• Aucun résultat trouvé

L'amnésie de l'attribut : un effet dû à l'absence d'attention endogène

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L'amnésie de l'attribut : un effet dû à l'absence d'attention endogène"

Copied!
77
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

L'amnésie de l'attribut : un effet dû à l'absence d'attention endogène

JORDAN, Damien

Abstract

L'amnésie de l'attribut définit l'incapacité à rapporter un certain attribut d'un objet (p.ex. sa forme ou sa couleur) alors que celui-ci a été traité au préalable et qu'un autre attribut du même objet est correctement rapporté. Cette étude vise à mieux comprendre les mécanismes sousjacents à ce phénomène. Dans une première expérience, nous avons comparé le rappel d'un attribut d'un unique objet présenté de manière centrale ou para-fovéale. Dans deux autres expériences, nous avons comparé le rappel suite à la présentation d'un indice exogène noninformatif, puis informatif (avant l'apparition du stimulus présenté dans la zone para-fovéale du champ visuel). Nos résultats montrent que les attributs sont mieux rappelés lorsque l'objet est présenté de manière centrale ou si l'attention endogène est dirigée vers celui-ci...

JORDAN, Damien. L'amnésie de l'attribut : un effet dû à l'absence d'attention endogène. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:109846

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

1 L’amnésie de l’attribut

Un effet dû à l’absence d’attention endogène

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

ORIENTATIONS

PSYCHOLOGIE COGNITIVE PSYCHOLOGIE CLINIQUE

PAR Damien Jordan

DIRECTEUR DU MEMOIRE EQFD

Dirk Kerzel JURY Sabine Born Dirk Kerzel Evie Vergauwe

GENEVE, SEPTEMBRE 2018

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION PSYCHOLOGIE

(3)

2

Table des matières

Résumé ... 4

Introduction générale ... 5

Etat de la question ... 5

Attention visuelle ... 5

Attention spatiale endogène et exogène ... 7

« Inattentional Blindness » ... 9

Attention visuelle et attributs d’un objet ... 10

Mémoire de travail visuelle et attention visuelle ... 12

Intégration d’attribut, attention et mémoire de travail visuelle ... 13

Amnésie de l’attribut ... 15

Quels mécanismes explicatifs à l’amnésie de l’attribut ?... 18

La vision fovéale diffère de la vision para-fovéale ... 19

Question de recherche ... 22

Méthode, expérience 1 ... 23

Population ... 23

Matériel et stimuli ... 23

Procédure ... 24

Plan expérimental : variables dépendantes et indépendantes ... 26

Analyses ... 26

Résultats expérience 1 ... 27

Résultats principaux ... 27

Essais contrôle ... 28

Résultats complémentaires ... 29

Attribut pertinent ... 29

Erreurs de fixations ... 29

(4)

3

Discussion ... 30

Expérience 2 ... 32

Méthode expérience 2 ... 33

Population ... 33

Matériel ... 33

Stimuli et procédure ... 33

Résultats expérience 2 ... 35

Résultats principaux ... 35

Essais contrôle ... 37

Résultats complémentaires ... 37

Attribut pertinent ... 37

Erreurs de fixations ... 37

Discussion, expérience 2 ... 38

Expérience 3 ... 39

Méthode expérience 3 ... 40

Population ... 40

Procédure ... 40

Résultats expérience 3 ... 41

Résultats principaux ... 41

Essais contrôle ... 43

Résultats complémentaires ... 43

Erreurs de fixations ... 43

Discussion, expérience 3 ... 44

Discussion générale ... 45

Les attributs clef ne diffèrent pas obligatoirement des attributs réponses ... 45

Un effet indépendant de la charge cognitive ... 46

Amnésie de l’attribut, un effet inattentionnel ? ... 48

(5)

4

Différence entre mécanisme endogène et exogène ... 49

Un probable effet d’interaction entre attention et mémoire de travail ... 50

Différence entre vision centrale et para-fovéale pour l’amnésie de l’attribut ... 53

Limites de l’étude et ouverture ... 54

Conclusion ... 56

Bibliographie ... 57

Annexe ... 61

Expérience 1 : ... 61

Expérience 2 : ... 67

Expérience 3 ... 71

Feuille de consentement ... 75

Résumé

L’amnésie de l’attribut définit l’incapacité à rapporter un certain attribut d’un objet (p.ex. sa forme ou sa couleur) alors que celui-ci a été traité au préalable et qu’un autre attribut du même objet est correctement rapporté. Cette étude vise à mieux comprendre les mécanismes sous- jacents à ce phénomène. Dans une première expérience, nous avons comparé le rappel d’un attribut d’un unique objet présenté de manière centrale ou para-fovéale. Dans deux autres expériences, nous avons comparé le rappel suite à la présentation d’un indice exogène non- informatif, puis informatif (avant l’apparition du stimulus présenté dans la zone para-fovéale du champ visuel). Nos résultats montrent que les attributs sont mieux rappelés lorsque l’objet est présenté de manière centrale ou si l’attention endogène est dirigée vers celui-ci. Néanmoins cet effet a été constaté pour la forme, mais non pour la couleur. Cette étude suggère que l’effet d’amnésie de l’attribut fait suite à un manque d’attention visuelle endogène à l’emplacement de l’objet.

(6)

5

Introduction générale

Le panneau de signalisation « céder le passage », triangulaire, indique au conducteur qu’il devra laisser la priorité aux autres conducteurs au moment où la route qu’il emprunte en rejoindra une autre. Le panneau ‘’bordier autorisé’’, rond, indique que la prochaine route est réservée aux personnes autorisées. Imaginons une route, avec un de ces deux panneaux. Cette route en rejoint une autre peu après. Un automobiliste arrive à vive allure et ne regarde pas directement le panneau, laissant son regard sur la route. Voyant qu’il rejoint une seconde route, il se souvient avoir vu un objet rouge sur le bord de la route qu’il catégorise comme étant un panneau de signalisation. Il lui est maintenant impératif de se souvenir de la forme de ce panneau afin de savoir s’il doit laisser la priorité aux autres véhicules, ou s’il n’a pas l’autorisation de s’engager sur cette route. Malheureusement, impossible pour lui de se rappeler d’autres éléments que celui de l’emplacement du panneau.

La question qui nous concerne est de déterminer quelles conditions empêchent le conducteur de se souvenir de la forme du panneau. Nous discuterons dans l’introduction s’il est plausible qu’une telle scène se réalise. La présente introduction portera donc sur l’inventaire des mécanismes en jeux dans une telle situation. Notre étude se focalisera ensuite sur un de ces mécanismes susceptible d’expliquer un tel phénomène.

Etat de la question

Attention visuelle

Notre système perceptif reçoit une quantité énorme d’informations à tout instant. Prenons pour exemple la vision d’un arbre à environ 10m de nous. On peut se représenter la vision schématique d’un tronc, de branches et de feuilles. Regardons attentivement cet arbre. On peut analyser la complexité de ses branches, des dessins de son écorce ou de chacune de ses feuilles.

On se rend rapidement compte que chacune de ses plus petites parties est différente de l’autre.

Le nombre d’information contenue dans cet arbre est gigantesque. De plus, chaque minuscule partie de l’arbre peut être décomposée en différentes propriétés, telle que son emplacement dans l’espace visuel, sa forme, sa couleur, sa luminosité, son orientation et sa taille. Chaque minuscule partie de l’arbre contient donc déjà un nombre conséquent d’information, compte tenu du fait que chaque propriété est déjà une information à traiter. On peut donc aisément imaginer que notre système, aussi puissant soit-il, ne nous permet pas de traiter toutes ces informations simultanément.

(7)

6 Ainsi, cela nous amène à penser que nous sélectionnons certaines parties de nos sensations selon certains critères et en ignorons d’autres. Dans un livre publié en 1674 « The Search After Truth », Malebranche postulait déjà que notre esprit ne porte pas une attention égale à toute chose, ce qui lui permet d’éviter les perceptions imparfaites et la confusion (Johnson & Proctor, 2004). Pour donner un exemple dans le domaine de l’audition, nous sommes tout à fait capables de prêter attention et comprendre une personne qui parle, tout en ignorant le discours d’une autre qui se trouve juste à côté. Cependant, si l’on ne prête pas attention à l’une de ces voix, il n’est alors pas possible par la suite de rapporter un seul mot de la voix ignorée. Il reste cependant possible de déterminer certaines caractéristiques physiques de cette voix, comme par exemple le genre du locuteur (Cherry, 1953).

Ce phénomène de sélection de notre environnements sensoriel s’appelle l’attention. En psychologie expérimentale de la vision, on distingue classiquement deux modes d’orientation de l’attention, l’attention ouverte et l’attention couverte. L’attention ouverte est définie par le fait d’orienter son attention en l’accompagnant d’un mouvement oculaire ou d’un mouvement de la tête. L’attention couverte est un déplacement de l’attention sans mouvement des yeux ni de la tête (Johnson & Proctor, 2004). Nous pouvons en effet prêter attention à un objet en périphérie de notre champ visuel tout en gardant le regard fixé à un autre emplacement (Posner, 1980).

Selon le modèle de l’attention basée sur l’espace, on peut se représenter l’attention comme un spot qui illumine certaines régions de l’espace visuel et laisse le reste du champ visuel dans le noir (Eriksen & Hoffman, 1973, cité par Johnson & Proctor, 2004). La sensibilité perceptive est améliorée à l’emplacement du spot attentionnel et est réduite aux autres emplacements (Bashinski, & Bacharach, 1980). Par exemple, la présence d’attention visuelle à un certain emplacement permet une meilleure discrimination de la forme d’un stimulus (Carrasco, 1999).

L’attention permet donc d’explorer une scène visuelle indépendamment de nos mouvements oculaires. Les emplacements, ou les objets qui se trouvent ciblés par notre attention ont une qualité perceptive améliorée. Malgré un champ visuel chargé de multiples informations, le conducteur, dans notre exemple d’introduction, avait donc la possibilité de porter attention au panneau de signalisation routière tout en gardant son regard sur la route. Il lui suffisait alors de recruter son attention couverte pour ce faire.

(8)

7 Attention spatiale endogène et exogène

Une scène visuelle est donc analysée en déplaçant notre attention visuelle dans l’espace.

L’exploration de l’environnement peut se faire de manière volontaire ou automatique.

Le système volontaire (top-down) qui permet d’explorer une scène visuelle, est appelée attention endogène. Par exemple dans un des premiers paradigmes de Posner (Posner, Nissen,

& Ogden, 1978), les participants devaient garder le regard fixé au centre d’un écran et détecter l’apparition d’une cible (un « X »). La cible pouvait apparaitre soit sur la gauche, soit sur la droite de l’écran. Les participants devaient répondre le plus rapidement possible, respectivement avec la flèche gauche ou droite d’un clavier, selon l’emplacement d’apparition de la cible. Dans la moitié des essais, un indice était présenté au centre de l’écran, entre 50 et 1000 ms avant l’apparition de la cible. Cet indice indiquait l’emplacement de la cible dans 80%

des cas (condition expérimentale « indice valide »). Dans 20% des cas, l’indice était dit

« invalide » et indiquait l’emplacement opposé à la cible. Les résultats ont montré que le temps de réaction des participants était plus rapide lorsqu’un indice valide était présenté par rapport à une condition expérimentale sans indice. De plus, leur temps de réaction était plus lent si l’indice était invalide par rapport à cette même condition sans indice. Les temps de réaction diffèrent donc selon un indice présenté de manière centrale, indiquant avec une forte probabilité l’emplacement de l’apparition d’une future cible à détecter. Les auteurs en ont déduit que nous sommes capables de diriger volontairement notre attention visuelle à un emplacement.

Le système automatique (bottom-up) qui permet d’explorer une scène visuelle, est appelé attention exogène. Dans ce cas, l’attention est attirée directement par un stimulus projeté en périphérie de la fovéa (en périphérie de la rétine). Par exemple, dans un autre paradigme de Posner (Posner et Cohen, 1984), trois rectangles étaient présentés horizontalement. Les participants devaient garder le regard fixé sur le rectangle disposé au centre de l’écran et détecter le plus rapidement possible l’apparition d’une cible (un carré au milieu d’un des trois rectangles). La cible pouvait apparaitre soit au milieu du rectangle situé au centre de l’écran (dans 60% des essais), soit sur celui de gauche (dans 10% des essais), soit sur celui de droite (dans 10% des essais), soit ne pas apparaitre du tout (dans 20% des essais). Au début de chaque essai, un flash lumineux apparaissait aléatoirement pendant 150 ms sur un des côtés de l’écran (gauche ou droite). La cible apparaissait entre 0 et 500ms après l’apparition de ce flash. Les résultats montrent que lorsque la cible apparaissait au même endroit que le flash, le temps de réaction pour la détecter était diminué par rapport aux cas où elle apparaissait à un autre emplacement. Cependant, cet effet apparaissait seulement si la cible était présentée entre 0 et

(9)

8 200 ms après le flash. En effet, comme la cible apparaissait au centre dans la majorité des cas, les participants avaient tendance, passé ce délai, à toujours ramener leur focus attentionnel au milieu de l’écran de manière volontaire. Cette expérience montre que l’apparition brutale d’un stimulus (le flash blanc) attire le focus attentionnel de manière automatique. De plus, nous pouvons en déduire qu’en 200 ms, le focus attentionnel a le temps de se déplacer vers l’emplacement où il y a eu une capture attentionnelle involontaire, puis de revenir à son emplacement initial de manière volontaire.

Dans les indices attentionnels, il est important de distinguer les indices informatifs, des indices non informatifs. Un indice non-informatif peut être un objet qui apparait abruptement dans la périphérie du champ de vision sans être prédictif d’un événement particulier. Il est synonyme d’indice exogène. Un indice informatif peut être par exemple une flèche centrale qui indique avec une forte probabilité l’emplacement futur d’une cible à détecter. Cependant, si un indice apparait abruptement dans la périphérie du champ visuel et prédit l’apparition d’une cible, il devient informatif. Cet indice a donc une composante exogène et endogène. En effet, il attire le regard de manière automatique et de surcroît contient une information qui va amener un déplacement volontaire de l’attention (Prinzmetal, McCool & Park, 2005).

Il est important de relever que ces deux types d’attention reposent sur deux mécanismes différents (Berger, Henik & Rafal, 2005 ; Chica, Bartolomeo & Lupiáñez, 2013). Ainsi, l’attention endogène et l’attention exogène ne provoquent pas les mêmes effets et reposent sur des structures neuronales différentes.

Une sélection de notre environnement visuel est donc définie de manière volontaire ou automatique, voire par une combinaison des deux. Les panneaux de signalisation sont ainsi conçus pour être saillants, de manière à attirer automatiquement notre attention visuelle (exogène). Cependant, lorsque nous apprenons à conduire, nous apprenons également implicitement à porter notre attention aux panneaux de signalisation. Ainsi, de manière volontaire, nous dirigeons naturellement notre attention (endogène) vers ceux-ci. Evidemment, un panneau est un indice informatif. La distraction reste cependant possible. Par exemple, le flash d’un appareil photo n’est pas un indice informatif. Si un tel flash se déclenche de l’autre côté de la route, notre conducteur y portera son attention automatiquement et risque ainsi de rater son panneau. Il est donc possible que celui-ci ait été distrait par un stimulus plus saillant, ou n’ait simplement pas porté attention au panneau de signalisation. Or, nous avons vu que l’analyse visuelle du panneau serait moins efficace si notre conducteur porte son attention à un autre emplacement.

(10)

9

« Inattentional Blindness »

Une sélection d’information est donc effectuée par l’attention visuelle. On peut en déduire que certaines parties de notre champ visuel sont traitées moins en profondeur, ou ne sont pas enregistrées. Mais à ce stade, on peut tout de même douter du fait que notre système puisse rater un panneau de signalisation pourtant bien visible au bord d’une route.

Cela fait pourtant référence au phénomène d’ « inattentional blindness », soit le fait qu’une personne normale peut ne pas être capable de détecter un stimulus clairement visible dans son champ visuel.

A notre connaissance, le terme « Inattentional blindness » a été utilisé pour la première fois dans une étude de Rock, Linnett, Grant et Mack (1992). Dans leur expérience, les participants voyaient une grande croix centrale. Les barres verticale et horizontale de celle-ci n’étaient pas de la même taille. Les participants devaient juger laquelle des deux était la plus longue. Lors du 4ème essai, un point apparaissait dans un des 4 angles situés entre les traits de la croix. Ensuite les participants devaient répondre, sans y avoir été préparé, à quel emplacement le point était apparu. La plupart des participants parvenaient à donner la localisation du premier point.

Cependant, une petite partie des participants n’avaient pas perçu ce point. Cette observation a donné lieux à ce terme d’« inattentional blindness ». Cela définit donc le fait de ne pas percevoir un élément visuel pourtant clairement visible.

Une étude désormais célèbre de Simons et Chabris (1999), a porté sur le même concept en le transposant dans une scène plus écologique. Leur étude a montré que notre monde visuel est biaisé de manière importante. La procédure consistait à regarder une courte vidéo où deux équipes se faisaient des passes avec une balle. Les participants devaient compter attentivement le nombre de passes que l’une des deux équipes se faisaient. Les équipes se distinguaient par la couleur de leurs habits. Soit, ils étaient entièrement vêtus de noir, soit ils étaient vêtus d’un t- shirt blanc. A la fin de la vidéo les participants devaient noter le nombre de passes qu’ils avaient comptées, puis répondre à plusieurs questions demandant s’ils avaient noté quelque chose de spécial. En effet, dans la vidéo un gorille ou une femme avec un parapluie ouvert traversait toute la scène. Chaque participant effectuait une seule combinaison des différentes modalités de l’expérience. Deux consignes étaient données pour la tâche à effectuer. Pour la première, ils devaient suivre une seule équipe, blanche ou noire. Pour la seconde, ils devaient compter soit le nombre de passes (condition facile), soit le nombre de passes au sol séparément du nombre de passes en l’air (condition difficile). Deux autres conditions expérimentales variaient le

(11)

10 contenu de la vidéo. Les résultats peuvent être résumés ainsi : seuls 54% de la totalité des participants ont remarqué l’événement anormal au milieu de la vidéo (la femme avec un parapluie ou le gorille). Plus la tâche était difficile, moins les participants remarquaient l’étrange événement. En effet, plus nous sommes engagés dans une tâche, plus notre attention est volontairement sélective. L’événement étrange était plus probablement relevé si ses propriétés perceptives se rapprochaient de celles de la tâche à effectuer (le gorille étant noir, les participants qui devaient observer l’équipe blanche le remarquaient significativement moins que ceux qui devaient observer l’équipe noire). De plus, la femme au parapluie était plus souvent remarquée que le gorille. En effet, celle-ci étant plus saillante que le gorille, l’attention exogène était plus probablement attirée. Ainsi, cette expérience montre que notre perception consciente dépend de manière importante d’une interaction entre attention endogène et exogène. En outre, si l’on regarde cette même vidéo sans compter le nombre de passe, il est impossible de ne pas remarquer le gorille ou la femme au parapluie. Ce qui est étonnant ici, est de constater que notre système visuel peut ne pas relever des éléments pourtant bien remarquables au centre d’une scène visuelle.

Ces études montrent donc que, sans attention, notre perception visuelle a de forte limitation.

Notre conducteur aurait donc pu ne pas remarquer du tout le panneau de signalisation, étant donné son manque d’attention. Les études que nous avons présentées ci-dessus montrent que, effectivement, il est possible de ne pas percevoir un tel panneau même si celui-ci est bien visible dans notre champ visuel.

Attention visuelle et attributs d’un objet

Contrairement aux études présentées au chapitre précédent, la question était de comprendre si le panneau de signalisation de notre conducteur aurait pu être perçu sans qu’il ait traité la forme de celui-ci, soit, sans qu’il ait correctement traité tous les attributs visuels de celui-ci.

Les attributs visuels définissent les différentes propriétés d’un objet. Treisman et Gelade (1980), définissent les différents attributs d’un objet comme la couleur, l’orientation, la fréquence spatiale, la luminosité et la direction du mouvement. Ainsi, pour notre panneau de signalisation, nous pouvons séparer l’attribut forme de l’attribut localisation, seul ce dernier ayant été perçu.

Les différents attributs sont encodés par différents neurones dans les aires visuelles. En effet, l’enregistrement de cellule unique à l’aide d’électrode dans le cortex de singe Rhésus, a montré que celles-ci étaient spécialisées et ne répondaient qu’à certains attributs spécifiques. En outre, celles-ci sont réparties majoritairement selon des aires prédéfinies au traitement de certains

(12)

11 attributs. Les cellules de l’aire V4 du lobe occipital sont spécialisées à 80% dans le traitement de la couleur, alors que certaines cellules de l’aire V2 sont spécialisées dans le traitement de l’orientation sans discrimination de la couleur (Zeki, 1976). Les formes complexes quant à elles, sont décodées dans l’aire temporale inférieure (Desimone, Albright, Gross, & Bruce 1984).

Comme présenté par Kanwisher et Driver (1992), une question importante de la littérature sur la vision, est de comprendre comment et dans quelle condition nous parvenons à créer la représentation d’un objet unique, alors que le traitement de ses différents attributs se fait de manière séparée. Ce problème appelé « binding problem », le problème de la liaison, a trouvé une première réponse dans la théorie de l’intégration des attributs de Treisman et Gelade (1980).

En effet, ceux-ci ont suggérés que l’attention visuelle serait responsable de l’intégration des différents attributs en une représentation unique.

La théorie de l’intégration des attributs a été postulées grâce au paradigme de la recherche visuelle. Par exemple, on présente une page avec des « O », disposés de manière hasardeuse.

On demande aux participants de chercher un intru au milieu de ceux-ci (un « Q »). Le « Q » est repéré de manière quasi instantanée. Ce qui est déterminant dans cette expérience est le fait que le temps de recherche de la lettre unique ne dépend pas du nombre de distracteurs (le nombre de « O »). Ainsi, les auteurs en ont déduit que le traitement des attributs visuels s’effectue de manière parallèle, sur tout le champ visuel simultanément. Cet effet est identique pour toutes recherches visuelles où nous devons rechercher un attribut unique (Treisman et Gormican, 1988). Par exemple, il est aisé de retrouver une personne avec un chapeau rouge dans une foule, peu importe la taille de la foule, pour autant qu’il n’y ait pas d’autres éléments de la couleur rouge. Ainsi, dans un premier temps, notre champ visuel serait décomposé par ses différents attributs.

Dans un second temps le focus attentionnel, procéderait à l’analyse de certaines régions pertinentes du champ visuel, afin d’en créer une représentation intégrée. Imaginons à présent une page rempli de « O » vert, de « O » rouge, ainsi que de « Q » vert. L’objectif est désormais de retrouver l’unique « Q » rouge de la page. Cette nouvelle recherche visuelle exige donc de retrouver une combinaison d’attributs. Le temps moyen pour retrouver cet attribut dépend cette fois du nombre de distracteurs présents sur la page. Pour se représenter ce phénomène, on peut penser à « chercher Charlie ». Plus il y a d’éléments sur la page, plus il est difficile de trouver Charlie. Cependant, s’il n’y avait pas d’autre éléments rouges que Charlie sur la page, on le trouverait quasiment instantanément. Donc dans ce second cas de figure, lorsqu’il y a recherche

(13)

12 d’une conjonction entre différents attributs, la recherche visuelle se fait de manière sérielle.

C’est à dire qu’il est nécessaire de déplacer notre focus attentionnel volontairement.

Ces deux expériences, argumentent en faveur de Treisman et Gelade (1980) qui postulent que le déplacement du focus attentionnel semble essentiel afin d’intégrer différents attributs en une représentation unique. De la même manière, Nakayama et Mackeben (1989) ont trouvé qu’un indice attentionnel améliorait la performance dans la recherche visuelle d’une conjonction d’attributs. Cependant, l’indice n’améliorait pas les résultats si l’objet différait des distracteurs par un unique attribut. La présence d’attention crée effectivement un bénéfice pour la recherche visuelle d’un objet intégré, mais pas pour la recherche d’un attribut simple. L’attention visuelle serait ainsi responsable de la vision d’un objet de manière intégrée.

En résumé, selon la théorie d’intégration des attributs, l’attention visuelle permet de créer une représentation unique des objets. Sans attention, les objets sont perçus de manière non intégrée.

Ainsi, notre conducteur a pu percevoir le panneau et repérer sa couleur, sans analyser sa forme, pour autant qu’il n’y ait pas déplacé son focus attentionnel. Si le rouge de la bordure du panneau avait été suffisamment pertinent pour lui à ce moment, il n’aurait pas pu traiter uniquement sa localisation.

Mémoire de travail visuelle et attention visuelle

Cependant, notre exemple du conducteur fait référence au souvenir d’un objet (le panneau) pour un court instant. En effet, nous pouvons penser que l’objet a été correctement perçu, mais rapidement oublié. Avant de rentrer dans le cœur de notre sujet, il semble important de définir le système mnésique recruté dans une telle situation. Nous décrirons ensuite les liens forts qu’entretiennent ce système avec l’attention visuelle.

La littérature considère que la mémoire est séparée en différent modules, selon la qualité de l’information et la durée de stockage de celle-ci. Classiquement quatre processus opèrent dans tous les modules mnésiques. L’encodage, la répétition, l’activation et le rappel (Schacter &

Tulving, 1994). La mémoire de travail est un module qui permet de retenir des informations pour une courte durée, tout en les manipulant simultanément. Un exemple facile à appréhender est le calcul mental. Lorsque nous calculons, il nous faut garder momentanément des chiffres en mémoire tout en les manipulant avec d’autres et en les retransformant. La vision repose également sur un tel système. Nous retenons effectivement une partie de ce que nous voyons, puis nous allons connecter cette information avec des souvenirs à long terme. Par exemple,

(14)

13 lorsque nous voyons un arbre, nous connectons celui-ci à notre représentation à long terme d’un arbre, ce qui nous évite de devoir détailler toute sa complexité.

La mémoire de travail, selon Cowan (1995, 1999), définit les éléments activés de la mémoire à long-terme. Certains éléments de la mémoire à long terme sont plus activés et sont récupérables plus rapidement. Plusieurs évidences dans la littérature montrent que le focus attentionnel serait responsable de ce rafraichissement de l’information (Cowan, 2011).

On constate que la mémoire de travail ne peut se passer de l’attention visuelle. De nombreuses interactions ont été discutées dans la littérature entre l’attention visuelle et la mémoire de travail. Une métanalyse de Theeuwes, Belopolsky et Olivers (2009) suggère que la mémoire de travail visuelle ne repose pas sur une aire spécifique du cerveau, mais émerge directement des fonctions attentionnelles et motrices. En d’autres termes, la mémoire de travail visuelle ne peut être complétement indépendante du système attentionnel. De nombreuses études ont en effet montré de tels liens. Par exemple, une étude de Theeuwes, Kramer et Irwin (2011) a montré que l’attention est également le mécanisme qui permettait de récupérer l’information en mémoire de travail visuelle. Ainsi, en plus d’être recrutée dans l’encodage d’information en sélectionnant l’information, l’attention visuelle est également impliquée pour la récupération des éléments stockés en mémoire de travail. Le point de vue de Theeuwes, Belopolsky et Olivers (2009) est donc congruente avec le modèle de Cowan (1995).

Prenons le cas où notre conducteur aurait correctement enregistré l’information en dirigeant son attention de manière adéquate. Afin de récupérer l’information, il aurait dû à nouveau recruter son système d’attention visuelle. Sa difficulté de récupération de cette information pourrait donc résider dans une mauvaise utilisation de son système attentionnel à cette étape.

Intégration d’attribut, attention et mémoire de travail visuelle

A présent, revenons sur la notion de l’intégration d’attribut. Dans notre exemple, le conducteur a bien perçu le panneau, et il se rappelle même de sa localisation. Mais un des attributs de celui- ci, la forme, manque.

Luck et Vogel (1997) ont montré que la mémoire de travail visuelle avait une capacité limitée de 3 à 4 items. Dans leur expérience, la capacité des participants à déceler un changement entre deux écrans présentés dépendait du nombre d’objets et ne dépendait pas du nombre d’attributs.

De manière identique, Ceraso (1985), a montré que deux attributs étaient mieux retenus s’ils étaient présentés dans un unique objet que sur deux objets séparés. Ainsi, ces expériences

(15)

14 montrent que les objets sont bien retenus comme une entité unique, non pas comme une addition d’attributs visuels. Il existe donc un système mnésique qui permet de retenir jusqu’à quatre objets intégrés. Sa capacité de stockage dépend du nombre d’objets et non du nombre d’attributs visuels.

Comme pour Cowan (1995), selon Wheeler et Treisman (2002), la mémoire de travail visuelle est limitée par les ressources attentionnelles. Selon ces auteurs, l’absence de focus attentionnel empêche le maintien de l’intégration de différents attributs. Cette conception est identique à la théorie de l’intégration des attributs (Treisman & Gelade, 1980) et s’applique ici à la mémoire de travail. Effectivement, des études de Fougnie et Marois (2009) ou de Zokaei, Heider et Husain (2014) ont montré que la rétention de la liaison de deux attributs pouvait être perturbée si une tâche attentionnelle devait être réalisée entre l’encodage et le rappel. Par exemple, dans Fougnie et Marois (2009), les participants devaient enregistrer quatre objets (4 formes, 4 couleurs, ou 4 combinaisons de formes et de couleurs). Ensuite, une tâche de tracking visuel devait être réalisée. Finalement un objet était présenté et les participants devaient répondre si celui-ci correspondait ou non à un des quatre objets présentés au début de l’essai. La tâche de tracking visuel consistait à repérer certains points blancs parmi des points noirs. Ensuite, tous les points devenaient noirs et se mettaient à bouger aléatoirement. Finalement un seul point devenait blanc et les participants devaient répondre s’il correspondait à un des points blancs présentés au début de la tâche de tracking. Les résultats étaient comparés avec une condition contrôle dans laquelle aucune tâche de tracking ne devait être réalisée. Les résultats ont montré que seule la condition où des combinaisons d’attributs devaient être retenues était perturbée par la tâche de tracking visuel. Etant donné que cette tâche de tracking recrute les fonctions attentionnelles, les auteurs ont conclu que l’attention visuelle est également nécessaire au maintien de la relation entre deux attributs visuels en mémoire de travail.

Cela montre que l’attention visuelle est nécessaire à la rétention d’un objet comme une unité intégrée. Notre conducteur avait donc besoin d’attention pour encoder, maintenir le stockage et récupérer son panneau en tant qu’objet intégré. En d’autres termes, une partie de l’attention de notre conducteur a probablement failli à un des trois moments clefs. Ces trois moments clefs sont le moment où il a perçu le panneau, l’instant qui s’est écoulé avant qu’il croise une autre route, et le moment où il a vu la prochaine route et a compris la nécessité de se souvenir de l’information contenue sur ce panneau.

(16)

15 Amnésie de l’attribut

Considérons à présent que le conducteur naviguait dans un paysage désertique, avec très peu d’information excepté ce panneau. Est-il envisageable de l’oublier, sachant que sa pertinence est telle qu’il l’a forcément traité ? La question qui nous préoccupe dans cette étude concerne le phénomène d’« inattentionnal blindness », lié aux attributs et à leur mémorisation de façon intégrée.

Dans une seconde expérience de l’étude de Rock, Linnett, Grant et Mack (1992), à la place d’un point, une forme apparaissait. Pour rappel, dans cette étude les participants avaient pour instruction de rapporter laquelle des deux lignes qui formaient une croix était la plus longue.

Au 4ème essai, un stimulus inattendu apparaissait. Dans la première expérience, seule une minorité des participants n’avaient pas du tout perçu le stimulus. Dans cette nouvelle expérience, il ne s’agissait pas d’un point, mais d’une forme. Les participants devaient cette fois rapporter la forme de ce stimulus. Contrairement à la première expérience, les réponses des participants étaient en dessous du niveau de la chance lorsque ceux-ci ne s’attendaient pas à devoir répondre. Cependant, une fois que les participants avaient connaissance de cet événement imprévu, ils étaient capables de rapporter la forme de l’objet lors d’un essai contrôle situé au 7ème essai. On voit dans cette expérience que l’attribut « forme » n’est pas enregistré automatiquement lorsque l’attention n’est pas dirigée dessus spatialement.

Chen et Wyble (2015) ont repris ce paradigme afin d’explorer si un attribut pouvait être oublié malgré le fait qu’il soit traité. Ils ont nommé cet effet « amnésie de l’attribut ». Ceux-ci ont utilisé le terme « amnésie », car l’attribut a bien été traité à un moment T, mais qu’on ne parvient pas à s’en souvenir. En effet dans ces expériences, les questions apparaissent après disparition de l’objet, celui-ci doit donc être récupéré en mémoire de travail visuelle. L’effet d’amnésie de l’attribut est défini par une différence dans la qualité des réponses entre un essai « surprise » et un essai contrôle qui suit celui-ci. Lors de l’essai « surprise », le participant ne s’attend pas à devoir rapporter l’attribut demandé. Lors des essais contrôles qui suivent l’essai « surprise », les attentes du participant ont changé compte tenu du fait qu’il vient de devoir rapporter l’attribut demandé. Ainsi, lors de ce dernier essai, sa performance est meilleure.

Dans la première expérience de l’étude de Chen et Wyble (2015), les participants devaient rapporter la localisation d’une lettre parmi trois chiffres (distracteurs), tous disposés à un des quatre angles d’un carré imaginaire (voir le deuxième écran dans la figure 1). Après 155 essais (appelés « pré-surprise »), un essai « surprise » apparaissait demandant de rapporter soit

(17)

16 l’identité de la lettre, soit la couleur de la lettre présentée (en bas à droite dans la figure 1). Les résultats ont montré que la localisation était toujours facilement rapportée. Cependant, les autres attributs (nommés « surprise », dû au fait que les participants ne s’attendaient pas à devoir les rapporter en effectuant la tâche), étaient très mal rapportés. Les réponses à l’identité de la lettre ainsi qu’à la couleur ne différaient pas significativement du niveau de la chance (la probabilité de répondre correctement en répondant au hasard). Suite à cet essai « surprise », les participants devaient encore effectuer quelques essais contrôle, dans lesquels il était également nécessaire de rapporter la forme et la couleur de la lettre. Durant ces essais, les réponses concernant ces attributs étaient proche du 100% de réponses correctes. Cela indique que l’amnésie de l’attribut dépend des attentes des participants.

Figure 1 : Procédure de l’expérience 1a de l’expérience de Chen et Wyble (2015).

Dans une deuxième expérience, Chen et Wyble (2015) ont voulu montrer que l’amnésie de l’attribut pouvait être observée, malgré une augmentation de la pertinence de l’attribut

« surprise ». En effet, il a été suggéré que la tâche pouvait être réalisée sans traiter l’identité.

(18)

17 Les auteurs ont donc proposé une tâche identique, à l’exception du fait que cette fois les participants devaient localiser un chiffre pair au milieu de chiffres impairs. Les résultats de la première étude ont été intégralement répliqués avec cette modulation. Cela montre que l’amnésie de l’attribut peut intervenir même si l’attribut « surprise » doit être impérativement traité pour réaliser la tâche. Il s’agit donc d’un défaut mnésique, non pas de traitement. Les résultats ont également étés répliqués avec quatre lettres, dont une seule était colorée (Chen &

Wyble, 2015, expérience 3). Cela montre que l’amnésie de l’attribut peut intervenir même si l’attribut « surprise » est saillant dans l’affichage des stimuli. Finalement, les résultats ont été répliqués avec seulement 11 essais « pré-surprise », c’est-à-dire que la question « surprise » se trouvait sur le 12ème essai (Chen & Wyble, 2015, expérience 4). Cela montre que l’amnésie de l’attribut n’est pas due à une série prolongée d’essais. Cependant, il n’est pas sûr que celle-ci soit observable dès le premier essai.

Une hypothèse alternative à l’amnésie de l’attribut pourrait être donnée. Nous pourrions penser que l’amnésie de l’attribut fait suite à l’interférence de la lecture de nouvelles instructions lors de la question « surprise ». Cependant une étude récente de Swan, Wyble et Chen (2017) a montré que l’effet d’attribut n’était pas observé pour des participants qui devaient lire de nouvelles instructions, mais répondre sur le même attribut lors de la question « surprise ».

Ainsi, dans l’étude de Chen et Wyble de 2015, les participants n’arrivaient pas à rapporter un certain attribut lorsqu’ils ne s’attendaient pas à devoir le faire, même s’ils auraient dû traiter cet attribut plus tôt, sans que cela soit dû à l’interférence d’une nouvelle question. Cependant ils étaient capables de rapporter facilement ce même attribut lorsqu’on leur demandait préalablement de le faire. Ce phénomène peut intervenir malgré le fait que l’attribut à rapporter doive obligatoirement être traité pour réaliser une tâche, malgré qu’il soit saillant et malgré le fait qu’il ait été présenté suffisamment longtemps (entre 150 et 250 ms) pour être traité consciemment. On peut en conclure que lors de l’observation d’un effet d’amnésie de l’attribut, l’objet n’est pas disponible dans la mémoire de travail du participant de manière intégrée.

Pour résumer, notre conducteur a pu voir le panneau au bord de sa route désertique, le traiter, mais ne pas garder une représentation de ce panneau contenant ses différentes caractéristiques, telle que sa forme. Nous allons maintenant laisser le conducteur continuer sa route et réfléchir sur le mécanisme qui pourrait expliquer cet effet de l’amnésie de l’attribut.

(19)

18 Quels mécanismes explicatifs à l’amnésie de l’attribut ?

Chen et Wyble (2015) ont interprétés leurs résultats en séparant deux composantes de l’objet dans leur expérience. La première composante serait l’attribut clef. Celui-ci définit la cible qui doit être recherchée et peut rapidement être oublié. La deuxième composante est l’attribut de réponse, qui est celui qui devra être rapporté et doit donc être retenu. Selon eux, l’attribut clef est encodé, mais de manière fragile. Celui-ci est oublié lors de la lecture de la question surprise.

Les auteurs suggèrent que l’attention peut être configurée différemment pour l’attribut qui va définir la cible et pour celui qui doit être retenu.

Cette interprétation suggère que l’attention visuelle ne créerait pas automatiquement une représentation unifiée de l’objet en mémoire de travail pour tout objets. En connaissance de la littérature attentionnelle sur l’intégration des attributs, cette explication nous semble peu probable. Nous pensons qu’une autre explication devrait justifier l’amnésie de l’attribut.

Une seconde étude de Chen et Wyble (2016), suggère que cet effet serait dû à un défaut de consolidation en mémoire de travail. C’est-à-dire que l’attribut clef serait encodé de la même manière que l’attribut de réponse, mais ne serait pas reconsolidé en une trace mnésique plus stable et serait ainsi perdu. Dans leur étude les participants devaient cette fois rapporter la localisation, puis lors d’un essai « surprise » la couleur d’une lettre parmi quatre lettres d’une couleur identique à la croix de fixation qui apparaissait au début de chaque essai. Ainsi, dans cette expérience, les participants devaient enregistrer une première fois l’attribut couleur en mémoire de travail, afin de le récupérer lorsqu’ils devaient trouver le stimulus cible correspondant à cette couleur. Les résultats ont montré que dans cette condition expérimentale, l’effet d’amnésie de l’attribut n’était pas observé. Le premier rappel de l’attribut couleur, permettait selon les auteurs de consolider l’attribut en mémoire de travail visuelle, de sorte qu’il puisse être de nouveau rappelé lors de la question surprise.

Une étude de Eitam, Shoval et Yeshurun (2015), suggère que l’apparition d’amnésie de l’attribut dépendrait de la charge cognitive. Dans leur étude les auteurs ont comparé deux expériences dans une procédure semblable à celle de Chen et Wyble (2015). Une de leurs expériences n’a pas montré d’amnésie de l’attribut. Cette expérience différait de celle de Chen et Wyble (2015) sur plusieurs points. Un unique stimulus était présenté de manière centrale dans cette présente étude. Dans l’expérience de Chen et Wyble (2015), quatre stimuli étaient présentés de manière para-fovéale (en périphérie proche de la fovéa). Le temps de présentation des stimuli était de 500 ms, contre 150 ms à 250 ms dans l’étude de Chen et Wyble (2015). Les

(20)

19 auteurs demandaient de rapporter la forme de l’objet, puis la couleur dans une question surprise, ou inversement. Finalement, il y avait huit essais « pré-surprise » contre un minimum de onze dans l’expérience de Chen et Wyble (2015). Cette expérience n’a pas montré de différence dans la qualité des résultats entre la question « surprise » et la question « pré-surprise ». L’amnésie de l’attribut semble donc ne pas apparaitre dans les conditions susmentionnées. Les auteurs l’expliquent par une quantité de charge cognitive peu importante dans cette expérience. En effet, étant donné que l’attention visuelle opère une sélection dans le champ visuel afin de réduire la charge cognitive, plus la charge cognitive est importante, plus la probabilité que des éléments non-pertinents soient traités est faible.

Les études de Chen et Wyble (2015, 2016), ainsi que celle de Eitam, Shoval et Yeshurun (2015), suggèrent que l’attention visuelle ne permettrait pas automatiquement la rétention des différents attributs d’un objet de manière intégrée dans toute situation. Sa fonction d’intégration des attributs dépendrait soit d’un manque de consolidation en mémoire dû au caractère non pertinent de l’attribut, soit de la charge cognitive. La charge cognitive nous semble différer sur un aspect critique entre ces deux études. Il s’agit du nombre d’objets qui n’est pas égal entre les deux expériences. Il est donc possible que le traitement de quatre objets augmente la charge cognitive. Il est également envisageable que l’attention visuelle doive se déplacer rapidement entre les quatre objets. Cela lui donnerait moins de temps de traitement à disposition que pour un unique objet, ce qui diminuerait ses performances.

Cependant, un autre aspect clef diffère entre ces études, il s’agit du type de présentation. Une expérience présentait ces stimuli au centre de l’écran, l’autre non. On peut donc se demander si cet effet pourrait être expliqué par une différence de traitement entre l’attention couverte et la vision centrale (dans la zone fovéale). Une telle différence donnerait une explication alternative à la seconde étude de Chen et Wyble (2016). En effet, dans cette étude, lors de la présentation de la croix de fixation, le traitement de l’attribut se fait une première fois de manière centrale.

La vision fovéale diffère de la vision para-fovéale

L’étude de Chen et Wyble (2015) et celle de Eitam, Shoval et Yeshurun (2015), présentent leurs stimuli à différents emplacements dans le champ visuel. Il est plausible que cette différence de présentation explique leurs différents résultats. En effet, le centre du champ visuel et sa périphérie ne sont pas égaux en termes d’acuité visuelle. Plus on s’éloigne du centre du champ visuel, moins l’acuité visuelle est bonne (Virsu et Rovamo, 1979). Crassini, Brown et Bowman (1988) ont ainsi montré que la détection du bord d’une forme ainsi que la sensibilité aux

(21)

20 contrastes est meilleure au centre de la rétine (zone dite fovéale) qu’en périphérie (à 10 degrés d’angle visuel).

Plus qu’une différence d’acuité visuelle, il pourrait exister une différence attentionnelle entre le traitement fovéal et périphérique. Dans l’expérience de Posner et Cohen (1984), le temps de réaction à une cible était plus court si celle-ci était présentée au centre de l’écran que si elle était présentée en périphérie (à 8 degrés d’angle visuel). Cet effet intervenait même si un indice exogène (un flash de lumière) attirait l’attention vers la cible lorsqu’elle se trouvait en périphérie.

Cependant, l’étude de Chen et Wyble (2015), présente les stimuli à 4.5 degrés d’angle visuel, c’est-à-dire en zone para-fovéale, non pas dans l’espace périphérique. En effet, on dit qu’un stimulus entre dans la zone para-fovéale lorsque celui-ci se trouve projeté entre 1.5 à 5 degrés d’angle visuel (Le Grand, 1975). Une expérience de Holmes, Cohen, Haith et Morrison (1977), a testé l’identification de formes présentées brièvement (pendant 20 ms) à 1, 2, 4 et 6 degrés d’angles visuels de la fovéa. Les résultats ont montré un effet principal de la distance. Plus les formes présentées étaient éloignées du centre, plus le nombre d’erreurs d’identification était élevé. Cet effet montre que la discrimination d’une forme présentée dans le champ para-fovéal n’est pas égal au traitement d’une forme présentée dans le champ fovéal. Donc, un traitement para-fovéal exige probablement plus de ressources attentionnelles. De plus l’effet de la distance entre le centre du champ visuel et le stimulus était accentué si une autre forme était présentée au centre de l’écran, même si celle-ci ne devait pas être traitée. Cet effet suggère que le traitement fovéal prime sur le traitement para-fovéal, sans prise en compte de la pertinence de l’objet à traiter.

Une étude plus récente de Geringswald, Porracin et Pollmann (2016), a montré que notre vision centrale permet de meilleure performance pour l’encodage d’objets en mémoire. Dans leur étude, les auteurs demandaient aux participants de détecter des changements dans une scène visuelle complexe, sur ordinateur. Ce changement était déterminé par la modification de plusieurs attributs des objets. Un scotome de 4 degrés ou de 1.5 degrés d’angle visuel (dav.) était simulé autour de la fovéa de certains participants, en programmant un cercle gris qui apparaissait toujours au centre du champ visuel des participants, occultant leur vision à cet endroit. Ils ont ainsi pu montrer que l’encodage d’un objet était meilleur avec une vision fovéale (condition contrôle sans scotome) qu’avec une vision périphérique (scotome de 4 dav.) Leur étude a également montré que l’attention couverte dirigée vers un objet situé de manière para-

(22)

21 fovéale, à l’aide d’un indice attentionnel exogène, pouvait compenser en partie un déficit de vision fovéale.

Cette étude montre l’importance des zones centrales de la rétine pour le maintien d’objets en mémoire. De plus, cette étude montre le rôle de l’orientation de l’attention couverte sur un objet lors de l’impossibilité de le traiter de manière centrale, afin que celui-ci puisse être rappelé par la suite. Evidemment, ces résultats ne s’appliquent pas forcément à la mémoire de travail, étant donné que l’étude portait sur plus de 4 objets à mémoriser. Mais la mémoire de travail étant la porte d’entrée de la mémoire à long-terme, ces effets s’y retrouvent probablement.

Ainsi, il est possible que l’attention visuelle ne traite pas automatiquement l’espace fovéal et l’espace para-fovéal de manière égale. Lors d’une présentation para-fovéale, il serait nécessaire de diriger l’attention visuelle sur le stimulus d’intérêt, afin que celle-ci enregistre un objet de manière intégrée. L’attention dirigée de manière fovéale enregistrerait les objets de manière intégrée de façon automatique dans tous les cas. Nous avons vu précédemment que l’attention visuelle permet le traitement d’une liaison entre deux attributs et l’enregistrement de ce lien pour une courte durée. Donc, le déficit de rappel constaté quelques instants après son traitement pourrait être dû à un traitement attentionnel moins profond dans le champ para-fovéal, par rapport au champ fovéal.

(23)

22

Question de recherche

Dans la présente recherche, nous espérons répliquer l’effet d’amnésie de l’attribut observé dans l’expérience de Chen et Wyble (2015). Nous chercherons à observer si cet effet apparait avec un unique objet, sans présence de distracteur. Pour rappel, cet effet est défini par une différence de qualité des réponses entre un essai « surprise », lorsqu’il est demandé de rapporter un attribut visuel qui ne devait pas être rapporté auparavant, et le premier essai qui suit, lorsque le participant à conscience de devoir rapporter cet attribut. L’attribut visuel qui doit être rapporté selon les instructions initiales de l’expérience est appelé « attribut pertinent ». L’attribut qui doit être rapporté sans instruction préalable est appelé « attribut surprise ».

Nous chercherons à déterminer si l’amnésie de l’attribut résulte d’une différence de traitement entre l’espace fovéal et l’espace para-fovéal du champ visuel. Nous postulons que l’emplacement dans le champ visuel où est présenté l’objet pourrait être un des facteurs critiques pour expliquer la différence de résultats entre l’expérience de Chen et Wyble (2015) et celle de Eitam, Shoval et Yeshurun (2015). Ainsi, nous nous attendons à observer l’amnésie de l’attribut uniquement lors d’une présentation para-fovéale de l’objet. Nous ne nous attendons pas à observer l’amnésie de l’attribut lors d’une présentation fovéale de celui-ci. Etant donné cette hypothèse, nous nous attendons à observer plus de réponses correctes dans le premier essai contrôle par rapport à l’essai « surprise », lors de la présentation d’un unique objet dans l’espace para-fovéal. En revanche, nous nous attendons à ne pas observer de différence dans la qualité des réponses entre l’essai surprise et le premier essai post-surprise lorsqu’un unique objet est présenté dans l’espace fovéal. Ainsi, lors de l’essai surprise, nous nous attendons à observer un taux de réponses correctes à l’attribut « surprise » supérieur dans la condition fovéale par rapport à la condition para-fovéale.

Pour cette étude, nous nous inspirons des attributs utilisés dans l’étude de Eitam, Shoval et Yeshurun (2015), soit la forme et la couleur. Nous nous attendons à observer des effets d’amnésie de l’attribut similaires pour ces deux attributs en condition para-fovéale. Ainsi, lors d’une condition de présentation para-fovéale, si la forme est l’attribut pertinent, nous nous attendons à observer une faible performance lors de la question « surprise » portant sur la couleur, et inversement si la couleur est l’attribut pertinent.

Dans un second temps, nous testerons si une calibration différente de l’attention visuelle joue un rôle dans la différence d’intégration des attributs entre l’espace fovéal et l’espace para-fovéal (expériences 2 et 3).

(24)

23

Méthode, expérience 1

Population

Nous avons eu 80 participants, âgés de 17 à 32 ans (m=20.76, SD=2.62), dont 46 femmes et 34 hommes. Tous étaient étudiants au cours de psychologie cognitive de l’Université de Genève.

La procédure de l’expérience a été approuvé par la commission éthique de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève et tous les participants ont donné leur accord à la participation et à l’utilisation de leurs données à des fins scientifiques en signant un formulaire de consentement (voir annexe). La participation à cette expérience, combinée à une autre expérience de notre laboratoire dispensée à la suite de celle-ci, leurs octroyaient un crédit supplémentaire d’expérience pour la validation du cours. Les critères pour la participation étaient de ne pas avoir eu d’épilepsie et de ne pas être daltonien. Les participants qui ne réalisaient pas correctement l’étape de calibration ou qui ne parvenaient pas à maintenir leurs regards fixés au milieu de l’écran pour une majorité des essais étaient immédiatement exclus des données.

Matériel et stimuli

L’expérience était programmée sur Matlab (The MathWorks Inc, Natick, MA, USA), en utilisant les extensions Psychophysics Toolbox et Eyelink Toolbox (Cornelissen, Peters &

Palmer, 2002 ; Kleiner, Brainard & Pelli, 2007). Les stimuli ont été projetés sur un écran VIEWPixx (VPixx Technologies Inc. Saint-Bruno, QC, CA), d’une résolution de 1920 x 1200 pixels, mis sur un taux de rafraichissement de 100 Hz. L’expérience s’est déroulée dans une pièce légèrement éclairée. Le participant plaçait sa tête sur une mentonnière, de sorte à ce que ses yeux se situent idéalement face au milieu de l’écran. La distance sujet-écran était d’environ 56 cm. Les mouvements oculaires étaient enregistrés à l’aide d’un eye-tracker Eyelink1000 (SR Research Ltd., Ottawa, ON, CA) d’une fréquence d’échantillonnage de 1000 Hz. Celui-ci était calibré au début de chaque expérience en présentant 5 points dans différents emplacements de l’écran.

Le fond de l’écran était d’une teinte grise, RGB [91, 91, 91] ~27 cd/m2. La croix de fixation était composée d’une ligne verticale et d’une ligne horizontale d’une épaisseur de 1 pixel et d’une longueur de 0.3 degrés d’angle visuel (dav) chacune, présentée dans un gris légèrement plus foncé que le fond d’écran RGB [75, 75, 75] ~17 cd/m2. Ce même gris était utilisé pour la présentation des instructions et des feedbacks d’erreur. Le stimulus de chaque essai était une

(25)

24 forme colorée, choisie aléatoirement dans un registre de quatre formes et quatre couleurs. Les formes utilisées étaient un carré, un losange, un rond et une croix (deux lignes obliques de 0.1 dav d’épaisseur). Leur taille était de 0.6 dav (soit la longueur des côtés du carré/ du losange, le diamètre du cercle, la longueur des barres formant la croix). Les couleurs étaient le rouge, RGB [132, 0, 0] ~17 cd/m2, le vert : RGB [0, 156, 0] ~56 cd/m2, le bleu : RGB [0, 0, 150] ~9 cd/m2 et le jaune : RGB [149, 149, 0] ~73 cd/m2. Les stimuli étaient présentés soit au centre de l’écran, soit de manière para-fovéale, à une excentricité de 4.5 degrés d’angle visuel (dav), sur l’un des quatre angles d’un carré imaginaire.

Procédure

Figure 2 : Procédure de la première expérience. 1) essais pré-surprise. 2) essais surprise et contrôles. a) Condition « présentation fovéale, attribut pertinent couleur ». b) Condition « présentation para-fovéale, attribut pertinent couleur ». Les participants commençaient par 11 essais pré-surprise (sauf si erreur oculaire au 11ème essai, alors un essai pré-surprise est rajouté). Au 12ème essai, ils réalisaient un « essai surprise », puis terminaient par 4 essais post-surprise (identiques à l’essai surprise).

(26)

25 La procédure dans chaque essai est illustrée dans la figure 2. Pendant la phase pré-surprise, chaque essai commençait par une croix de fixation centrale. Ensuite, celle-ci disparaissait pour laisser place à un stimulus, soit au centre (figure 2a), soit en position para-fovéale (figure 2b).

Puis, un écran vide apparaissait à la suite du stimulus. Ces trois premiers écrans étaient présentés pour une durée de 500ms chacun. Finalement, un écran de réponse était présenté listant les quatre différentes couleurs ou les quatre différentes formes, selon la condition expérimentale. Au début de l’expérience, les participants ont reçu l’instruction suivante :

« Regardez attentivement la croix de fixation. Ensuite celle-ci disparaitra pour laisser place à un stimulus (dans la condition « présentation para-fovéale », on rajoutait : « …en périphérie du champ visuel, prenez garde à laisser votre regard au centre de l’écran sans vous laisser attirer par le stimulus »). Vous allez devoir identifier la couleur (ou « la forme » selon la condition expérimentale) du stimulus qui apparaitra à l’écran. Répondez à l’aide des numéros 1, 2, 3 ou 4, en prenant garde, car ceux-ci ne correspondent pas toujours à la même couleur (ou la même forme selon la condition ; dans la figure 2, l’exemple est donné avec la couleur en attribut pertinent. On voit que les numéros de réponses varient pour chaque essai). Vous appuierez ensuite sur ENTER pour passer à l’essai suivant. Vous pouvez déjà positionner votre main droite sur les numéros 1, 2, 3 et 4 et votre main gauche sur la touche ENTER ».

Lors de l’apparition du stimulus, l’eye-tracker contrôlait qu’il n’y ait pas de mouvements oculaires ou de clignement. Si l’une de ces deux erreurs apparaissait, un message était présenté lors de l’écran vide, après la présentation du stimulus, comportant respectivement le feedback

« fixation » et/ou « clignement ». Lors des premiers essais, à chaque erreur, l’expérimentateur rappelait au sujet qu’il devait impérativement regarder le centre de l’écran sans cligner des yeux durant la présentation du stimulus. Une erreur de fixation apparaissait dès un écart de 1.5 dav du regard par rapport au centre de l’écran (horizontalement et verticalement ; évalué toutes les 10ms).

L’expérience commençait par un bloc d’entrainement comportant 17 essais suivant cette procédure. Puis le bloc expérimental était lancé. Ce bloc expérimental comportait d’abord 11 essais pré-surprise comme décrit dans la figure 2.1. Le 12ème essai était « l’essai surprise » (excepté si une erreur oculaire intervenait à cet essai ; dans ce cas, l’essai surprise était repoussé à l’essai suivant). L’essai surprise (voir figure 2.2) était identique aux autres essais, excepté pour l’écran de réponse où la question demandée concernait l’attribut non pertinent pour le sujet, selon la condition expérimentale : Si le sujet avait été instruit de rapporter la couleur au début de l’expérience, on lui demandait alors « quelle était la dernière forme présentée ». Si le

(27)

26 sujet avait été instruit de rapporter la forme au début de l’expérience, on lui demandait alors de rapporter « quelle était la dernière couleur présentée ». L’expérimentateur lisait cette instruction surprise dès l’apparition de celle-ci afin de s’assurer que le participant notait bien un changement de question. L’écran de réponse habituel (portant sur l’attribut pertinent) apparaissait immédiatement à la suite. Finalement, l’essai surprise était suivi de quatre essais contrôles, demandant au participant de rapporter les deux attributs du stimulus, comme dans l’essai surprise.

Plan expérimental : variables dépendantes et indépendantes

La variable dépendante était la réponse correcte ou incorrecte à la question surprise.

Les variables indépendantes de l’expérience étaient le type de présentation ainsi que le type d’attribut pertinent. Chaque participant était assigné à l’une des quatre conditions expérimentales suivantes :

➢ présentation centrale, attribut pertinent couleur (voir figure 2.1),

➢ présentation centrale, attribut pertinent forme présentation ,

➢ para-fovéale, attribut pertinent couleur (voir figure 2.2),

➢ présentation para-fovéale, attribut pertinent forme.

L’expérience suivait donc un plan factoriel de 2x2, avec l’attribut pertinent ainsi que le style de présentation comme facteur(s) inter-sujet.

Analyses

Sauf exceptions mentionnées, les données étaient évaluées à l’aide des tests du Khi-carré sur la réponse dichotomique (correct ou incorrect).

(28)

27

Résultats expérience 1

Résultats principaux

Les résultats principaux de cette expérience sont basés sur une seule réponse par participant, lors de la question surprise ou lors du premier essai contrôle. Ils sont analysés par un test du khi carré.

Afin de comparer les résultats des réponses surprises de manière identique à Chen et Wyble (2015), nous avons comparé l’essai surprise au premier essai post-surprise. La condition

« présentation para-fovéale, attribut pertinent couleur » a montré une différence significative, χ2(1)=11.39, p<.001). Ainsi, dans cette condition le nombre de réponses reliées à la forme dans l’essai surprise (n=8/20 ; figure 3, droite, en bleu) était plus faible que dans le premier essai contrôle (n=19/20 ; pas illustré dans la figure). Conformément à nos attentes, nous avons pu répliquer l’effet d’amnésie de l’attribut lors de la présentation d’un objet unique en présentation para-fovéale. Contrairement à nos attentes, l’effet d’amnésie de l’attribut n’a pas été constaté dans les deux modalités d’attributs. En effet, la couleur n’a pas montré de différence entre l’essai surprise (n=19/20 ; figure 3, gauche, en bleu), par rapport au premier essai contrôle (20/20 ; χ2(1)=0.00, p=1.00).

Dans les deux conditions de présentation fovéale, la performance lors du premier essai post- surprise a été soit à 95% (19/20), soit à 100% (20/20) correcte. Il n’y a pas eu de différence significative entre l’essai surprise et le premier essai contrôle (attribut surprise couleur : χ2(1)=0.00, p=1.00 ; attribut surprise forme : χ2(1)<0.28, p>.600). L’effet d’amnésie n’a donc pas été observé dans les conditions de présentation fovéale conformément à nos attentes. L’effet d’amnésie de l’attribut semble donc apparaitre uniquement lors d’une présentation para-fovéale et non pas lors d’une présentation centrale.

En comparant uniquement les performances lors de l’essai surprise, comme représenté dans la figure 3 (gauche), pour les participants dont l’attribut pertinent a été la forme, le nombre de réponses correctes à l’attribut surprise de couleur suite à une présentation para-fovéale (n=19/20; 95%) n’a pas été significativement différent du nombre de réponses correctes suite à une présentation fovéale (n=20/20; 100%), χ2(1)=0.00, p=1.00). Pour les participants dont l’attribut pertinent a été la couleur, le nombre de réponses correctes à l’attribut surprise de forme (figure 3, droite) suite à une présentation para-fovéale (n=8/20; 40%) a été significativement

(29)

28 inférieur à ceux ayant répondu suite à une présentation fovéale (n=17/20; 85%), χ2(1)=6.23, p=.009).

Figure 3 : Nombres de réponses correctes lors de la question surprise, selon l’attribut demandé (attribut surprise) et le type de présentation (n=80).

* : p<.05 // ** : p<.005

En résumé, ces résultats ont montré, premièrement, que l’amnésie de l’attribut peut être observée suite à la présentation d’un unique objet ; deuxièmement, que la performance lors d’un essai surprise est modulée par l’emplacement de la cible dans le champ visuel. Plus précisément, l’amnésie de l’attribut a été observée suite à une présentation para-fovéale, mais non lors d’une présentation fovéale. Ces deux résultats sont donc conformes à nos hypothèses. Cependant, l’amnésie de l’attribut n’a pas été observée lors d’une présentation para-fovéale de l’attribut

« surprise » couleur. Contrairement à nos hypothèses, l’amnésie de l’attribut n’a pas été modulée par le type de présentation pour un attribut « surprise » de couleur.

Essais contrôle

Dans la totalité des essais contrôles (« post-surprise »), conformément à nos attentes, il a été observé un taux de réponses correctes de 98.75% (4 erreurs sur 320 essais). Cela montre que la réponse à l’attribut « surprise » est très facile à indiquer lorsque l’on y est préparé.

Références

Outline

Documents relatifs

Deux formulations à libération prolongée d’antibiotique ont été testées dans la présente étude : une nouvelle formulation à base de POE contenant, comme principe actif,

The antiphospholipid syndrome (APS) was first described in 1983 (Hughes). APS is an autoimmune disorder characterized by: 1) the presence of antiphospholipid antibodies

Variabilité et contraintes dans la construction des significations d'un objet d'enseignement.. L'effet d'un outil pour enseigner le

Relativement à ces résultats, nous pouvons valider notre deuxième hypothèse qui suppose que les participants mettront plus de temps pour effectuer la tâche, dans les

L'introduction dans notre législation d'une durée légale valable autant pour l'effet personnel que pour l'effet réel du droit devrait conduire à ce que toute l'ancienne

Cet article s’intéresse à trois objets qui ont soulevé des controverses entre différents acteurs aux intérêts parfois opposés : un sanctuaire bouddhiste, construit dans le

Pourtant, ce qui aurait pu avoir de l’intérêt dans le cadre de la présente recherche aurait été de mesurer le développement de l’acceptation sociale envers les élèves

Le rôle de l'hormone de croissance (HC) dans la reproduction féminine est devenu un sujet d'intérêt au cours de la dernière décennie. L’utilisation de l’ HC pour