, considérées comme leur siège anatomo-fonctionnel. D’un point de vue ontogénétique, il s’agit des dernières structures cérébrales à se développer, jusqu’au début de l’âge adulte (Roy, 2008). Les termes fonctions frontales et fonctions exécutives sont souvent utilisés de manière interchangeables et ces régions à l’avant du cerveau semblent jouer un rôle prépondérant dans le domaine exécutif. Toutefois, certains patients « frontaux » présentent des résultats normaux dans des tâches exécutives, alors que des lésions situées en dehors des régions frontales peuvent provoquer des déficits exécutifs sévères. En outre, l’activation des aires frontales dépend des relations étroites qu’elles entretiennent avec diverses structures sous-corticales (par ex. thalamus, hypothalamus, structures limbiques, etc.) ainsi qu’avec la majorité des divisions postérieures du cerveau (par ex. cortex occipital, temporal, pariétal, etc.) (Anderson, 2002 ; Boujon & Lemoine, 2002). Ce foisonnement de connexions avec le reste du cerveau a permis d’attribuer au cortex préfrontal une fonction d’intégration des données environnementales, des états internes ainsi que des événements passés, notamment lorsqu’il s’agit d’actualiser ou d’adapter un plan d’action (Boujon & Lemoine, 2002). Les observations cliniques révèlent également, chez l’enfant, la présence d’un syndrome dysexécutif proche des symptômes observés chez l’adulte. Celui-ci se caractérise par des déficits au cours de tâches de planification, de flexibilité mentale, d’inhibition, de raisonnement, de génération de stratégies, de régulation de la performance, puis de mémorisation (Anderson, 2002). L’impact des signes comportementaux et des aspects neuro- anatomiques sur le fonctionnement cognitif ultérieur est également pris en considération dans le cadre du développement de l’enfant (Gillet, Lenoir, Roulin & Le Gall, 2005).

Dans une tradition plus expérimentale, les FE ont été appréhendées à travers différents modèles théoriques et font l’objet de nombreux débats visant à déterminer si elles forment une structure générale de fonctionnement ou si elles se divisent en plusieurs composantes. Les recherches en faveur d’une composante exécutive générale se réfèrent à des modèles exécutifs

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comprenant un système régisseur central dont dépendent plusieurs sous-processus, comme le conçoivent les modèles de Baddeley et de Norman et Shallice (cf. Baddeley, 1986, 1992 ; Norman & Shallice, 1986 ; Shallice, 1988, cités par Garon et al., 2008). Dans un même ordre d’idée, des études ont observé que certaines tâches mesurant les fonctions exécutives corrélaient entre elles, suggérant l’existence de mécanismes communs (Miyake et al., 2000).

D’autres approches théoriques se démarquent de cette vision unitaire des FE et considèrent que, d’un point de vue structurel, il est possible de les dissocier en plusieurs composantes (Carlson & Moses, 2001). La technique principalement utilisée consiste à soumettre des participants à un ensemble d’épreuves et à vérifier par la suite, au moyen d’une analyse factorielle exploratoire ou confirmatoire, si certains des tests saturent des facteurs communs.

Cette procédure permet ainsi de déterminer s’il existe une forme d’indépendance dans les résultats obtenus aux différents tests (Monette & al., 2008 ; Rabbitt, 1997). Les évidences en faveur de propriétés unitaires ou diverses des FE sont nombreuses, mais les modèles actuels supposent une décomposition en sous-systèmes partiellement autonomes (Garon et al., 2008).

Ceci est notamment le cas du modèle élaboré par Miyake et al. (2000), qui postule, chez l’adulte, des propriétés uniques et diverses du fonctionnement exécutif. Sur la base d’une revue de littérature, ces auteurs proposent de se centrer sur trois composantes exécutives souvent évoquées, soit la flexibilité mentale, la mise à jour et l’inhibition et évaluent chacune d’entre elles au moyen de plusieurs tests. Les résultats montrent que le modèle qui s’ajuste le mieux au contenu des différentes tâches est celui où l’on observe que les trois variables latentes testées sont partiellement indépendantes, tout en corrélant modérément entre elles.

Les évidences fournies par des méthodes d’analyses factorielles font toutefois l’objet de nombreuses controverses, car des tests identiques peuvent appartenir à des catégories étiquetées différemment d’un auteur à l’autre. De même, les tâches utilisées sont souvent différentes (Roy, 2007).

1.2.2 Le développement des fonctions exécutives chez l’enfant

Une série de recherches récentes porte sur le développement précoce des fonctions exécutives au sein de différentes catégories d’âge, afin de déterminer si ces processus opèrent dès les premiers mois de vie ou s’ils sont particulièrement importants à certaines étapes du développement. Le principal intérêt des ces études est de pouvoir développer des tâches cognitives qui soient suffisamment appropriées au développement et au répertoire

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comportemental de l’enfant (Espy, Glisky, Kaufman, & McDiarmid, 2001).

Une première catégorie de recherche s’est attachée à déterminer dans quelle mesure les compétences exécutives pouvaient se manifester dès la petite enfance (Diamond et al.,1991, cités par Espy et al., 2001). Ces découvertes sont récentes, car les chercheurs ont longtemps considéré que le cortex pré-frontal n’arrivait pas à maturité avant l’adolescence et que les fonctions exécutives ne pouvaient donc pas opérer avant cette période. Une étude de Diamond (1985) s’est, par exemple, inspirée des paradigmes de permanence et de recherche d’objet élaborés par Piaget (1935) afin d’évaluer les comportements orientés vers un but chez les nourrissons (cités par Anderson 2002). Les tâches de permanence de type A non B nécessitent de mémoriser l’emplacement d’un objet dissimulé tout en évitant d’aller le rechercher au même endroit lorsqu’il est déplacé. Les tâches de recherche demandent, quant à elles, d’inhiber un comportement d’atteinte directe d’un objet placé à l’intérieur d’une boîte transparente et de remplacer ce comportement par un mouvement de détour pour atteindre l’objet par une ouverture latérale. Ces études ont ainsi permis de constater que le cortex préfrontal dénote une activité précoce et que son développement est relié à la réussite de ces tâches durant les premiers mois de vie (Monette & Bigras, 2008). De plus, les résultats comportementaux ont permis d’observer que des erreurs commises dans des tâches de type A non B sont rattachées à une immaturité en mémoire de travail ainsi qu’à un manque d’inhibition comportementale. Diamond (1985) souligne également le rôle du cortex pré- frontal dorsolatéral et de la formation hippocampique dans le contrôle et la maturation des réponses d’inhibition chez l’être humain, comportements similaires à ceux observés chez des animaux et des adultes cérébro-lésés. Il existe ainsi des substrats neurologiques communs dans le développement du fonctionnement exécutif (Diamond, 1985, 1988, 1990b, cités par Dowsett & Livesey, 2000)

Chez les enfants plus âgés, certains auteurs se sont intéressés à déterminer, au même titre que chez l’adulte, l’existence de propriétés dimensionnelles dans les FE. Une étude récente de Letho, Juujärvi, Kooistra et Pulkkinen (2003) a repris le modèle de Miyake et al., (2000), dans l’objectif d’étudier le développement des compétences exécutives chez des enfants âgés de 8 à 13 ans. En procédant à une analyse factorielle, les auteurs se sont basés sur les mêmes FE que celles sélectionnées par Miyake et al. (2000). Les résultats révèlent chez l’enfant une structure factorielle similaire à celle évoquée chez l’adulte et les auteurs concluent que le modèle de Miyake et al. (2000) fonctionne également chez l’enfant. Cela

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étant dit, les études factorielles menées auprès d’enfants manquent de réponses claires et rigoureuses pour garantir une telle dissociabilité des fonctions exécutives (Monette & Bigras, 2008). On reproche effectivement à ce type d’investigation de se limiter à des modèles théoriques qui engagent des processus matures stables au détriment de mécanismes de base émergeant progressivement dans le développement précoce (Roy, 2007). Il est également important de déterminer dans quelle mesure des compétences, telles que la mémoire, le langage et la vitesse de traitement favorisent la mise en place et l’efficacité des fonctions exécutives lors d’une dynamique développementale (Anderson, 1998).

Une autre catégorie d’études que Roy caractérise d’athéoriques, montrent que, en l’absence de définitions claires, il est toutefois utile de déterminer lors de quelles périodes clés du développement les FE montrent des changements importants. L'intérêt d’une telle approche est de pouvoir établir, d’un point de vue cognitif et comportemental, le rôle que jouent les FE dans le développement. L’étude de Carlson (2005) a par exemple répertorié toute une série de tâches destinées aux enfants d’âge préscolaire afin d’élaborer une échelle de difficultés sur un large nombre de tests. Ces normes sont destinées à estimer par la suite l’âge et le niveau de réussite de chaque enfant par rapport aux résultats attendus lors du développement normal. Les observations permettent de supposer que, dans l’ensemble, les différents scores des fonctions exécutives montrent une amélioration significative entre l’âge de 3 et 5 ans. Une revue de la littérature menée par Garon et al. (2008) conclut également que la période de 3 à 5 ans est marquée par une amélioration considérable des FE. Ces études longitudinales sont importantes, car elles permettent de caractériser des patterns développementaux au cours desquels s’opèrent des changements importants sur le plan cognitif. Une étude de Diamond (1985) a également observé que la mémoire de travail, l’inhibition et la flexibilité cognitive suivent des trajectoires développementales différentielles. De plus, des habiletés déterminantes dans la coordination des FE se mettent en place autour de la première année, puis entre l’âge de 3 et 6 ans (cité par Anderson, 2002). Si la tendance des recherches actuelles menées auprès d’enfants consiste à faire ressortir différents niveaux d’acquisition dans le fonctionnement normal des FE, les symptômes à long terme provoqués par des lésions cérébrales dans les régions frontales font également l’objet de nombreuses considérations (Anderson, 2002). Ainsi, chez les enfants cérébro-lésés, de plus en plus d’études développementales font mention de troubles exécutifs lors de pathologies acquises ou neurodéveloppementales (Roy et al., 2005). L’émergence de toute une série d’épreuves créées et testées dans le domaine de la recherche permet ainsi d’envisager une

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application clinique au cours de laquelle des profils exécutifs caractériseraient différents échantillons pathologiques (Monette & Bigras, 2008). Ainsi, de nombreux tests conçus pour évaluer différentes catégories d’âge sont utilisables. Mais cette démarche, qui consiste à faire ressortir différents niveaux d’acquisition dans les compétences exécutives, puis à explorer les effets à long terme en cas d’atteintes cérébrales, reste toutefois complexe (Anderson, 2002).

En effet, la majorité des tests exécutifs destinés aux enfants sont initialement validés et développés auprès de sujets adultes avant d’être adaptés ou simplifiés dans leur contenu (Wright, Waterman, Prescott, & Murdoch-Eaton, 2003). Cette transposition d’un modèle neuropsychologique adulte à un modèle du développement chez l’enfant reste toutefois limitée. Il manque effectivement de données suffisantes pour pouvoir déterminer dans quelle mesure les compétences exécutives des enfants sont normales ou déficitaires par rapport aux normes existantes (Guys & Willis, 1991, cités par Anderson, 2002). Les résultats sont à considérer avec prudence, car des tests conçus pour des adultes ne mesureront pas nécessairement les mêmes compétences chez l’enfant. Comme le souligne Carlson (2005), le principal objectif n’est pas seulement d’adapter des tâches pour adultes chez l’enfant, mais de trouver de nouvelles mesures qui soient suffisamment sensibles d’un point de vue développemental.

1.2.3 Fonctions exécutives et drépanocytose

La drépanocytose regroupe un ensemble de maladies génétiques héréditaires, caractérisées pas une production anormale de cellules sanguines (Kral, Brown & Nietert, 2004). Le remplacement d’un acide aminé dans les gènes codant pour la molécule d’hémoglobine est à l’origine de la production de ces cellules pathologiques (Hb S) dont la forme est allongée, à l’image d’une « faucille », au lieu d’être concave. Ces cellules de mauvaise qualité circulent plus difficilement dans le sang. Elles augmentent les risques d’accidents ischémiques donnant lieu à des crises dites « douloureuses » ainsi qu’à des lésions dans divers organes tels que le cerveau, les poumons, le foie etc. Cette maladie, qui n’est pas rare, touche essentiellement les populations africaines. Elle concerne également les individus vivant en bord de méditerranée (Italie, Nord de la Grèce, Sud de la Turquie, province Est de l’Arabie Saoudite, Inde) avec un taux d’incidence égal ou supérieur aux populations Afro- Américaines (soit env. 1 :350) (Nagel, 1994, cité par Kral, Brown & Hynd, 2001). Au Cameroun, la maladie touche environ 2-3% de la population générale (Ruffieux et al., 2010).

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Les accidents vasculaires cérébraux (AVC), qui concernent environ un tiers des enfants drépanocytaires, comptent parmi les complications les plus invalidantes de la maladie (Kral, Brown & Hynd, 2001). Chez les enfants porteurs de la forme génétique la plus grave (HbSS), on estime que le risque de développer un infarctus est 250 à 400 fois plus élevé qu’au sein d’une population d’enfants tout-venants (Ohene-Frempong 1991, cité par Karl, Brown &

Hynd, 2001). Il existe également des micro-lésions cérébrales plus subtiles, qualifiées de non- cliniques, que l’on nomme « infarctus silencieux ». Ces dernières sont décelables à l’aide d’une IRM, alors que, contrairement aux AVC cliniques, les signes ou antécédents neurologiques sont absents (Hindmarsh, Brozovic, Brook, & Davies, 1987; Moser et al., 1996; Pavlakis et al., 1988, cités par Kral, Brown & Nietert, 2003 ; Ruffieux et al. 2010 ). La probabilité d’être, par la suite, victime d’attaques cliniques est, dans ce cas, environ 14 fois plus importante que lorsque ces lésions sont absentes (Miller et al., 2001). Les infarctus silencieux se situent majoritairement dans les lobes frontaux du cerveau, dont dépendent des mécanismes neurocognitifs tels que l’attention soutenue ou la concentration et les fonctions exécutives. Ces dernières sont significativement reliées à la présence de ces micro-infarctus et seront progressivement déficitaires au fur et à mesure que les lésions cérébro-vasculaires augmentent (Brown et al., 2000; DeBaun et al., 1998; Schatz, Brown, Pascual, Hsu, &

DeBaun, 2001, cités par Kral, Brown & Nietert, 2003). Chez les enfants atteints de la maladie, les AVC se déclarent le plus souvent durant les dix premières années de vie, avec un pic d’incidence survenant entre l’âge de 2 et 5 ans (Kiatkowski et al, 2002, cités par Tarazi, 2004 ; Kral, Brown & Hynd, 2001). Les déficits cognitifs engendrés par les symptômes neurologiques de la maladie et caractéristiques des attaques silencieuses sont également présents dès le plus jeune âge (Brown, Davis & Lambert, 2000, Ruffieux et al., 2009).

Toutefois, une prise en charge précoce des jeunes patients à risque d’AVC, notamment à l’aide d’une évaluation neuropsychologique détaillée, permettrait d’évaluer les déficits précoces engendrés par les lésions du système nerveux (Tarazi, 2004 ). C’est ce que concluent certains auteurs tels que De Baun et al. (2000) lorsqu’ils observent que des tests neuropsychologiques ciblant essentiellement les domaines de l’attention et des fonctions exécutives permettent d’identifier de manière significative des enfants présentant des lésions cérébrales précoces. L’élaboration d’une évaluation neuropsychologique faciliterait la mise en place de méthodes de prévention et d’intervention chez des enfants plus vulnérables d’un point de vue cognitif (Kral, Brown & Hynd, 2001). Ce type de prise en charge est d’autant plus important dans des pays en voie de développement où les techniques d’imagerie cérébrales demeurent beaucoup moins accessibles (Tarazi, 2004). Le recours à une évaluation

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neuropsychologique peut s’effectuer conjointement à une méthode d’investigation non invasive, le Doppler Transcranien. Cet outil, qui mesure la vitesse du flux sanguin, montre qu’une circulation excessivement rapide constitue un facteur de risque dans l’apparition d’attaques cérébrales chez les enfants drépanocytaires (Kral & Brown, 2004).

1.2.4 Les fonctions exécutives chez les enfants d’âge préscolaire

Chez l’adulte, la possibilité d’isoler des composantes exécutives représente un défi considérable, car la majorité des épreuves révèlent une part de variance commune et sont

« contaminées » par un certain nombre de processus non-exécutifs (Monette & Bigras, 2008).

Il convient donc d’éviter de confondre ces derniers avec des difficultés plus directement reliées aux fonctions exécutives. Ces aspects sont à considérer d’autant plus attentivement dans des tâches exécutives plus basiques destinées aux enfants d’âge préscolaire, car la nature de leurs performances est davantage tributaire de capacités instrumentales limitées (Archibald

& Kerns, 1999). En effet, les compétences langagières, d’écriture et de lecture sont en pleine croissance durant la période préscolaire et peuvent passablement varier d’un enfant à l’autre.

Ces différences dans les niveaux d’acquisition, bien que s’atténuant rapidement dès la scolarisation, pourraient expliquer une part importante de la variance liée à l’âge dans les FE (Roy, 2007). D’autres contraintes, comme la fatigabilité, les limites attentionnelles, la capacité à rester assis durant une longue période, se surajoutent aux difficultés évoquées. Il est donc important d’adapter la durée des tests et de faire en sorte que l’enfant soit suffisamment actif durant l’évaluation tout en lui proposant des pauses s’il manque de concentration. Un dernier aspect important à considérer durant la période préscolaire concerne le fait que les FE forment une structure davantage indifférenciée durant l’enfance et qu’elles évoluent vers des catégories plus modulaires avec l’âge (Zelazo, Müller & Marcovtich, 2003). C’est notamment le cas de certaines tâches supposées mesurer des performances d’inhibition, alors que chez les jeunes enfants on constate une interaction plus marquée avec la mémoire de travail (Roy, 2007). L’âge de réussite est moins précoce dans des tâches où ces deux fonctions interagissent que dans d’autres qui prennent en considération des mécanismes d’inhibition plus isolés (Roy, ibid).

Une étude de Zelazo, Frye & Rapus (1996) est parvenue à des résultats intéressants du point de vue de la difficulté à évaluer la période d’émergence des fonctions exécutives chez les enfants d’âge préscolaire. Le « Dimensional Change Card Sort Test », version adaptée du

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Wisconsin Card sorting test (WCST) pour adultes, a été administré à de jeunes enfants en simplifiant certains paramètres comme les consignes et le contenu des items. Le principe de cette tâche est de présenter à des enfants de 3-4 ans un tas de cartes contenant une série de formes colorées et de leur demander de les classer sur la base d’une première dimension (par ex. la couleur). Dans un deuxième temps, on leur propose de changer de règle et de classer les cartes selon une autre dimension (par ex. la forme). Les résultats révèlent qu’avant l’âge de 4 ans, les enfants échouent systématiquement. Suite aux changements de critères, ils persistent à appliquer la première règle. On remarque par contre qu’ils sont capables d’expliquer par oral qu’ils ont compris l’action correcte à effectuer. Une étude de Kirkhma, Cruess et Diamond (2003) a repris ces résultats surprenants en émettant l’hypothèse que les enfants présentent des comportements contradictoires avec la compréhension de la tâche en raison d’une difficulté à inhiber leur focus attentionnel d’un stimulus préalablement pertinent. Cette hypothèse remet en doute celle postulée par Zelazo et al. (1996), qui considère que, si les plus jeunes enfants échouent, c’est parce qu’ils sont incapables de considérer deux dimensions à la fois. En revanche, l’étude de Kirkham et al. (2003) caractérise ce phénomène « d’inertie attentionnelle » et considère que le principal enjeu dans la réussite de cette version modifiée du WCST est de pouvoir mieux rediriger l’attention de l’enfant sur une nouvelle catégorie de tri pertinente lorsque l’ancienne dimension est également présente. Ils vérifient leur hypothèse en montrant qu’un certain contrôle du contexte facilite la réussite de la tâche. En effet, lorsque l’expérimentateur incite les enfants à verbaliser ce qu’ils voient avant de classer l’image, la plupart de ceux qui échouaient dans la condition standard sont capables de réussir la tâche de façon plus précoce, à savoir vers l’âge de 3 ans. Des recherches développementales utilisant le test de Stroop (1935) ont également permis de définir les limites que présente la version standard du test permettant de mesurer l’inhibition chez l’adulte. Cette épreuve comprend trois parties principales : le sujet doit d’abord lire des mots présentés à l’encre noire indiquant des noms des couleurs. Il doit nommer, dans une deuxième condition, des bandes de couleurs et, dans un troisième temps, il doit donner la couleur de l’encre de mots dont le sens évoque une couleur différente. Cette dernière condition, qualifiée d’interférente ou d’effet « Stroop » se base sur le conflit entre la couleur des mots et la signification sémantique de ceux-ci. Le principal effet observé dans cette étape qualifiée d’ « incongruente » correspond à une diminution et un ralentissement des performances, car les sujets doivent inhiber le comportement plus automatisé de lecture, qui interfère avec la couleur du mot. Les données obtenues dans les études longitudinales de l’effet Stroop montrent une diminution de l’effet d’interférence entre l’âge de 7 et 18 ans, suggérant un développement progressif du contrôle

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de l’inhibition jusqu’à l’adolescence. Cependant, chez les enfants plus jeunes, cet effet d’interférence est absent, car les capacités en lecture des enfants ne sont pas suffisamment automatisées (Leon-Carrion et al. 2004). C’est la raison pour laquelle d’autres versions modifiées du paradigme classique du Stroop, comme celle que nous présentons dans notre batterie, doivent tenir compte de certains paramètres pouvant biaiser les performances cognitives chez les enfants d’âge préscolaire.

En somme, plus les enfants sont jeunes, plus ils risquent d’échouer aux épreuves, ne serait-ce qu’en raison de capacités attentionnelles et inhibitrices limitées (Monette & Bigras, 2008). Par ailleurs, des tâches initialement destinées aux adultes peuvent s’avérer trop complexes ou ennuyeuses, ce qui reviendrait à sous-estimer les capacités réelles des enfants durant la période préscolaire (Roy, 2007). Comme nous l’avons également souligné avec l’exemple du test de Stroop, les enfants et les adultes peuvent réaliser une même tâche au moyen de stratégies différentes. De plus, la manipulation de certains éléments contextuels peut favoriser un développement plus précoce (Roy, 2007 ; Cragg, 2007).

1.2.5 L’inhibition : définition et développement chez l’enfant

Le concept d’inhibition en tant qu’objet d’étude scientifique est observé dans un large spectre de phénomènes psychologiques. Il s’agit d’un facteur explicatif important dans la compréhension d’une multitude de phénomènes cognitifs tels que l’attention, la perception, la mémoire, l’action, l’intelligence ou la personnalité (Boujon & Lemoine, 2002). L’inhibition est une composante centrale des FE. Elle exerce une influence considérable sur les différences individuelles et sur les changements développementaux dans le cadre du fonctionnement cognitif (Gorfein & MacLeod, 2007). Des déficits d’inhibition à l’origine de comportements impulsifs se rattachent aussi à des difficultés sociales et comportementales (Wright, Waterman, Prescott & Murdoch-Eaton, 2003).

Dans une acceptation générale, l’inhibition renvoie davantage à une famille de fonctions organisées selon différents niveaux de complexité qu’à une structure unitaire (Dempster, 1993 ; Harnishfeger, 1995 ; Nigg, 2000, cités par Booth, 2003 ; Miyake, 2000). Le fonctionnement de ces mécanismes cognitifs dépend, en grande partie, du lobe frontal, qui sélectionne et régule le comportement tout en supprimant ou en inhibant des stimuli et des associations qui ne sont plus pertinentes pour la tâche en cours (Dempster & Corkill, 1999).

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L’inhibition regroupe plusieurs processus qui permettent de modifier des réponses maîtrisées connues, notamment dans des situations qui demandent de fournir des réponses alternatives (Wright et al., 2003). Elle favorise également la suppression active de représentations ou de réponses motrices non pertinentes et distractrices lorsqu’un but doit être atteint (Boujon, 2002). De plus, les mécanismes d’inhibition ont une action proche des systèmes attentionnels (Gorfein & Mac Leod, 2007). En effet, lorsque nous devons répondre correctement à une tâche, des mécanismes d’attention sont mis en œuvre afin de sélectionner les informations appropriées. Ces derniers semblent s’intégrer à des mécanismes inhibiteurs qui permettent de supprimer des réponses comportementales incorrectes. Ainsi, des erreurs rencontrées lors de la réalisation d’une tâche complexe peuvent s’expliquer par des déficits d’attention soutenue autant que par des difficultés d’inhibition (Both, 2003).

De nombreux modèles théoriques conceptualisent l’inhibition selon différentes taxonomies que Friedman et Miyake (2004) synthétisent dans une étude. Ils mentionnent tout d’abord le modèle cognitif élaboré par Barkley (1997), qui distingue trois processus interreliés dans l’inhibition d’une réponse. Le premier processus comprend l’inhibition d’une réponse dominante. Le second permet de stopper une réponse en cours ou de la retarder, alors que le dernier détermine la capacité à limiter l’interférence ou la distractibilité durant un stade de traitement précoce. Les auteurs évoquent ensuite le modèle de Harnishfeger (1995) qui propose également de définir l’inhibition selon deux axes. Le premier axe oppose inhibition intentionnelle et non volontaire. Cette classification permet de distinguer des tâches de type

« negative priming » dans lesquelles un stimulus préalablement pertinent doit être inhibé, par rapport à d’autres épreuves qui nécessitent la suppression de pensées. Le deuxième axe permet de déterminer si l’inhibition est mobilisée à un niveau comportemental ou cognitif.

L’inhibition comportementale se caractérise par l’inhibition d’une réponse motrice ou par le contrôle des impulsions. L’inhibition cognitive intervient, quant à elle, dans des processus mentaux tels que l’attention ou la mémoire. Elle permet de supprimer des pensées non appropriées ou non désirées, de lever le sens ambigu des mots et d’éliminer de l’information non pertinente en mémoire de travail. Le dernier modèle synthétisé par Friedman et Miyake (2004) est celui de Nigg (2000), qui conçoit quatre types d’inhibition. Il distingue tout d’abord une forme d’inhibition qu’il rattache à l’effet d’interférence. Elle est activée lorsque des ressources ou des stimuli entrent en compétition. Une deuxième catégorie d’inhibition agit au niveau des représentations en mémoire de travail et permet de supprimer des informations non appropriées. La troisième forme d’inhibition est de type comportemental et permet à

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l’individu de se retenir d’exécuter une action. Enfin, l’inhibition de type oculo-motrice implique la suppression des saccades oculaires.

Suite à ces différents découpages, il est important de noter que les variations conceptuelles de l’inhibition, caractérisant les différents modèles que nous avons présentés ci- dessus, s’orientent sur plusieurs niveaux de traitement de l’information. En effet, Friedman et Miyake (2004) montrent que l’on considère généralement un stade perceptif « primaire » de l’inhibition, qui permet de sélectionner des informations appropriées et d’éliminer celles qui sont incorrectes. L’information est ensuite mémorisée à un niveau intermédiaire et l’inhibition caractérise des processus qui empêcheront l’entrée en mémoire de travail de données non pertinentes. Lors d’un stade plus avancé du traitement, certaines réponses comportementales seront sélectionnées ou alors supprimées et il s’agira de résister aux réponses incorrectes pouvant perturber la tâche en cours. De plus, certaines recherches sur l’inhibition s’intéressent davantage à des aspects passifs (automatiques/non-conscients), alors que d’autres se focalisent sur des processus d’inhibition plus actifs (contrôlés/conscients).

Parmi les différentes distinctions que nous venons d’évoquer, Miyake et al. 2000 proposent, dans le cadre des fonctions exécutives, de se centrer sur l’inhibition d’une réponse interférente, envisagée comme une activation automatique de représentations non pertinentes.

Ces auteurs considèrent que les mesures d’interférence constituent de bons indicateurs de l’inhibition. Elles impliquent le déploiement de réponses délibérées et intentionnelles d’informations externes ou internes qui pourraient interférer avec des actions en cours.

Dempster et Corkill (1993) définissent plus largement l’interférence comme une capacité à ignorer ou à inhiber une information non pertinente lors de la réalisation d’une action. Ces mêmes auteurs indiquent toutefois que la résistance à l’interférence ne forme pas un construit unitaire, car les patterns développementaux diffèrent selon les modalités motrices, perceptives et linguistiques propres à différentes tâches. Ils distinguent en effet trois formes d’interférence : l’interférence de type motrice caractérise l’aptitude à résister à la répétition routinière d’un geste moteur, qui par la suite devient non approprié. L’interférence de type perceptive définit la capacité de résistance face à des stimuli visuels saillants. Enfin, l’interférence peut se manifester à travers des composantes linguistiques dans des tâches au cours desquelles la lecture d’un mot interfère avec la réponse correcte, comme dans l’exemple du test classique de Stroop (Stroop, 1935). Jusqu’à l’âge de deux ans, l’enfant serait spécialement sensible à l’interférence motrice, puis le deviendrait progressivement à la forme

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perceptive. Enfin, vers l’âge de 6 ans, l’enfant montre plus de sensibilité à l’interférence de forme linguistique.

L’âge auquel l’inhibition arrive à un niveau de maturité, c'est-à-dire lorsqu’elle atteint un niveau adulte, se situe aux alentours de 9-10 ans selon certains chercheurs, alors que d’autres estiment que son développement se poursuit jusque vers l’âge de 12 ans (Welsh, 1991 ; Levin, 1991, cités par Leon-Carrion et al. 2004). Chez les jeunes enfants, le contrôle de l’inhibition est qualifié de relativement « pauvre » (Wright et al. 2003). Les données de la littérature mentionnent toutefois un développement important dans le contrôle de l’inhibition durant les six premiers mois de vie. La période préscolaire est également marquée par une nette amélioration du contrôle de l’inhibition entre l’âge de 3 et 6 ans, ce qui s’observe aussi par un meilleur contrôle de l’enfant sur son affect et son comportement (Diamond & Taylor, 1996 ; Kochanska et al., 1996, Garon et al. 2008).

Les formes les plus simples d’inhibition émergent chez les nourrissons et permettent progressivement à l’enfant d’exercer un meilleur contrôle cognitif sur ses comportements.

L’amélioration de l’inhibition permettra de mieux gérer les contraintes en mémoire de travail, qui impliquent de réduire le conflit cognitif entre deux réponses concurrentes tout en inhibant une réponse automatique. C’est ainsi que vers l’âge de 2 ans, l’enfant devient capable de garder une règle en tête et de l’appliquer correctement (Garon et al. 2008). Le modèle élaboré par Diamond (1991) partage cette idée et considère que l’inhibition exerce une influence importante dans la mise en action d’éléments mémorisés, comme cela est le cas des tâches A non B. Elle considère que ce type d’épreuves peut être échoué de l’enfance à l’âge adulte, non pas en raison d’un manque de connaissance ou de difficultés en mémoire de travail, mais étant donné des difficultés d’inhibition. Elle déclare ainsi : “Cognitive development can be conceived of, not only as the progressive acquisition of knowledge, but also as the enhanced inhibition of reactions that get in way of demonstrating knowledge that is already present”

(cité par Houdé, 2000)

Durant la période préscolaire, deux catégories de tâches permettent d’évaluer l’inhibition selon l’âge d’administration et le type de comportement recherché. Un premier ensemble d’épreuves, administrables dès l’âge de quelques mois, évalue la capacité de l’enfant à retarder et à tempérer une certaine impulsivité dans ses comportements (Carslon &

Moses, 2001). L’étude de Garon et al. (2008) répertorie toute une série de tâches classées sous

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la catégorie d’inhibition « simple ». Il s’agit d’épreuves mesurant des mécanismes d’inhibition dont la charge en mémoire de travail est faible. Monette (2008) propose similairement l’appellation d’inhibition « chaude » et décrit le caractère motivationnel des tâches classées comme telles. Cette première catégorie d’épreuves comprend une série de paradigmes testant la capacité de l’enfant à inhiber son comportement lorsque cela lui est demandé (par ex. renoncer à une activité amusante ou à une récompense directe). On évalue le délai d’attente que l’enfant est capable de s’imposer lorsqu’il est face à un objet attrayant. On peut aussi lui proposer de choisir entre une petite récompense « maintenant » ou une plus grande récompense « plus tard » afin de vérifier s’il est capable de patienter pendant un certain temps.

Une seconde catégorie de tâches qualifiées, au contraire, d’inhibition « froide » ou

« complexe », toujours selon les mêmes auteurs, se distingue de la première catégorie par sa charge émotionnelle davantage neutre, puis par une demande plus importante en mémoire de travail. Pour réussir ces tâches, les enfants doivent élaborer des règles plus abstraites leur permettant d’inhiber un comportement. Certains tests impliquant des conflits plus légers ont un âge de réussite situé aux alentours de deux ans, comme l’exemple de quelques tâches de type « Stroop ». Ces dernières proposent des degrés de conflits plus basiques impliquant la forme ou la grandeur de deux objets sémantiquement reliés. On peut par aussi demander à l’enfant d’inhiber ou d’activer un comportement suivant la présentation d’un objet ou d’un autre, comme dans le cas de la tâche de « l’ours et du dragon » lorsque l’enfant doit exécuter ce que l’ours demande et, à l’inverse, inhiber ce que le dragon indique (Garon et al., 2008).

Ces tests plafonnent généralement plus rapidement que d’autres tâches dont la charge cognitive est encore plus insistante. Par exemple, des variantes du test de Stroop, telles que

« Herbe-Neige » et « Jour-Nuit » (Carlson & Moses, 2001), ainsi que d’autres versions simplifiées se montrent plus appropriées d’un point de vue développemental. Pour chacune d’entre elles, un conflit est introduit entre l’information perceptive visuelle et la réponse à produire (Pennequin et al., 2004). Dans la version « jour-nuit », l’enfant voit des cartes représentant soit un soleil, soit une lune et doit, dans la condition interférente, dire « jour » s’il voit l’image de la lune ou dire « nuit » s’il voit l’image du soleil. Le principe est le même que pour le Stroop « Herbe-Neige », sauf que l’enfant doit, dans ce cas, pointer une carte blanche lorsque l’expérimentateur lui dit « herbe » et pointer une carte verte pour le mot « neige ».

Ces tâches, qui contournent les capacités limitées de lecture chez l’enfant, présentent un effet d’interférence similaire à celui obtenu dans la version originale du Stroop (Stroop, 1935).

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Elles mesurent la suppression active d’une réponse très automatisée qui interfère avec une image lui étant sémantiquement reliée. Archibald et Kerns (1999) reprochent toutefois aux items utilisés dans la tâche « jour-nuit » d’ajouter un certain degré d’abstraction qui pourrait diminuer l’automaticité de la réponse prépondérante. Elles proposent de remplacer les réponses verbales « jour-nuit » par celles de « soleil-lune ». D’autres variantes motrices des paradigmes de type Stroop adaptés aux enfants comprennent des situations où on demande aux enfants d’imiter puis d’effectuer des mouvements inverses à ceux exécutés par l’expérimentateur. Par exemple dans l’épreuve Go/No-go (que nous avons malheureusement dû retirer de notre batterie en raison d’un effet plafond, cf. plus loin), l’enfant doit activer ou inhiber un comportement en fonction de la couleur de l’objet qu’il voit. Des études ont montré que, entre l’âge de 3 et 5 ans, une amélioration importante s’observait dans ce type de tâches (Archibald & Kerns, ibid).

Archibald et Kerns (ibid) concluent que les épreuves au format Stroop explorées dans le cadre de leur étude développementale, telles que le test « soleil-nuit » ainsi qu’une version du Stroop contenant des images de fruits, présentent des corrélations hautement significatives avec la version classique du Stroop (Stroop, 1935). Ces résultats suggèrent que ces mesures sont intéressantes du point de vue de l’étude de l’inhibition chez les enfants non lecteurs.

Nous avons également jugé utile, dans le cadre de notre travail de recherche, d’utiliser une version de Stroop « fruits » élaborée par Monette et Bigras (2008) que nous décrirons plus en détail dans la section 2.2.2.3 de notre travail.

1.3 La vitesse de traitement 1.3.1 Définition et aspects théoriques

La vitesse de traitement (Vdt) se définit par la rapidité à laquelle des opérations cognitives simples sont effectuées. Elle possède une valeur fonctionnelle et exerce une influence importante sur le traitement cognitif (Kail & Salthouse, 1994, Salthouse, 2005). On la conçoit également comme une variable « primitive», car on suppose qu’elle ne peut se réduire à aucun autre construit cognitif (Kail & Salthouse, 1994). De nombreux chercheurs s’accordent à penser qu’il existe des différences d’âge dans des tâches conçues pour mesurer la vitesse de traitement. Ces épreuves se démarquent par des formats relativement simples et induisant peu d’erreurs (par ex. tâches de rotations mentales, analogies verbales, visuelles

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etc.) (Salthouse, 2005). Plusieurs études ont par ailleurs noté que les scores obtenus dans ce type de tâches décrivent une trajectoire caractéristique le long du développement lifespan. En effet, la Vdt croît fortement entre la petite et la moyenne enfance, poursuit une augmentation plus modérée jusqu’à l’adolescence et diminue lentement à partir de l’âge adulte (Kail, 1991, cité par Kail, Ferrer, 2007 ; Salthouse, 2005). Brewer et Smith (1989), ont effectivement observé que la Vdt augmente fortement entre l’âge de 5 et 9 ans et que cette croissance coïncide avec l’obtention de performances plus précises lors de tâches contraintes en vitesse (cités par Miller & Vernon, 1997). Différentes raisons ont permis d’avancer l’impact considérable que possède la Vdt sur de nombreux domaines du fonctionnement cognitif. Tout d’abord, certaines données de la littérature mentionnent des liens importants entre le niveau de vitesse de traitement et l’évolution du fonctionnement cognitif avec l’âge. Nous verrons que plusieurs mécanismes théoriques sont susceptibles d’expliquer ce phénomène. En outre, des différences d’âge observées dans des tâches mesurant la Vdt expliquent une part importante des changements cognitifs liés à l’âge. Cet effet est notamment observé dans l’utilisation de mesures de contrôles statistiques qui suggèrent un effet médiateur de la Vdt sur les performances liées à l’âge lors de nombreuses tâches cognitives (Salthouse, 2005).

L’augmentation de la Vdt avec l’âge entraîne des réponses plus rapides, une amélioration dans l’identification et l’encodage de stimuli ainsi qu’une plus grande rapidité dans la prise de décision. A l’inverse, sa diminution affecte le fonctionnement cognitif (Miller

& Vernon, 1997). L’étude de Kail et Salthouse (1994) souligne que des différences d’âge observées dans des tâches de Vdt perceptives prédisent les niveaux de performances lors d’épreuves cognitives complexes. D’un point de vue théorique, Salthouse (2005) décrit deux mécanismes qui interviennent dans l’explication du fonctionnement et du développement de la Vdt. Le premier d’entre eux fait référence au concept de temps limité, que l’on schématise comme la capacité à réaliser une série d’opérations mentales dans un temps imparti. Il s’agit d’un phénomène qui s’observe avec plus d’évidence dans des tâches relativement simples où sont comptabilisés le nombre d’items traités dans un maximum de temps. Ce mécanisme de la Vdt est à l’origine d’une augmentation ou d’une diminution avec l’âge des processus cognitifs complexes, car une réalisation plus ou moins rapide de séquences d’opérations cognitives primaires limitera l’exactitude d’opérations ultérieures. Un deuxième mécanisme pris en considération dans le fonctionnement et la fluctuation de la vitesse de traitement avec l’âge concerne le principe de simultanéité. Il se caractérise par la capacité d’avoir simultanément accès à un ensemble d’informations pertinentes dans un intervalle de temps suffisamment

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large pour que des opérations mentales en cours puissent se réaliser correctement. Ces deux mécanismes ont largement été étudiés dans l’interprétation de l’évolution de la Vdt avec l’âge, mais aussi dans l’impact qu’elle exerce sur les performances cognitives. On considère également que ces changements reposent sur des facteurs biologiques sous-jacents, car l’efficacité de la vitesse de traitement montre une évolution parallèle à l’augmentation puis à la diminution de la neurotransmission lors du développement (connections synaptiques, myélinisation etc.) (Kail & Ferrer, 2007).

Une revue méta-analytique menée par Kail (1991) se base sur 72 études dans lesquelles sont comparés des temps de réaction obtenus par des enfants et par des adultes lors de tâches identiques. Ces données lui permettent ensuite d’observer l’existence d’un lien direct entre les scores de Vdt observés chez les enfants et ceux obtenus chez les adultes. Cette correspondance constante entre les résultats de deux catégories d’âge révèle une augmentation exponentielle de la Vdt avec l’âge et lui confie un rôle de facteur général du développement.

De plus, plusieurs auteurs montrent que les performances en vitesse de traitement possèdent une part explicative importante dans les différences d’âge caractérisant de nombreux domaines de la cognition, telles que la mémoire, les fonctions exécutives et l’intelligence (Case, 1992, cité par Ridderinkhoff & Van der Molen, 1997). Fry et Hale (1997) montrent que des performances en rapidité d’exécution se développent parallèlement à l’amélioration des performances en mémoire et en raisonnement. De même, ils considèrent que ces trois fonctions interagissent sous forme de cascade développementale, à savoir qu’une augmentation de la VDT induit de meilleures performances en mémoire de travail, favorisant à son tour l’amélioration des compétences dans des épreuves se rattachant au domaine de l’intelligence fluide (cités par Kail & Ferrer 2007).

En ce qui concerne la période préscolaire, les études qui portent sur le développement normal de la vitesse de traitement sont peu nombreuses, car la majorité d’entre elles comprennent des enfants âgés de plus de 6 ans et sollicitent de bonne capacités en lecture (Miller & Vernon, 1997). Une recherche réalisée par ces auteurs se concentre plus spécifiquement sur l’observation des temps de réaction chez des enfants âgés de 4 à 6 ans. Ils utilisent une série de tâches n’incluant aucune demande de lecture ou d’identification de lettres et de chiffres. Pour ce faire, ils orientent leur choix sur des tests comprenant des temps de réaction simples et composés d’items faisant appel à des connaissances plus basiques telles que la forme ou la couleur d’objets facilement identifiables (ex. carré, flèches, rectangles

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etc.). Huit tests sont administrés au sein desquels l’enfant dispose de deux touches sur lesquelles il doit presser en voyant apparaître à l’écran des couleurs ou des formes. Il doit juger le plus rapidement possible la correspondance visuelle entre certains paramètres impliquant la forme, la couleur ou la position. Les résultats montrent des changements significatifs entre ces différentes tâches pour les trois groupes d’âge. Les auteurs observent toutefois que les enfants de 4 ans diffèrent des enfants de 6 ans sur toutes les épreuves, alors que les enfants de 4 et de 5 ans diffèrent sur cinq d’entre elles et que les enfants de 5 et de 6 ans ne diffèrent que sur une seule tâche. Ces données obtenues auprès d’enfants d’âge préscolaire suggèrent une augmentation rapide de la vitesse de traitement chez les plus jeunes enfants, alors que cette tendance est moins marquée vers l’âge de 6 ans.

1.3.2 Effet médiateur de la vitesse de traitement

Les travaux de Salthouse (2005) et de Salthouse et Kail (1994) indiquent que la variance liée à l’âge est susceptible d’être médiatisée par la Vdt à l’aide de plusieurs procédures de contrôle statistique. Une variable médiatrice, dans notre cas la Vdt, se définit comme une variable positionnée entre une variable indépendante (VI) et une variable dépendante (VD), si bien que la VI (ex. âge) exerce un effet sur la variable médiatrice (ex.Vdt), qui elle-même exerce un effet sur la VD (ex. cognition) (Brauer, 2000) (voir figure 1)

La présence d’un effet médiateur suppose la possibilité de pouvoir isoler l’effet indirect de la VI sur la VD, lorsqu’une variable médiatrice occupe une position intermédiaire.

Dans une situation de médiation parfaite, si l’effet de la variable médiatrice sur la VD est contrôlé/supprimé, l’effet de l’âge observé sur la cognition disparaît. Il est toutefois possible d’obtenir des modèles causaux impliquant des médiations partielles où la variable dépendante est à la fois médiatisée par une variable intermédiaire puis directement reliée à la VI. Dans cette dernière condition, si la variable médiatrice est contrôlée, on observe une diminution ou une atténuation plutôt qu’une disparition de l’effet de la VI sur la VD. Les analyses statistiques utilisées devraient ainsi permettre de déterminer la relation existant entre deux variables d’intérêt lorsque l’effet d’une troisième variable intermédiaire est maintenu

Age Vdt Cognition

Figure 1. Modèle causal avec médiation

Références

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