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Régulation des affects et construction de sens dans le PSF

À un autre niveau, la gestion des ressentis suscités par la formation et leur interférence avec l’agir en clinique apparaît comme un élément au premier plan dans l’expérience de formation. Après une phase de désécurisation profonde, où le malaise s’incarne au niveau corporel, nous envisageons qu’une évolution doit pouvoir se produire dans la disponibilité à percevoir les affects liés à la clinique de façon davantage mentalisée. De cette façon, ceux-ci peuvent faire l’objet d’une nouvelle compréhension. La construction de sens se ferait à l’intérieur d’un cadre qui contient, dénotant un niveau majeur de réflexivité sur l’autre et sur soi dans un mouvement d’auto-représentation.

3. Dynamiques de construction identitaire

Soulignons également l’importance des évocations d’images de soi à l’œuvre chez les futurs professionnels, puisque les processus d’alternance mobilisent un important travail de remaniement des représentations idéalisées autour de la relation d’aide et de la profession de psychologue. Les tensions créées par l’alternance créent une situation de vulnérabilité particulière où le sentiment de légitimité peut néanmoins progresser au fur et à mesure de ce travail de remaniement identitaire et représentationnel.

4. Implications cognitives et comportementales du PSF

L’implication cognitive et comportementale est intriquée avec l’affective, et au cours de la formation les étudiants peuvent accéder à une pensée davantage problématisée. Nous

57 pensons que cela, ainsi que le fait de pouvoir tolérer l’expérience du conflit, permet aux étudiants de s’approprier une pensée propre et davantage différenciée de celle d’autrui. Au niveau comportemental, nous envisageons alors une plus grande affirmation de soi possible pour les étudiants qui assument davantage leur parole, ainsi qu’à une prise d’indépendance, d’initiative et de responsabilité.

Choix de rédaction dans l’analyse des données empiriques

Afin de saisir en profondeur le travail psychique à l’œuvre dans le PSF nous avons choisi de rédiger trois études de cas dans une logique monographique, suivant les dimensions de la subjectivation telles que nous venons de les évoquer. Ce choix est motivé par des raisons concrètes, de temps et d’espace dans ce travail, mais aussi d’investissement sur les entretiens de recherche. Évoquons simplement la présence de résonances et d’identifications qui appartiennent au lien entre la chercheuse et les étudiantes choisies pour nos études de cas, et sur lesquelles nous reviendrons plus loin dans le cours de l’analyse. 6

Dans un deuxième temps, nous avons repris l’ensemble des données observées dans le dispositif de formation pour en proposer une analyse transversale qui mette en lumière les conditions liées au dispositif de formation qui favorisaient le PSF. Cela, afin de progresser vers une modélisation de dispositifs de formation subjectivants.

6 À ce stade, notons que j’ai investi dans l’écriture les étudiantes dont j’ai perçu qu’elles investissaient le plus les entretiens de recherche. Ceux-ci étaient plus longs et riches que ceux des autres étudiantes.

Ai-je donc donné la priorité là où je sentais une demande, s’agissait-il d’étudiantes plus motivées ? Cela représente un aspect qu’il nous faudra reprendre ensuite pour en considérer les limites.

58 Tableau récapitulatif du dispositif de recherche :

Dispositif de recherche 1er semestre 2ème semestre

Observations cliniques,

59 Lucie, Judith, Jasmine, Gaia

(10 entretiens)

• 1 entretien (en fin de semestre) avec les autres superviseurs : M. Constance, Mme Aubonne, Mme Sarine (3 entretiens)

• 1 entretien (en fin de semestre) avec les autres membres de l’équipe : la secrétaire et la stagiaire post-master, Camille

(2 entretiens)

25 entretiens au total

groupe : Brigitte et Thérèse (6 entretiens)

• 1 entretien (en fin de semestre) avec les autres superviseurs : M. Constance, Mme Aubonne, Mme Sarine (3 entretiens)

• 1 entretien (en fin de semestre) avec la nouvelle stagiaire post-master, Larissa (1 entretien)

16 entretiens au total

60 Pour résumer :

Le postulat que la formation par la pratique remobilise un processus de subjectivation chez les sujets apprenants s’est avéré fécond sur le plan heuristique lorsqu’il a été mis à l’épreuve sur le terrain où nous avons mené notre recherche. Une université francophone propose aux étudiant-e-s une formation à la pratique du bilan psychologique avec l’enfant et l’adolescent, à travers un service de consultation tout-venant adressé aux jeunes présentant des difficultés psychologiques et à leurs familles. Le dispositif de formation prévoit que les consultations soient réalisées, en binôme d’étudiants, sur 5 à 7 séances, de l’accueil de la demande à la synthèse et au rapport écrit, le tout sous la responsabilité d’un psychologue expérimenté. Les séances sont filmées et supervisées en direct et dans l’après-coup. Plusieurs modalités de travail en groupe sont prévues (4, de 8 ou de 16 étudiants) et encadrées par différents membres de l’équipe pédagogique, qui alternent sur les deux semestres. Le déroulement sur une journée permet également le partage de moments informels, tels que les repas ou les pauses, dans des locaux accueillants.

Dans une visée épistémologique compréhensive, deux types de données ont été recueillis et retranscrits. Tout d’abord, la chercheuse principale a recueilli dans un carnet de bord les données de l’observation longitudinale des activités de formation collectives, telles que : passation de tests, supervisions de groupe et présentations de cas, séances d’évaluation et moments de vie en collectivité.

Ce premier matériau retrace les premiers pas dans la pratique de 8 étudiantes dans leurs groupes en formation, supervisés par deux psychologues expérimentés d’orientations théoriques différentes. En parallèle, des entretiens cliniques ont été menés sur 4 temps auprès des étudiantes et de l’équipe pédagogique à plusieurs reprises, au cours de l’année universitaire, en début et en fin des deux semestres.

Lors de l’analyse, nous avons croisé ces données afin de mieux comprendre le lien entre l’expérience observable et le vécu de la formation tel que raconté par les étudiantes interviewées et l’équipe les encadrant. Une analyse de contenu des 48 entretiens réalisée avec Nvivo© (Smith, 2009) nous a permis de monter en abstraction afin de dégager les principales catégories thématiques récurrentes dans les discours, de les stabiliser pour les rendre comparables et en saisir ainsi l’évolution temporelle. Procéder par études de cas nous a ensuite permis de relever la complexité de la recherche de sens attribuée par les sujets à leur expérience de formation (Roman, 2014) et de tenir compte de l’évolution formative sur une année académique. Le but étant de passer d’une logique monographique à une mise en commun, pour aller vers la conception d’un modèle de fonctionnement.

En cohérence avec notre approche qualitative, nous avons considéré l’impact de la recherche sur la formation en formulant une question à ce propos lors du dernier entretien. C’est un élément qui sera à considérer notamment au vu de l’effort de verbalisation demandé aux étudiantes en entretien, étroitement lié à leurs constructions de sens, mais aussi en considérant l’apport de la présence de la chercheuse tout au long de leur formation.

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DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNÉES ET PRÉSENTATION