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Contribution à la détection et à la prévention des complications cérébro-vasculaires chez les enfants drépanocytaires: étude exploratoire d'une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants d'âge préscolaire

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Texte intégral

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Master

Reference

Contribution à la détection et à la prévention des complications cérébro-vasculaires chez les enfants drépanocytaires: étude exploratoire d'une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants

d'âge préscolaire

SCHMID, Felicia

Abstract

La drépanocytose est une maladie génétique susceptible d'entraîner des accidents cérébro-vasculaires qui engendrent chez l'enfant l'apparition très précoce de dysfonctionnements attentionnels et exécutifs. La présente recherche vise à contribuer à la détection et la prévention de ces complications à travers l'élaboration d'une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants d'âge préscolaire. Pour ce faire, nous avons administré une batterie d'épreuves exécutives auprès d'un échantillon de 59 enfants en bonne santé âgés entre 4 et 6 ans dont nous avons analysé les compétences en flexibilité au moyen des tests de Fluence verbale et du Color Trails Cars. Nous prédisions l'existence d'un effet de l'âge sur la flexibilité ainsi qu'un effet médiateur de la vitesse de traitement sur les performances observées. Les résultats révèlent, d'une part l'existence d'une augmentation des performances en Fluence verbale entre 5 et 6 ans, et d'autre part, l'augmentation des compétences en vitesse de traitement, ces dernières médiatisant le lien entre l'âge et les performances en flexibilité [...]

SCHMID, Felicia. Contribution à la détection et à la prévention des complications cérébro-vasculaires chez les enfants drépanocytaires: étude exploratoire d'une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants d'âge préscolaire. Master : Univ.

Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14958

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Mémoire de Master en Psychologie du Développement

Sous la direction du Professeur Claude-Alain Hauert et de Nicolas Ruffieux, assistant doctorant

Felicia Schmid schmifa7@etu.unige.ch

Septembre 2010

Contribution à la détection et à la prévention des complications cérébro-vasculaires

chez les enfants drépanocytaires

Etude exploratoire d’une batterie de tests exécutifs

destinée aux enfants d’âge préscolaire

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Mes premiers remerciements s’adressent au Professeur Claude-Alain Hauert pour avoir accepté de superviser ce travail et nous avoir guidées au fil de nos doutes et questionnements à chaque étape de notre recherche avec son enthousiasme et sa bonne humeur toujours communicative.

Un chaleureux merci aussi à Nicolas Ruffieux pour la qualité de son encadrement tout au long de ce travail et pour sa sympathie et sa grande disponibilité. Son soutien et son aide nous ont été très précieux à chacune des étapes de la réalisation de notre recherche.

Merci aux enseignantes de l’école primaire Jacques-Dalphin à Carouge pour leur accueil, leur disponibilité et pour la confiance qu’elles nous ont toujours accordée lors des nombreuses évaluations que nous avons eu l’opportunité d’effectuer auprès de leurs jeunes élèves.

Merci également aux parents des nombreux enfants qui ont bien voulu accepter de participer à notre recherche, nous leurs sommes très reconnaissantes pour la confiance qu’ils nous ont témoignée.

Un grand merci aussi à tous les enfants pour leur patience et leur enthousiasme qui ont donné beaucoup de sens à notre travail et ont rendu nos fréquentes visites à l’école très agréables.

Mes profonds remerciements vont aussi à Patricia avec qui nous avons travaillé dans la joie et la bonne humeur pendant deux ans dans l’élaboration de cette recherche. Merci du fond du cœur pour cette collaboration si sympathique et merci pour ta gentillesse, ton enthousiasme, ta flexibilité et toute la richesse que tu as apporté à notre travail.

Je remercie également ma famille et mes amis pour leur soutien et leurs précieux encouragements, merci en particulier à Sophie pour les longues heures passées à étudier ensemble à la bibliothèque, un grand merci pour ta complicité et ta joie de vivre qui ont rendu nos « journées mémoire » et pauses pique-nique estivales si sympathiques et merci aussi à Cédric pour ses inépuisables encouragements tout au long de ce parcours.

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La drépanocytose est une maladie génétique susceptible d’entraîner des accidents cérébro- vasculaires qui engendrent chez l’enfant l’apparition très précoce de dysfonctionnements attentionnels et exécutifs. La présente recherche vise à contribuer à la détection et la prévention de ces complications à travers l’élaboration d’une batterie de tests exécutifs destinée aux enfants d’âge préscolaire. Pour ce faire, nous avons administré une batterie d’épreuves exécutives auprès d’un échantillon de 59 enfants en bonne santé âgés entre 4 et 6 ans dont nous avons analysé les compétences en flexibilité au moyen des tests de Fluence verbale et du Color Trails Cars. Nous prédisions l’existence d’un effet de l’âge sur la flexibilité ainsi qu’un effet médiateur de la vitesse de traitement sur les performances observées. Les résultats révèlent, d’une part l’existence d’une augmentation des performances en Fluence verbale entre 5 et 6 ans, et d’autre part, l’augmentation des compétences en vitesse de traitement, ces dernières médiatisant le lien entre l’âge et les performances en flexibilité mesurées au moyen de cette épreuve. La vitesse de traitement semble donc être une dimension importante à prendre en compte dans l’élaboration d’un instrument d’évaluation du jeune enfant. Les facteurs limitant l’interprétation des performances observées ainsi que des suggestions quant à d’éventuelles modifications du matériel et des conditions d’évaluation sont discutées.

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1. Introduction ...1

1.1 Introduction générale ... 1

1.1.1 Drépanocytose et complications cérébro-vasculaires ... 1

1.1.2 Objectifs et stratégies du projet... 2

1.2 Fonctions exécutives ... 5

1.2.1 Définition et considérations théoriques ... 5

1.2.2 Composantes exécutives ... 6

1.2.3 Aspects développementaux ... 7

1.2.4 Données empiriques ... 10

1.2.5 Flexibilité ... 12

1.2.6 Evaluation chez les enfants d’âge préscolaire ... 19

1.3 Vitesse de traitement ... 21

1.3.1 Définition et trajectoire développementale ... 21

1.3.2 Effet médiateur ... 23

1.3.3 Liens avec la cognition et les fonctions exécutives ... 25

1.4 Hypothèses théoriques... 28

2. Méthode ... 29

2.1 Procédure expérimentale ... 29

2.1.1 Procédure ... 29

2.1.2 Participants ... 30

2.2 Batteries de tests ... 31

2.2.1 Première version ... 31

2.2.1.1 Mouvements de main ... 31

2.2.1.2 Mémoire des Chiffres en ordre direct ... 32

2.2.1.3 Fluence verbale animaux ... 32

2.2.1.4 Précision visuo-motrice ... 33

2.2.1.5 Go-nogo et Go-nogo inversé ... 33

2.2.1.6 Dénomination ... 34

2.2.1.7 Color Trails Cars ... 34

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2.2.1.9 Test des puits ... 36

2.2.1.10 Attention visuelle ... 36

2.2.2 Deuxième version ... 37

2.2.2.1 Mémoire des Chiffres en ordre indirect ... 37

2.2.2.2 Fluence verbale nourriture ... 38

2.2.2.3 Stroop des fruits ... 38

2.3 Mesures ... 39

2.3.1 Score composite de vitesse de traitement ... 39

2.3.2 Score d’interférence ... 40

2.3.3 Score de flexibilité ... 40

2.3.4 Effet médiateur de la vitesse de traitement ... 41

2.4 Hypothèses opérationnelles ... 42

3. Résultats ... 43

3.1 Statistiques descriptives ... 43

3.1.1 Attention visuelle ... 43

3.1.2 Stroop des fruits ... 45

3.1.2.1 Scores de réponses correctes ... 45

3.1.2.2 Score final ... 47

3.1.2.3 Erreurs ... 50

3.1.2.4 Erreurs totales ... 52

3.1.2.5 Score d’interférence ... 53

3.1.2.6 Score de vitesse de traitement ... 53

3.1.2.7 Score composite de vitesse de traitement ... 54

3.1.3 Fluence verbale animaux ... 55

3.1.3.1 Score total ... 55

3.1.3.2 Score à 30 secondes ... 55

3.1.3.3 Score à 90 secondes ... 56

3.1.3.4 Persévérations ... 57

3.1.3.5 Intrusions ... 58

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3.1.4.1 Condition simple ... 58

3.1.4.1.1 Temps de réalisation... 58

3.1.4.1.2 Erreurs... 59

3.1.4.2 Condition alternance ... 59

3.1.4.2.1 Temps de réalisation... 59

3.1.4.2.2 Erreurs... 60

3.1.4.3 Score de flexibilité ... 62

3.2 Statistiques inférentielles... 63

3.2.1 Hypothèse 1 ... 63

3.2.2 Hypothèse 2 ... 64

3.2.2.1 Score total de Fluence verbale ... 64

3.2.2.2 Score de Fluence verbale à 30 secondes ... 64

3.2.2.3 Score de Fluence verbale à 90 secondes ... 65

3.2.2.4 Score de flexibilité au Color Trails Cars ... 65

3.2.3 Hypothèse 3 ... 66

4. Discussion ... 68

5. Bibliographie ... 87

6. Annexes ... 95

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1.1 Introduction générale

La présente étude s’inscrit dans le cadre général du projet de thèse de Monsieur Nicolas Ruffieux, assistant-doctorant à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève, portant sur les déficits cognitifs chez les enfants et adolescents souffrant de drépanocytose. Afin que le lecteur puisse aisément comprendre les différentes articulations du projet dans lequel s’insère notre recherche, il sera utile, dans un premier temps, de décrire brièvement les caractéristiques propres à cette pathologie ainsi que les complications que celle-ci peut entraîner chez les patients qui en sont atteints, et dans un deuxième temps, de rappeler succinctement les différents objectifs que vise le projet de recherche en cours et les stratégies mises en œuvre pour y répondre. Ces premiers jalons posés, nous décrirons enfin les enjeux propres à notre étude ainsi que la démarche adoptée.

1.1.1 Drépanocytose et complications cérébro-vasculaires

La drépanocytose (du grec « drepnos », faucille) ou anémie falciforme est une maladie génétique et héréditaire de transmission autosomique récessive. La maladie se caractérise par la mutation ponctuelle d’un gêne entraînant la production d’une hémoglobine altérée, dite hémoglobine S. L'hémoglobine, principal constituant des globules rouges, est une protéine dont la principale fonction est le transport de l’oxygène dans l'organisme. L’altération de cette cellule se traduit par une diminution importante de son élasticité, propriété essentielle lui permettant de circuler dans des vaisseaux de diamètre inférieur au sien. Ainsi, les globules rouges se rigidifient et se caractérisent par leur forme semblable à une faux. Cette déformation les empêche alors de transiter adéquatement à travers les petits vaisseaux diminuant alors l’apport adéquat d’oxygène nécessaire aux différents organes. Des crises douloureuses, dites vaso-occlusives, sont alors susceptibles de se manifester et s’accompagnent souvent d’une anémie chronique (Ruffieux, 2008).

Sur le long terme, les accidents vaso-occlusifs peuvent compromettre la fonctionnalité des organes et créer des complications extrêmement variées dans leur sévérité, leur durée et leur localisation. Ces difficultés se manifestent dès le plus jeune âge par des crises douloureuses dans l’abdomen, le bassin, le thorax, la colonne vertébrale et les extrémités. Dès l’adolescence, les crises aiguës se raréfient mais des lésions organiques consécutives à la maladie apparaissent alors. On constate des restrictions fonctionnelles des articulations et l’apparition de difficultés telles que la rétinopathie, l’hypertension pulmonaire et

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l’insuffisance rénale et cardiaque (Schmugge, Speer, Ozsahin, & Martin, 2008a). Outre ces complications organiques, les patients souffrent également de troubles neurologiques affectant leur système nerveux central (Wang, 2007). En effet, la déformation des globules rouges empêchant leur circulation adéquate au sein de l’organisme, et notamment du cerveau, entraîne un risque élevé d’infarctus cérébral, et ceci avant l’âge de vingt ans (Ohene- Frempong et al., 1998 ; Schatz, McClellan, Puffer, Johnson, & Roberts, 2008).

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) qui affectent les patients sont de différents ordres. On distingue les AVC cliniques, qui provoquent des dommages neurologiques, des AVC dits « silencieux », microlésions ischémiques qui ne sont visibles qu’à l’IRM et ne causent pas de déficits neurologiques. Alors que les AVC cliniques entraînent une perturbation généralisée des fonctions cognitives, les attaques silencieuses, qui se déclarent le plus souvent dans les lobes frontaux, engendrent principalement des dysfonctionnements attentionnels et exécutifs (Berkelhammer et al., 2007). Par ailleurs, ces dernières ont été identifiées comme étant le prédicteur indépendant le plus important d’un AVC clinique ultérieur et sont donc à considérer comme un facteur de risque majeur dans le développement d’infarctus cérébraux (Miller et al., 2001). L’âge moyen du premier AVC se situant vers l’âge de six ans (Oguz et al., 2003), on comprend dès lors l’importance que revêt la détection précoce d’attaques silencieuses survenant avant cet âge chez l’enfant drépanocytaire, mesure permettant l’instauration immédiate d’un traitement préventif destiné à diminuer le risque de récidive et comprenant des transfusions sanguines régulières (Pegelow et al., 2002 ; Schmugge, Speer, Ozsahin, & Martin, 2008b).

1.1.2 Objectifs et stratégies du projet

Dans beaucoup de pays d’Afrique, principalement subsaharienne et notamment au Cameroun, la drépanocytose constitue la première maladie génétique en nombre de malades et représente donc un problème majeur de santé publique (Girot, Bégué, & Galacteros, 2003).

Dans ce contexte, les complications cérébro-vasculaires liées à la maladie se révèlent souvent être les plus handicapantes car elles sont susceptibles d’engendrer de graves déficits cognitifs.

L’objectif principal de la recherche en cours vise ainsi à terme la mise en place d’un examen neuropsychologique systématique chez les enfants drépanocytaires camerounais, lequel pourrait permettre la détection précoce et la prévention des complications cérébro-vasculaires ainsi que la mise en place d’un suivi médical, d’un soutien scolaire et d’une prise en charge adaptée au patient (Ruffieux, 2008). L’élaboration d’une batterie de tests susceptible de détecter les troubles cognitifs liés aux attaques silencieuses qui affectent les patients pourrait

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par ailleurs constituer une alternative prometteuse au recours à l’imagerie cérébrale par résonnance magnétique (IRM) dont le coût prohibitif rend son accès très limité, voire impossible, dans de nombreux pays du continent africain. Afin de répondre à cet objectif, différentes stratégies, opérationnalisées en plusieurs étapes, ont été mises en place au cours des dernières années.

La recherche en cours s’inscrit dans le cadre d’un projet instauré en 2006 par les Hôpitaux de Genève et Yaoundé visant la détection et la prévention des infarctus cérébraux grâce au Doppler Transcrânien chez les drépanocytaires suivi au Cameroun. Parallèlement à ce projet, un examen neuropsychologique, outil sensible et efficace pour la détection d’attaques silencieuses (White et al., 2006), a également été introduit afin d’évaluer le fonctionnement cognitif des patients et de mettre en évidence d’éventuels déficits. Pour ce faire, Ruffieux et al. (2010) ont adapté au contexte culturel camerounais une batterie regroupant les tests les plus sensibles aux déficits cognitifs liés à la pathologie et ont établi des normes recueillies auprès d’enfants et d’adolescents camerounais en bonne santé. Des psychologues camerounais ont alors été formés à l’utilisation de cet instrument et ont ainsi pu l’administrer à des patients suivis régulièrement pendant deux ans. Le second volet du projet consistera alors à administrer cette même batterie de tests à des enfants drépanocytaires suivis aux Hôpitaux Universitaires de Genève et ayant bénéficié d’une IRM cérébrale afin de déterminer si la batterie mise en place s’avère être un outil suffisamment fiable pour la détection d’attaques silencieuses après comparaison des résultats obtenus au moyen du testing et de l’imagerie (Ruffieux, 2008).

Partant du constat que la batterie de tests élaborée et normée au Cameroun ne convient pas bien aux enfants de moins de 6 ans, notre présente étude s’inscrit dans le désir des auteurs de remédier à ce problème à travers l’élaboration et, à terme, la validation d’une batterie d’épreuves psychométriques orientée vers l’évaluation d’enfants d’âge préscolaire en bonne santé, laquelle rendrait alors possible la mesure des performances d’enfants drépanocytaires dans cette tranche d’âge très à risque de complications cérébrovasculaires (Ruffieux et al., 2010). Compte tenu de la prédominance des difficultés attentionnelles et exécutives entraînées par les attaques silencieuses liées à la maladie (Berkelhammer et al., 2007), notre étude s’intéresse par ailleurs plus particulièrement à l’élaboration d’un protocole spécifique à l’évaluation des fonctions exécutives et attentionnelles à travers l’exploration de différents tests destinés à mesurer ces dimensions. En effet, il existe encore aujourd’hui un nombre très restreint d’épreuves psychométriques normées spécifiques à la population préscolaire, d’où l’importance d’un travail orienté vers la réalisation et la validation de tels instruments.

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Notre recherche se veut avant tout exploratoire et se centre autour de l’analyse quantitative de performances exécutives chez des enfants âgés entre 4 et 6 ans et scolarisés dans l’enseignement public genevois. Pour ce faire, nous avons administré une première batterie d’épreuves neuropsychologiques à un petit échantillon d’enfants dans une optique strictement exploratoire. Après avoir constaté l’inadéquation de certains des tests qui y étaient inclus, nous avons alors légèrement remanié son contenu afin de cibler plus particulièrement la mesure de processus exécutifs. Une première analyse exploratoire nous a ensuite conduits à supprimer certains tests se révélant trop exigeants pour les enfants les plus jeunes. Une fois l’ensemble des données recueillies, nous avons alors choisi de restreindre notre étude à l’analyse d’une dimension exécutive particulière, à savoir la composante de flexibilité. Ainsi, notre recherche s’intéresse particulièrement à la trajectoire développementale de cette fonction chez les enfants d’âge préscolaire. En d’autres termes, notre objectif principal se centre autour de l’étude de l’influence de l’âge sur les performances en flexibilité. En lien étroit avec cette problématique, un de nos autres domaines d’intérêt concerne l’influence éventuelle d’un second facteur sur ces mêmes performances. En effet, les travaux de Salthouse ont pu mettre en évidence l’existence de fortes relations entre les mesures de vitesse de traitement et les performances cognitives au cours du développement, et ceci tant durant l’enfance qu’au cours de l’âge adulte ou avancé (Kail & Salthouse, 1994 ; Salthouse, 2005).

Selon ces données, il serait donc possible que la variance liée à l’âge dans les performances cognitives soit en réalité médiatisée par la vitesse de traitement. Ainsi, nous nous intéressons également à l’étude de cette dernière variable, tant dans son aspect développemental que dans son éventuel effet médiateur entre âge et performances en flexibilité.

Avant de présenter les données que nous avons recueillies auprès d’enfants d’âge préscolaire concernant les dimensions de flexibilité et de vitesse de traitement, il sera d’emblée important de définir l’objet d’étude que sont les fonctions exécutives et d’en rappeler leurs principales composantes. Seront ensuite abordées leurs trajectoires développementales que nous illustrerons par un certain nombre de données empiriques. Nous détaillerons alors plus amplement la composante de flexibilité en nous intéressant particulièrement à son développement au cours de la période préscolaire et évoquerons ensuite les particularités en lien avec l’évaluation des fonctions exécutives chez les jeunes enfants. Nous présenterons ensuite la dimension de vitesse de traitement, ainsi que le concept de médiation susceptible de décrire le lien entre âge et cognition. Enfin, nous exposerons les différentes hypothèses théoriques que nous formulons relativement aux données recueillies.

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1.2 Fonctions exécutives

1.2.1 Définition et considérations théoriques

Selon Van der Linden et al. (2000), les fonctions exécutives se définissent comme un

« ensemble de processus dont la fonction principale est de faciliter l’adaptation du sujet à des situations nouvelles, et ce notamment lorsque les routines d’action, c’est-à-dire des habiletés cognitives surapprises, ne peuvent suffire ». Les fonctions exécutives interviennent donc dès le moment où une tâche exige la mise en œuvre de processus contrôlés en permettant la programmation, la régulation et la vérification du comportement dirigé vers un but (Nolin &

Laurent, 2004). Les processus associés à ces fonctions sont nombreux et comprennent l’anticipation, la sélection d’un but, la planification, l’initiation d’une activité, l’autorégulation, la flexibilité mentale, le déploiement de l’attention et l’utilisation de réponses rétroactives. Par ailleurs, les fonctions exécutives jouent également un rôle important dans le fonctionnement cognitif, le contrôle émotionnel et les interactions sociales (Anderson, 2002). Les structures du cortex préfrontal, dont le développement est précoce et prolongé et la maturation tardive, ont toujours été considérées comme le soubassement cérébral des fonctions exécutives (Lezak, 1995). Cependant, nombre d’auteurs ont également suggéré l’existence d’un vaste réseau cérébral sous-tendant ces dernières (Seron, Van der Linden, &

Andrés, 1999). Une pléiade d’approches théoriques du contrôle exécutif ont été proposées à ce jour dont les plus importantes restent celles de Norman et Shallice (1986) et de Baddeley et Hitch (1974). Norman et Shallice (1986) postulent l’existence d’un système attentionnel de supervision (« Supervisory Attentional System » ou SAS) intervenant lorsque la sélection de schémas d’action routiniers ne suffit pas, lorsqu’il faut prendre une décision, planifier ou s’adapter à une situation nouvelle ou dangereuse par exemple. Ce système attentionnel est considéré comme l’équivalent de l’administrateur central, central exécutif du modèle de la mémoire de travail chargé de la coordination de deux sous-systèmes esclaves, la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial, dévolus respectivement au traitement de l’information auditive et visuo-spatiale (Baddeley et Hitch, 1974).

Véritable chef d’orchestre du cerveau humain, les fonctions exécutives ont depuis fait l’objet d’un nombre considérable d’études. Des recherches récentes se sont intéressées au caractère dissociable de ces fonctions au moyen d’analyses factorielles susceptibles d’en distinguer les différentes composantes. Il faut cependant noter à cet égard qu’aucune structure factorielle consensuelle n’a pu être mise en évidence en raison de la diversité des résultats obtenus (Roy, 2007). Réconciliant les approches théoriques unitaires et fractionnées, l’étude

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de Miyake, Friedman, Emerson, Witzki et Howerter (2000) propose un modèle des fonctions exécutives intégrant à la fois un construit unitaire et des composantes dissociables. En effet, après l’administration à une population d’étudiants d’une batterie de tests exécutifs mesurant trois composantes principales, à savoir l’inhibition, la flexibilité et la mise à jour, l’analyse factorielle confirmatoire a montré qu’un modèle à trois facteurs distincts mais modérément corrélés (.42 à .63) présente le meilleur ajustement statistique aux données, témoignant ainsi tant de l’unité que de la diversité des fonctions exécutives. La structure des fonctions exécutives a également été étudiée chez l’enfant à travers différentes études factorielles dont les conclusions demeurent diverses et contradictoires et ne donnent pas lieu à un modèle théorique formel et précis (Roy, 2007). D’entre celles-ci, l’étude de Lehto, Juujarvi, Kooistra,

& Pulkkinen (2003), portant sur des enfants âgés entre 8 et 13 ans, a pu mettre en évidence une structure en trois facteurs indépendants mais inter-corrélés comprenant l’inhibition, la mémoire de travail et le « shifting », en accord avec la conception de Miyake et al. (2000).

Une organisation similaire semble également émerger chez les enfants d’âge préscolaire (Espy, Kaufmann, McDiarmid, & Glisky, 1999 ; Hughes, 1998a). Ces données convergentes concernant la nature des processus exécutifs fondamentaux ainsi que leur caractère à la fois unitaire et dissociable semblent donc mettre en évidence l’existence d’une relative stabilité des composantes exécutives au cours de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge adulte.

1.2.2 Composantes exécutives

Afin d’offrir un panorama général des composantes exécutives fondamentales classiquement mises en évidence que sont l’inhibition, la flexibilité et la mise à jour, il convient de décrire brièvement la nature de ces processus ainsi que les instruments les plus communément utilisés chez l’adulte pour leur évaluation. Mécanisme essentiel du contrôle exécutif, l’inhibition se réfère, d’une part, à la capacité à inhiber ou retenir délibérément une réponse prépondérante, surapprise ou en cours d’exécution, et d’autre part, au contrôle de l’interférence (Monette & Bigras, 2008). Le contrôle d’une réponse dominante est communément évalué grâce aux tests de type Go-nogo dans lesquels il s’agit de réagir rapidement à un stimulus cible fréquemment présenté, mais en revanche d’inhiber toute réponse à l’apparition d’un stimulus distracteur moins fréquemment présenté. La capacité à inhiber une réponse dominante peut également être mesurée au moyen du test de Hayling (Burgess & Shallice, 1997), épreuve dans laquelle il faut compléter le dernier mot d’une phrase par un mot n’entretenant aucune relation sémantique avec celle-ci, inhibant ce faisant la réponse consistant à donner le mot le plus approprié à la complétion de la phrase. Quant au

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contrôle de l’interférence, l’épreuve la plus utilisée pour évaluer cette compétence reste le test de Stroop (Stroop, 1935) dans lequel il s’agit de dénommer la couleur de l’encre dans laquelle est écrit un mot désignant une couleur, tout en inhibant la lecture automatique de ce même mot. Egalement considérée comme un processus exécutif fondamental, la flexibilité ou

« shifting », dimension sur laquelle portera plus particulièrement notre étude et que nous décrirons de manière plus détaillée dans la suite du texte, se réfère à la capacité à modifier un schéma mental et à alterner entre différentes tâches (Roy, 2007). La flexibilité dépend des mécanismes d’inhibition mais se différencie toutefois de ces derniers dans la mesure où elle implique le déplacement du focus attentionnel d’une classe de stimuli à l’autre plutôt que la focalisation exclusive sur un type de stimuli particulier (Van der Linden et al., 2000). Enfin, il convient de décrire encore la composante de mise à jour qui constitue également l’une des dimensions exécutives fondamentales. Ce processus, en jeu dans les tâches de mémoire de travail, assure le maintien et la manipulation mentale d’une information visuelle ou auditive en mémoire à court terme (Monette & Bigras, 2008). Les tâches d’empan à rebours, dans lesquelles il s’agit de répéter une série de mots ou de mouvements à l’envers, sont classiquement utilisées pour évaluer les performances de mise à jour. Le paradigme du N- Back (Kirchner, 1958), dont la tâche consiste à répondre à l’apparition d’un stimulus auditif ou visuel identique à celui apparu n essais auparavant, est également couramment employé.

Bien que n’étant pas considérée comme un des processus exécutifs fondamentaux, la planification, qui se réfère à la capacité à élaborer mentalement un plan afin de résoudre un problème, est étroitement liée aux processus de mémoire de travail et d’inhibition (Monette &

Bigras, 2008). En effet, la subvocalisation et l’imagerie mentale rendent possible l’établissement d’un but et l’élaboration d’un plan, alors que l’inhibition d’un comportement dominant permet la planification et la résolution de problèmes. Souvent utilisée pour évaluer cette composante, la tour de Hanoï est une épreuve dans laquelle il s’agit de déplacer des disques de diamètres différents d'une tour de « départ » à une tour d'« arrivée » en respectant certaines règles et en un minimum de coups. La Figure Complexe de Rey (Rey, 1941), figure géométrique qu’il s’agit de copier puis de reproduire de mémoire, est aussi abondamment utilisée pour mesurer les compétences de planification visuo-constructive et analyser les stratégies de résolution de problème.

1.2.3 Aspects développementaux

Jusque dans les années 80, les études portant sur le développement des fonctions exécutives étaient rares, voire inexistantes (Roy, 2007). En effet, l’apparition des processus

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exécutifs était envisagée comme intimement liée au développement du cortex préfrontal qui lui-même n’était considéré comme fonctionnel qu’à partir du début de l’adolescence. Ainsi, l’évaluation de compétences exécutives pendant l’enfance semblait dénuée de sens et sans intérêt (Golden, 1981). Depuis, cependant, de nombreuses études ont pu mettre en évidence l’existence et le développement précoce des fonctions exécutives chez l’enfant. En effet, le cortex préfrontal est actif dès la première année de vie et contribue à l’émergence de processus exécutifs chez les nourrissons. Toutefois, le développement des différentes composantes exécutives n’est pas linéaire. Il se caractérise plutôt par l’intégration et la coordination progressive de compétences cognitives sous-tendues par la complexification croissante des réseaux cérébraux en réponse aux demandes de l’environnement (Casey, Galvan, & Hare, 2005). A cet égard, une méta-analyse de Garon, Bryson et Smith (2008) souligne l’existence d’un développement hiérarchique des fonctions exécutives au cours de l’enfance. Il convient de rappeler tout d’abord que les compétences de base que sont la préhension et la reconnaissance d’objets, qui apparaissent au cours des premiers mois de vie, sont des habiletés fondamentales sur lesquelles repose la construction ultérieure de processus exécutifs. De manière plus importante, le développement progressif du système attentionnel au cours de la petite enfance semble être sous-jacent à l’émergence des compétences exécutives. Les capacités d’attention sélective permettent une focalisation sur les aspects pertinents d’une tâche suivie par un désengagement subséquent, ces habiletés rendant alors possible la mise en place de « shifts » attentionnels volontaires. Les compétences d’attention soutenue se développent également pendant les premiers six mois et conduisent à la détection et la gestion de faibles niveaux de conflits cognitifs au cours de la première année de vie. Ce développement se poursuit et permet une augmentation de la durée du focus attentionnel et la maîtrise de niveaux de conflit croissants. Ainsi, on assiste à l’intégration progressive de différents processus attentionnels au cours de la petite enfance, celle-ci représentant le socle sur lequel repose le développement ultérieur de mécanismes exécutifs. Les compétences proprement exécutives de mémoire de travail seraient les premières à se développer, lesquelles seraient attestées par le maintien de représentations mentales durant les six premiers mois de vie. Les capacités de mise à jour et de manipulation de l’information, qui requièrent la coordination avec le système attentionnel, apparaîtraient quant à elles au cours de la seconde année de vie. Les processus d’inhibition de la réponse se développent également à cet âge et se traduisent par la capacité grandissante à exercer un contrôle cognitif sur le comportement tel qu’en répondant suite à un délai. La coordination de la mémoire de travail et de l’inhibition de la réponse se développe environ vers deux ans et celle-ci se manifeste

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notamment dans les tâches requérant le maintien en mémoire d’une règle en vue d’inhiber une réponse prédominante. Enfin, la flexibilité, composante exécutive la plus complexe, serait la dernière à apparaître et reposerait conjointement sur les compétences de mémoire de travail et d’inhibition préexistantes. Les tâches requérant une flexibilité de la réponse sont réalisées avec succès vers l’âge d’une année, alors que celles qui nécessitent une flexibilité attentionnelle, impliquant de modifier la manière dont un stimulus est perçu, se développent au cours de la période préscolaire.

Garon et al. (2008) soutiennent également l’idée qu’il existe deux étapes principales dans le développement des fonctions exécutives au cours de la période préscolaire. La première, qui s’étend de la naissance à l’âge de trois ans, correspond à l’émergence des compétences de base requises pour le développement ultérieur de processus exécutifs. Ces capacités fondamentales comprennent le contrôle de l’attention, le maintien en mémoire et la manipulation de représentations, l’inhibition d’une réponse ainsi que la flexibilité attentionnelle. La seconde étape concerne les enfants âgés entre 3 et 5 ans et représente une période charnière dans le développement des fonctions exécutives. En effet, la coordination des compétences de base durant cette période permettrait l’émergence progressive d’habiletés cognitives complexes. Selon ces auteurs, l’augmentation des performances dans cette tranche d’âge reflèterait un développement du système attentionnel et sa connectivité avec d’autres aires cérébrales sous-tendant les composantes exécutives. Rothbart et Posner (2001) postulent en effet l’existence d’un « réseau attentionnel exécutif » dont la fonction serait de détecter et de résoudre des conflits à travers la régulation d’autres réseaux cérébraux dont dépendent les compétences exécutives. L’intégration de ces réseaux permettrait aux enfants de surmonter des conflits de plus en plus importants, de coordonner des représentations et d’adapter flexiblement leur attention sélective aux exigences de différentes tâches exécutives. Etant donnée l’existence d’une importante intégration et coordination des processus attentionnels et exécutifs durant la période préscolaire, Garon et al. (2008) soulignent qu’il est fort peu probable que la structure des fonctions exécutives dans la petite enfance soit la même que celle décrite pour les enfants plus âgés et les adultes chez lesquels ces processus sont déjà intégrés. Toutefois, des investigations plus approfondies du développement des fonctions exécutives, recourant notamment à l’analyse factorielle confirmatoire et à l’imagerie cérébrale, seraient recommandables afin qu’émerge une théorie cohérente des fonctions exécutives à l’âge préscolaire.

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1.2.4 Données empiriques

Le développement précoce des fonctions exécutives chez l’enfant a conduit, dans ces vingt dernières années, un nombre croissant de chercheurs à s’intéresser aux performances exécutives de jeunes enfants évalués au moyen de différentes tâches expérimentales adaptées à leurs intérêts et à leurs capacités développementales (Roy, 2007). Une épreuve classique destinée à l’évaluation de la mémoire de travail et de l’inhibition chez les tout-petits, connue sous le nom de « delay response task » et dérivée du paradigme A-non-B (Piaget, 1936), implique le maintien en mémoire de l’endroit où un objet vient d’être caché ainsi que l’inhibition de la réponse consistant à rechercher ce même objet à l’endroit où il avait été dissimulé et retrouvé précédemment. Diamond et Doar (1989) ont pu mettre en évidence une augmentation notable du délai suite auquel un nourrisson est capable de rechercher au bon endroit l’objet caché, les bébés de 6 mois ne maintenant sa représentation active que durant quelques secondes alors que les enfants de 12 mois se montrent encore capables de retrouver l’objet après que se soient écoulées plus d’une dizaine de secondes. De même, le paradigme dit « de récupération d’objet », qui implique d’atteindre un objet placé dans une boîte transparente par un autre côté que celui qui apparaît le plus proche, donne également lieu à d’importants progrès entre 6 et 12 mois (Diamond, 1988). Cette amélioration des capacités d’inhibition et de maintien de l’information serait imputable à la fois au développement des circuits préfrontaux et à l’augmentation du niveau de dopamine dans ces structures (Roy, 2007). Le développement des fonctions exécutives se poursuit à l’âge préscolaire et celui-ci est marqué par des trajectoires différenciées pour chacune des composantes. Différentes classifications des processus d’inhibition ont été suggérées (Friedman & Miyake, 2004), dont la distinction entre inhibition chaude et froide proposée par Zelazo et Müller (2005). Alors que les tâches d’inhibition chaude, telles que les épreuves dites de « délai gratifié », présentent un enjeu affectif ou motivationnel suscité par l’obtention d’un renforçateur, les épreuves d’inhibition froide demeurent émotionnellement neutres et impliquent un conflit cognitif tel que celui engendré par les épreuves inspirées du paradigme de Stroop (Stroop, 1935). Les performances en inhibition, tant dans leur dimension « chaude » que « froide », présentent de nettes améliorations au cours de la petite enfance. En effet, le paradigme de

« délai de gratification », où il est demandé à l’enfant de patienter pendant un certain délai avant de se saisir d’une récompense, révèle une augmentation du délai d’attente entre 2 et 4 ans, celui-ci passant de 20 secondes chez les plus jeunes à 5 minutes chez les plus âgés (Carlson, 2005). De même, les tâches d’inhibition dite « froide », nécessitant le contrôle d’une

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réponse dominante, révèlent un développement spectaculaire des performances chez les enfants dès l’âge de 2 ans (Kochanska, Murray, & Coy, 1997 ; Kochanska, Murray, Jacques, Koenig, & Vandeceest, 1996). A titre d’exemple, la tâche « Jour-Nuit », où l’on demande à l’enfant d’inhiber la réponse prépondérante qui consiste à dénommer ce qu’il voit sur une carte qu’on lui présente, donne lieu à des progrès significatifs entre 3 et 6 ans (Gerstadt, Hong, & Diamond, 1994). Les performances en mémoire de travail et en mise à jour sont aussi sujettes à d’importantes améliorations au cours de l’enfance. Le nombre d’items rappelés dans les tâches d’empans phonologiques ou spatiaux en ordre direct ou indirect diffère significativement entre 3 et 5 ans et continue à s’améliorer au-delà de la période préscolaire (Gathercole, 1998, 1999). Le développement des capacités de flexibilité, sur lequel nous reviendrons plus loin, se manifeste également chez les jeunes enfants. L’une des tâches les plus fréquemment utilisées pour évaluer ce processus dans cette tranche d’âge est le

« Dimensional Change Card Sort » (DCCS ; Frye, Zelazo & Palfai, 1995), épreuve dans laquelle il s’agit de classer des cartes selon différentes consignes, qui fait l’objet d’importants progrès entre 3 et 4 ans (Perner & Lang, 2002). Un développement important des processus de

« shifting » a également pu être mis en évidence entre 3 et 5 ans dans une tâche de déduction de règles opératoires de déplacement spatial, le test de Brixton (Burgess & Shallice, 1997) administré dans sa version préscolaire (Lehto & Uusitalo, 2006). Enfin, un accroissement des compétences en matière de planification et de résolution de problèmes apparaît également au cours de la prime enfance. L’épreuve de la Tour de Hanoï (Byrnes & Spitz, 1979), adaptée aux enfants en bas âge par Klahr et Robinson (1981), révèle en effet d’importants progrès entre 4 et 6 ans. La période préscolaire semble donc représenter une étape importante dans le développement des diverses composantes exécutives et celui-ci se prolonge durant l’enfance et l’adolescence. Les performances en inhibition présentent une amélioration importante entre 6 et 15 ans, mais leur courbe développementale et leur maturité varient selon la tâche considérée. Les tâches de flexibilité montrent également des progrès développementaux au cours de l’enfance et de l’adolescence, mais il n’existe, là encore, aucun consensus quant à l’âge de leur maturité. Enfin, les épreuves de planification attestent elles aussi d’un développement lié à l’âge traduisant une progression des compétences en matière de résolution de problèmes et d’organisation visuo-constructive. Le développement des fonctions exécutives à l’âge scolaire est donc à la fois prolongé et complexe. Il présente des courbes de développement qui varient non seulement selon les processus étudiés, mais aussi selon les tâches considérées ainsi que leur niveau de complexité (Roy, 2007). Ces différentes données empiriques soulignent donc l’existence d’un développement marqué et continu des divers

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processus exécutifs entre la première année de vie et l’adolescence et contribuent ainsi à mettre en évidence l’importance que revêt leur évaluation précoce, notamment au cours de la petite enfance qui représente une période de changement déterminante dans les capacités liées au développement du cortex préfrontal.

1.2.5 Flexibilité

La flexibilité cognitive, dimension exécutive à laquelle notre étude s’intéresse plus particulièrement, définit communément la capacité à alterner entre différents « sets » cognitifs, à savoir différentes tâches, opérations ou registres mentaux, de manière à pouvoir percevoir, traiter et répondre à des situations de différentes façons (Van der Linden et al., 2000). Ce processus peut donc être considéré comme une des caractéristiques essentielles du comportement adaptatif humain. Cependant, la flexibilité cognitive n’est pas un processus unitaire. Une revue de la littérature clinique et expérimentale plaide en faveur de l’existence d’au moins deux formes de flexibilité qu’Eslinger et Grattan (1993) qualifient de flexibilités

« réactive » et « spontanée ». Selon ces auteurs, la flexibilité réactive se réfère à la promptitude à faire varier librement ses cognitions ou réponses comportementales selon les exigences particulières et le contexte d’une situation. Cette compétence serait sous-tendue par un réseau cortico-striatal incluant les lobes frontaux, les ganglions de la base et leurs interconnexions. Le test de flexibilité réactive le plus ancien est sans nul doute le « Trail Making Test » (Reitan, 1958), épreuve issue de l’« Army Individual Test of General Ability » (1944) dans laquelle il s’agit pour le participant de relier alternativement des nombres et des lettres disposés pseudo-aléatoirement sur une feuille en ordre croissant et alphabétique.

Depuis lors, le « Wisconsin Card Sorting Test » (Berg, 1948), épreuve qui exige des sujets qu’ils adaptent leur comportement en réponse à des indices externes, a été largement utilisé dans la recherche en neuropsychologie pour évaluer ce même type de flexibilité cognitive.

Les auteurs distinguent cette habileté d’un second type de flexibilité, qu’ils qualifient de

« spontanée », qui se réfère à la production d’un flux d’idées ou de réponses suite à une question simple. Cette compétence, qu’on qualifie parfois de « fluidité », serait sous-tendue par les lobes frontaux et s’évalue classiquement au moyen de tâches dites de fluence verbale qui requièrent la génération d’une diversité de réponses selon un critère préalablement défini.

Dans les épreuves de fluence verbale sémantique, on demande au sujet de produire en un temps donné le plus de mots appartenant à une même catégorie sémantique (animaux, nourriture, habits), alors que dans les tâches de fluence phonémique, les mots évoqués doivent tous commencer par une lettre ou un phonème particulier. Plusieurs types de processus

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interviennent dans ces performances, tels que l’inhibition d’items non pertinents et la mise en place d’une stratégie efficace de recherche en mémoire sémantique (Van der Linden et al., 2000). On trouve également des tâches de fluence non-verbale, telles que les épreuves de fluence graphique, dans lesquelles il s’agit de produire le plus de dessins différents possibles en reliant des points distribués aléatoirement sur une feuille (Ruff, Light, & Evans, 1987).

Outre les tests de fluence, la flexibilité spontanée peut également être évaluée grâce au « test d’utilisations inhabituelles d’objets » proposé par Eslinger et Grattan (1993) et adapté en français par Vincent, Andrés et Meulemans (1999), épreuve dans laquelle le participant doit fournir, dans le délai imparti, le plus grand nombre possible d’utilisations inhabituelles mais cependant plausibles d’un journal, d’une bouteille et d’une brique. La flexibilité cognitive, exigeant une certaine forme d’agilité de la pensée, se présente comme une fonction exécutive complexe reposant sur d’autres mécanismes du contrôle cognitif tels que l’inhibition et la mémoire de travail (Cragg & Chevalier, sous presse). En effet, afin de réussir la tâche demandée, il est nécessaire de se concentrer sur les réponses pertinentes tout en se désengageant ou en inhibant celles qui ne le sont pas. Parallèlement à cela, la tâche doit être effectuée tout en gardant la consigne de l’épreuve en tête et en conservant en mémoire à court-terme les réponses préalablement données afin de ne pas les répéter. De plus, les tests de flexibilité, notamment spontanée, dépendent également d’autres processus cognitifs tels que le langage, le traitement visuo-spatial et la motricité fine (Monette & Bigras, 2008).

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les compétences en flexibilité se développent considérablement au cours de l’enfance. Concernant la dimension réactive de cette habileté complexe, nombre d’auteurs distinguent l’existence de deux différents processus relativement à la nature du « shifting » effectué par l’enfant (Garon et al., 2008).

Alors que le mécanisme de flexibilité de la réponse intervient dans des tâches relativement simples qui impliquent un changement de règle affectant le choix de la réponse motrice pertinente, la flexibilité de l’attention caractérise des tâches plus complexes qui comprennent un changement de règle concernant la sélection entre différents aspects d’un même stimulus.

Dans le paradigme dit de renversement de la réponse, lequel fait appel à la forme la plus élémentaire de flexibilité, on présente deux stimuli à l’enfant qui est récompensé après avoir répondu à l’un d’entre eux. Une fois l’association entre stimulus et réponse apprise, la récompense est alors appliquée au second stimulus ce qui oblige l’enfant à modifier sa réponse, tout en inhibant la réponse au stimulus précédent. Pour autant que l’on soumette l’enfant à suffisamment d’essais consécutivement au changement de stimulus, la réussite à cette tâche est possible dès l’âge d’une année. Une progression notable des performances se

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manifeste ensuite au cours de la petite enfance, particulièrement jusqu’à l’âge de 3 ans (Espy, Kaufmann, Glisky, & McDiarmid, 2001). Evaluant également les performances en termes de flexibilité de la réponse, la tâche dite A-non-B, que nous avons évoquée plus haut, outre la mise en jeu de compétences inhibitrices, implique également l’intervention de la mémoire de travail. Dans cette épreuve, on dissimule un petit jouet dans une des deux cachettes qui sont présentées à l’enfant, sa tâche consistant alors à retrouver l’objet après un certain délai. Une fois l’association établie, le renforçateur est alors dissimulé dans l’autre cachette impliquant ainsi un « shift » vers une nouvelle réponse. L’erreur A-non-B consiste en revanche à rechercher l’objet à l’endroit où il avait été caché précédemment, cette persévération traduisant par conséquent un défaut de flexibilité chez l’enfant. Bien que les performances dans cette tâche s’améliorent durant la première année de vie et au cours de toute la période préscolaire, une étude longitudinale souligne que le taux de persévérations suivrait une fonction en forme de U inversé, augmentant entre 5 et 8 mois pour ne diminuer qu’après 12 mois, ce qui suggère que la persévération serait à considérer comme une étape développementale dans l’acquisition de la flexibilité (Clearfield, Diedrich, Smith, & Thelen, 2006). Dès l’âge d’une année, les enfants seraient capables de « shifter » d’une réponse à l’autre dix secondes après la dissimulation de l’objet, toutefois des erreurs persévératives se manifesteraient encore jusqu’à l’âge de 5 ans (Diamond & Goldman-Rakic, 1989). Mesurant également les compétences précoces en flexibilité, l’adaptation aux enfants d’âge préscolaire de la tâche de récupération d’objet évaluant les compétences inhibitrices des nourrissons consiste en une boîte transparente renfermant un objet attrayant qui peut être obtenu suite à une conduite de détour. A ce dispositif s’ajoute une lumière dont la couleur indique la réponse à donner, à savoir tourner un bouton afin d’obtenir la récompense avec ou sans détour préalable. Cette tâche, impliquant une inhibition de la réponse prépondérante ainsi que la contribution de la mémoire de travail, fait l’objet de progrès considérables entre 3 et 4 ans (Hughes, 1998b).

La flexibilité de l’attention, flexibilité cognitive plus élaborée, peut être mesurée chez l’enfant dès l’âge de 3 ans. Classiquement, cette compétence s’évalue au moyen du

« Dimensional Change Card Sort » (DCCS ; Frye, Zelazo & Palfai, 1995), épreuve dans laquelle il s’agit pour l’enfant de classer des cartes qui varient sur deux dimensions (ex : la forme et la couleur), dans un premier temps selon l’une de ces dimensions (ex : la forme), et dans un deuxième temps selon l’autre (ex : la couleur). Les résultats de la littérature montrent qu’alors que les enfants de 3 ans sont incapables de trier les cartes selon une nouvelle consigne, la plupart des enfants de 4 ans y parviennent (Perner & Lang, 2002). Malgré la

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modification de différents paramètres (ex : ordre des dimensions à classer), ces mêmes résultats sont systématiquement retrouvés (Deák, Ray, & Pick, 2004). Diverses théories explicatives relatives au déficit de flexibilité manifesté par les enfants âgés de 3 ans ont été formulées (Chevalier & Blaye, 2006). La première, proposée par Zelazo et Frye (1998) et dite théorie du contrôle et de la complexité cognitive, postule l’incapacité des plus jeunes enfants à utiliser des règles enchâssées et de haut niveau telles que « si on joue au jeu de la couleur et si le carré est rouge, alors je classe le carré avec le triangle rouge ». Alors que Kloo et Perner (2005) suggèrent l’existence d’une difficulté chez les enfants de 3 ans à redécrire un même stimulus multidimensionnel de manière différente, Munakata (2001) invoque leur incapacité à surmonter le conflit entre les associations latentes élaborées avant le changement de consigne en raison de capacités limitées en mémoire de travail. Enfin, la théorie de l’inertie attentionnelle, avancée par Kirkham et Diamond (2003), suppose l’existence chez les jeunes enfants d’une difficulté attentionnelle à se désengager de la réponse précédemment émise.

Bien que les processus responsables du développement de la flexibilité cognitive chez les enfants d’âge préscolaire demeurent très controversés, ces différentes théories suggèrent toutes que l’inflexibilité des plus jeunes s’expliquerait par une persévération sur la représentation initialement pertinente. Remettant en question cette interprétation, Chevalier &

Blaye (2008) utilisent une version simplifiée du DCCS, le « Preschool Attentional Switching Task » (PAST), dans laquelle il s’agit d’apparier, selon la forme, un stimulus à une cible tantôt bleue, tantôt jaune. Ainsi la tâche consiste uniquement à effectuer un « shift » de nature attentionnelle entre l’une et l’autre couleur, tout en implémentant systématiquement le même mode de traitement (apparier par la forme). En isolant la dimension attentionnelle dans différentes versions de cette même tâche, les auteurs suggèrent que le déficit de flexibilité prévalent chez les enfants de 3 ans ne s’expliquerait pas par une tendance à la persévération mais par un défaut d’activation de l’information préalablement ignorée et une difficulté à maintenir une représentation nouvellement pertinente. Ces résultats soutiennent l’idée selon laquelle les comportements persévératifs ne se ressemblent pas tous et que l’inflexibilité des plus jeunes enfants serait sous-tendue par de multiples processus.

De nombreuses études, pour la plupart corrélationnelles, ont établi des liens, chez les enfants de 3 à 5 ans, entre les performances exécutives, notamment de flexibilité cognitive, et les épreuves de théorie de l’esprit, ces dernières impliquant en effet la capacité d’envisager de manière flexible une même réalité à travers différentes perspectives (Carlson, Moses, &

Breton, 2002). Ces compétences témoignent également d’une progression importante durant la période préscolaire. Flavell, Flavell et Green (1983) soulignent par exemple que les enfants

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âgés de 3 ans présentent de grandes difficultés à considérer simultanément plusieurs représentations différentes d’un même objet, alors que la majorité des enfants de 4 ans est capable de distinguer entre l’apparence et la nature réelle d’un objet en reconnaissant par exemple que celui-ci peut à la fois être une éponge et ressembler à un caillou. La capacité à considérer un même événement à travers différents points de vue est également marquée par de tels progrès développementaux. Dans la tâche dite de fausse croyance, on présente à l’enfant une scénette dans laquelle une marionnette cache un objet dans un endroit particulier puis s’absente. L’objet est alors déplacé à l’insu du personnage et on demande à l’enfant de prédire où ce dernier ira le rechercher à son retour. Les résultats tendent à montrer que les enfants de 3 ans, estimant que la marionnette se dirigera vers l’endroit où l’objet à été dissimulé en son absence, n’arrivent pas à attribuer une fausse croyance au personnage, tandis que la majorité des enfants de 4 ans sont capables d’une telle attribution (Wimmer & Perner, 1983).

Exigeant également un déplacement du focus attentionnel entre différents aspects d’un même stimulus, différentes épreuves adaptées du « Trail Making Test » dans lesquelles il s’agit de relier dans l’ordre et en alternance des stimuli de différente nature sont utilisées afin d’évaluer la flexibilité réactive de l’enfant. Elaboré à l’intention des enfants d’âge scolaire, le

« Children’s Color Trails Test » (Llorente, Williams, Satz, & D'Elia, 2003) implique le respect d’une alternance de couleur dans l’exécution d’un tracé reliant une série de nombres en ordre croissant. Une version destinée à l’évaluation des compétences en flexibilité durant la période préscolaire, le « Trail Making Test for Preschoolers »(TRAILS-P) (Espy & Cwik, 2004), a récemment été mise au point afin de permettre l’évaluation d’enfants dont les compétences numériques sont encore très limitées. Dans cette épreuve, on présente à l’enfant, dans un premier temps, une série d’items représentant des chiens de tailles différentes, la tâche consistant à relier les stimuli dans l’ordre croissant de leur grandeur, « depuis le bébé chien jusqu’au papa chien », soit du plus petit au plus grand. Dans la condition de flexibilité, on introduit des items représentant des os dont la taille de chacun d’entre eux correspond à celle de l’une des figures canines et l’on demande cette fois à l’enfant de relier les items dans un ordre croissant de grandeur tout en respectant une alternance entre les deux différents types de stimuli présentés. Afin de mesurer les performances en matière de « shifting » attentionnel, on procède ici au calcul du « coût cognitif » qu’implique la tâche de flexibilité relativement à la tâche contrôle en comparant les temps de réalisation effectués dans chacune des deux conditions. Les résultats obtenus auprès d’enfants d’âge préscolaire révèlent une diminution du temps de réalisation dans chacune des conditions entre 3 et 5 ans suggérant l’existence de

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différences développementales dans les processus cognitifs requis pour remplir les différentes exigences de la tâche dans chacune des conditions. De manière surprenante, les auteurs constatent également une diminution du temps de réalisation entre la condition contrôle et la condition de flexibilité. Celle-ci serait expliquée par l’existence d’un effet d’apprentissage, lequel serait susceptible d’avoir atténué toute différence potentielle relativement au coût cognitif associé au « shifting » (Isquith, Crawford, Espy, & Gioia, 2005).

A l’instar des compétences en matière de flexibilité réactive, les performances en flexibilité spontanée font également l’objet d’importants progrès développementaux au cours de l’enfance. Les tâches de fluence verbale, et dans une moindre mesure, figurale, sont communément utilisées pour évaluer ces compétences. La majorité des études développementales révèle l’existence d’un effet de l’âge sur les performances dans ces deux types de tâches, bien que l’âge auquel celles-ci atteignent leur maturité demeure encore controversé (Roy, 2007). Korkman, Kemp et Kirk (2001) ont pu mettre en évidence une augmentation de la fluence entre 5 et 12 ans, l’effet de l’âge étant particulièrement accentué entre 5 et 8 ans ainsi qu’entre 11 et 12 ans, suggérant un prolongement du développement de ces compétences au cours de l’adolescence. Des résultats similaires ont été retrouvés auprès d’une population d’enfants âgés entre 3 et 12 ans, attestant de la validité des épreuves de fluence dans la mesure du fonctionnement exécutif au cours du développement (Klenberg, Korkman, & Lahti-Nuuttila, 2001). En revanche, selon Anderson, Anderson, Northam, Jacobs, & Catroppa (2001) les compétences en fluence atteindraient leur pleine maturité vers l’âge de 11 ans, leur étude ayant souligné l’absence d’effet significatif de l’âge sur les performances au cours de l’adolescence. Dans les épreuves de fluence verbale, on comptabilise typiquement le nombre de mots corrects produits pendant un intervalle temporel de 60 secondes, indice qui reflète la flexibilité avec laquelle l’enfant est capable de récupérer spontanément un matériel verbal particulier, tout en se désengageant de certains types de réponses non pertinentes. Ainsi, il convient également de recenser, d’une part, le nombre de persévérations, réponses correctes répétées à une ou plusieurs reprises, et d’autre part, le nombre d’intrusions ou mots appartenant à une autre catégorie sémantique ou phonémique.

Les épreuves de fluence verbale sémantique s’avèrent en général plus évidentes que les tâches de fluence phonémique dans lesquelles la récupération de mots requiert l’exploration d’un plus grand nombre de sous-catégories. En effet, alors qu’en une minute un enfant peut générer en moyenne dix noms d’animaux à 6 ans et quinze à 12 ans, il ne produit respectivement que trois et huit réponses correctes aux mêmes âges dans une tâche de nature phonémique (Matute, Rosselli, Ardila, & Morales, 2004).

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Certaines études se sont intéressées au pattern de productivité de la fluence verbale en fonction du temps, et ceci aussi bien chez des enfants d’âge scolaire en bonne santé (Hurks et al., 2006), que chez de jeunes adultes bien portants (Crowe, 1998). Ces travaux ont pu mettre en évidence, dans des tâches de fluence tant sémantique que phonémique, une diminution significative du nombre et de la fréquence des items produits en fonction du temps. Plus précisément, les auteurs constatent que, dans une tâche de fluence verbale se déroulant sur une durée de 60 secondes, la production verbale dans le premier intervalle de 15 secondes s’avère être plus de deux fois plus importante qu’elle ne l’est dans le dernier. Pour expliquer cet effet, Crowe (1998) suggère le recours au modèle d’organisation lexicale proposé par Smith et Claxton (1972) comprenant deux stocks verbaux, à savoir, d’une part, le « topicon », contenant des mots communs et facilement accessibles, et d’autre part, le « lexicon », répertoire plus vaste recruté après épuisement du topicon. Sur la base de ce modèle et de nombreuses évidences empiriques, Crowe (1998) avance l’idée selon laquelle il existerait, durant les 15 premières secondes de la tâche, un réservoir de mots fréquents disponibles, automatiquement activé pour la production. Au cours du temps, ce réservoir s’épuiserait et la production deviendrait alors plus difficile, moins abondante et dépendrait davantage des fonctions exécutives (Hurks et al., 2006). Ainsi, l’appauvrissement de la fluence en fonction du temps serait dû au fait que la recherche deviendrait plus malaisée et exigerait plus d’efforts dans les derniers intervalles temporels, comme le reflète la diminution de la fréquence des mots produits. Plus précisément, la diminution de la production en fonction du temps s’expliquerait par l’augmentation du temps nécessaire à l’implémentation de processus de recherche pertinents, la recherche se complexifiant alors que les cibles deviennent moins fréquentes. Ainsi, l’analyse des performances au cours du temps dans une tâche de fluence verbale peut s’avérer révélatrice de l’efficacité tant des traitements automatiques, rapides et relativement inconscients de l’information que des processus contrôlés, lents et attentionnellement coûteux. L’évaluation des performances de fluence en fonction du temps est donc susceptible de fournir un aperçu plus approfondi des processus cognitifs impliqués et peut par conséquent s’avérer utile dans l’acquisition de nouvelles connaissances concernant le traitement de l’information des enfants et adultes porteurs de déficiences cognitive ou physique (Hurks et al., 2006).

Dans le cadre de notre recherche et afin d’appréhender la composante exécutive de flexibilité de la manière la plus exhaustive possible, nous avons souhaité étudier conjointement chacune des deux différentes dimensions mises en évidence par Eslinger et Grattan (1993) en prenant le soin de mesurer les performances aussi bien réactives que

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spontanées de nos jeunes participants. Pour ce faire, nous avons choisi de nous intéresser, d’une part, aux performances mesurées au moyen d’une épreuve inédite impliquant des capacités de nature attentionnelle, et d’autre part, aux compétences évaluées par le biais d’une tâche de fluence verbale. Par ailleurs, afin d’affiner notre analyse, nous avons également cherché à étudier, au sein même de cette dernière épreuve, le pattern de productivité en fonction du temps en comparant la production verbale émanant de chacun des deux processus automatiques et contrôlés postulés par Crowe (1998).

1.2.6 Evaluation chez les enfants d’âge préscolaire

L’évaluation des fonctions exécutives chez l’adulte présente différents écueils méthodologiques, notamment concernant l’impureté et le degré de nouveauté des tâches proposées (Van der Linden et al., 2000). En effet, toute épreuve destinée à mesurer ces fonctions cognitives de haut niveau fait intervenir différentes dimensions exécutives et non- exécutives dont la contribution peut grandement varier d’une tâche à l’autre. Par ailleurs, la mise en jeu de processus exécutifs dépend de la nouveauté de la tâche, laquelle est fonction du niveau d’expertise et des connaissances préalables du participant. Chez l’enfant, l’interprétation se complexifie encore par le fait que de nombreuses épreuves utilisées, initialement développées chez l’adulte, sont susceptibles de ne pas mesurer des processus exécutifs comparables (Roy, 2007). A ces difficultés viennent en outre se surajouter, chez les enfants d’âge préscolaire, divers problèmes particuliers propres à l’exploration des processus exécutifs dans cette tranche d’âge (Monette & Bigras, 2008). Comme nous l’avons évoqué, les fonctions exécutives sont des habiletés cognitives par essence impures car leurs différentes composantes, d’une part, interagissent entre elles, et d’autre part, sont sous-tendues par différents processus cognitifs non-exécutifs tels que les compétences langagières ou visuo- spatiales. Ainsi, il apparaît très délicat d’évaluer adéquatement une composante particulière car celle-ci se confond également avec d’autres dimensions exécutives et dépend de nombreux processus périphériques. De plus, ces multiples processus subissent un développement différentiel engendrant une dynamique interactive intra-individuelle complexe ainsi que des différences interindividuelles considérables (Roy, 2007). Ces difficultés s’avèrent encore plus prononcées chez les très jeunes enfants car les épreuves exécutives se révèlent souvent être davantage multifactorielles pour ce groupe d’âge. A titre d’exemple, différents auteurs ont pu mettre en évidence l’existence d’une association importante entre les composantes d’inhibition et de mise à jour chez les enfants d’âge préscolaire. Il semble en effet que certaines épreuves d’inhibition inspirées du test de Stroop fassent également

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