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L'effet de la qualité de l'immersion sur l'acquisition de la compétence sociolinguistique en FLE : étude de productions d'apprenants anglophones d'Irlande

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

L'effet de la qualité de l'immersion sur l'acquisition de la compétence sociolinguistique en FLE : étude de productions d'apprenants

anglophones d'Irlande

CHAMOT, Mathilde

Abstract

Ce travail, réalisé dans le cadre du projet « InterPhonologie du Français Contemporain » (http://cblle.tufs.ac.jp/ipfc/), examine l'acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants anglophones irlandais de FLE ayant effectué un séjour en immersion. Notre étude porte sur trois variables sociolinguistiques attestant de l'acquisition de cette compétence : la chute du « ne » de négation, celle du schwa (dans « je ») et celle du /l/ (dans « il(s) »). Pour ces trois éléments, la variation et la conscientisation de celle-ci ne sont pas identiques chez les natifs, ce qui se reflète également dans les ressources pédagogiques existantes. L'effet de la qualité du séjour en immersion est également examiné. Nos résultats montrent l'existence d'une hiérarchie dans l'acquisition des trois variables. Parallèlement, l'analyse du contenu des conversations permet d'entrevoir l'existence de divers facteurs influençant directement l'emploi de ces variables et le regard que les participants portent sur leur utilisation.

CHAMOT, Mathilde. L'effet de la qualité de l'immersion sur l'acquisition de la compétence sociolinguistique en FLE : étude de productions d'apprenants anglophones d'Irlande. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:134905

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Faculté des Lettres

École de langue et de civilisation françaises (ELCF)

L’effet de la qualité de l’immersion sur l’acquisition de la compétence sociolinguistique en FLE : étude de

productions d’apprenants anglophones d’Irlande

Mémoire

Master de Français Langue Étrangère

Directrice : Professeure Isabelle Racine, ELCF, UNIGE Jurée : Professor Vera Regan, UCD

Janvier 2020

Mathilde CHAMOT

Rue Jean-Violette 16 1205 Genève mathilde.chamot@etu.unige.ch 11-315-512

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Remerciements

Le travail de mémoire est, d’après mon expérience, une étape très stimulante, mais s’apparente à un chemin plutôt sinueux vers le sommet de la montagne et, avant d’atteindre ce dernier, on ne se rend jamais bien compte du temps et du soutien dont on a besoin pour la gravir. Du haut de cette montagne, je souhaite maintenant remercier tous ceux qui, parfois sans le savoir, m’ont aidée et soutenue.

Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement ma directrice de mémoire, la Professeure Isabelle Racine, qui, malgré un emploi du temps bien rempli, a toujours pris le temps de faire des retours complets et des suggestions très claires. Merci pour son appui, ses encouragements et sa confiance pour la mise sur pied d’un projet tel.

To Professor Vera Regan, thank you for the warm welcome in Dublin and the kind hospitality. I am very grateful for the help and support, especially at times when I thought informatics got me ! Thank you for the several lunches/teatimes together along with the interesting discussions about sociolinguistics and Irish history.

Un immense merci à Marion Didelot pour l’aide et l’accompagnement dans le traitement, la vérification et l’analyse des données, ainsi qu’à Romain Isely pour sa disponibilité et son aide, notamment dans la préparation de ma présentation pour le Workshop de Fribourg et dans la recherche de références parfois difficilement trouvables.

Je remercie le directeur de l’ELCF, le Professeur Laurent Gajo, pour l’aide financière dans le cadre de mon séjour en Irlande, ainsi que Judith Pellizari pour les diverses démarches administratives. Je remercie également les collaboratrices et collaborateurs de l’ELCF pour les remarques constructives et les conseils précieux suite à la présentation de mes premières données lors de la journée du colloque du 15 mai 2019.

Toute ma gratitude va aux participantes et participants irlandais-es qui ont accepté de participer à l’étude et de parler de leur apprentissage du français malgré la présence d’un micro.

S’ils n’avaient pas partagé les détails de leur expérience, ce travail de mémoire aurait pris une autre tournure.

Un grand merci à mes acolytes de FLE, Simona, Yuriko et Carole, pour leur accueil et leur amitié alors que je rejoignais en milieu de parcours les rangs des cours de FLE, ainsi que pour les messages d’encouragement et les « sessions bibli ». Ces années auraient été bien moins chouettes sans vous ! Un merci tout particulier à Carole pour les relectures attentives.

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2 Merci aussi à ma sœur, Lola, ainsi que Léa, Aurore, Margaux, Caroline, Noémie, Eva, Ameidie et le reste de la « team » d’anglais, et bien d’autres encore pour les messages ou les pauses dans la journée qui permettent de s’aérer l’esprit.

Un merci particulier à Joris, qui, depuis toutes ces années, me soutient dans les choix que je fais et me rassure dans les (nombreuses) périodes de doutes. Merci aussi pour les remarques toujours constructives et merci d’être la force tranquille dont j’ai besoin dans les moments de panique.

Et pour terminer, je remercie mes parents, Vera et Pierre-Yves, qui m’ont apporté leur soutien durant toutes mes études – si longues soient-elles ! Merci pour les messages et les encouragements tout au long du chemin.

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Table des matières

Introduction ... 6

Partie théorique ... 8

Chapitre 1 : Éléments de contexte ... 9

1.1. L’Irlande et l’enseignement des langues ... 9

1.2. Le français en Irlande ... 11

1.3. L’enseignement du français à l’University College Dublin ... 13

1.4. Parcours et profils des participants de l’étude ... 16

Chapitre 2 : L’acquisition de la compétence sociolinguistique en L2 ... 19

2.1. Définitions et place de la compétence sociolinguistique ... 21

2.1.1. Définition de la compétence sociolinguistique par les linguistes et sociolinguistes... 23

2.1.2. Définition de la compétence sociolinguistique par le CECRL ... 24

2.2. Facteurs d’acquisition de la compétence sociolinguistique ... 28

2.2.1. Facteurs identitaires ... 29

2.2.2. Qualité et quantité d’input... 34

2.2.3. Contexte d’apprentissage ... 37

2.3. Phénomènes et acquisition de la compétence sociolinguistique ... 40

2.3.1. La chute du « ne » de négation ... 45

2.3.2. La chute du schwa dans « je » suivi d’une consonne... 50

2.3.3. La chute de la liquide /l/ dans « il(s) » suivi d’une consonne ... 52

Chapitre 3 : Approche par corpus ... 56

3.1. Exemples de corpus et de travaux à partir de corpus ... 59

3.2. Cadre de l’étude : le projet IPFC ... 64

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3.2.1. Le volet irlandais du projet IPFC ... 67

Partie pratique ... 70

Chapitre 4 : Étude sur l’acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants irlandais de français langue étrangère ... 71

4.1. Objectifs de l’étude ... 71

4.2. Méthode ... 72

4.2.1. Participants ... 73

4.2.2. Matériel et procédure ... 74

4.2.3. Analyse des données ... 76

4.3. Résultats ... 79

4.4. Discussion générale ... 89

Conclusion ... 99

Bibliographie ... 104

Annexes ... 114

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In our globalised world, greater contact with other societies and other people highlights issues of language learning and language

competence.

Regan, Howard et Lemée (2009 : 1)

Language is a means of identity-building and community-building as much as of communication. Using a certain language, or using it in a certain way, will place you inside (or outside) a social group and earn

you (or lose you) a position of strength and status.

Delabastita (2005 : 174)

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Introduction

Comme l’indique Cook (2002 ; 2003), la vaste majorité de la population mondiale actuelle est plurilingue. Les déplacements à travers le monde, les échanges divers et les migrations nous invitent à s’adapter, voire à s’identifier, temporairement ou sur la durée, à d’autres communautés. Regan, Howard et Lemée (2009 : 3) indiquent que, dans un processus d’adaptation, la connaissance de la langue du point de vue de la grammaire et des éléments structurels n’est qu’une partie des compétences et des savoir-faire nécessaires à cette adaptation et que les compétences socioculturelles et sociolinguistiques, qui permettent d’accéder à une communication réelle entre pairs, sont tout aussi importantes. D’après Trévise et Noyau (1984 : 181), la langue, qu’il s’agisse d’une L1 ou d’une L21, n’est pas un simple instrument neutre de communication. Les auteurs indiquent que les individus ne cherchent pas seulement à se faire comprendre mais sont profondément impliqués dans la langue et son usage en tant qu’elle relève d’un comportement social et d’un code de conduite. De prime abord, un apprenant de français langue étrangère ou de toute autre langue étrangère n’est pas pourvu d’une connaissance sociolinguistique de ladite langue. C’est au cours de l’apprentissage de cette L2 qu’il peut l’acquérir et la mettre en pratique.

S’intéresser à l’acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants de langues étrangères, c’est essayer de comprendre l’usage social que l’apprenant fait de la langue et la manière dont il s’érige en tant que locuteur de la L2 dans la communauté de cette langue.

L’acquisition ou, au contraire, la non-acquisition de la compétence sociolinguistique nous informe sur les modalités d’apprentissage, sur l’identité de l’apprenant qu’il construit à travers la perception qu’il a de lui-même ainsi que celle d’autres locuteurs et sur les conditions sociales de l’apprentissage. En se basant sur des phénomènes observables dans la langue orale qui attestent de la compétence sociolinguistique d’un apprenant, les études du domaine de la sociolinguistique ont la possibilité d’obtenir des informations quant à la manière dont la langue étrangère est considérée par les locuteurs natifs de ladite langue et enseignée et perçue par les enseignants, les manuels et les didacticiens. Grâce à ces informations, il est possible de saisir davantage le processus d’acquisition, de suggérer des méthodes d’enseignement, d’essayer de

1 Les abréviations de L1 et L2 seront utilisées tout au long de ce travail. Celle de L1 fera ici référence à la première langue d’un individu et celle de L2 sera utilisée pour se référer à la/aux langue(s) étrangère(s) de cet individu. L2 sera donc ici employé comme un synonyme de langue étrangère.

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7 déconstruire des stéréotypes, ou encore de réorienter, le cas échéant, l’apprentissage et l’enseignement.

Ce travail propose d’examiner l’acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants irlandais de français langue étrangère ayant séjourné dans un pays ou une région francophone et d’analyser plus particulièrement l’influence de l’immersion en milieu francophone sur l’acquisition de cette compétence. La première partie de ce travail se concentrera sur des aspects théoriques, dans le but de mieux saisir les résultats et les pistes de réflexion qui ont émané de cette étude, présentée dans la partie pratique. Le premier chapitre présentera tout d’abord le contexte du terrain d’enquête, la République d’Irlande. Il y sera question de l’enseignement du français comme langue étrangère, de la place qui est conférée à cette langue dans la société irlandaise et des profils d’apprenants interrogés lors de la récolte de données en Irlande, qui sont étudiants à Dublin et qui suivent un cursus de français à l’University College Dublin. Le deuxième chapitre permettra de définir la compétence sociolinguistique dans l’apprentissage d’une L2, de comprendre les enjeux que soulèvent l’acquisition de celle-ci dans la pratique du français et de présenter quelques facteurs influençant l’acquisition de cette compétence. Il y sera notamment question de phénomènes pouvant attester de l’acquisition de la compétence sociolinguistique qui seront examinés dans l’étude de la partie pratique. Le troisième chapitre présentera le cadre de notre étude, le projet IPFC, ainsi que des corpus de langue orale utilisés pour des travaux de recherche et/ou pour l’enseignement du FLE en classe de langue. La partie pratique (chapitre quatre) présentera l’étude menée sur les productions de dix apprenants de français L2, étudiants à l’UCD et ayant passé entre six et dix mois d’immersion dans un pays ou une région francophone. Il sera question d’examiner l’acquisition de la compétence sociolinguistique par ces apprenants au moyen de l’analyse de l’emploi de trois variables sociolinguistiques dans leurs usages. Les objectifs, le profil des participants ainsi que le matériel et la procédure y seront détaillés, suivis de deux parties traitant des résultats obtenus ainsi que des interprétations possibles de ces résultats. L’étude permettra de soulever des éléments particulièrement pertinents relatifs, notamment, aux enjeux identitaires, à l’enseignement ou à la thématisation de la variabilité de la langue, ainsi qu’à l’impact de la qualité du séjour en immersion dans l’acquisition de la compétence sociolinguistique. Enfin, la conclusion reviendra sur les éléments essentiels soulevés dans la discussion générale du chapitre quatre et élargira les interprétations des résultats de l’étude au champ de l’enseignement et aux possibilités de recherche.

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Partie théorique

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Chapitre 1 : Éléments de contexte

Ce premier chapitre a pour objectif d’amener le contexte géographique de l’étude menée dans le cadre de ce travail. L’Irlande, et en particulier Dublin, constitue le terrain de recherche de la présente étude. Plus précisément, les données ont été récoltées à l’University College Dublin (UCD) au sud de la ville de Dublin et les participants étaient tous des étudiants irlandais qui suivaient un cursus de français à l’UCD.

L’Irlande, ou République d’Irlande en forme longue, se situe sur l’île éponyme au nord- est de l’Europe. Elle comptait 4.8 millions d’habitants en 20182 et sa capitale est Dublin. Elle est par ailleurs membre de l’Union européenne (UE) depuis 1973, ce qui fait d’elle une nation favorisant particulièrement l’échange et la mobilité de la communauté académique par le biais du programme Erasmus de l’UE. Ce premier chapitre sert notamment de mise en contexte en matière de politique d’enseignement des langues en Irlande, et en particulier pour le cas de l’enseignement de la langue française. L’Irlande entretient une relation privilégiée avec la langue française depuis plusieurs siècles pour des raisons historiques et politiques, et elle possède aujourd’hui encore une tradition valorisant particulièrement son apprentissage au deuxième et troisième cycle d’études.

Dans un premier temps, ce chapitre présentera la politique d’enseignement des langues étrangères dans les écoles publiques et celle du français plus particulièrement. Il s’agira par ailleurs de comprendre également comment les liens tissés entre l’Irlande et la France à travers les siècles permettent d’entrevoir aujourd’hui l’enseignement du français en Irlande comme l’héritage d’une alliance politique et culturelle entre les deux pays. Ce chapitre donne dans un second temps le contexte d’enseignement du français à l’University College Dublin ainsi que les différents profils et parcours des participants de l’enquête.

1.1.L’Irlande et l’enseignement des langues

La Constitution de la République d’Irlande stipule que le gaélique irlandais, aussi appelé

« irlandais », en tant que langue nationale, est la première langue officielle du pays et que l’anglais est la seconde (Republic of Ireland, 1937 : article 8). Le pays est donc officiellement

2 Population development in Ireland, Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/web/population-demography- migration-projections/visualisations [30.07.2019].

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10 bilingue et la politique linguistique de celui-ci valorise particulièrement l’irlandais et favorise son apprentissage dès l’entrée à l’école. Mais les Irlandais ont un bilinguisme que David- McGonnell (2016 : 1) qualifie d’« asymétrique ». En effet, selon le recensement irlandais d’avril 2011, seuls 39.8% de la population résidant en Irlande se disent capables de parler l’irlandais, qui est par ailleurs employé principalement dans les Gaeltachtaí, qui sont les régions reconnues par le gouvernement dans lesquelles l’irlandais est la langue vernaculaire.

Les élèves de l’école publique en Irlande apprennent l’irlandais à partir du niveau primaire et jusqu’à la fin de l’école obligatoire. De plus, ils ont la possibilité d’apprendre une langue étrangère à partir de l’école secondaire. En Irlande, l’apprentissage d’une langue étrangère au niveau secondaire intervient comme troisième langue (L3)3, puisque l’apprentissage du gaélique irlandais (L2) est obligatoire durant la scolarité primaire et secondaire. L’apprentissage d’une langue étrangère est par ailleurs une option et non une obligation en Irlande. En effet, la loi sur l’éducation (Education Act) de 1998, qui établit les dispositions et l’application de mesures générales pour l’éducation à l’échelle nationale de l’Irlande, ne fait aucunement référence à l’enseignement des langues étrangères (Oireachtas, 1998 : article 9 sur les fonctions de l’école), comme le souligne David-McGonnell (2016) qui traduit un extrait de cet article dans Le français en République d’Irlande :

Les objectifs de l’école consistent à promouvoir le développement moral et spirituel des élèves, l’égalité des chances, l’éducation sociale et sanitaire, la langue et les traditions gaéliques et à identifier et subvenir aux besoins éducatifs de tous les élèves.

(David-McGonnell, 2016 : 2)

La valorisation de la langue et de la culture irlandaise est bien mise en évidence dans la loi de 1998, mais aucune mention de l’apprentissage d’une ou de plusieurs langue(s) étrangère(s) n’est faite. Le rapport de 2005 intitulé Language Education Policy Profile of Ireland du Conseil de l’Europe souligne par ailleurs que « no foreign language is compulsory in the curriculum »4 (Conseil de l’Europe, 2005 : 11). La législation irlandaise ne rend par conséquent pas obligatoire l’apprentissage d’une langue étrangère. Malgré cela, le National Languages

3 C’est le cas pour un individu qui a pour langue première l’anglais (L1) et qui a appris l’irlandais dès son entrée à l’école (L2) ; dans le cas d’un individu qui aurait une langue maternelle qui ne soit ni l’anglais ni l’irlandais et qui suit un cursus scolaire en Irlande, l’apprentissage d’une langue étrangère au niveau secondaire intervient alors comme L4, L5, etc.

4 « aucune langue étrangère n’est obligatoire dans le cursus scolaire » [traduction personnelle].

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11 Strategy (2011) de la Royal Irish Academy recommande l’apprentissage d’une langue étrangère au niveau supérieur de l’école primaire et suggère « that advanced proficiency in a third language be made a universal requirement in order to integrate plurilingualism into the curriculum »5 (Royal Irish Academy committee for modern language, literary and cultural studies, 2011 : 14). Selon Pagès (2016), l’apprentissage d’une langue étrangère est par ailleurs fortement recommandé pour l’accès au troisième cycle d’étude (universités, instituts et hautes écoles). Il est même indispensable et obligatoire pour l’accès à certaines filières d’études à l’université, ce qui, comme le souligne David-McGonnell (2016 : 2), a pour conséquence de

« stimuler les effectifs d’élèves choisissant une langue étrangère à l’école secondaire ».

Le français est la langue étrangère la plus étudiée actuellement au niveau secondaire en Irlande, devant l’allemand, l’espagnol et l’italien (Royal Irish Academy committee for modern language, literary and cultural studies, 2011 : 4). Il en résulte que le français est de manière générale la langue étrangère la plus enseignée en Irlande, comme il semble être le cas depuis le dix-neuvième siècle (David-McGonnell, 2016). Dans le troisième cycle d’étude, le français arrive également en première position des langues les plus étudiées. Les langues suivantes sont l’allemand, l’espagnol et l’italien, mais au contraire de ces langues-là, les cursus d’études de français à l’université ne proposent pas toujours un apprentissage de la langue ab initio (Royal Irish Academy committee for modern language, literary and cultural studies, 2011 : 4). Afin de mieux comprendre les raisons du statut privilégié du français en Irlande, le sous-chapitre suivant présente synthétiquement quelques pans d’histoire, qui mettent en exergue les bonnes relations entre la France et l’Irlande, ainsi que l’établissement de représentations francophones sur le territoire irlandais, ce qui contribue à la diffusion et à l’expansion de la langue française et des cultures francophones.

1.2. Le français en Irlande

Les raisons du statut privilégié du français en Irlande sont historiques et remontent à plusieurs siècles. Selon Fréchet (1954), le lien particulier entre l’Irlande et la langue française trouve son origine notamment dans les alliances politiques entre la France et l’Irlande qui existent depuis plusieurs siècles. Il souligne en effet que, au dix-septième siècle, dans le contexte du

5 « qu’un niveau avancé dans une L3/LE soit un prérequis universel de façon à intégrer le plurilinguisme dans le cursus scolaire » [traduction personnelle].

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12 colonialisme britannique en Irlande, le mouvement du patriotisme irlandais cherche l’alliance de la France qui est elle-même en conflit avec l’Angleterre, et que, de plus, à cette époque-là, les prêtres catholiques irlandais se rendent dans les Collèges d’Irlandais fondés en France pour se former, suite à l’invasion de l’Angleterre protestante en Irlande. Fréchet (1954) ajoute que, en parallèle de ces mouvements d’Irlandais catholiques vers la France, les Huguenots, protestants du Royaume de France, s’installent en Irlande à la suite des dragonnades et contribuent au développement industriel et économique de l’est de l’Irlande. Des écoles françaises sont construites dans toute l’Irlande et « de jeunes Irlandais même les fréquentent pour y apprendre la belle langue française » (Fréchet, 1954 : 221). O’Connor (1986) relève quant à elle qu’au dix-neuvième siècle, alors que les lois à l’encontre des catholiques se sont assouplies, de nombreux pensionnats en Irlande sont dirigés par des religieuses catholiques françaises et l’étude du français figure dans les programmes d’éducation de ces établissements.

Le français jouit déjà d’une forte popularité, car il représente la France, qui, comme le relève Pagès (2011 : 52), est alors « considérée par de nombreux Irlandais comme un haut lieu de culture et de sophistication ».

Pagès (2011) indique de plus que dès le milieu du vingtième siècle, l’accès à l’éducation pour tous se développe en Irlande, alors que jusque-là l’apprentissage des langues étrangères est réservé aux meilleurs élèves. Il en résulte que le pourcentage d’élèves apprenant le français augmente de 55% en vingt ans, d’après les chiffres fournis par Pagès (2011) : 64% en 1980, contre 41.2% en 1960. Par ailleurs, en 1967, la France et l’Irlande signent un accord, dans lequel l’article 1er stipule :

Le Gouvernement d’Irlande encourage l’enseignement de la langue française dans les cours qui sont donnés dans les établissements scolaires et les écoles normales. Il favorise également le développement de l’enseignement de cette langue dans les universités et les institutions privées ainsi que par tous les moyens extra-scolaires, notamment par des émissions radiophoniques et télévisée.

(Journal officiel de la République française, 1968 : 2013-2014)

La signature de cet accord culturel entre les deux pays ainsi que la loi de l’accès à l’éducation pour tous ont probablement pour résultat une forte augmentation de l’offre de cours en français.

Le grand nombre d’élèves étudiant le français à cette période-là permet de penser que les générations d’alors peuvent influencer les générations d’aujourd’hui en âge d’étudier une

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13 langue étrangère dans leur choix de l’une d’entre elles. A ce propos, O’Laoire (2007) souligne que le choix des élèves d’apprendre une langue étrangère peut être en effet guidé par les parents, mais également par la société. La langue française semble toujours à l’heure actuelle bénéficier d’un rayonnement majeur dans la société irlandaise. Pagès (2016) souligne d’ailleurs que la popularité de la langue française semble perdurer au sein des établissements scolaires de deuxième et de troisième cycles. Le français est l’une des vingt-quatre langues de l’Union européenne et est synonyme d’employabilité auprès de la population étudiante, d’après les informations obtenues dans le cadre de la présente étude.

L’Irlande compte cinq Alliances françaises qui promeuvent le français et son statut, ainsi que les cultures francophones. Elles sont implantées à Dublin, Cork, Limerick, Kilkenny et Waterford-Wexford. En parallèle des cours de français langue étrangère, elles organisent notamment un festival annuel de littérature franco-irlandaise à Dublin (Franco-Irish Literary Festival), un festival de cinéma francophone à Cork (Cork French Film Festival) et des évènements culturels (concert, expositions). Le Irish Film Institute organise aussi annuellement un festival de cinéma à Dublin, le French Film Festival. Il existe également un Lycée français d’Irlande à Dublin et des programmes privés d’échanges linguistiques entre l’Irlande et la France. Pour David-McGonnell (2016), la présence de ces différentes institutions, qui promeuvent la langue française, son apprentissage ainsi que les cultures francophones en Irlande, permet de penser que le français joue un rôle important dans le paysage irlandais et qu’il est au jour d’aujourd’hui toujours très valorisé au sein de la société irlandaise.

1.3. L’enseignement du français à l’University College Dublin

L’University College Dublin (ci-après, UCD) est l’une des trois universités de Dublin. Elle se situe au sud de la capitale et comptait 33'973 étudiants pour l’année académique 2017-20186. La Faculté des Lettres et des Arts de l’UCD, et plus particulièrement l’École de langues, cultures et linguistique propose un cursus d’études de français, dans le cadre de différents programmes de Bachelor pour lesquels il est possible de choisir deux ou trois branches. Certains de ces programmes de Bachelor comprennent une année obligatoire à l’étranger durant leur troisième année d’étude, dans le cadre du programme d’échange Erasmus.

6 UCD by numbers, https://www.ucd.ie/about-ucd/about/ucdbynumbers/ [23.07.2019].

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14 Le plan d’étude de français à l’UCD stipule qu’il n’existe pas de cours de langue pour débutants, ce qui implique que des cours de français aient été suivis au préalable au niveau secondaire et que le français ait été une branche évaluée à l’examen du Leaving Certificate, qui est le diplôme de fin d’études secondaires en Irlande. L’offre de cours à l’UCD dans le cadre du cursus de français peut varier d’une année à l’autre, mais en première et deuxième années, des cours spécifiques de langue sont obligatoires et leur réussite constitue un prérequis pour accéder aux années suivantes. Ces cours de langue portent sur la grammaire du français, ainsi que sur la compréhension et l’expression orales. Dans le descriptif du programme des cours (UCD Course Search in French Undergraduate Programme), il est spécifié que l’étudiant qui réussit l’évaluation des cours de langue de première année progresse vers le niveau B1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001, 2018) (ci-après, CECRL) et que, dans le cas de la réussite des cours de deuxième année, l’étudiant a atteint le niveau B2 du CECRL. Au cours de la troisième année du cursus (ou quatrième année, dépendamment d’un échange Erasmus en troisième année), deux cours de langue de niveau avancé sont également proposés, mais il semble qu’ils ne soient pas obligatoires. Dans le descriptif du cours de langue « Expression avancée » de troisième année figurent des objectifs tels que comprendre le français parlé complexe et le transcrire correctement, notamment dans des exercices de dictée, lire le français sophistiqué employé dans les journaux, s’exprimer dans un langage élaboré complexe ou encore être capable de lire à haute voix dans un français correct du point de vue de la prononciation.

Les autres cours proposés dans le cadre du cursus de Bachelor en français à l’UCD portent essentiellement sur la littérature et certains mouvements littéraires ou historiques qui façonnent la culture littéraire et particulièrement celle de la France. On relève notamment dans l’offre de cours pour l’année 2019-2020, des enseignements portant sur le roman réaliste, la poésie française, la France d’aujourd’hui, Versailles et la Cour de Louis XIV, ou encore un séminaire sur le siècle des Lumières. D’autres séminaires à choix portent spécifiquement sur les écrits de Marcel Proust, de Jean Racine et de Denis Diderot. Quelques rares enseignements portent sur la littérature francophone d’autres pays avec notamment un séminaire sur la littérature québécoise, ainsi qu’un autre sur l’écriture migrante dans le monde francophone et notamment de Haïti, du Canada, de l’Afrique du Nord. L’offre de cours dans le cadre du cursus de français à l’UCD est donc principalement littéraire, à l’exception des cours de langue et grammaire mentionnés précédemment ainsi qu’un séminaire d’introduction à l’acquisition des langues étrangères qui figure dans les cours en option.

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15 D’après les propos des étudiants de l’UCD recueillis dans le cadre de cette étude, certains cours de culture et de littérature du cursus de français sont dispensés en anglais, mais la lecture des textes en classe se fait néanmoins toujours dans la langue originale. Certains séminaires indiquent dans leur descriptif qu’une connaissance du français écrit est requise pour suivre le cours et/ou que les dissertations effectuées dans le cadre de l’évaluation du cours sont rédigées en anglais. Selon les informations recueillies à l’UCD lors du séjour sur place effectué dans le cadre de cette recherche, il semblerait que les enseignants de français de l’UCD aient une formation plutôt classique et littéraire en français et qu’ils se concentrent essentiellement sur l’aspect écrit de la langue durant les cours qu’ils dispensent, et notamment sur la compréhension de textes littéraires et d’articles de journaux d’un niveau de langue avancé. Ce dernier aspect semble corroboré par l’offre de cours du cursus de français présentée précédemment. En outre, d’après les indications recueillies concernant le cursus de français à l’UCD, la langue orale est peu abordée dans les cours et certaines spécificités de celle-ci ne semblent être ni thématisées ni enseignées.

Parmi les carrières proposées au terme des études de français à l’UCD, on trouve en particulier l’enseignement, le business international, l’administration et la politique au sein de l’Union européenne, le journalisme, la traduction ou encore le tourisme (UCD Undergraduate Prospectus, 2019 : 35). Certains participants de notre enquête se destinaient à l’enseignement du français en Irlande au moment de l’enregistrement. Dans les critères d’admission pour l’enseignement post-primaire (Teaching Council’s curricular subject requirements post- primary, 2013 : 27), le Teaching Council d’Irlande indique requérir de la part des futurs enseignants de langues étrangères qu’ils aient résidé au minimum deux mois dans un pays où la langue étrangère est parlée et qu’ils attestent de leur niveau B2.2 du CECRL dans ladite langue. La justification de ce niveau peut être amenée soit par une institution privée à même d’évaluer les niveaux de langue, soit par la personne en charge du département de la langue étrangère en question de l’université où le cursus académique a été effectué. Dans un communiqué de 2016 intitulé Response to the National Council for Curriculum and Assessment’s Draft specification for junior cycle modern foreign languages, la Royal Irish Academy exprime son désaccord sur la manière dont sont envisagés les diplômes universitaires des futurs enseignants de langues étrangères. Elle estime que le milieu académique ne peut en aucun cas fournir une preuve d’un niveau de maitrise d’une langue et que le diplôme obtenu dans un cursus de langue à l’université permet d’attester de la réussite d’un parcours académique et non d’un niveau particulier de maitrise d’une langue. Dans le même document, la Royal Irish Academy indique de plus qu’il semble particulièrement inadéquat qu’un

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16 professeur d’une université atteste du niveau de langue d’un futur enseignant de langue étrangère, et que cette disposition présente le risque que le futur enseignant de langue débute sa carrière sans la compétence nécessaire dans ladite langue. Jusqu’ici cependant, ces recommandations n’ont, à notre connaissance, pas eu d’influence directe sur le dispositif d’enseignement des langues étrangères en Irlande.

1.4. Parcours et profils des participants de l’étude

L’enquête menée à l’UCD a permis de récolter les données de vingt-deux participants, dont quatre garçons et dix-huit filles. Au moment de la récolte de données à l’UCD, les vingt-deux participants de l’enquête étaient tous des étudiants de Bachelor. Cinq participants étaient en deuxième année, qui est l’année précédant l’éventuel séjour en immersion, deux étaient en troisième année et n’avaient pas pu ou n’avaient pas souhaité partir en immersion, et enfin quinze participants étaient en quatrième année, dont douze étaient partis en immersion. Vingt- et-un participants étudiaient le français ainsi qu’une autre branche dans leur cursus à l’UCD, et ces deux branches avaient la même pondération pour le diplôme de Bachelor. Le participant restant était un diplomate retraité qui avait entrepris de suivre le cursus de français à l’UCD pour le plaisir.

Pour dix-neuf participants, l’anglais était leur seule langue première. Deux participants avaient comme langues premières le yoruba et l’anglais et une autre participante le filipino et l’anglais. Le français intervenait comme deuxième langue étrangère pour les vingt-deux participants, car ils avaient tous appris le gaélique irlandais durant leur cursus à l’école primaire.

Sans tenir compte du séjour en immersion de douze étudiants de quatrième année, dix-sept participants sur les vingt-deux totaux avaient toujours vécu en Irlande. Des cinq autres participants, deux avaient vécu à Londres en Angleterre jusqu’à leur neuf ans, une aux Philippines jusqu’à ses onze ans et un à Bruxelles durant les quatre ans de l’école secondaire où il fréquentait une école internationale. Le dernier participant avait vécu quatre ans en Italie, quatre ans aux Pays Bas, cinq ans en Autriche, cinq ans au Danemark, quatre ans en Belgique et quatre ans à Chypre pour sa carrière de diplomate. Des vingt-deux participants, deux avaient déclaré au moment de l’enquête avoir passé régulièrement depuis leur enfance quelques semaines voire quelques mois de vacances en France, en raison d’entraînements de ski ou parce que la famille possédait une maison de vacances.

(20)

17 Avant leur entrée à l’UCD, vingt-et-un participants avaient suivi des cours de français durant cinq ou six ans à l’école secondaire en Irlande. Un participant avait été scolarisé à Bruxelles durant quatre années de l’école secondaire, mais avait auparavant suivi des cours de français à l’école secondaire en Irlande. Cinq participants avaient préalablement suivi des cours d’introduction à raison d’une ou deux heures par semaine au cours de leur scolarité primaire.

En-dehors des parcours scolaires, deux participants avaient suivi des cours d’été de français dans une école à Biarritz en France entre deux années d’école secondaire, et une avait suivi des cours de français dans une institution privée en Irlande durant l’été entre deux années d’école secondaire. Une autre participante avait quant à elle suivi des cours de français dans un des centres de l’Alliance française en Irlande pendant la dernière année d’école secondaire.

Concernant leurs études à l’UCD, neuf participants étudiaient une autre langue comme seconde branche. Sur ces neufs participants, quatre d’entre eux étudiaient l’anglais, deux étudiaient l’allemand, deux l’espagnol et une l’italien. Concernant les autres participants, deux d’entre eux étudiaient le commerce, deux l’économie, deux les mathématiques, deux la politique internationale et les quatre restants la sociologie, les sciences politiques, la linguistique et la musique. Le participant qui était un diplomate retraité n’avait pas d’autre branche et suivait le cursus de français à l’UCD uniquement. Sur les quinze participants de quatrième année, douze avaient effectué un séjour en immersion durant leur troisième année d’études de Bachelor. Des douze participants, deux étaient partis en Allemagne et en Espagne et dix étaient partis dans un pays ou une région francophone. Le séjour en immersion de ces dix participants dans un pays ou une région francophone est l’un des aspects au cœur de l’étude présentée dans le chapitre quatre de ce travail. Le profil des participants retenus pour l’étude sera donc présenté en détails à la section 4.2.1.

Globalement, le parcours d’apprentissage du français de ces différents participants indique que l’instruction en classe semble être le moyen le plus utilisé pour l’apprentissage du français, à l’exception de deux participants ayant vécu dans la ville de Bruxelles quelques années et sans tenir compte du séjour en immersion dans un pays ou une région francophone dont ont pu profiter certains étudiants de quatrième année dans le cadre de leurs études. Il est intéressant de relever par ailleurs que ces étudiants, qui ont passé la grande partie de leur scolarité en Irlande, ont des profils relativement plurilingues et qu’ils possèdent des connaissances dans trois langues au minimum. La grande majorité d’entre eux ont même plutôt des connaissance dans quatre langues ou plus, qui sont essentiellement des langues européennes. Le profil des participants de l’enquête et les débouchés proposés par l’UCD

(21)

18 semblent ainsi indiquer que les parcours scolaires en Irlande sont principalement tournés vers l’Europe.

Au terme de ce premier chapitre, on retiendra en particulier que l’Irlande possède une longue tradition d’enseignement du français et qu’elle entretient depuis longtemps des liens étroits avec la France et ce qui a trait à la langue française, qu’il s’agisse de littérature, d’histoire ou de cinéma. Le français jouit d’un rayonnement particulièrement marqué dans l’enseignement en Irlande et les effectifs dans les cursus de français dans les différents cycles d’études corroborent l’idée que la langue française est toujours éminemment valorisée et très bien perçue au sein de la société irlandaise. L’Irlande est traditionnellement francophile et les études de français à l’UCD, qui amènent les étudiants à suivre un cursus orienté vers la France et son histoire, la littérature française classique et les courants littéraires caractéristiques de la France participent à faire perdurer cette valorisation au sein de la société irlandaise.

(22)

19

Chapitre 2 : L’acquisition de la compétence sociolinguistique en L2

L’étude de l’acquisition d’une langue étrangère implique de comprendre la manière dont les apprenants acquièrent cette langue et les connaissances qu’ils ont de celle-ci. Les façons d’apprendre une langue étrangère sont multiples et les locuteurs non natifs d’une langue passent souvent par une phase d’apprentissage conscient, contrairement aux locuteurs natifs de cette langue. Young (1999) souligne que puisque l’acquisition et l’utilisation d’une L2 se font toutes deux dans un contexte social, il est indispensable pour le domaine de recherche en Second Langue Acquisition (ci-après, SLA, pour Acquisition d’une langue seconde) de comprendre la manière dont sont interreliés les différents contextes sociaux d’une part, et l’acquisition et l’utilisation de la langue étrangère d’autre part.

Différentes études en sociolinguistique (voir p. ex. les travaux de Labov pour l’anglais, et ceux de Gadet pour le français) ont montré que les locuteurs natifs d’une langue possèdent une compétence particulière dans la langue orale de leur L1, qui consiste à alterner entre différentes formes linguistiques qui possèdent la même signification, mais qui n’expriment néanmoins pas la même chose d’un point de vue social. Ces alternances entre deux ou plusieurs phénomènes sont très fréquentes dans la langue orale en L1 et affectent différentes composantes du langage, telles que la morphosyntaxe, la phonologie, le lexique, etc. Cette langue orale se caractérise donc par une grande variation dans l’usage de phénomènes (voir p. ex. Gadet, 2003 et 2007), appelés aussi « variantes ». La langue française semble être particulièrement sujette à cette variation et, selon Gadet et Tyne (2007), la variation en français représente un obstacle non-négligeable pour les apprenants du français langue étrangère. La capacité à maîtriser cette variation est ce que l’on appelle la compétence sociolinguistique (Tyne, 2004, 2012). Elle est définie par cet auteur comme l’aptitude à connaître et à produire un langage contextuellement adapté à la situation, qu’il s’agisse d’un discours politique, d’une interaction avec des commerçants, d’une discussion entre amis, d’un rendez-vous professionnel ou d’une émission de radio. Comme le soulignent Armstrong et Smith (2002), l’emploi de ces différentes variantes par les locuteurs de cette langue, qu’ils soient des locuteurs L1 ou L2, permet de signaler des aspects de leur identité sociale : leur âge, leur genre, l’appartenance à un groupe, la classe sociale, etc. Gadet (2007) indique à propos de la variation attestée dans les usages des locuteurs qu’elle « se manifeste sous une grande diversité » (2007 : 32), qu’elle « est co-extensive à l’exercice de la langue et ne constitue pas un phénomène en plus de l’essentiel de la langue, conçue comme homogène selon les représentations les plus fréquentes » (2007 : 32-33).

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20 A ce propos, le français semble posséder un statut spécial, eu égard à son histoire et son rayonnement en Europe, ainsi qu’à son statut de langue particulièrement étudiée à travers le monde. Regan, Howard et Lemée (2009 : 15) disent de cette langue qu’elle est « one of the most normative languages in Europe »7. De plus, Gadet (2007) indique que les locuteurs du français adhèrent fortement, d’une part, à l’idéologie d’une langue standard et, d’autre part, « à la représentation d’une langue unique, immuable et homogène » (2007 : 31). Cette langue standard, toujours selon Gadet (2007), serait en particulier considérée comme parachevée dans sa forme écrite. D’après l’auteure, cette idéologie est spécialement établie en France et exportée dans toute la francophonie et cette particularité sociolinguistique fait de la langue française « un pôle extrême, même parmi les langues très standardisées des États-nations occidentaux » (2007 : 33). L’existence chimérique de cette langue standard est renforcée par la volonté d’établir une norme subjective qui « impose aux locuteurs une contrainte collective » (2007 : 28). Gadet (2007) indique que cette norme est très valorisée, au détriment des formes orales, moins acceptées car considérées comme populaires, malgré qu’elles soient attestées chez les locuteurs natifs. A propos de l’écart entre les canaux oral-écrit de la langue, Blanche-Benveniste (2003) indique que

[l]orsqu’il est question de la langue française, de sa grammaire et de son lexique, c’est en général de la langue écrite qu’il s’agit. La grammaire et le lexique de langue parlée n’apparaissent dans les ouvrages de référence, la plupart du temps, que comme des curiosités marginales dignes d’un petit musée des horreurs de la langue.

(2003 : 317)

Ainsi, la forme écrite du français semble communément considérée comme la langue française en tant que telle, et le caractère standard qui lui est conféré en fait le modèle à suivre à l’oral également. Gadet (2007 : 27-28) souligne à propos de ce standard qu’il est supposément pratiqué par des locuteurs au rang social élevé, et que toutes les autres variétés sont considérées comme des déformations de la langue.

Le problème engendré par cette vision étroite de la langue est en particulier exacerbé lorsqu’il s’agit d’enseigner ou d’acquérir le français L2. En effet, comme l’ont montré de nombreux auteurs (Weber, 2006 ; Waugh et Fonseca-Greber, 2002 ; Vialleton et Lewis, 2014),

7 « une des langues les plus normatives en Europe » [traduction personnelle].

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21 le type de français enseigné dans les ouvrages, les manuels ou en classe a une influence considérable sur l’acquisition et la maitrise de la langue par l’apprenant. Ces auteurs relèvent que les apprenants n’ont ainsi pas toujours l’occasion d’acquérir les connaissances nécessaires pour comprendre et mettre en pratique les formes variables observées dans les productions des locuteurs natifs. Leurs travaux ont montré que les apprenants ont de grandes difficultés à utiliser la langue de façon adaptée et en adéquation avec le contexte social. Il en résulte que, comme l’indiquent Surcouf et Ausoni (2018), les apprenants se retrouvent bien souvent dans une situation d’inconfort et d’insécurité, où il leur est impossible de s’affirmer en tant que locuteurs du français.

Le présent chapitre se donne pour objectif d’établir tout d’abord une définition plus précise de la compétence sociolinguistique et d’en comprendre les enjeux dans l’apprentissage d’une L2 et du français plus particulièrement (2.1.). Il y sera également question de paramètres liés aux conditions d’acquisition et de facteurs identitaires propres à l’apprenant et influencés par la sphère sociale, car ils déterminent directement – et parfois de manière inconsciente – l’acquisition de la compétence sociolinguistique en L2 (2.2.). Finalement, la section 2.3.

présentera différents phénomènes de la compétence sociolinguistique, et en particulier ceux dont il sera question dans la partie empirique de ce travail, et amènera parallèlement une réflexion sur l’enseignement de ces formes.

2.1. Définitions et place de la compétence sociolinguistique

La notion de compétence sociolinguistique a émergé dans les années nonante en marge du courant variationniste de la sociolinguistique de la seconde moitié du XXème siècle. Tyne (2012), Lyster (1994) ainsi que Regan, Howard et Lemée (2009) la définissent comme l’aptitude du locuteur d’une langue à adapter son discours en fonction du contexte, de l’interlocuteur et des normes socioculturelles de ladite langue. Tyne (2012) précise que la compétence sociolinguistique prend comme point d’ancrage la dimension variationnelle de la langue, c’est-à-dire que la langue n’est pas une structure figée, mais est amenée à varier selon des facteurs historiques, géographiques, et socioculturels. La variation semble être, dans l’usage social, une caractéristique commune à toutes les langues et Gadet (2007 : 13) mentionne d’ailleurs à ce propos : « il n’est pas de langue que ses locuteurs ne manient sous des formes diversifiées ». La compétence sociolinguistique comprend donc la variabilité de la langue, mais Regan, Howard et Lemée (2009) ajoutent que la communication entre individus implique de

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22 plus d’avoir une connaissance des cultures locales et de connaître les spécificités de la langue et ses détails sociolinguistiques. Selon ces auteurs (2009 : 2), l’intégration de ces connaissances dans l’usage est « what permits people to communicate fully with others in a manner which respects their humanity as social beings »8. Ils ajoutent que la compétence sociolinguistique, en tant qu’elle désigne ces connaissances liées à la variabilité et à l’utilisation sociale de la langue, est donc fondamentale dans la communication. Gadet et Tyne (2007 : 3) relèvent d’ailleurs que la « santé » d’une langue est évaluée selon « la diversité stylistique9 que manifestent ses locuteurs : tant que la langue est vivace, il y a diversité voire enrichissement de la gamme stylistique ».

Regan, Howard et Lemée (2009 : 2) soulignent en outre que, dans l’acquisition d’une langue étrangère et dans la perspective d’une socialisation dans cette langue, la connaissance de la variation sociolinguistique de la L2 est nécessaire pour la bonne communication entre membres d’une même communauté langagière. En effet, selon eux, la communication en L2 peut difficilement être envisageable avec une connaissance générale « inter-nation » qui fait fi des structures réelles de la L2 et de la manière dont celles-ci sont mises en œuvre dans l’usage par les communautés de locuteurs qui l’emploient. Ainsi, la compétence sociolinguistique est essentielle dans l’apprentissage d’une L2, « tellement [elle] est ancré[e] dans le fonctionnement social de la langue » (Tyne 2004 : 47).

Cette compétence se retrouve également dans le Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001) (ci-après, CECRL). Elle apparaît en effet comme l’un des trois piliers des compétences communicatives langagières. Dans le CECRL (2001), la compétence sociolinguistique est néanmoins définie d’une façon qui permet de l’associer à la compétence pragmatique, qui est l’un des autres piliers des compétences communicatives langagières tels qu’envisagés par le CECRL.

Afin de mieux comprendre comment est envisagée la compétence sociolinguistique et la place qui lui est faite dans l’acquisition d’une L2, les deux sous-sections suivantes proposent de présenter différentes définitions : celle, d’une part, que lui confèrent les sociolinguistes et spécialistes de l’acquisition d’une L2, et celle, d’autre part, donnée par le CECRL qui semble être à la croisée de différentes compétences.

8 « ce qui permet aux locuteurs d’une langue de communiquer pleinement avec les autres d’une façon qui respecte leur humanité en tant qu’êtres sociaux » [traduction personnelle].

9 Selon Gadet et Tyne (2007), la notion de style fait référence au fait que le locuteur d’une langue ne parle pas constamment de la même façon. Ils ajoutent que le terme « style » a peu à peu été remplacé par « compétence sociolinguistique » (Gadet et Tyne 2007).

(26)

23 2.1.1. Définition de la compétence sociolinguistique par les linguistes et sociolinguistes

Regan, Howard et Lemée (2009) relèvent que durant la seconde moitié du XXème siècle, période durant laquelle on considère que le domaine de l’acquisition en langue seconde (SLA) s’est développé de façon conséquente, les recherches se sont concentrées essentiellement sur l’apprentissage de la grammaire et sur l’acquisition de la compétence linguistique dans la L2.

L’acquisition de la compétence sociolinguistique était alors considérée comme marginale, intervenant à la fin du processus d’apprentissage d’une langue, à l’image d’une « cerise sur le gâteau » (Tyne, 2019 : 4), ou du « icing on the cake »10 (Regan, Howard et Lemée, 2009 : 2).

Tyne (2009 : 262) déclare qu’il lui semble difficile de considérer la compétence sociolinguistique comme étant une caractéristique qui s’acquiert à la fin de l’acquisition d’une langue et suggère plutôt de l’envisager comme faisant partie intégrante du « gâteau ».

L’émergence des études portant sur l’acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants de langues étrangères forme donc un courant de recherche récent qui, comme le soulignent Mougeon et Dewaele (2002), remonte aux années nonante. Ces derniers indiquent que ce nouveau courant a pour but d’« examiner l’acquisition des règles variables de la langue cible par les apprenants des langues étrangères ou secondes » (2002 : 1). André et Tyne (2010) soulignent que, dans le paradigme variationniste, l’émergence de ce courant s’intéressant de plus près à la compétence sociolinguistique et à son acquisition en L2 permet d’envisager « la variabilité comme une qualité chez l’apprenant dans la mesure où celui-ci fait preuve d’une capacité à varier comme un natif » (2010 : 1-2).

Dans son étude publiée en 1994, Lyster définit la compétence sociolinguistique comme étant la capacité à être approprié dans l’utilisation d’une L2. De manière plus détaillée, il s’agit de l’aptitude de l’utilisateur/apprenant d’une langue à reconnaître et produire un langage socialement approprié dans un contexte donné (Lyster, 1994 : 263). Il inclut également dans sa définition la sensibilité ou la connaissance du locuteur L2 des différences existant dans la variation et dans les registres de cette L2. Regan, Howard et Lemée (2009), quant à eux, définissent la compétence sociolinguistique comme faisant référence à la dimension qui permet de colorer le rapport de l’utilisateur/apprenant à la L2 et à la communauté de locuteurs de cette L2. Autrement dit, la compétence sociolinguistique permet, d’après eux, d’ajouter une teinte particulière à l’utilisation d’une langue et d’y associer la dimension sociale du langage, en tant qu’elle détermine la place de l’utilisateur/apprenant de la langue au sein d’un groupe. En effet,

10 « glaçage sur le gâteau » [traduction personnelle].

(27)

24 Regan, Howard et Lemée (2009 : 2) soulignent que la compétence sociolinguistique comprend la volonté de l’utilisateur/apprenant d’appartenir au groupe ou à la communauté de locuteurs de la L2, le façonnement de son identité linguistique dans la communauté, ainsi que la manière dont il construit cette identité à travers le langage. A propos du positionnement identitaire de l’utilisateur/apprenant de la langue, Tyne (2004) indique que l’approche sociolinguistique concernant les échanges communicatifs entre individus permet de considérer l’apprenant comme un locuteur de la L2, qui est autrement « voué à jamais au rôle d’apprenant » (2004 : 47). La compétence sociolinguistique est donc un élément essentiel de la compétence communicative et une composante indispensable pour la communication entre locuteurs d’une langue. Tyne (2004) souligne d’ailleurs que la compétence sociolinguistique est une « nécessité interactionnelle » (2004 : 47) et Regan, Howard et Lemée (2009) affirment qu’elle est « as crucial in enabling learners to communicate with other people as is grammar »11 (2009 : 2).

Contrairement à la définition de la compétence sociolinguistique donnée par le CECRL (cf. section 2.1.2. ci-dessous), la définition qu’en donnent les sociolinguistes permet d’appréhender la compétence sociolinguistique comme un phénomène plus global dans la communication. En effet, la définition donnée par les sociolinguistes prend en considération le positionnement et l’identité de l’apprenant dans son utilisation de la langue, qui vont de pair avec l’adéquation de son discours dans une situation de communication. Tyne (2012) fait remarquer que, malgré la multiplicité des appellations employées pour faire référence aux divers aspects de la compétence communicative, « elles renvoient toutes, d’une manière ou d’une autre, à des éléments sociolinguistiques de la communication » (2012 : 104).

2.1.2. Définition de la compétence sociolinguistique par le CECRL

Dans sa version de 2001, le CECRL indique que, lorsque les utilisateurs/apprenants d’une langue mobilisent des aptitudes générales12 pour réaliser des intentions communicatives, ils les combinent en une compétence communicative. Celle-ci se divise en trois composantes distinctes : la compétence linguistique, la compétence sociolinguistique et la compétence pragmatique. A propos de la compétence sociolinguistique, le CECRL (2001) indique qu’elle

11 « aussi cruciale en ce qu’elle permet aux apprenants de communiquer avec les autres que l’est la grammaire » [traduction personnelle].

12 Concernant les compétences ou aptitudes générales de l’utilisateur/apprenant, voir le chapitre 5.1 ‘Compétences générales’ pages 82 à 86 du CECRL (2001).

(28)

25

« renvoie aux paramètres socioculturels de l’utilisation de la langue », qu’elle « affecte fortement toute communication langagière entre représentants de cultures différentes » (2001 : 18) et qu’elle « porte sur la connaissance et les habiletés exigées pour faire fonctionner la langue dans sa dimension sociale » (2001 : 93). Le CECRL (2001 : 93-94) ajoute que la compétence sociolinguistique implique la connaissance de certains éléments spécifiques des échanges entre utilisateurs de la langue, tels que l’usage des salutations, les conventions de prise de parole, les différences de registres ou encore les marques linguistiques propres à certains dialectes et accents. Il souligne de plus que la compétence sociolinguistique est « sensible aux normes sociales [telles que les] règles d’adresse et de politesse, [la] régulation des rapports entre générations, sexes, statuts, groupes sociaux, [et la] codification par le langage de nombre de rituels fondamentaux dans le fonctionnement d’une communauté » (2001 : 18). Autrement dit, la compétence sociolinguistique telle qu’elle est qualifiée dans le CECRL (2001) concerne particulièrement la langue dans son usage communicatif vis-à-vis des attentes des interlocuteurs ainsi que des normes édifiées par la société et la communauté de locuteurs de ladite langue.

Dans la version de 2001, le CECRL présente un étalonnage de niveaux de la compétence sociolinguistique qui porte le titre équivoque de ‘Correction sociolinguistique’. A propos du terme correction tel qu’il est employé dans le CECRL (2001), Petit (2007) estime que « la logique qui préside à son emploi n’apparaît pas toujours clairement – il est parfois nécessaire de rechercher un éclairage complémentaire dans la version anglaise – et la conception qu’a le [CECRL] de la notion reste difficile à cerner » (2007 : 69). En effet, le CECRL (2001) inclut également le terme correction dans le titre de la grille de niveau de la ‘Correction grammaticale’

(2001 : 90), ce qui, selon Petit (2007), « ne paraît pas relever d’une même acception de la correction » (2007 : 69) tel qu’employé dans le titre de ‘Correction sociolinguistique’. Il souligne par ailleurs que la version anglaise du CECRL fait usage de ‘Grammatical accuracy’

(pour ‘Correction grammaticale’) et de ‘Sociolinguistic appropriateness’ (pour ‘Correction sociolinguistique’), qu’il qualifie de « plus appropriés » (2007 : 69). Ces problèmes de cohérence dans la traduction des termes amènent une confusion dans la manière dont sont envisagés les étalonnages de niveaux, et notamment ceux qui concernent la compétence sociolinguistique. Petit (2007) retient néanmoins que « dans son emploi nominal, la correction ne paraît pas être, pour le [CECRL], très différente de la maîtrise ou du contrôle » (2007 : 69).

Du point de vue de l’acquisition d’une L2, la compétence sociolinguistique, telle qu’elle est considérée par le CECRL (2001), semble donc être envisagée dans la perspective d’un degré de maîtrise répondant à une conformité.

(29)

26 Le Volume complémentaire du CECRL de 2018 indique que la compétence sociolinguistique « porte sur la connaissance et les habiletés exigées pour faire fonctionner la langue dans sa dimension sociétale » (2018 : 143). La version de 2018 remplace donc

« dimension sociale », que l’on trouve dans la version du CECRL de 2001, par « dimension sociétale », ce qui permet d’étendre la multiplicité des rapports sociaux entre les individus à l’échelle de la société. Le volume complémentaire du CECRL de 2018 présente une nouvelle grille de niveaux intitulée ‘Adéquation sociolinguistique’ (2018 : 144), au lieu du titre de

‘Correction sociolinguistique’ (2001 : 95) que l’on trouve dans l’édition de 2001. L’étalonnage de niveaux de la compétence sociolinguistique présenté dans le Volume complémentaire (2018) reprend les notions clefs déjà énoncées dans l’édition de 2001, mais ajoute quelques précisions concernant la capacité de l’utilisateur/apprenant à procéder à des ajustements de la langue pour s’adapter à la situation et au contexte.

Les participants de l’étude présentée au chapitre quatre sont des étudiants de français de dernière année de Bachelor à l’UCD. Le programme des cours du cursus de français à l’UCD stipule qu’au terme du Bachelor de français, l’étudiant a acquis le niveau B2 du CECRL.

Concernant la compétence sociolinguistique, le CECRL de 2001 précise qu’à partir du niveau B2, « les apprenants sont capables de s’exprimer de manière adéquate dans une langue appropriée aux situations et aux acteurs sociaux et ils commencent à acquérir la capacité de faire face aux variations du discours et de mieux maîtriser le registre et l’expression » (2001 : 95). La version de la grille complétée qui figure dans le Volume complémentaire du CECRL (2018) indique que, du point de vue de la compétence sociolinguistique, l’utilisateur/apprenant de niveau B2 peut « modifier en connaissance de cause sa façon de s’exprimer pour qu’elle corresponde à la situation », « adapter son expression », « s’exprimer convenablement en situation », « s’exprimer avec assurance, clairement et poliment dans un registre formel ou informel adapté à la situation et aux personnes en cause », ou encore, peut « poursuivre une relation suivie avec des locuteurs de la langue cible » (2018 : 144).

Dans les deux versions du CECRL, la section qui concerne la compétence sociolinguistique est suivie de celle qui traite de la compétence pragmatique. Cette dernière est, pour rappel, l’une des trois composantes de la compétence communicative langagière, avec les compétences linguistique et sociolinguistique. Il est intéressant de se pencher également sur la notion de compétence pragmatique telle qu’elle est définie par les deux versions du CECRL, car cette compétence semble en effet n’être que peu éloignée de celle de la sociolinguistique.

La version du CECRL de 2001 indique que la compétence pragmatique porte sur les connaissances de l’utilisateur/apprenant en termes d’organisation du message à communiquer

(30)

27 et de la structure du discours. Certaines composantes de la compétence pragmatique concernent en particulier la capacité de l’utilisateur/apprenant à adapter leur discours au contexte et à la situation d’énonciation. Un des descriptifs du niveau B2 de cette compétence indique même que l’utilisateur/apprenant « peut intervenir dans une discussion de manière adéquate en utilisant la langue qui convient » (2001 : 97). Dans le Volume complémentaire (2018) également, certains éléments qui relèvent de la compétence pragmatique ne semblent pas être très éloignés de ceux indiqués dans la section portant sur la compétence sociolinguistique des deux versions du CECRL (2001 ; 2018). Il est indiqué en effet que la compétence pragmatique comprend « la sélection des choix sociolinguistiques corrects » (Volume complémentaire, 2018 : 145), et implique de « parler longuement, avec des choses adéquates à dire dans une grande variété de contextes » (Volume complémentaire, 2018 : 145), d’« adapter le langage appris à des situations nouvelles et [de] formuler ses pensées de différentes façons » (Volume complémentaire 2018 : 146). Le Volume complémentaire de 2018 fait par ailleurs la distinction entre la compétence linguistique, qui traite de l’utilisation de la langue, et la compétence pragmatique, qui concerne « l’utilisation réelle du langage dans la (co-)construction du discours » (2018 : 145). Rien n’est cependant indiqué pour distinguer les compétences sociolinguistique et pragmatique.

Dans les deux éditions du CECRL (2001 ; 2018), les indications qui relèvent de la compétence pragmatique portent donc quelque peu à confusion, car elles mentionnent la capacité d’adapter et d’ajuster le langage adéquatement à la situation, ce qui n’est pas sans rappeler les caractéristiques de la compétence sociolinguistique mentionnées dans les deux versions du CECRL. Par conséquent, les compétences pragmatique et sociolinguistique restent relativement difficiles à distinguer sur la base des indications données pour l’une et l’autre des compétences dans les deux versions du CECRL.

Si l’on compare la définition des linguistes et sociolinguistes avec celles données dans les deux versions du CECRL (2001 ; 2018), il semble que l’approche des linguistes et sociolinguistes permette d’envisager le phénomène de la compétence sociolinguistique d’un point de vue plus global. En effet, les définitions des deux éditions du CECRL ne font que peu référence à la dimension sociale de cette compétence. La définition donnée par les linguistes et sociolinguistes semble, quant à elle, montrer que la compétence sociolinguistique fait partie intégrante de l’acquisition d’une L2 et que sa maitrise est essentielle pour la bonne communication entre individus. Le sous-chapitre suivant présente de manière non-exhaustive les facteurs pouvant influencer l’acquisition de la compétence sociolinguistique.

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