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Le processus de subjectivation chez les psychologues d'enfants et d'adolescents en formation

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Le processus de subjectivation chez les psychologues d'enfants et d'adolescents en formation

ALLEGRA, Giulia

Abstract

A la croisée entre la psychanalyse et la psychologie de l'apprentissage adulte, notre recherche qualitative vise à mieux comprendre la façon dont le sujet s'approprie subjectivement et singulièrement de ce qui lui est transmis : sa subjectivation en formation.

Entre décentration et réappropriation, une mise en travail permet de se construire en tant que futur-e-psychologue d'enfant et d'adolescent-e-s. Réfléchir aux enjeux et aux potentialités de la relation formative et du groupe en formation apparaît alors central. Nous suggérons que ce processus se déploie autour de la régulation des tensions, internes et externes, que la situation de formation par la pratique génère chez les sujets qui font leurs premiers pas dans la clinique, notamment concernant la régulation de la mobilisation affective contre-transférentielle dans la rencontre avec les patients. Nous proposons un modèle de compréhension qui repère et analyse plusieurs niveaux de mobilisation de la subjectivation en formation - affectif, identitaire, cognitif et comportemental - en liens multidirectionnels entre eux. Une meilleure compréhension [...]

ALLEGRA, Giulia. Le processus de subjectivation chez les psychologues d'enfants et d'adolescents en formation. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2017, no. FPSE 697

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:103065 URN : urn:nbn:ch:unige-1030659

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103065

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a

Section de Sciences de l’Education

Sous la direction de : Prof. E. Bourgeois, Co-directeurs : Prof. P. Roman et Prof. O. Maulini

LE PROCESSUS DE SUBJECTIVATION CHEZ LES PSYCHOLOGUES DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT EN

FORMATION

THÈSE Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteure en Sciences de l’Education par

Giulia - Julie ALLEGRA de

Rome, Italie

Thèse No : 697

GENÈVE Décembre 2017 No Etudiante : 11-331-436

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2 Composition du Jury :

Prof. Olivier Maulini, Professeur Associé, Université de Genève Prof. Etienne Bourgeois, Professeur Honoraire, Université de Genève Prof. Pascal Roman, Professeur Ordinaire, Université de Lausanne Mme France Merhan, Chargée d’enseignement, Université de Genève Prof.re Michèle Grossen, Professeure Ordinaire, Université de Lausanne

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3 TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 6

PRESENTATION DU PARCOURS DE LECTURE 11

PREMIÈRE PARTIE : LA PROBLÉMATIQUE 12

1.LA QUESTION DE LA SUBJECTIVATION EN FORMATION : PROBLEMATIQUE, HYPOTHESES DE DEPART ET

REPERES THEORIQUES 12

1.1QUEST-CE QUE LE PROCESSUS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION ?CADRAGE THEORIQUE 12 1.2À QUELLES CONDITIONS LE PROCESSUS DE SUBJECTIVATION PEUT-IL SE DEPLOYER DANS LA FORMATION ?

18 2.CADRAGE THEORIQUE RETENU POUR PENSER LA SUBJECTIVATION EN FORMATION 26

2.1LA DIMENSION AFFECTIVE DU PSF 27

2.2REGULATION DES AFFECTS, CAPACITE DE CONTENANCE ET CONSTRUCTION DE SENS DANS LE PSF 32

2.3DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE 34

2.4IMPLICATIONS COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES DU PSF 36

3.PRESENTATION DU CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 42

3.1.TERRAIN DE LA RECHERCHE 42

3.2METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 50

3.3TRAITEMENT DES DONNEES RECOLTEES : CONSTRUCTION DUNE METHODE DANALYSE DE CONTENU 53

3.4DEGAGEMENT DES CATEGORIES DANALYSE DU PSF 56

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNÉES ET PRÉSENTATION DES RÉSULTATS 61 I. ANALYSE DES DONNÉES SOUS FORME D’ÉTUDES DE CAS : PRÉSENTATION DES

PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION D’AUDE, DE BRIGITTE ET DE THÉRÈSE 62 I. 1 PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION D’AUDE, DU VECU DE CONFUSION A

L’EXERCICE DE L’ESPRIT CRITIQUE 63

1.IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE 65

1.1IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION DANS LE LIEN AVEC LES SUPERVISEURS 65 1.2IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE DANS LES ECHANGES IDENTIFICATOIRES AVEC LE GROUPE

80 1.3IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE DANS LA RELATION CLINIQUE 92 2.REGULATION DES AFFECTS ET CONSTRUCTION DE LA FONCTION CONTENANTE 102

3.DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE 111

MPLICATIONS COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES 123

5.IMPACT DE LA RECHERCHE SUR LE PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION D’AUDE, ET IMPACT

D’AUDE SUR MA RECHERCHE 131

6.SYNTHESE DES RESULTATS DE LANALYSE DES DONNEES D’AUDE 133 I. 2 PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION DE BRIGITTE, UNE SENSIBILITE AU

SERVICE DE LA CLINIQUE DEVELOPPEMENTALE 142

1.IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE 144

1.1IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION DANS LE LIEN AVEC LES SUPERVISEURS 144

(5)

4 1.2IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE DANS LES ECHANGES IDENTIFICATOIRES AVEC LE GROUPE

156 1.3 IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE DANS LA RELATION CLINIQUE 167 2.REGULATION DES AFFECTS, FONCTION CONTENANTE ET CONSTRUCTION DE SENS 177

3.DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE 188

MPLICATIONS COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES 200

5.IMPACT DE LA RECHERCHE SUR LE PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION DE BRIGITTE : 208 6.SYNTHESE DES RESULTATS DE LANALYSE DES DONNEES DE BRIGITTE 212 I. 3 PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION DE THERESE, DE LA SPONTANEITE A

PRENDRE LE TEMPS DE PENSER 220

1.IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE 221

1.1IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION DANS LE LIEN AVEC LES SUPERVISEURS 221 1.2IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE DANS LES ECHANGES IDENTIFICATOIRES AVEC LE GROUPE

231 1.3IDENTIFICATION/DIFFERENCIATION AFFECTIVE DANS LA RELATION CLINIQUE 242 2.REGULATION DES AFFECTS ET CONSTRUCTION DE LA FONCTION CONTENANTE 252

3.DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE 263

MPLICATIONS COGNITIVES ET COMPORTEMENTALES 279

5.IMPACT DE LA RECHERCHE SUR LE PARCOURS DE SUBJECTIVATION EN FORMATION DE THERESE 290 6.SYNTHESE DES RESULTATS DE LANALYSE DES DONNEES DE THERESE 294 II. ANALYSE DES DONNÉES PAR APPROCHE TRANSVERSALE : PRÉSENTATIONS DES

CONDITIONS DU DISPOSITIF DE FORMATION CONTRIBUANT AU PROCESSUS DE

SUBJECTIVATION 305

1. CONDITIONS TRANSVERSALES DE LA DIMENSION INSTITUTIONNELLE ET ORGANISATIONNELLE DU

DISPOSITIF CONTRIBUANT A LA SUBJECTIVATION EN FORMATION 306

1.1FOCUS SUR LA DIMENSION INSTITUTIONNELLE 306

1.2FOCUS SUR LA DIMENSION ORGANISATIONNELLE 315

2.CONDITIONS SPECIFIQUES DU DISPOSITIF CONTRIBUANT AUX 4 DIMENSIONS DE LA SUBJECTIVATION EN

FORMATION 335

2.1.ROLE DU DISPOSITIF DANS LE PASSAGE DE LIDENTIFICATION A LA DIFFERENCIATION AU NIVEAU AFFECTIF

DANS LES LIENS FORMATIFS 335

2.2CONFIGURATIONS DU DISPOSITIF FAVORISANT LA REGULATION DES AFFECTS ET LA CONSTRUCTION DE SENS

351 2.3MODALITES DU DISPOSITIF FAVORISANT LES DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE 356 2.4.CONDITIONS DU DISPOSITIF FAVORISANT LE DEVELOPPEMENT AU NIVEAU COGNITIF ET COMPORTEMENTAL

362 3.LA RECHERCHE : CONTRIBUTION AU PROCESSUS DE SUBJECTIVATION, DANS LE CADRE DU DISPOSITIF DE

FORMATION 368

4. SYNTHESE DE LANALYSE DES DONNEES PAR APPROCHE TRANSVERSALE SUR LES CONDITIONS DU DISPOSITIF DE FORMATION CONTRIBUANT AU PROCESSUS DE SUBJECTIVATION 375 4.1SYNTHESE DES RESULTATS CONCERNANT LES CONDITIONS DU DISPOSITIF FAVORISANT LA SUBJECTIVATION AU NIVEAU DES DIMENSIONS INSTITUTIONNELLES ET ORGANISATIONNELLES DE LA FORMATION. 376 4.2SYNTHESE DES RESULTATS SUR LES CONDITIONS SPECIFIQUES DU DISPOSITIF CONTRIBUANT AUX 4

DIMENSIONS DE LA SUBJECTIVATION EN FORMATION 380

4.3SYNTHESE SUR LES ELEMENTS LIES A LA RECHERCHE AYANT CONTRIBUE AU PROCESSUS DE

SUBJECTIVATION DES ETUDIANTES DANS LE CADRE DU DISPOSITIF DE FORMATION 385

III. DISCUSSION DES RÉSULTATS ET CONCLUSION 386

1.DISCUSSION DES RESULTATS AUTOUR DES DIMENSIONS DU PSF 386

1.1LE PSF AU NIVEAU AFFECTIF 386

1.2.LA REGULATION DES AFFECTS, LA CAPACITE DE CONTENANCE ET LA CONSTRUCTION DE SENS 396

(6)

5 1.3LES DYNAMIQUES DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE :DU DOUTE AU QUESTIONNEMENT 400 1.4LES IMPLICATIONS AU NIVEAU COGNITIF ET COMPORTEMENTAL DU PSF 403 2.DISCUSSION AUTOUR DES CONDITIONS LIEES AU DISPOSITIF FAVORISANT LE PSF. 408 2.1MISE EN PERSPECTIVE INSTITUTIONNELLE ET ORGANISATIONNELLE AUTOUR DU DISPOSITIF DE FORMATION

408 2.2MISE EN PERSPECTIVE PSYCHANALYTIQUE AUTOUR DU DISPOSITIF DE FORMATION A LA CLINIQUE 410

TROISIEME PARTIE :CONCLUSION ET PERSPECTIVES 414

1.LA FORMATION COMME UNE OPPORTUNITE DE SE SUBJECTIVER : RESUME DU CHEMINEMENT INTELLECTUEL

DE NOTRE RECHERCHE SUR LE PSF 414

2.L’INCOMPLETUDE : LIMITES DE NOTRE TRAVAIL DE THESE 419

3.QUE RETENIR ?QUELQUES IMPLICATIONS PRATIQUES POUR LA FORMATION 421

4.QUELQUES PERSPECTIVES POUR DE FUTURES RECHERCHES 422

5.POUR CONCLURE 423

REMERCIEMENTS 426

BIBLIOGRAPHIE 428

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6

INTRODUCTION

Cette recherche de thèse porte sur les dynamiques à l’œuvre dans la formation initiale des psychologues cliniciens, en termes de processus de subjectivation. Autrement dit, le processus par lequel un apprenant peut se réapproprier progressivement ce qui lui a été enseigné pour en faire quelque chose de personnel. Elle résulte du questionnement qui a surgi d’abord de mes propres expériences de formation, puis de ma pratique clinique en tant que psychothérapeute d’enfants et d’adolescents et en tant que formatrice d’adultes. À cette époque, ma démarche clinique constituait déjà une première forme de recherche, visant à mettre les phénomènes observés et vécus en séance en lien avec la construction d’hypothèses pour comprendre ce qui se passait. Pour Devereux : « toute recherche est pertinente sur le plan inconscient, si éloigné du soi que le sujet de sa recherche puisse paraître au niveau manifeste. La preuve en est fournie par la détermination inconsciente du choix d’une profession. » (Devereux, 2012, p. 212) Au cours de ma propre formation post-grade en psychanalyse d’enfants et d’adolescents, j’ai eu l’occasion de percevoir la complexité de l’articulation des vécus personnels et affectifs avec l’agir professionnel. Cela est particulièrement vrai dans le cadre clinique, où la relation avec les superviseurs et le groupe en formation d’un côté, et la relation avec les jeunes patients et leurs parents de l’autre, sollicitent des vécus intenses chez les futurs psychologues. Il m’est apparu que ces vécus peuvent tantôt favoriser, tantôt entraver l’avancement formatif, selon la façon dont ils sont mis au travail par les futurs psychologues en formation et la manière dont ils sont accompagnés par le superviseur, le groupe et l'organisation. Pendant longtemps j’ai vécu les oscillations parfois déroutantes de la recherche de sens : entre la concrétude des séances et leur relecture en supervision, avec le sentiment de devoir réorienter ma pratique, pour trouver une voie médiane qui tienne compte des indications de mes superviseurs, tout en restant en accord avec mes ressentis. À la recherche d’éléments de réponse, j’ai par la suite finalisé une deuxième formation post-grade, d’approche systémique cette fois. Je me suis alors aperçue qu’elle m’avait permis de me réapproprier pleinement ma première formation psychanalytique et d’aboutir à une nouvelle façon de faire. Dans la construction de ma fonction et dans l’échange clinique, elle me correspondait plus profondément. Sur cette base, l’expérience affective de la formation constitue pour moi un prisme privilégié de compréhension des changements qui surviennent dans les processus de formation chez les sujets.

La rencontre avec l’équipe de recherche Formation et Organisation de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’université de Genève, qui met l’expérience du sujet apprenant au cœur du processus d’apprentissage, m’a ouvert la voie pour approfondir la réflexion sur le rapport des étudiants avec ce qu’ils apprennent à l’université, avec leur pratique et avec eux-mêmes. L’enjeu de notre questionnement de départ est central en sciences de l’éducation, tant au niveau professionnel que théorique, ainsi que dans la formation en psychologie. Il constitue également le défi de penser l’approche psychanalytique sur un terrain de formation, lui-même situé dans un contexte d’évolution sociale.

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7 La finalité d’une démarche de formation professionnelle ne se limite pas à faire apprendre au sujet. Les enseignants doivent aussi lui permettre de faire quelque chose de personnel de ce qu’il apprend, en créant les conditions pour que cela se produise. Pour répondre à ce questionnement, penser les dynamiques qui opèrent autour de l’expérience d’apprentissage en termes de subjectivation m’est devenu une nécessité. La mobilisation de ce concept psychanalytique s’est révélée fructueuse pour penser un terrain de formation d’adultes, dans la perspective de contribuer à un courant de recherche actif en sciences de l’éducation. En effet, les dynamiques à l’œuvre chez le sujet en (trans)formation sont au cœur des problématiques de l’apprentissage en formation d’adultes, en particulier en situation de travail. L’articulation des affects au travail, tant nécessaire qu’énigmatique, constitue en général le début d’une recherche qui dure pendant toute la vie professionnelle et qui constitue bien souvent le point de départ d’une formation continue à la fin du parcours universitaire, qu’elle soit certifiée ou existentielle. Sur le plan psychique et relationnel, nous ne cessons de croître tout au long de la vie et le sentiment de « devenir soi-même » n’est jamais complètement abouti. Cela est le cas en tant que professionnel également.

Que se passe-t-il chez les sujets lorsqu’ils font leurs tout premiers pas dans la pratique ? Que recouvre exactement l’appropriation qui se déploie dans la formation en alternance ? Nous partons d’une conception qui suppose que dans la transmission se produit un véritable travail de réappropriation, et que celui-ci ne se mesure pas simplement à l’accroissement de l’autonomie des sujets qui apprennent le métier sur le terrain, devenant progressivement capables de faire les choses tout seuls. Nous nous intéressons à ce qui est de l’ordre de la transformation interne chez le sujet en formation : sa subjectivation. Nous indiquons par-là, en première instance, la façon dont les étudiant-e-s s’approprient singulièrement et subjectivement ce qui leur est transmis et construisent une professionnalité qui leur est propre, en trouvant leur façon de faire et d’être en tant que futurs psychologues.

Notre recherche porte sur ce que nous appellerons le processus de subjectivation, dans le contexte d’une formation universitaire en alternance de psychologues. Dans notre optique, la finalité de la formation ne se limite pas à l’apprentissage, mais vise la subjectivation, ce qui permet à l’individu d’apprendre à devenir sujet. Si l’apprentissage, soit l’expérience de rencontre avec l’altérité, est à la base de la subjectivation tout apprentissage ne mène pas nécessairement à celle-ci, qui pour se réaliser doit pouvoir s’étayer sur des conditions spécifiques. L’enjeu de transformation visée en formation n’est donc pas l’apprentissage en soi : il va s’agir de fournir les outils au sujet apprenant afin qu’il ou elle puisse faire quelque chose de personnel de ce qu’il apprend, de d’approprier subjectivement et singulièrement de ce qui lui est transmis pour progresser dans son devenir sujet. Voici, en première instance, ce que nous désignons comme « processus de subjectivation en formation », en nous inspirant également de la réflexion menée par E. Bourgeois sur la question (Bourgeois, sous presse). Se questionner sur les conditions qui favorisent le passage de l’apprentissage à la subjectivation nous mène à nous pencher sur le lien de transmission entre le formateur et le formé. (Fain, Cournut, Enriquez & Cifali, 1987). La relation de transmission porte en soi cette tension centrale : afin d’apprendre et de s’individuer, l’apprenant doit pouvoir s’adosser au formateur, s’étayer sur la pensée qu’il lui propose. Dans un premier temps, l’imiter peut s’avérer nécessaire et utile. Parallèlement, néanmoins, les conditions doivent être mises en place pour

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8 que cet adossement n’enferme pas l’apprenant dans une répétition complaisante, purement adhésive, privée d’une appropriation par la mise en sens, laissant peu de place à la créativité et in fine à la réalisation personnelle. En effet : « Faire de l’apprenant non pas ‘un objet que l’on construit, mais un sujet qui se construit’,, pour reprendre l’expression de Ph. Meirieu (2013), exige bien plus encore que l’art de faire apprendre. Cela implique pour le formateur de renoncer à la jouissance narcissique, non seulement de faire de l’autre un clone à son image (ou éventuellement, à l’image attendue par la société de l’apprenant, travailleur ou citoyen, par la société), mais également d’en faire « sa chose », de renoncer donc à cultiver toute emprise possessive sur lui. Renoncer à l’asservissement de l’apprenant, c’est accepter au contraire qu’il soit libre de résister au formateur, de faire de ce que celui-ci lui enseigne quelque chose de différent, de nouveau, d’inattendu ; qu’il puisse lui dire non, et finalement lui échapper, qu’il puisse trouver sa propre voix, sa propre voie, en dehors et au-delà du formateur » (Bourgeois, sous presse, p.3).

Par ailleurs, si la subjectivation est le processus sur lequel nous nous penchons de façon privilégiée, soulignons que la question peut être abordée sous différents angles, notamment sociologique et historique. La subjectivation se construit sur la socialisation, qui représente son arrière-fond. Évoquons notamment le courant de la sociologie qui envisage les actions des individus dans leur expérience sociale, selon « des logiques d'actions différentes, parfois opposées, que les acteurs sont tenus de combiner et de hiérarchiser afin de se constituer comme des sujets » (Dubet, 2007, p. 98).

Dubet repère ainsi un niveau d’expérience où le sujet se bat pour devenir membre d’une société, dans un système d’intégration où il est l’agent de sa socialisation : il construit alors ses liens avec le groupe, ce qui lui permet de se constituer une identité sociale. D’autre part, l’individu est aussi envisagé comme un acteur, stratège de sa formation, notamment dans des contextes de concurrence, où il doit défendre des intérêts, selon une logique d'action et dans un système d’interdépendance. Enfin, la subjectivation de l’individu se situe dans le système d’action historique, c’est-à-dire lorsque celui-ci accède à la possibilité d’exercer une certaine critique et accéder à plus de distance avec son groupe d'appartenance. Dès lors, la subjectivation est le moment où l’acteur se ressaisit des normes sociales pour en faire quelque chose de personnel (Dubet, 1994). Selon que le sujet cherche à s’intégrer, à se distancier, ou à se protéger, il sera dans l'un ou l'autre de ces trois systèmes d'action. Nous comprenons de la sorte comment la socialisation professionnelle constitue le contrepoids de la subjectivation, avec laquelle elle entre en tension. La subjectivation va de pair avec la transmission en ce qu’elle relie le sujet au social. Dès lors, « l’enjeu de la subjectivation dans sa fonction potentiellement émancipatoire n’est donc pas uniquement individuel, il est aussi social » (Bourgeois, sous presse, p.3).

Dans cette perspective, on perçoit la dimension de défi auquel tout formateur, tout enseignant, est confronté : parvenir à outiller les étudiants, en leur permettant tout à la fois de s’approprier de cet outillage et de s’en distancier afin de trouver leur voie dans leur pratique, de pouvoir y donner leur contribution originale, et d’intégrer les nouveaux apprentissages dans un projet et une trajectoire personnels. (Bourgeois, sous presse).

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9 Puisque la formation accompagne les changements en cours chez le sujet, il nous faut :

« distinguer dans la formation, d’une part, l’intention sociale de transformation et sa concrétisation dans les dispositifs pratiques et les dispositifs - institutionnels, organisationnels et pédagogiques – qui constituent ce que l’on appelle « la formation » et d’autre part les processus réels de (trans)formation en cours chez les sujets qui traversent ces dispositifs » (Bourgeois, 2009, p. 41). Ces processus se déploient autour de la régulation des tensions, internes et externes, que la situation de formation par la pratique génère chez les sujets (Mercader, Henri & al., 2014, Bourgeois, Mornata & Allegra, 2015). En effet, les étudiant-e-s doivent se décentrer de leurs expériences précédentes, de la dimension universitaire, afin de se mouvoir à l’intérieur d’un groupe de pratique où les identifications à l’œuvre sont multiples et transversales. Alors, dans quelles conditions initiales une transmission d’un expert à un novice va lui permettre non seulement d’apprendre, de maîtriser les savoirs acquis, mais aussi d’évoluer et d’en faire quelque chose de propre ? Comment aider le sujet à prendre appui sur ce qui lui est transmis afin que cela lui serve de tremplin pour se construire ? C’est pour répondre à ces questions que nous nous pencherons également sur les conditions pédagogiques et organisationnelles soutenant ou pas le processus de subjectivation en formation. Nous allons nous intéresser à ce qui va faire brèche et ouvrir un espace de subjectivation pour le sujet apprenant. Ce travail vise à une meilleure compréhension du processus de transformation, de soi et d’autrui en formation et, in fine, à l’optimisation des dispositifs et des conditions de formation des psychologues.

Ces questions sont centrales pour la psychologie de la formation ainsi que pour les sciences de l’éducation. Pour y répondre, notre enquête se situe dans le courant des recherches cliniques d’orientation psychanalytique dans le champ de la formation. Dans cette perspective, j’ai tenu une position clinique d’orientation psychanalytique pour tenter de cerner la spécificité des modes de construction et de transmission des savoirs cliniques (Blanchard- Laville, Chaussecourte, Hatchuel & Pechberty, 2005). Le paysage des recherches actuelles dans ce courant tel qu’il nous est illustré par ces auteurs est le fruit de travaux de chercheuses et de chercheurs des diverses origines, francophones, dont les travaux traitent de l’étude des situations d’enseignement et de formation, l’accompagnement des étudiants, les pratiques d’écriture ainsi que les questions de pédagogies, considérées au sens large. Les principaux champs notionnels dégagés sont ceux de « l’infantile », (Imbert, 2004, Blanchard Laville, 2001, Rochex, 1995) ; « du/des rapports au savoirs » (Hatchuel, 2005, Giust-Desprairies, 2004, Aulagnier, 1974) ; et du tryptique « groupes, organisations, institutions » (Kaës, Anzieu, 1974, Cifali, 1994). Nous mobiliserons différents aspects de ces champs théoriques dans notre recherche, en nous penchant sur la fonction de médiation du savoir dans la transition identitaire des sujets en formation, mais aussi en revenant au rôle du groupe et du contexte institutionnel, toujours bien présents en arrière-fond.

Au vu des évolutions du contexte social dans les dernières décennies, les recherches à orientation psychanalytique se complexifient et la psychanalyse se trouve face à des défis, au risque de décliner inexorablement ou de rester cloisonnée dans la chambre de l’analyse. La tentative actuelle de mettre en perspective la conception et la compréhension des enjeux de la recherche en psychanalyse met en évidence deux polarités : « l’élan créatif qui sous-tend les

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10 recherches en psychanalyse et des points de butée que celles-ci rencontrent dans leur tentative de subvertir les cadres normatifs de la recherche et de la pensée de la recherche, c’est-à-dire un cadre médical biologique, pour appréhender le sujet dans ce qu’il a de plus singulier, de plus intime et de plus irréductible, marqué par l’Inconscient » (Roman, 2014, pp. 54-55).

L’approche psychanalytique dans la recherche contribue en ce sens à l’avancement d’une pensée complexe. Evoquons également que celle-ci ne peut méconnaître les récentes expansions des neurosciences. Ainsi, plusieurs auteurs tentent actuellement d’amorcer une réflexion interdisciplinaire, d’autant plus que certaines découvertes confirment des intuitions et des métaphores freudiennes (Ansermet & Magistretti, 2011).

D’autre part, mettre la psychanalyse au service d’une réflexion en contexte de formation permet une progression épistémique réciproque, dans le sens de l’interrogation des théories des diverses disciplines. En d’autres termes, « il s’agit de mettre à l’épreuve les démarches et les constructions qui sous-tendent la recherche en psychanalyse, ainsi que de tenter de trouver une voie de compatibilité suffisante, un espace de dialogue si possible fécond entre recherche et Psychanalyse » (Roman, 2014, p. 55). La suggestion qui nous est proposée de réfléchir aux formes que peut prendre la recherche en psychanalyse à l’Université, dans un contexte qui tend à valoriser davantage les positions de certitude que celles de l’incertitude, interroge notamment la place nécessaire de la méthode dans cette démarche de recherche. En ce sens, C. Revault d’Allones (1999) parlait déjà de « démarche clinique » dans la recherche, tenant compte de la subjectivité du chercheur, questionnant la notion de validité et faisant le lien avec celle de l’interprétation, qui ne vise pas le vrai dans la situation, mais le sens potentiel. C’est ce que vise notre recherche dans sa narration d’un processus qui reste lié à un vécu personnel. Nous y reviendrons dans le cadrage méthodologique de notre travail dans une démarche qualitative. Notre recherche s’appuie également sur une série d’entretiens exploratoires menés avec trois jeunes professionnelles, portant sur les moments significatifs de leurs parcours de formation, afin de comprendre comment un apprenant chemine vers une manière d’être et d’agir qui lui corresponde (voir annexes).

Enfin, remarquons qu’il y a encore peu de travaux qui décrivent et mettent en lien l’expérience de la formation vécue par les étudiants en la croisant avec celle vécue par leurs formateurs, le tout dans un contexte de formation également considéré dans son ensemble. Ce regard croisé, proposant une narration par étude cas, mais également une vision d’ensemble sur le dispositif de formation, constitue un point d’originalité de notre contribution.

(12)

11 Présentation du parcours de lecture

Pour mener cette recherche, nous procéderons en plusieurs étapes.

Dans une première partie, il s’agira tout d’abord de présenter notre problématique de départ autour du déploiement de la subjectivation en formation et de nous doter de quelques balises conceptuelles et théoriques pour cerner de façon plus précise la problématique de la subjectivation en contexte de formation ainsi que les hypothèses de travail qui ont orienté notre enquête.

Nous présenterons ensuite le dispositif méthodologique de la recherche, en évoquant également la construction de la méthodologie d’analyse de contenu des données qui nous a permis de cerner les grandes dimensions qui composent le processus de subjectivation en formation.

Dans une deuxième partie, empirique, nous présenterons les résultats de notre analyse des données en deux volets :

Dans un premier volet, nous nous pencherons sur trois monographies, portant sur les parcours d’Aude, de Brigitte et de Thérèse, afin de décrire finement le processus de subjectivation en formation et de voir ce qui se joue du côté de l’apprenant, en lien avec la figure du formateur et avec ses pairs. Il s’agira d’examiner comment ce processus peut être repensé dans une perspective de subjectivation de l’apprenant, en distinguant opérationnellement les différentes facettes. A la fin de chaque étude de cas, une synthèse des résultats sera présentée.

Dans un deuxième volet, on se tournera du côté des dispositifs et de formation et de transmission afin d’y repérer les conditions susceptibles de favoriser – ou non – le processus de subjectivation chez l’apprenant. Les données seront alors analysées dans une approche transversale, afin de distinguer les principaux apports du dispositif de formation au processus de subjectivation, y compris l’impact de la recherche elle-même. Une synthèse des résultats conclut également ce deuxième volet.

Dans une troisième partie de la thèse, nous discuterons les principaux processus qui se dégagent de l’analyse, de façon à les mettre au service de la future formation des étudiants.

(13)

12 1. La question de la subjectivation en formation : problématique, hypothèses de départ et repères théoriques

Notre recherche s'articule donc autour de deux volets : le premier concerne la compréhension du processus de subjectivation - défini du point de vue de la psychanalyse et des théories de l’apprentissage - et de la façon dont il opère dans le contexte de formation, et notamment sur le premier lieu de pratique clinique. Le second porte sur un certain nombre de facteurs qui entrent en ligne de compte dans ce processus, qui concernent plus particulièrement :

• la relation entre le psychologue en formation et le superviseur,

• la relation entre le psychologue et le groupe de pairs en formation,

• la relation clinique entre le psychologue et le patient,

• l’environnement organisationnel de la formation.

Nous traiterons cette problématique à partir d’un cadre théorique articulant d’une part les théories de la psychologie clinique d'orientation psychanalytique et d’autre part celles de de l'apprentissage adulte. Cette articulation représente un défi complexe pour notre recherche, vu la diversité des sources que nous explorerons pour rendre compte du phénomène à étudier, mais aussi son intérêt, sachant que les développements sur le processus de subjectivation sont encore récents et contrastés.

Notre recherche s'articule autour de deux questions de recherche, correspondant aux deux volets que nous venons d’évoquer.

1.1 Qu’est-ce que le processus de subjectivation en formation ? Cadrage théorique

En partant du postulat que le développement se déploie tout au long de la vie, nous considérons que la formation en psychologie constitue fondamentalement une nouvelle occasion de subjectivation pour le sujet apprenant, s'il y trouve un environnement

« suffisamment bon ».

Le premier volet de notre recherche souhaite donc répondre à la question de recherche suivante :

Comment se caractérise et opère chez l’apprenant le processus de subjectivation dans le contexte d’une formation universitaire en psychologie en alternance?

PREMIÈRE PARTIE : LA PROBLÉMATIQUE

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13 1.1.1 Le processus de subjectivation du point de vue de la psychanalyse

« La psychanalyse est une pratique de la parole et de la relation qui tient compte de l’inconscient. Le postulat est que le sujet n’est pas maître dans sa maison. Plutôt que de voir l’inconscient comme un déterminant qui nous ligoterait par nos complexes, il s’agit de le prendre comme un processus créatif, ouvert au non-réalisé, à la surprise, potentiellement créateur d’un avenir différent. A mon sens, la psychanalyse est d’abord une pratique qui permet de s’inventer de façon nouvelle, de devenir l’auteur et l’acteur de son existence...) Il ne faut pas faire de l’origine un destin, mais ouvrir l’avenir pour permettre à chacun de s’inventer au-delà de l’impossible sur lequel il bute » (F. Ansermet, 2017)1

1.1.2 La subjectivation, un concept en évolution pour penser l’émergence du sujet

R. Kaës (2011) propose de considérer les dynamiques de formation comme des processus de subjectivation, permettant ainsi de faire le lien entre la pensée et le fonctionnement intrinsèque du sujet et de dépasser la limite de modèles exclusivement basés sur un postulat rationaliste. Cette approche reste encore à explorer à ce jour et ouvre des perspectives particulièrement intéressantes pour le domaine de la formation d'adultes.

La subjectivation (Richard & Wainrib, 2006) est un concept initialement élaboré par les psychanalystes en lien avec la problématique de la construction du sujet pendant l’adolescence. La subjectivation se définit comme « un processus d’instauration d’un moi autonome, le noyau même du sujet » (Cahn, 1991, p. 48) qui émerge de l'interaction avec le monde interne d’un autre significatif. De quel sujet parle-t-on donc ? Le concept de sujet pose dès son introduction des problèmes complexes, Freud parle d’appareil psychique, puis du Moi, instance qui maintient fonctionnellement la cohésion entre les 3 systèmes de fonctionnement inconscients, préconscient, conscient (Freud, 1932/1989). Successivement, les psychanalystes vont parler de Sujet pour dépasser la notion de résistance du moi lié au narcissisme et souligner sa capacité de changement et donc de liberté par le travail de subjectivation, c’est-à-dire d’appropriation de l’activité psychique consciente et inconsciente.

Cette dynamique est identificatrice du moi (Delattre et Widlöcher, 2003). Nous envisageons le sujet comme sujet de son espace psychique à l’intérieur duquel les actes permettent un sens (Richard, 2006). Selon Winnicott (1969/2005), le sujet naît des premières relations mère- enfant qui lui permettent de se percevoir puis de se différencier en tant que tel. La mère suffisamment bonne s’identifie à son bébé et à ses besoins et les lui renvoie transformés dans une forme digérable pour lui : avec Winnicott, nous évoquerons tout au long du texte cette fonction-miroir de la mère par le terme de « reflètement ». Pour Winnicott, le bébé n'existe qu'en relation avec le monde extérieur, lorsqu’il a rencontré un environnement suffisamment sensible à son égard, capable de lui offrir la possibilité d’évoluer dans un milieu sécurisant, adapté à ses besoins et de lui fournir l’étayage qui lui confère un sentiment de continuité d’existence. Faute de cela l'enfant, court le risque de se construire une personnalité d'emprunt, nommé « faux-self ». Sur la base de ce développement théorique, nous saisissons que le

1 François Ansermet, interview de Sophie Davaris parue dans la tribune de Genève, samedi- dimanche 7-9 octobre 2017

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14 concept de reflètement a sa place dans la compréhension du lien d’accompagnement en formation d’adulte.

La subjectivation naît donc de l’intersubjectivité, où l’on attribue à autrui une pensée différenciée, dans un processus de partage émotionnel, affectif et d’expérience qui confère, si l’échange se passe bien, un sentiment de sécurité de base. En effet, le partage intersubjectif consiste en l’apprentissage des affects de l’autre, la compréhension et l’exploration de ses propres affects à partir de ceux des autres. Pour Freud, l’affect est le premier acte de pensée : selon le jugement d’attribution selon lequel l’objet est source de plaisir ou de déplaisir, il est introduit ou éjecté du monde représentationnel (Freud, 1905/1964). L’adulte garde en lui des traces de ce fonctionnement primaire et archaïque. En psychanalyse, l’affect est une manière de penser l’objet et d’appréhender la réalité extérieure. L’affectivité est porteuse d’une dynamique où la représentation et la communication s’entrecroisent, concept pivot pour penser l’intrapsychique et l’interpersonnel en constante dialectique dans le vécu de l’enfant qui se construit et de l’adulte qui se développe. De même, tout au long de la vie, les dynamiques d’accordage accompagnent un travail d’abstraction et de synchronisation à chaque nouvel échange, à la recherche d’invariantes interactives. Celles-ci vont nous permettre de construire un modèle de référence à double valeur : celui de savoir comment entrer en relation avec l’autre et celui d’avoir en miroir des informations sur notre propre vécu affectif (Stern, 1989, 2010).

Avoir accès à soi par le biais d’autrui présuppose donc le développement d’empathie et de capacité réflexive. La question de l’empathie a été étayée par les découvertes des neurosciences sur les neurones miroirs (Rizzolatti, Fadiga, Gallese & Fogassi, 1996 ; Rizzolatti & Sinigaglia, 2006). Ces systèmes sous-tendent l’aptitude à partager les états mentaux et à adopter le point de vue de l’autre, validant ainsi les différentes théories du développement développées précédemment par A. Freud, M. Malher, Piaget, et D. W.

Winnicott qui soutiennent que le soi naît de la différenciation progressive avec autrui. La capacité réflexive suppose de pouvoir penser en termes d’états mentaux, comme le fait la théorie de l’esprit, qui rassemble différents travaux autour de l’émergence de l’intersubjectivité de la subjectivation pour en parler en termes de « mentalisation » (Georgieff & Speranza, 2013).

En psychanalyse, on parle donc de « travail de subjectivation » pour indiquer une construction développementale du Soi sur la base de l’échange psychothérapeutique et qui se (re)produit à travers le transfert et le contre-transfert. Dans la cure, le transfert désigne le processus d’actualisation et de répétition de prototypes infantiles, vécu avec un sentiment d’actualité marqué. Le contre-transfert représente, quant à lui, l’ensemble des réactions inconscientes du thérapeute au patient, ce qui le renseigne sur celui-ci (Laplanche, Pontalis &

Lagache, 1981, Searles, 1979/2005).

La mise en travail du concept de subjectivation dans le contexte de la formation ouvre la voie à la construction de significations positives qui alimentent l’économie psychique du sujet, en mettant en lumière à quel point les capacités des sujets sont profondément contextuelles et relationnelles. La formation en psychologie constitue donc une nouvelle

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15 occasion de subjectivation pour le sujet apprenant, à condition d’y trouver un environnement de formation subjectivant.

1.1.3 La subjectivation, un concept pour penser la formation en psychologie clinique Le concept de subjectivation nous permet dès lors d’articuler le devenir-sujet de l’apprenant et les conditions plus ou moins favorables à l’appropriation des transformations psychiques liées aux débuts d’une pratique. Nous pensons que la relation formative a une fonction subjectivante, de par la répétition des interrelations qui s’y jouent, ce qui nous permet d’en approcher la dimension transformative inconsciente. Nous avons vu que le sujet émerge des relations précoces et l’autonomie de l’enfant naît de sa dépendance : c’est la relation initiale vis-à-vis des parents qui l'alimentent. De la même manière, à l'âge adulte, la possibilité de devenir autonome, notamment professionnellement, est liée à la relation qui se conçoit de et dans l’hétéronomie. L’apprentissage de l’indépendance ne peut avoir lieu que si l’environnement fournit un soutien suffisant, pendant suffisamment longtemps, à la démarche de formation du sujet apprenant afin qu’il puisse intérioriser ce soutien et le conserver à l’intérieur de soi. Par effet de la reconnaissance dans le cadre de la formation, les premières expériences réussies d’activités autonomes agiront en boucle rétroactive positive sur la relation formative et, en parallèle, sur l’activité clinique.

Parler de subjectivation nous semble particulièrement pertinent dans un contexte de formation en psychologie, par rapport à la nature polysémique de ce type de savoir, particulièrement ouvert à différentes interprétations et de ce type d’activité, où le professionnel utilise comme outil de travail sa propre subjectivité. À ce propos, Roussillon parle de « l’impact sur les sujets enseignés d’un « savoir » paradoxal dans la mesure où il porte sur des contenus qui sont inconscients et même doivent le rester pour un bon fonctionnement de la secondarité et de la cognition. » (Roussillon, 2004, pp. 85-86). La formation par alternance en psychologie implique, en effet, que l’étudiant se dispose à la rencontre du patient avec son bagage théorique, mais aussi à travers son savoir-être en relation, pour entrer en résonance subjective avec ce qui se produit en séance (Mercader &

Henri, 2004).

En psychanalyse, « le processus de la formation est la formation même », nous dit Kaës (2011, p. 25). Cette perspective implique de se dégager d'une approche didactique et donc centrée sur les contenus et de privilégier une approche expérientielle et interactionnelle du sujet actif en formation. L’expérience de formation se transforme au fil du parcours c’est pourquoi nous souhaitons relever sa dimension processuelle et les dynamiques du sujet qui la vit. Entre transformation et conformation, nous envisagerons la subjectivation en termes de développement professionnel et personnel, dans un contexte d’alternance où des savoirs et des capacités multiples sont mises en synergie.

1.1.4. Le processus de subjectivation du point de vue des théories de l’apprentissage En formation d’adulte, on constate actuellement une certaine hégémonie du modèle centré sur le développement individuel des apprenants, ce qui reflète sans doute le paradigme de l’individualisme radical de ces dernières décennies (Nizet & Bourgeois, 2005). La

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16 subjectivation en formation contribue à une réponse critique autour de la question de l’émancipation individuelle sur un versant qui, à l’inverse, propose une conception essentiellement relationnelle de l’être soi. Sur ce versant, nous l’avons vu, la réalisation de soi est fondée au préalable sur le sentiment d’exister, c’est-à-dire sur un sentiment de consistance intérieure et de continuité dans le temps (Flahault, 2010, 2016). En dehors de cela, le sujet ne peut être privé de son histoire, de sa culture et de ses passeurs. (Bourgeois, sous presse)

Alors, comment le sujet en formation peut-il pleinement se subjectiver et devenir sujet, c’est-à-dire trouver, en première personne, sa voie, sa pensée personnelle et des gestes qui lui appartiendraient, tout en s’inscrivant dans le cadre de ce qui lui est transmis ? On saisit la dimension intrinsèquement problématique de ce questionnement si l’on considère que la transmission est toujours, dans sa forme institutionnalisée, asymétrique et subordonnante, du moins initialement. De là, découlent les risques, évoqués plus haut, d’un « formatage » de complaisance, voir d’aliénation du sujet. Or si, d’une part, on soutient que la formation contribue à offrir une possibilité d’émancipation à l’individu, on pourrait d’autre part être amenés à « rejeter l’idée même de transmission et poser que l’émancipation consiste à se libérer à tout prix de ce qui est vu comme source d’assujettissement ». (Bourgeois, sous presse, pp. 31-32) Cela, au risque que : « l’instance enseignante se voie réduite, pour l’essentiel, à une fonction de soutien, d’accompagnement, de facilitation de ce processus d’autoapprentissage (...) ». Avec l’auteur, on perçoit en arrière fond ici le dilemme de toute entreprise de formation : « Est-il dès lors possible de concevoir une voie d’émancipation pour le sujet inscrit dans un rapport formatif asymétrique, entre pure aliénation et autosuffisance de l’individu ? » se demande Bourgeois. (Bourgeois, sous presse, pp. 31-32). Le défi dont il va s’agir est donc bien de concevoir des modalités de transmission qui soutiendraient la construction d’un sujet en lien avec les autres, certes, mais aussi centré sur sa subjectivité et ses instances personnelles.

Pour répondre à ces questions, relevons deux composantes indissociables de la subjectivation dans l’apprentissage, au sens d’autonomisation, deux mouvements opposés qui traversent l’apprenant, entre décentration et déplacement de sa pensée, d’une part, et réappropriation personnelle des apprentissages réalisés, de l’autre.2

Subjectivation et décentration. Nous savons qu’un nouvel apprentissage ne peut se produire qu’à condition que l’apprenant se dispose à une décentration par rapport à soi et à une rencontre de l’Autre. Le sujet engagé dans son action formative vit une confrontation constante entre différentes formes de représentations, valeurs, croyances et trajectoires, dans l’effort de convoquer ses savoirs pour s’asseoir en tant que professionnel. Suivant l’approche vygostkienne classique, l’acquisition de l’autonomie est un processus progressif. Pour s’émanciper, l’apprenant devra concilier, de façon créative et authentique, des attentes externes et une cohérence interne, dont l’enjeu sera de conquérir une autonomie, dans la reconnaissance de sa dépendance momentanée à autrui (Bourgeois, 2013). L’autonomie,

2 En Sciences de l’Education, la question de la subjectivation a été abordée par Vanhulle (2009), avec un ancrage théorique socioconstructiviste orienté sur les processus langagiers, tandis que nous nous penchons davantage sur les étayages relationnels, dans une approche psychanalytique.

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17 c’est-à-dire la capacité de faire tout seul ce qui a été enseigné, se construit sur la base d’une relation de dépendance au départ et de soumission à une « discipline » constituée d'un ensemble de règles définies socialement, en dehors du sujet et antérieurement à lui. Le passage de la dépendance à l’indépendance pour le sujet suppose la réunion de plusieurs conditions : d’une part qu’il accepte, dans son interaction avec un expert, l’asymétrie des niveaux d’expertise, d’autre part que celle-ci se déploie dans la zone proximale de développement de l’apprenant, ni en dessous, ni au-dessus. Cela implique également un comportement adéquat de l’expert, caractérisé, selon les conditions du « compagnonnage cognitif », par un étayage relationnel et une présence moins directive au fil de la progression dans la formation.

Subjectivation et réappropriation personnelle. Un deuxième mouvement doit cependant se produire afin que l’apprenant puisse faire un travail de réappropriation personnelle, en intégrant les nouveaux apprentissages dans sa propre économie subjective.

Cette réappropriation a lieu au niveau cognitif, puisqu’il s’agit pour lui d’intégrer ces apprentissages dans son système global de pensée, mais aussi au niveau télique, s'inscrivant dans le projet de vie personnel de l’apprenant. Le critère ici n’est pas tant l’ « originalité » de ce que fait l’apprenant de ce qu’on lui a appris, mais plutôt l’inscription de ce qu’il a appris dans un projet personnel, autodéterminé. Cette inscription peut passer par une

« personnalisation » de ce qui a été appris. L’apprenant fera alors « à sa manière », avec son style propre, qui selon les cas peut être plus ou moins différent de ce qui lui a été enseigné. Le psychanalyste R. Kaës pose comme il suit les termes de ce débat : « La transmission se pense trop souvent comme destin, et non comme condition d’une création, d’une expérience de l’imprévu. Le processus de formation est au centre de ces dérives lorsqu’elle est pensée comme une transmission sans transformation…) Proposer cette perspective, c’est se dégager de la primauté accordée aux contenus de la formation. Ce n’est en aucun cas les ignorer ou les négliger, c’est au contraire les inscrire dans une activité générative qui sollicite les propriétés conjointes du sujet en formation et celles du dispositif qui met au travail son projet de formation » (Kaës, 2011, p. 25). Cela dit, la question qui s’ouvre est de savoir comment une telle perspective se concrétiserait en situation de formation, et c’est la question à laquelle nous chercherons à répondre dans la suite de notre recherche.

La transformation du sujet apprenant passe donc par un processus de subjectivation spécifique aux dynamiques de formation, traversé par différentes tensions affectives et cognitives, potentiellement heuristiques. Sur la base de ces éléments, le but premier de notre recherche sera de documenter le processus de subjectivation dans ce contexte de formation et de produire une description fine de ses modalités d’expression. Nous parlerons donc de processus de subjectivation en formation, que par souci de confort de lecture nous désignerons dans la suite du document par l’abréviation PSF.

En avançant dans notre cheminement réflexif, nous postulons que pour qu’un processus de subjectivation puisse advenir, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Nous allons donc formuler des hypothèses de travail à ce propos.

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18 1.2 À quelles conditions le processus de subjectivation peut-il se déployer dans la formation ?

Le deuxième volet de notre recherche vise à répondre à la question de recherche suivante :

Quelles sont les conditions spécifiques à la formation qui favorisent ou entravent le processus de subjectivation chez l’apprenant ?

L’analyse des conditions du PSF est articulée autour de deux hypothèses de travail : 1) Tout d’abord, la subjectivation nécessite, dans le processus d’apprentissage et de transmission, non seulement l’expérience de conflit cognitif entre les connaissances antérieures du sujet et de l’information nouvelle issue d’une source investie comme modèle mais également de la confrontation à différentes sources, investies comme modèles à l’intérieur même de la formation. Les évènements perturbateurs vont déclencher les restructurations de la pensée de l’apprenant et les modalités de résolution des conflits orienteront le développement d’un style propre de l’apprenant, dans une succession infinie de cycles d’équilibre-déséquilibre (Bourgeois & Nizet, 1997 ; Bourgeois, 2009).

2) En outre, la subjectivation requiert que l’apprenant ait la possibilité de faire lui- même l’expérience de ce qu’il est en train d’apprendre – et plus précisément, qu’il ait la possibilité :

• d’agir par lui-même selon ce qu’il a appris,

• d’éprouver par lui-même cognitivement, affectivement et corporellement les conséquences de son action,

• d’établir par lui-même le lien entre les deux,

• d’ajuster progressivement son action jusqu’à maximisation de ses buts personnels pertinents.

Nous faisons ici référence à la conception de l’expérience chez Dewey, telle que présentée par Bourgeois (2013).

Ces deux conditions sont à l’œuvre dans la relation de l’apprenant avec les différents acteurs de la formation. Nous formulons donc quatre sous-questions de recherche et autant de sous-hypothèses sur les conditions formatives qui participent au processus de subjectivation des futurs psychologues.

1.2.1 Première condition formative : la relation avec le superviseur

Comment le transfert positif ou négatif de la figure du formateur et du savoir dont il est porteur peut-il se transformer en une pensée subjectivée du participant ?

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19 Cadrage théorique

Le transfert sur la figure du formateur est intense dans la phase initiale et constitue un thème central de toute formation. Si « Le désir de savoir et d’apprendre (…) n’existe qu’au sein d’une relation » (Delannoy & Lévine, 2005, p.47), une réflexion autour des enjeux narcissiques et identificatoires dans la relation pédagogique s’impose donc, puisqu’elle est une sorte « d’accélérateur d’inconscient » (Imbert, 1996). En tant qu’objet de représentation et d’investissement partagé, l’apprentissage est bien le lieu d’une réactualisation, d’une répétition, voire d’une re-création d’un lien antérieur. Ainsi, ce qui se dit pendant les supervisions peut être entendu comme un discours qui condense différents niveaux de la réalité psychique des sujets, dans le rapport qu’ils entretiennent avec eux-mêmes (Kaës, 1976, 2011) Une simple ré-évocation des expériences précoces dans l’actualité ne permet pas un travail de subjectivation en formation, tandis que le (contre-)transfert de l’apprenant - qui transite par le groupe, le patient, le formateur - constitue la recherche d’une nouvelle figuration, où le Soi professionnel peut être re-trouvé/créé (Salzberger-Wittenberg, Williams, Osborne, & Alcorn, 2012 ; Youell & Canham, 2009).

Nous faisons l’hypothèse que les trois facteurs suivants favorisent la subjectivation dans la relation au formateur :

a. La non-identification adhésive du formateur au savoir enseigné

La relation formative offre différentes possibilités identificatoires, telles que l’adhésion, la rivalité, l’étayage et la différenciation. Si le formateur n’adhère pas dogmatiquement au savoir qu’il transmet, l’apprenant aura une place pour se frayer sa propre voie/voix. Cela implique une incomplétude de l’enseignement qui permettra à l’apprenant de se mobiliser afin que sa formation prenne sens (Bourgeois & Nizet, 1997). Autrement dit, l’apprenant passerait idéalement d’une significative dépendance initiale à une « dés-adhésion»

suffisante pour qu’un regard sur soi puisse se constituer. Pour ce faire, l’apprenant doit sentir qu’il peut s’approprier du savoir, sans pour autant en déposséder le maître. Le dépassement de la dimension de rivalité signifie que le formateur « a besoin d’effectuer un travail sur soi, sur sa relation à son propre désir et sur son adhésion à son statut » (Delannoy & Lévine, 2005, p.56). Rejoindre une plus grande autonomie devient ainsi l’objectif que le couple formateur/apprenant se donne, au fil du stage, dans une reconnaissance mutuelle et progressive. Le travail de subjectivation se fait alors dans une dimension dialectique réciproque permettant le remaniement de l’organisation psychique des sujets.

b. L’ouverture du savoir enseigné par le formateur

Comme nous l’évoquions plus haut, la nature même du savoir transmis influence le processus de subjectivation. Un savoir non dogmatique qui propose des modèles multiples, équivoques, introduisant le doute, le questionnement et, éventuellement, l’ignorance, permet d’activer une réflexion autour de ce savoir et des tensions affectives et cognitives qu’il peut engendrer chez l’apprenant, étant données les multiples interprétations auxquelles il se prête.

Sur notre terrain de recherche, les différences véhiculées par les discours des superviseurs

(21)

20 venant d’horizons théoriques différents peuvent nous faire penser que l’apprenant se trouvera pris dans un conflit d’identification et de loyauté qu’il devra résoudre, pour se construire au plan professionnel. Avec Merhan (2007), nous considérons que les tensions vécues en formation constituent des potentialités d’apprentissage heuristiques, si elles évoluent vers une fonction d’(auto-)régulation et la construction de nouveaux sens. En introduisant du “jeu”, celles-ci ouvrent un espace potentiel de développement (Winnicott, 2008/1971) dans la relation formative, où l’on peut reconnaître et élaborer les éventuelles ambivalences.

Dans cette perspective, il apparaît fondamental que la situation de formation en psychologie offre un espace de pratique réflexive clinique et théorique. La réflexivité consiste à interroger les activités, les savoirs et les discours spécifiques auxquels se forment les futurs psychologues (Clot, 2001).

c. L’attitude du formateur, qui donne à l’apprenant la possibilité de faire ses propres expériences

Pour Delannoy & Lévine (2005) la progression vers l’autonomie passe par la constitution de l’image de soi et de l’idéal de soi, à partir de l’incorporation des images parentales, puis par la maîtrise, le plaisir de faire seul, pour arriver enfin à être capable de la retransmission du savoir tant désiré. Nous chercherons à observer les comportements et les dispositions qui permettent au formateur de soutenir le processus de subjectivation, en tenant compte de la façon dont se jouent, dans la relation formative, le désir mimétique et la question de la rivalité, ce que J. Lévine décrit en ces termes : « Le savoir ne prend sens et ne devient objet de désir pour l’enfant que parce qu’il a élu un modèle [...] il s’agit d’incorporer la façon dont ce tiers s’y prend […] le modèle peut devenir un « accompagnant interne » s’il ne se sent pas menacé par la relation de rivalité » (Delannoy & Lévine, 2005, p. 56). Cela apparaît clairement dans le discours des professionnelles interviewées, qui reconnaissent avoir éprouvé une profonde dépendance vers les indications des superviseurs à leurs débuts, pour ensuite évoluer vers une plus grande autonomie, face aux réactions des patients. Ce qui émerge des interactions permet au formateur d’évaluer le juste degré de soutien à fournir à l’apprenant selon le moment formatif qu’il traverse, en cherchant à ne pas se substituer à son expérience.

Nous chercherons donc à retracer la façon dont, grâce à la relation formative, le formateur soutient l’avancement dans le processus de subjectivation jusqu’à ouvrir un plus vaste

« champ d’action » dans la pratique.

1.2.1 Hypothèse sur la relation avec le superviseur

Nous faisons l’hypothèse que l’apprenant se construit une pensée propre à travers la relation avec le superviseur si celui-ci accompagne le processus de subjectivation en soutenant la différenciation de l’apprenant.

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