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1. INTRODUCTION THEORIQUE

1.2 Les fonctions exécutives

1.2.2 Le développement des fonctions exécutives chez l’enfant

Une série de recherches récentes porte sur le développement précoce des fonctions exécutives au sein de différentes catégories d’âge, afin de déterminer si ces processus opèrent dès les premiers mois de vie ou s’ils sont particulièrement importants à certaines étapes du développement. Le principal intérêt des ces études est de pouvoir développer des tâches cognitives qui soient suffisamment appropriées au développement et au répertoire

comportemental de l’enfant (Espy, Glisky, Kaufman, & McDiarmid, 2001).

Une première catégorie de recherche s’est attachée à déterminer dans quelle mesure les compétences exécutives pouvaient se manifester dès la petite enfance (Diamond et al.,1991, cités par Espy et al., 2001). Ces découvertes sont récentes, car les chercheurs ont longtemps considéré que le cortex pré-frontal n’arrivait pas à maturité avant l’adolescence et que les fonctions exécutives ne pouvaient donc pas opérer avant cette période. Une étude de Diamond (1985) s’est, par exemple, inspirée des paradigmes de permanence et de recherche d’objet élaborés par Piaget (1935) afin d’évaluer les comportements orientés vers un but chez les nourrissons (cités par Anderson 2002). Les tâches de permanence de type A non B nécessitent de mémoriser l’emplacement d’un objet dissimulé tout en évitant d’aller le rechercher au même endroit lorsqu’il est déplacé. Les tâches de recherche demandent, quant à elles, d’inhiber un comportement d’atteinte directe d’un objet placé à l’intérieur d’une boîte transparente et de remplacer ce comportement par un mouvement de détour pour atteindre l’objet par une ouverture latérale. Ces études ont ainsi permis de constater que le cortex préfrontal dénote une activité précoce et que son développement est relié à la réussite de ces tâches durant les premiers mois de vie (Monette & Bigras, 2008). De plus, les résultats comportementaux ont permis d’observer que des erreurs commises dans des tâches de type A non B sont rattachées à une immaturité en mémoire de travail ainsi qu’à un manque d’inhibition comportementale. Diamond (1985) souligne également le rôle du cortex pré-frontal dorsolatéral et de la formation hippocampique dans le contrôle et la maturation des réponses d’inhibition chez l’être humain, comportements similaires à ceux observés chez des animaux et des adultes cérébro-lésés. Il existe ainsi des substrats neurologiques communs dans le développement du fonctionnement exécutif (Diamond, 1985, 1988, 1990b, cités par Dowsett & Livesey, 2000)

Chez les enfants plus âgés, certains auteurs se sont intéressés à déterminer, au même titre que chez l’adulte, l’existence de propriétés dimensionnelles dans les FE. Une étude récente de Letho, Juujärvi, Kooistra et Pulkkinen (2003) a repris le modèle de Miyake et al., (2000), dans l’objectif d’étudier le développement des compétences exécutives chez des enfants âgés de 8 à 13 ans. En procédant à une analyse factorielle, les auteurs se sont basés sur les mêmes FE que celles sélectionnées par Miyake et al. (2000). Les résultats révèlent chez l’enfant une structure factorielle similaire à celle évoquée chez l’adulte et les auteurs concluent que le modèle de Miyake et al. (2000) fonctionne également chez l’enfant. Cela

étant dit, les études factorielles menées auprès d’enfants manquent de réponses claires et rigoureuses pour garantir une telle dissociabilité des fonctions exécutives (Monette & Bigras, 2008). On reproche effectivement à ce type d’investigation de se limiter à des modèles théoriques qui engagent des processus matures stables au détriment de mécanismes de base émergeant progressivement dans le développement précoce (Roy, 2007). Il est également important de déterminer dans quelle mesure des compétences, telles que la mémoire, le langage et la vitesse de traitement favorisent la mise en place et l’efficacité des fonctions exécutives lors d’une dynamique développementale (Anderson, 1998).

Une autre catégorie d’études que Roy caractérise d’athéoriques, montrent que, en l’absence de définitions claires, il est toutefois utile de déterminer lors de quelles périodes clés du développement les FE montrent des changements importants. L'intérêt d’une telle approche est de pouvoir établir, d’un point de vue cognitif et comportemental, le rôle que jouent les FE dans le développement. L’étude de Carlson (2005) a par exemple répertorié toute une série de tâches destinées aux enfants d’âge préscolaire afin d’élaborer une échelle de difficultés sur un large nombre de tests. Ces normes sont destinées à estimer par la suite l’âge et le niveau de réussite de chaque enfant par rapport aux résultats attendus lors du développement normal. Les observations permettent de supposer que, dans l’ensemble, les différents scores des fonctions exécutives montrent une amélioration significative entre l’âge de 3 et 5 ans. Une revue de la littérature menée par Garon et al. (2008) conclut également que la période de 3 à 5 ans est marquée par une amélioration considérable des FE. Ces études longitudinales sont importantes, car elles permettent de caractériser des patterns développementaux au cours desquels s’opèrent des changements importants sur le plan cognitif. Une étude de Diamond (1985) a également observé que la mémoire de travail, l’inhibition et la flexibilité cognitive suivent des trajectoires développementales différentielles. De plus, des habiletés déterminantes dans la coordination des FE se mettent en place autour de la première année, puis entre l’âge de 3 et 6 ans (cité par Anderson, 2002). Si la tendance des recherches actuelles menées auprès d’enfants consiste à faire ressortir différents niveaux d’acquisition dans le fonctionnement normal des FE, les symptômes à long terme provoqués par des lésions cérébrales dans les régions frontales font également l’objet de nombreuses considérations (Anderson, 2002). Ainsi, chez les enfants cérébro-lésés, de plus en plus d’études développementales font mention de troubles exécutifs lors de pathologies acquises ou neurodéveloppementales (Roy et al., 2005). L’émergence de toute une série d’épreuves créées et testées dans le domaine de la recherche permet ainsi d’envisager une

application clinique au cours de laquelle des profils exécutifs caractériseraient différents échantillons pathologiques (Monette & Bigras, 2008). Ainsi, de nombreux tests conçus pour évaluer différentes catégories d’âge sont utilisables. Mais cette démarche, qui consiste à faire ressortir différents niveaux d’acquisition dans les compétences exécutives, puis à explorer les effets à long terme en cas d’atteintes cérébrales, reste toutefois complexe (Anderson, 2002).

En effet, la majorité des tests exécutifs destinés aux enfants sont initialement validés et développés auprès de sujets adultes avant d’être adaptés ou simplifiés dans leur contenu (Wright, Waterman, Prescott, & Murdoch-Eaton, 2003). Cette transposition d’un modèle neuropsychologique adulte à un modèle du développement chez l’enfant reste toutefois limitée. Il manque effectivement de données suffisantes pour pouvoir déterminer dans quelle mesure les compétences exécutives des enfants sont normales ou déficitaires par rapport aux normes existantes (Guys & Willis, 1991, cités par Anderson, 2002). Les résultats sont à considérer avec prudence, car des tests conçus pour des adultes ne mesureront pas nécessairement les mêmes compétences chez l’enfant. Comme le souligne Carlson (2005), le principal objectif n’est pas seulement d’adapter des tâches pour adultes chez l’enfant, mais de trouver de nouvelles mesures qui soient suffisamment sensibles d’un point de vue développemental.

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