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Peur et recherche visuelle : effet de la peur des araignées sur l'inhibition et la capture de l'attention

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Peur et recherche visuelle : effet de la peur des araignées sur l'inhibition et la capture de l'attention

PITTET, Coralie

Abstract

Nous avons étudié l'effet de capture et d'inhibition de l'attention de stimuli menaçants. Pour ce faire, huit stimuli de fleurs sont présentés autour d'une croix de fixation, mais une seule diffère par un pétale manquant sur le côté. Une des fleurs peut être remplacée aléatoirement par un distracteur araignée représentant le stimulus menaçant, ou alors par un distracteur émotionnellement neutre, une feuille. Les participants, répartis en deux groupes selon leur peur des araignées, devront identifier la fleur différente tout en ignorant le distracteur. L'effet de capture a été étudié grâce à la composante N2pc, reflétant le déplacement attentionnel vers un stimulus latéralisé, de même que par les temps de réaction. L'effet d'inhibition est étudié grâce à la composante PD, reflétant la suppression d'un distracteur latéralisé...

PITTET, Coralie. Peur et recherche visuelle : effet de la peur des araignées sur l'inhibition et la capture de l'attention. Master : Univ. Genève, 2017

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:99954

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PEUR ET RECHERCHE VISUELLE : EFFET DE LA PEUR DES ARAIGNEES SUR L’INHIBITION ET LA CAPTURE DE L’ATTENTION

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

ORIENTATIONS PSYCHOLOGIE COGNITIVE

PSYCHOLOGIE CLINIQUE

PAR Coralie Pittet

DIRECTEUR DU MEMOIRE

Dirk Kerzel (Prof.) et Caroline Barras (Dr.)

JURY

Dirk Kerzel (Prof.) Caroline Barras (Dr.) Roland Maurer (Prof.)

GENEVE AOÛT 2017

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION PSYCHOLOGIE

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1 REMERCIEMENTS

Je souhaite avant tout remercier toutes les personnes qui m’ont accompagnée, aidée et conseillée au cours de ce travail de mémoire.

Particulièrement et chaleureusement, Caroline Barras pour son soutien, ses conseils et remarques constructives qui m’ont aidée à chaque étape de ce travail. Mais également pour sa disponibilité et sa patience exemplaires au cours de la réalisation du mémoire ainsi que lors de ma formation à l’électroencéphalographie.

Je tiens également à remercier Nicolas Burra, pour ses conseils avisés et ses workshops qui m’ont permis d’en apprendre davantage sur l’analyse des données.

Toute ma gratitude va envers le Professeur Dirk Kerzel pour l’encadrement de cette recherche et pour l’intégration au sein de son équipe et la mise à disposition de tout le matériel dont nous avions besoin.

Je suis également reconnaissante envers les étudiants qui ont participé à l’expérience et sans qui cette recherche n’aurait pas été possible.

Je tiens à remercier Jacqueline Schmid et Lucas Turrian qui m’ont aidée, par leurs relectures et leurs conseils, à faire de ce mémoire ce qu’il est.

Finalement, un grand merci à ma famille qui m’a soutenue tout au long de ce travail.

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2 RÉSUMÉ

Nous avons étudié l’effet de capture et d’inhibition de l’attention de stimuli menaçants.

Pour ce faire, huit stimuli de fleurs sont présentés autour d’une croix de fixation, mais une seule diffère par un pétale manquant sur le côté. Une des fleurs peut être remplacée aléatoirement par un distracteur araignée représentant le stimulus menaçant, ou alors par un distracteur émotionnellement neutre, une feuille. Les participants, répartis en deux groupes selon leur peur des araignées, devront identifier la fleur différente tout en ignorant le distracteur. L’effet de capture a été étudié grâce à la composante N2pc, reflétant le déplacement attentionnel vers un stimulus latéralisé, de même que par les temps de réaction. L’effet d’inhibition est étudié grâce à la composante PD, reflétant la suppression d’un distracteur latéralisé. Comme attendu, les résultats de ce travail indiquent de manière générale une capture attentionnelle par la cible, et une suppression des deux distracteurs. De plus, la suppression est plus importante pour un distracteur menaçant que neutre, et traduit des temps de réaction plus grands que pour une capture par la cible. Nous expliquons ces résultats par la valence émotionnelle des distracteurs qui influence la suppression attentionnelle.

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3 TABLE DES MATIÈRES

1. PRÉAMBULE ... 5

2. INTRODUCTION ... 5

2.1. L’ATTENTION VISUELLE ... 5

2.2. LA CAPTURE ATTENTIONNELLE ... 8

2.2.1. LA SÉLECTION VISUELLE : TOP-DOWN VERSUS BOTTOM-UP ... 8

2.2.2. PARADIGME DE RECHERCHE VISUELLE :ADDITIONAL SINGLETON TASK ... 9

2.3. LA CAPTURE ATTENTIONNELLE ET LÉMOTION DE PEUR ... 11

2.3.1. EMOTION ET ATTENTION ... 11

2.4. L’ÉLECTROENCÉPHALOGRAMME : UNE TECHNIQUE DENREGISTREMENT DE LACTIVITÉ CÉRÉBRALE ... 18

2.4.1. LA N2PC... 19

2.4.1.1. L’Additionnal singelton paradigm et la N2pc ... 20

2.4.2. LA DISTRACTOR POSITIVITY (PD) ... 21

2.4.2.1. La Distractor positivity : modulée par le mode de recherche visuelle ... 22

2.5. LA PEUR ET LA RECHERCHE VISUELLE : DES DONNÉES ÉLECTROPHYSIOLOGIQUES ... 23

2.6. OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ... 25

2.6.1. OBJECTIFS ... 25

2.6.2. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ... 26

2.6.2.1. Hypothèses comportementales ... 26

2.6.2.2. Hypothèses électrophysiologiques ... 27

3. MÉTHODE ... 29

3.1. PARTICIPANTS ... 29

3.2. STIMULI ... 29

3.3. PROCÉDURE ... 30

3.4. ENREGISTREMENT EEG ET ANALYSE ... 31

4. RÉSULTATS ... 33

4.1. RÉSULTATS COMPORTEMENTAUX ... 33

4.2. LES POTENTIELS ÉVOQUÉS ... 34

(6)

4

4.3. ANALYSES SUPPLÉMENTAIRES ... 35

5. DISCUSSION ... 37

5.1. RÉSULTATS COMPORTEMENTAUX ... 38

5.2. RÉSULTATS ÉLECTROPHYSIOLOGIQUES ... 39

5.3. RÉSULTATS COMPLÉMENTAIRES ... 41

5.4. DISCUSSION GÉNÉRALE ... 43

5.5. LIMITES ET PERSPECTIVES ... 50

5.5.1. LE PARADIGME ET LENVIRONNEMENT EXPÉRIMENTAL ... 50

5.5.2. LES PARTICIPANTS ... 51

5.5.3. L’ASPECT PERCEPTUEL ... 52

5.5.4. LES STIMULI NON PERTINENTS ANIMÉS ET INANIMÉS ... 53

6. BIBLIOGRAPHIE ... 55

7. ANNEXES ... 61

ANNEXE I :EXEMPLAIRE DU FEAR OF SPIDER QUESTIONNAIRE (SZYMANSKI &O’DONOHUE,1995), ADAPTÉ EN FRANÇAIS ... 61

ANNEXE II :RÉSULTATS COMPORTEMENTAUX ... 63

TEMPS DE RÉACTION ... 63

ANALYSE DE LINFLUENCE DU GROUPE (RT) ... 65

PRÉCISION DE RÉPONSE ... 67

ANNEXE III :RÉSULTATS ÉLECTROPHYSIOLOGIQUES ... 68

ANALYSE DE LA N2PC ET DE LA PD SUR LA PÉRIODE ALLANT DE 260 À 340 MS ... 68

ANALYSE DE LINFLUENCE DU GROUPE ... 70

ANNEXE IV :ANALYSES SUPPLÉMENTAIRES ... 72

ANALYSES DE LA PPC SUR LA PÉRIODE ALLANT DE 80-140 MS ... 72

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1. Préambule

Pour commencer, nous allons introduire ce travail par un exemple de situation concrète. Imaginez que vous êtes dans un champ en pleine campagne, à la recherche d’une fleur spécifique. Afin de trouver cette fleur particulière parmi toutes les autres qui sont considérées comme ordinaires, vous vous basez sur certaines caractéristiques propres à cette fleur, comme la couleur ou la forme. Mais imaginons que lors de votre recherche, vous vous trouviez tout à coup nez à nez avec une araignée. Est-ce que votre attention sera capturée par cette araignée, interrompant alors votre activité ? Ou celle-ci n’aura-t-elle pas d’influence sur votre recherche et serez-vous capable de l’ignorer et de continuer votre recherche sans vous arrêter ? De même, sa présence serait-elle encore plus perturbante si vous aviez en réalité peur des araignées ? Le présent travail a pour objet d’étude les phénomènes de capture et de suppression attentionnelles chez les personnes qui ont peur ou pas des araignées.

2. Introduction

2.1. L’attention visuelle

Dans la vie quotidienne, le système visuel de l’individu est soumis à un flux continu d’informations visuelles provenant de l’environnement. Pour agir efficacement et guider son comportement, l’individu doit sélectionner parmi ces informations visuelles les plus appropriées pour la situation, ses buts et attentes (Hickey, McDonald, & Theeuwes, 2006 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwees, 1992). Cette sélection visuelle est rendue possible grâce à l’attention que la personne prête en direction des éléments spécifiques. L’attention visuelle est une fonction cognitive désignant la capacité à nous orienter vers les diverses informations qui nous entourent (Michael, Fernandez, & Vairet, 2007 ; Posner & Petersen, 1989 ; 2012). De plus, Posner (1980) montre que l’attention peut être orientée de manière volontaire vers des objets spécifiques de l’environnement, mais qu’elle peut aussi être attirée de manière automatique et involontaire, et sans déplacement du regard.

Comme le décrit Posner (1980), le système d’attention est anatomiquement distinct des systèmes de traitement de l’information. Il interagit avec d’autres zones du cerveau, tout en gardant sa propre identité (Posner & Petersen, 1989). L’attention utilise un réseau de zones anatomiques effectuant diverses fonctions cognitives attentionnelles. Posner (1980) désigne par exemple l’orientation et la détection comme étant deux sous-systèmes de l’attention, chacun

(8)

6 représentant un ensemble de processus attentionnels (Posner & Petersen, 1989). L’orientation correspond à l’alignement de notre attention vers les stimuli sensoriels. Il s’agit dans ce cas de tous les processus responsables de la sélection d’un stimulus parmi d’autres, en donnant par exemple la priorité à la modalité ou à la localisation du stimulus (Posner, 1980). Ce sous- système attentionnel est décrit par Posner (1980) comme étant un réflexe d’orientation. En revanche, la détection signifie « être conscient du stimulus », et permet au participant de signaler la présence de ce stimulus dans l’environnement.

Cette distinction entre l’orientation et la détection permet alors d’étudier l’hypothèse selon laquelle certaines réponses peuvent être disponibles avant que l’individu en ait pris conscience (Posner, 1980). En effet, un individu peut orienter ses yeux vers un objet en mouvement, sans être directement en mesure de signaler la nature de cet objet. Dans cette situation, le changement d’attention se produit suite à un mouvement des yeux (une saccade) ou de la tête. Posner (1980) parle alors de l’attention ouverte. Mais, un déplacement de l’attention peut aussi se faire selon des mécanismes centraux et ne pas être visible directement.

Nous parlons alors de l’attention couverte (Posner, 1980). Par exemple, l’individu peut porter son attention rapidement et involontairement vers un élément de l’environnement sans bouger les yeux, pour autant que l’élément se situe dans son champ visuel. Le champ visuel est l’ensemble de l’espace vu par un œil quand il est fixe et regarde droit devant lui. À l’opposé, l’individu peut aussi déplacer son attention selon ses intentions, en bougeant les yeux vers cet élément. Finalement, Posner (1980) souligne que la direction de l’attention dans le champ visuel peut être manipulée par les instructions données pour la tâche, par un changement de la probabilité que la cible apparaisse, ou encore par le déplacement du regard.

Afin d’étudier le déplacement de l’attention couverte, comme discuté ci-dessus, Posner (1980) a mis en place un paradigme expérimental. Les participants doivent fixer un point au centre d’un écran et détecter le plus vite possible une cible présentée brièvement soit à droite, soit à gauche de l’écran. Deux indices sont utilisés dans cette tâche. Le premier indice est endogène, c'est-à-dire qu’il permet à l’observateur de contrôler son attention en la dirigeant dans l’emplacement souhaité. Il peut par exemple s’agir d’une flèche indiquant l’endroit où la cible va apparaître (Figure 1a). À l’opposé, le deuxième indice est exogène, ce qui signifie qu’il entraîne notre attention à être orientée de manière involontaire et automatique en direction de ce stimulus externe. Il s’agit par exemple d’un carré dont les côtés sont illuminés (Figure 1b).

Par ailleurs, l’attention peut également être manipulée par les instructions de la tâche. En effet,

(9)

7 Posner (1980) suggère qu’un sujet sera plus rapide pour effectuer la tâche si une indication correcte de l’endroit où le stimulus apparaîtra lui a été donnée avant son apparition. Cette condition est appelée congruente, contrairement à une condition dite incongruente où l’indication est erronée. La cible apparaît à l’emplacement opposé à celui donné par l’indice.

Les résultats de cette seconde condition indiquent un temps de réaction plus long en raison du déplacement supplémentaire de l’attention dans la bonne direction. En effet, le sujet peut prédire l’emplacement de la cible grâce à l’indice dans la condition congruente et faciliter les processus attentionnels en direction de la cible, même sans mouvements des yeux. En revanche, la condition incongruente demande au sujet de réorienter son attention dans la direction correcte afin de trouver la cible. Il utilise ainsi des processus attentionnels relevant de sa volonté.

Figure 1 : Paradigme de Posner. (a) indice endogène, (b) indice exogène. Tiré de https://en.wikipedia.org/wiki/Posner_cueing_task

Les expériences de Posner (1980) ont permis de montrer que le déplacement de l’attention prend un certain temps mais aussi que l’attention couverte est à dissocier des mouvements oculaires. En effet, un déplacement de l’attention sans mouvements des yeux est possible même en dehors de la zone fovéale, et selon les indications disponibles. Finalement, ces résultats permettent de mettre en évidence deux types d’orientation de l’attention, l’un reflétant une attention orientée de manière volontaire lorsqu’un indice est endogène, et l’autre désignant un processus involontaire et automatique de l’attention face à un indice exogène.

Deux classes de processus de contrôle attentionnel sont en lien avec ces deux types a

)

b )

a)

b)

(10)

8 d’orientation, les processus du contrôle bottom-up et top-down que nous allons développer dans la suite de ce travail.

2.2. La capture attentionnelle

2.2.1. La sélection visuelle : top-down versus bottom-up

Le traitement attentionnel de l’information la plus saillante peut s’effectuer selon les deux types de processus. Le premier type regroupe les mécanismes attentionnels appelés top- down, qui contrôlent l'attention de manière volontaire. La sélection visuelle étant sous le contrôle de l’observateur, celui-ci peut alors diriger son attention à un emplacement particulier dans l'espace (Theeuwes, 2010) selon les éléments pertinents pour ses buts et intentions (Eimer

& Kiss, 2010 ; Hickey, McDonald, & Theeuwes, 2006 ; Michael, Fernandez, & Vairet, 2007 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwees, 2010). Le deuxième mécanisme est appelé « bottom-up ».

Selon ce mécanisme, l’attention est dirigée de manière automatique et involontaire (Hickey &

al., 2006), sur la base des caractéristiques propres aux stimuli (Eimer & Kiss, 2010 ; Hickey, McDonald, & Theeuwes, 2006 ; Luck & Hillyard, 1994 ; Sawaki & Luck, 2010). L’attention est alors considérée comme étant cette fois-ci sous le contrôle de facteurs externes de l’environnement (e.g. couleur, flash lumineux, bruit, etc.). Ainsi, lorsque l’attention est attirée indépendamment des buts de l'observateur par un élément de l’environnement, nous parlons de capture attentionnelle (Sawaki & Luck, 2013 ; Theeuwes, 2010 ; Yantis & Jonides, 1984).

Traditionnellement, la sélection bottom-up est associée à la saillance des informations visuelles. La saillance désigne la manière dont un élément peut se distinguer d’autres objets présents dans l’environnement par une caractéristique unique (Hickey, McDonald, &

Theeuwes, 2006 ; Lamy & Egeth, 2003 ; Sawasaki & Luck, 2010). Par exemple, un élément non pertinent pour la tâche peut être saillant car il est de couleur ou de taille différentes, et peut alors capturer l’attention (Hickey & al., 2006). Itti et Koch (2000) parlent, quant à eux, de

« carte de saillance ». Selon ces auteurs, une carte encode la saillance ou la visibilité des objets de l’environnement afin de les localiser lors de la recherche visuelle. Les propriétés de ces objets (couleur, forme, intensité ou orientation) sont analysées et entrent en compétition.

L’emplacement de l’objet dont les propriétés sont les plus saillantes sera gagnant, et sera représenté dans une carte de saillance. L’attention est déplacée vers cet objet qui est alors analysé de manière plus approfondie, afin de savoir s’il correspond à la cible ou non. S’il ne s’agit pas de la cible, un processus de désengagement de l’attention est mis en place permettant

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9 à l’attention de se rediriger vers le deuxième objet le plus saillant, créant ainsi une nouvelle carte de saillance. Et ainsi de suite jusqu’à ce que la cible soit identifiée (Itti & Koch, 2000).

Plusieurs études soutiennent cette idée reflétant l’hypothèse de saillance bottom-up (ou hypothèse de la capture automatique) qui propose que l’attention est initialement attirée par les propriétés différentes des items dans le champ visuel (Hickey & al., 2006 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwes, 1992, 2010). Selon cette hypothèse, le contrôle volontaire basé sur les attentes et les objectifs de l’individu va par la suite influencer la sélection visuelle de manière top-down.

Ainsi, la sélection initiale serait basée sur le traitement bottom-up traduisant une capture attentionnelle involontaire en faveur de stimuli saillants. C’est seulement dans un deuxième temps que l’influence top-down va jouer un rôle sur la sélection visuelle en réorientant l’attention vers les stimuli pertinents pour l’individu (Hickey & al., 2006 ; VanRullen & Koch, 2003 ; Theuwees, 2010). Par conséquent, la capture attentionnelle par un élément saillant serait purement induite par les stimuli, sans influence des buts de l’individu (Hickey & al., 2006 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwes, 1992). Finalement, il est important de souligner que même si la saillance physique joue un rôle important dans la sélection bottom-up, il a été démontré que d’autres facteurs exogènes peuvent également attirer l’attention dans un mode bottom-up, comme le contenu émotionnel des stimuli (e.g. visage en colère, araignée, serpent, sang) (Buodo, Sarlo, & Munafò, 2010 ; Burra, 2013 ; Lang & Bradley, 2010 ; Öhman, Flykt, &

Esteves, 2001 ; Theeuwes, 2010 ; Weymar, Löw, Öhman, & Hamm, 2011). Ainsi, ces informations visuelles reflétant une saillance émotionnelle vont attirer notre attention sans que nous le souhaitions, se traduisant par une capture attentionnelle involontaire selon un mode bottom-up.

Cependant, une hypothèse alternative à celle de la saillance bottom-up est l'hypothèse de capture contingente involontaire (Folk & Remington, 1998 ; Folk, Remington, & Johnston, 1992). Cette hypothèse propose que la capture attentionnelle est modulée par des processus top- down et ne serait donc pas initialement purement bottom-up. Cette hypothèse sera développée lors de la discussion.

2.2.2. Paradigme de recherche visuelle : Additional singleton task

Afin d’étudier les processus top-down et bottom-up, des tâches de détection ou de discrimination d’une cible sont utilisées. Un paradigme classique sur lequel nous allons nous baser pour cette étude est l’Additional singleton paradigm développé par Theuwees (1992). Ce

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10 paradigme permet d’étudier la contribution des processus de contrôle top-down et bottom-up dans une tâche de recherche visuelle (Theeuwes, 2010).

Cette tâche de recherche visuelle consiste en la présentation d’un ensemble de formes, des losanges ou des ronds, disposées en cercle. Une seule de ces formes diffère des autres et constitue la cible. Autrement dit, la cible peut être un rond parmi des losanges, ou un losange parmi des ronds. Deux conditions sont présentées aux participants. Une condition contrôle où toutes les formes ont la même couleur et une condition de distraction où une forme est de couleur différente (Figure 2). La tâche du participant va être de détecter le stimulus de forme unique et d’indiquer l’orientation de la ligne contenue à l’intérieur de ce stimulus cible.

Précisons que les couleurs du distracteur et de la cible sont aléatoires d’essai en essai. En effet, dans certains essais toutes les formes sont vertes sauf une qui est rouge (distracteur de couleur), alors que dans d’autres essais le distracteur peut être vert et les autres formes, dont la cible, sont rouges. Le stimulus de couleur différente est donc non pertinent pour la tâche en cours, pourtant, Theuwees (1992) a observé un effet de la présence du distracteur. En effet, le résultat principal de cette tâche révèle que le temps de réaction pour réaliser la tâche en cours est plus élevé dans la condition de distraction que dans la condition contrôle. Il suggère donc un avantage du traitement bottom-up sur le traitement top-down, c'est-à-dire que l’attention a été attirée automatiquement par le distracteur, avant d’être redirigée vers la cible. La présence d’un distracteur saillant augmente de ce fait le temps de réaction pour effectuer la tâche, et perturbe la performance du participant à la tâche. Il démontre ainsi que la sélection visuelle peut être influencée par les processus bottom-up.

(13)

11

Figure 2 : Illustration de l’Additional singleton paradigm (Theeuwes 1992, cité par Theeuwes 2010).

La condition contrôle (en haut à gauche) et la condition avec distracteur (en haut à droite). En bas, la moyenne des temps de réaction est représentée en fonction des conditions.

Les paradigmes de recherche visuelle comme celui de Theeuwes (1992) et Posner (1980) sont deux exemples de paradigmes qui utilisent des stimuli non pertinents pour l’individu. Nous avons vu précédemment que les stimuli émotionnels peuvent également attirer notre attention de manière bottom-up. Or, ces derniers peuvent être pertinents pour l’individu et le déroulement de leur capture attentionnelle s’effectue alors de manière différente. Nous allons développer ci-dessous la manière dont l’attention peut être capturée par des stimuli émotionnels menaçants d’un point de vue comportemental, et par la suite, d’un point de vue électrophysiologique.

2.3. La capture attentionnelle et l’émotion de peur

2.3.1. Emotion et attention

Comme nous l’avons mentionné, l’attention peut être modulée par la saillance d’un stimulus, comme sa couleur ou sa forme, et ceci même s’il n’est pas important pour l’individu.

De même, la recherche concernant la capture attentionnelle s’est également portée sur le lien avec l’émotion de la peur (Devue, Belopolsky, & Theeuwes, 2011 ; Öhman, Flykt, & Esteves, 2001 ; Öhman, Lundqvist, & Esteves, 2001 ; Öhman, Juth, & Lundqvist, 2009 ; Weymar, Gerdes, Löw, Alpers, & Hamm, 2013 ; Yantis & Egeth, 1997). Les stimuli émotionnels sont aussi capables d’attirer l’attention de manière automatique. Ces réponses automatiques aux éléments menaçants de l’environnement ont une fonction de survie pour l’individu et sont supposées réduire le risque présumé face au stimulus effrayant (Devue & al., 2011 ; Lang &

Bradley, 2010 ; Öhman, Flykt, & al., 2001). La détection d’une menace pour l’individu

520 530 540 550 560 570 580 590 600 610

Sans distracteur Avec distracteur

RT (ms)

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12 déclenche en effet un système de défense inné qui prépare l’individu à faire face à la situation devenant menaçante pour sa survie. Ces éléments dangereux sont alors traités de manière prioritaire et activent alors le mécanisme de capture attentionnelle (Öhman, Flykt, & al., 2001).

Partant de ce constat, une étude de Öhman, Lundqvist et Esteves (2001) propose une tâche de recherche visuelle dans laquelle les participants devaient détecter le plus rapidement possible le visage n’appartenant pas à la même catégorie que les autres visages (visage joyeux, menaçant et neutre). De cette manière, les auteurs voulaient tester l’hypothèse selon laquelle les individus orientent de manière préférentielle leur attention vers des stimuli menaçants, tels que les expressions faciales de peur ou de colère. En effet, leurs résultats montrent que les sujets détectent les visages de peur de manière plus rapide et plus précise lorsqu’ils sont parmi une foule de visages neutres comparé à des visages de joie parmi des visages neutres. Ils précisent que la menace dans un visage conditionne la peur et que cet effet serait indépendant d’une identification consciente. Nous pourrions donc décoder et répondre aux stimuli faciaux menaçants sans les percevoir consciemment. Ces effets sont adaptatifs et médiés par des circuits neuronaux spécialisés (Öhman & Mineka, 2001). Ils concluent que nous aurions un traitement préférentiel des visages menaçants plutôt que dépendant de propriétés générales du stimulus comme la valence négative de l’expression faciale (visage triste) ou l’aspect unique.

Finalement, leurs résultats sont consistants avec les résultats d’autres études, suggérant que des stimuli de menace sont automatiquement détectés dans un champ visuel (Fox & al., 2000 ; Hansen & Hansen, 1988).

Sur la base de ces hypothèses, certaines études ont montré que ce lien entre la capture attentionnelle et les stimuli émotionnels existe également pour des stimuli menaçants tels que les araignées ou les serpents (Weymar & al., 2013 ; Öhman, Juth, & al., 2009 ; Öhman, Flykt,

& al., 2001 ; Devue & al., 2011). Par exemple, dans l’étude de Öhman, Flykt et Esteves (2001), les participants doivent détecter le plus rapidement possible si les images proviennent de la même catégorie (fleurs, champignons, araignées ou serpents) ou non (la cible correspondant alors à une catégorie différente des autres images, e.g. serpent parmi des fleurs) (Figure 3).

Deux catégories de stimuli sont ainsi présentées aux participants : soit reliés à la peur (araignées et serpents), soit non reliés à la peur (fleurs et champignons). Les résultats de leur étude montrent que de manière générale les individus détectent plus rapidement des stimuli menaçants, tels que les araignées et les serpents, comparativement à des stimuli émotionnellement neutres. De plus, ils détectaient de manière plus précise et correcte les stimuli

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13 à potentiel menaçant comparativement aux stimuli inoffensifs. Les auteurs répliquent cette expérience en recrutant des individus ayant peur des araignées ou serpents et des personnes qui ne sont pas effrayées par ces bêtes afin d’observer si ces résultats sont dus à la peur éprouvée par la personne. Ils obtiennent néanmoins des résultats similaires. Ce ne serait donc pas le fait d’avoir peur de l’araignée qui engendre un temps de réaction plus rapide pour des stimuli menaçants. Ils supposent alors que tous les individus partageraient une prédisposition à orienter préférentiellement leur attention vers des animaux potentiellement menaçants. Ils suggèrent donc que les stimuli émotionnels liés à la peur facilitent le déplacement automatique de l’attention vers leur emplacement, par des processus bottom-up (Öhman, Flykt, & al., 2001).

Ainsi, ils confirment une capture de l’attention par des stimuli menaçants qui se produirait de manière rapide et par un effet qu’ils qualifient d’automatique et involontaire. Ce qu’ils appellent l’effet « fear-relevant ».

Figure 3 : Exemples de matrices du paradigme expérimental de Öhman et collègues (2001). Tâche : les images viennent-elles de la même catégorie ou non ? L’image de catégorie différente est placée à une des neuf positions

aléatoirement. Les stimuli reliés à la peur (serpents et araignées) sont des cibles dans les matrices avec des stimuli neutres (fleurs ou champignons), et vice versa.

Les résultats des études de Öhman, Lundqvist et al. (2001) et de Öhman, Flykt et al.

(2001) suggérant que les stimuli menaçants sont sélectionnés de manière préférentielle sont en accord avec l’hypothèse phylogénétique selon laquelle les stimuli menaçants activent un système de défense innée (Devue & al., 2011 ; Lang & Bradley, 2010). Ces observations rejoignent un modèle proposé par Öhman (1993, cité par Öhman, 2008). Celui-ci a interprété cette activation automatique de la peur dans un modèle dit d'activation des émotions. Ce modèle nous montre le chemin de l’information menaçante et son passage du traitement automatique et inconscient à un traitement stratégique, contrôlé et conscient (Figure 4). Il repose sur une distinction entre le traitement d’information automatique et contrôlé (Posner, 1978, cité par

Cible

(16)

14 Öhman, 2008) et a pour objectif de démontrer que beaucoup de canaux perceptifs peuvent être automatiquement activés dans le cas d’une éventuelle menace dans l’environnement. Comme nous l’avons vu, lorsque la menace est localisée par le système automatique, l’attention est attirée par ce stimulus. Ensuite, une analyse ultérieure de la signification de ce stimulus est effectuée, puis les résultats sont transférés dans le système du traitement de l’information. Ainsi, selon ce modèle, la première étape consiste au traitement des stimuli externes par un système qui permet de détecter les caractéristiques potentiellement menaçantes (Figure 4, 1). À partir de cette étape, l’information menaçante est transmise à deux systèmes en parallèle. Le premier système activé par les caractéristiques menaçantes est un système d’excitation (Figure 4, 3) qui déclenche donc une montée d’excitation du système nerveux autonome permettant une préparation à l’action (Öhman, 2008 ; Öhman, Flykt, & al., 2001). Le deuxième système permettra d’évaluer la signification de cette information en partie grâce aux réponses de l’organisme venant du système d’excitation (Figure 4, 2). En effet, l’activation du système d’excitation engendre un processus de rétroaction (Figure 4, 4) qui informe le système d’évaluation de la signification qu’une menace est présente. Mais cette évaluation de la signification d’informations menaçantes peut être biaisée par un système d’attente (Figure 4, 5) qui repose sur le vécu émotionnel de l’individu. Ces différentes informations internes sont donc envoyées au système d’évaluation qui peut alors demander à un système de perception consciente de la menace (Figure 4, 6) une analyse plus élaborée du stimulus en question. La perception consciente d’une menace potentielle serait alors associée à l’activation des réponses physiologiques telles que la conductance de la peau ou la décélération du rythme cardiaque ainsi qu’aux attentes basées sur les émotions de l’individu (Öhman, 2008). Partant, un stimulus menaçant est susceptible de façonner son traitement ultérieur jusqu’à une menace pouvant être perçue consciemment (Öhman, Flykt, & al., 2001). En ce sens, ces stimuli reposant sur une hypothèse évolutive de la menace sont traités de manière automatique en façonnant leur passage jusqu’à un niveau conscient.

(17)

15

Figure 4 : Version schématique du modèle de Öhman (1993) « model of emotion activation ». Tiré de Öhman (2008).

Bien que la détection de stimuli menaçants soit privilégiée pour les individus ayant peur des araignées comme pour ceux n’en étant pas effrayés, les études comportementales montrent une différence de groupes (Weymar, & al., 2013 ; Öhman, Juth, & al., 2009 ; Öhman, Flykt & al., 2001 ; Devue, & al., 2011). En effet, l’étude de Öhman et collègues (2001) sur les catégories d’images trouve tout de même que les individus repèrent plus rapidement les stimuli qui leurs font peur, comparativement aux personnes qui ne sont pas effrayés par ces objets. Par exemple, les personnes ayant peur des serpents sont plus rapides pour localiser les serpents par rapport aux araignées, mais sont plus rapides dans la détection d’araignées en comparaison aux fleurs et champignons. Or, les personnes effrayées ne diffèrent pas des sujets non peureux quant à la recherche de stimuli neutres. Ceci dénote donc d’une capture attentionnelle encore plus importante pour les personnes ayant peur des stimuli menaçants. Ce résultat confirme celui de plusieurs autres études qui indiquent également que les personnes ayant peur de certains stimuli montrent des temps de réaction beaucoup plus rapides lorsqu’ils doivent les détecter lors d’une tâche de recherche visuelle (e.g., Devue & al., 2011 ; Öhman, Flykt, & al., 2001 ; Weymar &

al., 2013).

Les différentes études présentées jusqu’ici mettent en évidence une différence importante concernant le traitement des stimuli menaçants et celui des stimuli émotionnels neutres. Cependant, des chercheurs se sont demandés si la capture est spécifique aux objets menaçants ou si elle n’est que le résultat de la saillance du stimulus (Devue, & al., 2011 ; Weymar, & al., 2013). Les stimuli liés à la peur sont des objets animés, par exemple les serpents,

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16 araignées ou visages de colère, que l’on compare généralement à des fleurs ou des champignons, donc avec des objets inanimés (Weymar, & al., 2013 ; Soare, Esteves, & Flykt, 2009 ; Lipp, Derakshan, Waters, & Logies, 2004). Or, les résultats de l’étude de Lipp et al.

(2004) montrent un avantage du déplacement attentionnel pour les animaux, indépendamment de leur capacité à effrayer. En effet, ils trouvent que l’identification de serpents ou d’araignées ne se fait pas plus rapidement que celle d’autres animaux parmi des fleurs et des champignons.

De même, l’étude de Soare, Esteves et Flykt (2009) ne montre aucun avantage des stimuli animés liés à la peur par rapport à des stimuli animés non menaçants tels que des chats. De ce fait, la capture attentionnelle par ces stimuli menaçants ne reflète pas de manière évidente leur pertinence pour la peur, mais suggère un avantage pour les objets animés (Lipp & al., 2004).

En effet, la capture attentionnelle pourrait simplement résulter de la comparaison d’objets animés versus inanimés (Devue, & al., 2011). En revanche, l’étude de Soare et al. (2009) a tout de même trouvé que les participants ayant réellement peur des araignées montrent un traitement préférentiel pour le stimulus dont ils ont peur, comparativement aux participants qui n’en sont pas effrayés. Ces derniers résultats soutiennent donc l’idée que la peur peut tout de même être un facteur important dans le phénomène de capture attentionnelle.

Il existe ainsi une différence évidente concernant le traitement des stimuli menaçants et celui des stimuli neutres en tant que cibles. Toutefois, il y a peu d’évidences quant au traitement attentionnel par des stimuli menaçants présentés comme distracteurs. Afin de mieux comprendre l’impact des araignées sur le traitement visuel, Devue et collègues (2011) ont mené une étude dans laquelle l’araignée est un élément distracteur. Afin d’étudier la capture de l’attention par des objets reliés à la peur, les chercheurs comparent des individus ayant peur des araignées avec des personnes n’en étant pas effrayées, en utilisant une version modifiée du paradigme bien connu de Theeuwes (1992), l’Additional singleton paradigm (Figure 5B). Les participants doivent détecter le plus vite possible un cercle parmi des losanges et donner l’orientation de la ligne contenue dans cette forme. Dans certains essais, un distracteur spécifique à la peur (araignée) ou non lié à la peur (papillon) apparaît à la place de l’une des formes. Cette étude a également utilisé des silhouettes et non de vraies images (Figure 5A), dans le but de contrôler et réduire les différences, comme la couleur ou la luminosité, entre les stimuli liés à la peur et les stimuli émotionnellement neutres. En effet, des représentations schématiques évoquant une araignée peuvent déjà entraîner un sentiment de détresse chez les personnes ayant peur de ces insectes (Lang & McTeague, 2009 ; Devue & al., 2011).

(19)

17

Figure 5 : Paradigme expérimental, tiré de Devue et al. (2001). (A) Trois différents stimuli utilisés comme distracteur : papillon, araignée et feuille. (B) À la place d’un distracteur de couleur, comme utilisé dans le paradigme classique, un distracteur relié à la peur (araignée) et un distracteur émotionnellement neutre (papillon)

sont utilisés. La feuille permet de contrôler si la capture de l’attention a lieu pour tous les types de distracteurs, ou seulement pour les insectes (inanimés vs animés).

Dans leur première expérience, seuls deux distracteurs de catégorie d’objets animés (l’araignée et le papillon) pouvaient apparaître de manière aléatoire dans les essais. Les auteurs ont averti les participants sur la probable présence du stimulus menaçant. Les résultats ont montré une plus grande capture attentionnelle pour les deux distracteurs chez les participants qui ont peur des araignées, en comparaison aux sujets qui n’ont pas peur. Cette capture de l’attention par un distracteur se traduit par un temps de réaction à la tâche plus long. Cependant, ce résultat était inattendu car les chercheurs pensaient que seules les araignées, objet dont les participants ont peur, attireraient l’attention de ces derniers et ainsi augmenteraient le temps de réponse à la tâche. Afin de préciser cet effet, ils ont effectué une deuxième expérience pour contrôler la différence entre objets animés et objets inanimés. Ils ont ainsi introduit un troisième type de distracteur, un objet inanimé (feuille), permettant de vérifier si la surveillance des sujets ayant peur ne s’étend qu’aux insectes. De cette manière, si c’est effectivement la menace de l’objet qui entraîne une capture attentionnelle pour les sujets ayant peur, seules les araignées devraient interférer avec la tâche, contrairement au papillon et à la feuille. La capture par les autres objets devrait être équivalente au groupe n’ayant pas peur des araignées. De plus, ils ont également contrôlé les attentes des participants sur la nature du distracteur en présentant de manière consistante le même type de stimulus non pertinent lors d’un bloc d’essais. Les

(20)

18 résultats de cette deuxième expérience montrent en effet, pour les personnes qui ont peur des araignées, que les stimuli distracteurs menaçants capturent davantage l’attention que les stimuli distracteurs neutres, résultant en des temps de réaction plus longs pour les araignées. En ce qui concerne les individus n’ayant pas peur des araignées, les résultats indiquent également une plus grande perturbation pour les araignées mais seulement lorsqu’elles sont comparées à des objets inanimés.

Les résultats des deux expériences ont permis de faire un lien quant à l’attente du distracteur menaçant. En effet, lorsqu’un participant qui est effrayé par les araignées est dans l’ignorance, tout distracteur animé attire l’attention. Ceci suggère que le simple fait de s’attendre à l’apparition d’une araignée déclenche un contrôle obligatoire de tous les stimuli non pertinents. Toutefois, lorsque les participants peureux savent qu’une araignée ne sera pas forcément présente lors de la tâche, leur attention n’est pas attirée par les stimuli émotionnellement neutres. Dans ce cas, ils traitent les stimuli neutres de la même manière qu’une personne n’ayant pas peur des araignées (Devue & al., 2011). Les chercheurs montrent ainsi que les personnes qui ont peur de stimuli particuliers (dans le cas présent les araignées) surveillent de manière forcée les lieux qui peuvent contenir ces objets, même si leur traitement n’est pas pertinent pour la tâche en cours. Leurs résultats suggèrent alors que c’est davantage la peur et l’attente de la menace qui induisent la capture attentionnelle, plutôt que les propriétés visuelles de l’objet en question. Cette étude montre donc que des stimuli non pertinents pour la tâche peuvent attirer l'attention quand il y a une possibilité que le stimulus menaçant soit présent dans l'environnement.

2.4. L’électroencéphalogramme : une technique d’enregistrement de l’activité cérébrale

Les résultats comportementaux mentionnés ci-dessus, tels que les temps de réaction, ne nous donnent pas assez d’informations précises car ils mesurent indirectement le déplacement attentionnel (Burra, 2013). L’électroencéphalogramme a, quant à lui, la capacité de nous fournir des mesures plus subtiles de l’activité cérébrale (Siéroff & Auclair, 2007). Il permet d’enregistrer un signal électrique provenant des potentiels postsynaptiques des neurones pyramidaux (Jackson & Bolger, 2014). Cette technique fournit une haute résolution temporelle de la période entre le début de la présentation des stimuli et la réponse (Sawaki & Luck, 2013).

L’apparition d’un stimulus dans le champ visuel d’un individu va modifier le potentiel

(21)

19 électrique produit par le système nerveux, et engendrer un potentiel évoqué relié à cet événement (Weymar & al., 2013). Un potentiel évoqué (ERP) représente la moyenne des époques des signaux EEG, conduisant ainsi à une mesure électrique négative ou positive qui reflète l’activité d’une certaine région sensorielle du cortex cérébral à un moment précis du traitement visuel (Burra, 2013). Ainsi, nous parlons de potentiels évoqués lorsqu’une certaine onde apparaît de manière systématique avant ou après, mais toujours autour, d’un même stimulus (Burra, 2013). De manière générale, lors du traitement visuel initial d’un objet du champ visuel, deux types de potentiels évoqués peuvent apparaître de manière précoce et purement sensorielle : N1 ou P1 qui correspondent respectivement à une négativité ou à une positivité, et reflètent la réception de l’information visuelle. Par la suite, des ondes de différentes polarités vont apparaître successivement et nous donner des informations quant au déroulement du traitement visuel. Dans le cas de notre étude, nous allons pouvoir comprendre comment se produit la capture de l’attention par un stimulus émotionnel et non pertinent pour la tâche, grâce à l’obtention de deux mesures ERPs liées au processus attentionnel, la N2pc et la Distractor Positivity (PD).

2.4.1. La N2pc

Le potentiel évoqué N2pc est une composante électrophysiologique liée à la sélection attentionnelle. Plus précisément, il s’agit d’une mesure neuronale reflétant le déploiement spatial de l’attention en direction de cibles ou distracteurs latéralisés (Luck & Hillyard, 1994 ; Sawaki & Luck, 2013). Elle nous permet ainsi de repérer le phénomène de capture attentionnelle lors d’une tâche de recherche visuelle. Cette composante est mesurée par les électrodes pariéto-occipitales (PO7 / PO8), généralement entre 200 et 300 millisecondes après la présentation du stimulus (Hickey, McDonald & Theeuwes, 2006 ; Sawaki & Luck, 2013).

Cette mesure se caractérise par une déflexion plus négative sur le site controlatéral à un stimulus par rapport au site ipsilatéral (Figure 6) (Sawaki & Luck, 2010 ; Sawaki & Luck, 2013). Il s’agit donc d’une composante latéralisée en raison de l’asymétrie cérébrale. Par exemple, si un sujet porte attention à un objet situé à droite de son champ visuel, cette composante apparaîtra dans l’hémisphère cérébral gauche, à un niveau postérieur. En résumé, la présence d’une N2pc est associée à l’allocation de l’attention en direction d’une cible ou d’un distracteur latéralisé.

(22)

20

Figure 6 : Illustration de la N2pc et sa représentation topographique, tiré de Sawaki et Luck (2010). (a) La N2pc se situe dans l’hémisphère contralatéral au stimulus cible (target), en raison de l’asymétrie cérébrale. (b) La

N2pc correspond à la différence entre l’électrode contralatérale au stimulus (traits tillés) et l’électrode ipsilatérale (trait plein).

2.4.1.1. L’Additionnal singelton paradigm et la N2pc

L’étude de Hickey, McDonald et Theeuwes (2006) est l’une des premières à s’être intéressée à la capture attentionnelle par un distracteur sur le plan électrophysiologique. Ils ont utilisé l’électroencéphalogramme afin d’observer la N2pc pour obtenir des informations concernant le déplacement attentionnel. Pour ce faire, ils ont repris l’Additionnal singleton paradigm dans lequel les participants devaient détecter la forme unique et indiquer l’orientation de la barre contenue dans cette forme. Dans certains essais un distracteur saillant mais non pertinent apparaissait (Theeuwes, 1992). Comme suggéré par les résultats du paradigme de Theeuwes (1992), leur étude montre une N2pc en direction de la cible dans la condition où il n’y a pas de distracteur. Autrement dit, la cible capture l’attention. Dans la condition avec un distracteur de couleur latéralisé et une cible centralisée, la N2pc était présente en direction du distracteur de couleur (Figure 7B) (Hickey & al., 2006). Précisons que seule cette configuration permet l’observation de la N2pc en direction d’un distracteur étant donné le caractère latéralisé de cette composante. Finalement, les résultats confirment les prédictions comportementales, à savoir un déplacement involontaire de l’attention vers un distracteur (Lang & Bradley, 2010 ; Öhman, Flykt, & al., 2001 ; Theeuwes, 1992 ; Theeuwes, 2010 ; Yantis & Jonides, 1984).

a) b)

(23)

21

Figure 7 : Additional singleton paradim. (A) Les résultats indiquent dans la condition sans distracteur, une N2pc élevée en direction de la cible. (B) Dans la condition avec distracteur, on observe une N2pc importante en

direction du distracteur (Hickey & al., 2006).

2.4.2. La Distractor Positivity (PD)

Comme nous l’avons mentionné, le potentiel évoqué Distractor positivity (PD) est également un indicateur électrophysiologique associé à l’attention. Cependant, à l’inverse de la N2pc, celui-ci mesure la suppression de la capture attentionnelle en direction d’un distracteur latéralisé (Sawaki & Luck, 2013). Cette composante PD est également observée au niveau des électrodes situées sur les sites pariéto-occipitaux, entre 200 à 300 millisecondes après la présentation du stimulus (Hickey & al., 2006 ; Sawaki & Luck, 2013). Il s’agit plus précisément d’une déflexion positive au niveau de l’électrode controlatérale comparativement à l’électrode ipsilatérale, ceci en regard de la position d’un stimulus sur le point d’être activement supprimé par le participant (Figure 8). Comme pour la N2pc, la PD a une activité pariéto-occipitale contralatérale. En résumé, l’électroencéphalogramme nous permet également d’observer les mécanismes par lesquels le déplacement de l’attention vers le distracteur est empêché par un processus de suppression dans certaines situations (indexé par la PD) (Eimer & Kiss, 2008 ; Sawaki & Luck, 2013).

(24)

22

Figure 8 : Illustration de la PD, ainsi que sa représentation topographique, tiré de Sawaki et Luck (2010). (a) La PD se situe dans l’hémisphère contralatéral au stimulus distracteur, en raison de l’asymétrie cérébrale. (b) La PD

correspond à la différence entre l’électrode contralatérale au stimulus (traits tillés) et l’électrode ipsilatérale (trait plein).

2.4.2.1. La Distractor positivity : modulée par le mode de recherche visuelle

Comme nous l’avons vu, l’attention peut être capturée automatiquement et involontairement par un élément non pertinent pour l’individu, ou alors des mécanismes de suppression peuvent venir empêcher cette capture attentionnelle. Cette modulation de l’attention dépend des conditions expérimentales de la tâche visuelle (Bacon & Egeth, 1994 ; Burra & Kerzel, 2013, 2014 ; Lamy, Leber, & Egeth, 2004 ; Theeuwes & Burger, 1998 ; Sawaki

& Luck, 2010). Par exemple, des études ont montré que la PD pouvait être présente lorsque les participants sont capables de prédire la présence d’une cible (Bacon & Egeth, 1994 ; Burra &

Kerzel, 2013 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Sawaki & Luck, 2013). Une étude de Burra et Kerzel (2013) propose de comparer deux stratégies de recherche visuelle avec la présence des composantes N2pc et PD. La première façon de rechercher un objet visuellement est liée avec la prévisibilité de la cible, c’est-à-dire que le participant connaît la nature de la cible et recherche une forme spécifique, par exemple un losange. Cette stratégie est appelée « recherche d’attributs ». La deuxième stratégie est liée avec l’état aléatoire de la forme de la cible, le participant recherche donc une forme unique parmi d’autres formes. On parle alors de

« stratégie de détection de l’élément unique ». Ces deux modes de recherche visuelle reposent respectivement sur les processus top-down et bottom-up. Leurs résultats suggèrent l’existence d’une N2pc en direction d’un distracteur de couleur seulement lorsque les cibles sont imprévisibles, comparativement au cas où celles-ci sont attendues par les participants. Ainsi, une N2pc serait présente dans le cas où les participants utilisent une stratégie de détection du singleton, se reflétant alors par une capture attentionnelle. En revanche, ils ne trouvent pas de N2pc en direction du distracteur lorsque la cible est prévisible. À l’inverse, ils observent une PD en direction du distracteur latéralisé, et une N2pc en direction de la cible (Eimer & Kiss,

a) b)

(25)

23 2008 ; Burra & Kerzel, 2013). Ainsi, ces résultats permettent de constater une suppression attentionnelle du distracteur, facilitant la recherche de la cible dans la condition où celle-ci est prévisible. Cependant, lorsque la cible est imprévisible pour le participant, le phénomène de capture attentionnelle a lieu en direction du distracteur. Ainsi, la suppression des stimuli saillants mais non pertinents pour la tâche est influencée par la manière de rechercher visuellement la cible selon ses attributs, en lien avec des processus top-down. Les résultats de l’étude de Burra et Kerzel (2013) rejoignent certaines études qui montrent également que lorsque les sujets connaissent l’identité des caractéristiques des stimuli, ils seraient alors capables d’ignorer les distracteurs non pertinents pour la tâche afin de l’effectuer rapidement (Bacon & Egeth, 1994 ; Folk & al., 1992 ; Pashler, 1988 ; Sawaki & Luck, 2013). Cette constatation suggère alors que la capacité à ignorer un stimulus est médiée par un processus de suppression top-down (Sawaki & Luck, 2010).

Finalement, Burra et Kerzel (2013) concluent que la suppression attentionnelle peut avoir lieu sans être précédée d’une capture attentionnelle par le distracteur. En revanche, plusieurs études établissent que la capture involontaire de l’attention par un distracteur est suivie d’un processus de suppression (mesurée par la PD) permettant de désengager l’attention du distracteur (Hickey & al., 2009 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Sawaki & Luck, 2013). De sorte que la PD apparaîtrait après une N2pc en direction du distracteur et avant une N2pc en direction de la cible. Dans ce cas, la PD aurait pour fonction de permettre à l’attention de se réorienter sur la cible si elle a d’abord été capturée par un distracteur (Sawaki & Luck, 2010). De cette manière, deux hypothèses concernant la PD sont discutées. D’une part, la PD se produit lorsque les participants empêchent l’allocation de l’attention sur les distracteurs (Burra & Kerzel, 2013), et d’autre part, elle serait également impliquée dans la transition entre la capture de l’attention par un distracteur et une réorientation de l’attention vers la cible (Sawaki & Luck, 2010, 2013) Dans le chapitre suivant, nous allons développer comment se déroule la capture de l’attention par un stimulus émotionnel sur le plan électrophysiologique.

2.5. La peur et la recherche visuelle : des données électrophysiologiques

Les divers mécanismes de sélection attentionnelle ont également été examinés par électroencéphalogramme dans le cadre des émotions et des stimuli menaçants (Eimer & Kiss, 2007 ; Fox, Derakshan, & Shoker, 2008 ; Kolassa, Musial, Mohr, Trippe, & Miltner, 2005 ; Weymar & al., 2013 ; Weymar & al., 2011). Par exemple, une étude de Weymar, Löw, Öhman

(26)

24 et Hamm (2011) trouve que la détection de visages menaçants est associée avec une N2pc d’amplitude plus élevée comparativement à la détection de visages amicaux. L’étude de Fox, Derakshan et Shoker (2008) s’intéresse quant à elle aux personnes avec des traits d’anxiété élevés. Leurs résultats montrent une N2pc élevée reflétant une capture attentionnelle plus importante pour des visages menaçants quand ils sont associés avec des expressions neutres, en comparaison à des visages joyeux. Mais aussi, certaines études supposent que les individus ont des difficultés à désengager l'attention des objets spécifiques à la peur (Fox, Russo, Bowles, &

Dutton, 2001 ; Gerdes, Pauli, & Alpers, 2009). Ces résultats soutiennent alors l’hypothèse que la peur module l’attention spatiale lors de l’exposition à l’objet redouté (Weymar, & al., 2011).

En résumé, les visages exprimant une émotion de peur ou de colère capturent l’attention.

En ce qui concerne des stimuli animés dangereux pour la survie de l’individu, une étude importante pour notre travail est celle de Weymar et al. (2013). Ces derniers se sont intéressés à la capture attentionnelle chez des personnes ayant peur des araignées en comparaison à des individus qui n’en ont pas peur. Leur étude consiste à utiliser le stimulus de peur (une araignée) en tant que cible afin de confirmer ou infirmer l’effet automatique lié à la peur, proposé par Öhman, Flykt et al. (2001). Cette étude aura aussi pour but d’observer le déroulement du phénomène de capture attentionnelle par un stimulus menaçant au sein de ces deux groupes, d’un point de vue comportemental et électrophysiologique. La tâche des participants est de détecter le plus vite et précisément possible si les stimuli présentés sont de même catégorie ou de catégories différentes. Ils présentent ainsi plusieurs stimuli disposés en cercle : avec comme cible, soit une araignée ou un papillon parmi des fleurs, soit une cible fleur parmi des araignées ou des papillons (Figure 9). Les chercheurs ont ainsi examiné les comportements des sujets face au stimulus de peur, à la fois lorsqu’il s’agit d’une cible, mais aussi dans les essais où ce stimulus effrayant est présent en arrière-plan.

Figure 9 : Conditions expérimentales. Les participants doivent indiquer si une catégorie différente est présente ou non, le papillon (A), l’araignée (B), la fleur (C).

(27)

25 Les résultats de cette étude sont consistants avec l’existence d’une capture attentionnelle élevée par des stimuli émotionnels de peur chez les individus atteints de phobie spécifique (Fox, & al., 2008 ; Mogg & Bradley, 2006 ; Öhman, Flykt & al., 2001). Les résultats comportementaux montrent que les cibles araignées sont détectées plus rapidement que les cibles papillons, indépendamment du groupe. En ce qui concerne les résultats électrophysiologiques, Weymar et collègues (2013) trouvent une N2pc en direction de la cible chez les deux groupes. Cependant, celle-ci est plus importante chez les individus ayant peur des araignées comparés aux personnes n’en ayant pas peur. Ainsi, la capture attentionnelle par un stimulus menaçant est plus importante pour les personnes qui en ont réellement peur. Ces premiers résultats permettent déjà de confirmer les résultats obtenus par l’étude de Öhman, Flykt et al. (2001) sur l’existence d’un effet automatique et involontaire des stimuli effrayants.

En regardant les données plus en détail, les chercheurs trouvent un pattern dit de « N2pc inversée » en direction de la cible dans la condition où celle-ci correspond à un stimulus émotionnellement neutre (fleur), parmi le stimulus effrayant en arrière-plan. Ils observent ce résultat au sein des deux groupes. Selon eux, il s’agirait d’une N2pc dirigée sur les stimuli en arrière-plan, c’est-à-dire les araignées. Ceci suggère alors que la sélection attentionnelle précoce de la cible « fleur » a été interrompue, l’attention étant d’abord dirigée vers les araignées en arrière-plan. Ils nomment alors ce pattern « N2pc inversée » ou « PD - like component » dans le sens où elle reflèterait la suppression de l’attention pour la cible de même qu’une capture attentionnelle par les araignées en arrière-plan. Ceci refléterait alors un délai de désengagement attentionnel plutôt qu’une capture attentionnelle par les stimuli menaçants en arrière-plan. De plus, le fait que ce résultat ne soit pas différent entre les groupes suggère que la distraction par les araignées n’est pas spécifique à la peur (Weymar & al., 2013). Ce dernier point soutient également l’hypothèse phylogénétique selon laquelle nous traitons de manière prioritaire et involontaire les stimuli de nature menaçante. Finalement, l’étude de Weymar et al. (2013) confirme bel et bien que les peurs spécifiques aux araignées modulent la sélection attentionnelle pendant la recherche visuelle.

2.6. Objectifs et hypothèses de recherche

2.6.1. Objectifs

Beaucoup d’études se sont déjà intéressées à la perception d’un stimulus menaçant en tant que cible. Elles ont mis en évidence un avantage de traitement de ces stimuli. Cependant,

(28)

26 peu d’entre elles se sont intéressées à l’effet de ce type de stimulus en tant que distracteur, ainsi qu’à l’aspect électrophysiologique de leur capture ou inhibition. La présente étude a donc pour objectif principal d’étudier l’effet d’un distracteur de nature menaçante, c'est-à-dire une araignée, sur l’inhibition et la capture attentionnelle des sujets ayant peur des araignées et des personnes n’en ayant pas peur. Pour ce faire, nous avons modifié l’Additionnal singelton paradigm de Theeuwes (1992), en remplaçant le distracteur de couleur par un distracteur menaçant. Nous avons choisi l’araignée pour représenter le stimulus menaçant, en raison de l’importance donnée à l’hypothèse évolutive sur les stimuli dangereux et de son influence sur la capture attentionnelle. L’attention de tout individu devrait alors, dans une certaine mesure, être influencée par ce stimulus. Finalement, à l’inverse de l’étude de Weymar et al. (2013), nous allons utiliser le stimulus menaçant comme un distracteur et non comme une cible.

De ce fait, il est pertinent de se demander si les personnes qui ont peur des araignées seront encore plus ralenties lorsque les distracteurs sont des araignées. Nous souhaitons donc observer si l’araignée va capturer leur attention ou, au contraire, si la prévisibilité de la nature de la cible va permettre au participant d’ignorer ce stimulus menaçant, comme le suggère la théorie (Bacon & Egeth, 1994 ; Burra & Kerzel, 2013 ; Sawaki & Luck, 2010, 2014). Plus précisément, nous nous demandons si cette théorie peut rester valable malgré un stimulus censé capturer l’attention de manière privilégiée. La PD va ainsi pouvoir nous indiquer si le participant a pu mettre en place des processus pour éviter le stimulus distracteur lié à la peur alors que la N2pc nous indiquera une capture de l’attention par l’araignée. Enfin, il sera intéressant d’observer s’il y a une différence entre les deux groupes. Nos résultats permettront alors de soutenir ou non le facteur de la peur dans le phénomène de capture et d’inhibition attentionnelle.

Mais aussi, d’éclairer le lien entre attention et émotion en approfondissant les mécanismes, encore mal connus, de ces deux phénomènes chez les personnes qui ont peur des araignées.

2.6.2. Hypothèses de recherche

2.6.2.1. Hypothèses comportementales

Nous allons porter notre intérêt, dans un premier temps, sur les temps de réaction des participants, mesurés en millisecondes (ms), afin de repérer la cible de notre tâche de recherche visuelle. Nous supposons alors, d’un point de vue comportemental, que les participants seront plus lents pour réaliser la tâche dans la condition où il y a un distracteur comparé à la condition

(29)

27 contrôle. Ce résultat serait alors conforme à l’hypothèse proposée par Theeuwes (1992) d’un coût temporel causé par la présence d’un distracteur.

La deuxième hypothèse porte sur les temps de réaction dans les conditions avec distracteur. Nous émettons l’hypothèse que le temps de réaction sera plus long dans la condition où le distracteur est une araignée comparativement à la condition où le distracteur est une feuille. En effet, comme les participants devraient pouvoir prédire la cible, nous supposons qu’ils seront alors capables d’ignorer les distracteurs. Cependant, nous pensons que l’araignée demandera un effort supplémentaire pour la supprimer, en comparaison à la feuille, étant donné son caractère menaçant. Si ces résultats sont effectivement observés, ils seraient alors consistants avec les études suggérant une inhibition attentionnelle d’un stimulus distracteur lorsqu’une cible est prévisible (Bacon & Egeth, 1994 ; Burra & Kerzel, 2013 ; Sawaki & Luck, 2014).

Nous nous attendons finalement à ce que les personnes ayant peur des araignées mettent plus de temps à réaliser la tâche que les personnes qui n’en ont pas peur. Comme mentionné pour notre deuxième hypothèse comportementale, certains auteurs suggèrent que lorsqu’un distracteur est présent et que les participants connaissent les caractéristiques de la cible, le temps de réaction sera plus rapide, reflétant alors une suppression attentionnelle du distracteur, comparativement à une capture attentionnelle par le stimulus non pertinent (Burra

& Kerzel, 2013). Mais, selon Devue et al. (2011) la présence d’un distracteur menaçant génère un coût supplémentaire dans le traitement visuel des sujets effrayés par les araignées. Ce coût correspondrait à la capture de l’attention par le distracteur. Ainsi, nous prédisons que les participants ayant peur des araignées seront capturés par le distracteur menaçant malgré la prévisibilité de la cible, contrairement aux participants n’ayant pas peur des araignées qui seront capables d’ignorer totalement l’araignée.

2.6.2.2. Hypothèses électrophysiologiques

Afin d’obtenir des données plus précises concernant les phénomènes de capture et d’inhibition, nous allons également étudier ceux-ci dans une perspective électrophysiologique.

Sur la base de ces mesures supplémentaires, nous pouvons émettre trois autres hypothèses.

Premièrement, nous nous attendons à ce que les sujets orientent leur attention en direction de la cible dans la condition où il n’y a pas de distracteur, quel que soit le groupe. Ceci

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