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Chapitre 4 : Étude sur l’acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants

4.2. Méthode

4.2.3. Analyse des données

La présente étude a uniquement exploité les conversations guidées entre les participants et l’enquêtrice, car cette tâche permettait d’obtenir des occurrences des trois variables à examiner.

Les entretiens de la tâche de conversation guidée ont été transcrits orthographiquement par l’enquêtrice selon la procédure et les conventions établies spécifiquement pour le projet IPFC

77 (Racine et al., 2011) dans le logiciel Praat (Boersma et Weenink, 2019), qui permet l’annotation et la transcription d’enregistrements, et notamment l’alignement entre la transcription orthographique et le signal sonore. Les transcriptions ont ensuite été vérifiées par une autre personne native du français. Enfin, les occurrences des trois variables (le « ne » de négation, le schwa dans la structure je_C et la liquide dans la structure il(s)_C) ont été identifiées par le biais de la transcription puis écoutées à plusieurs reprises. Les occurrences de réalisation et de chute ont ainsi été comptabilisées manuellement dans un tableau via le logiciel Excel. Un premier examen des taux de chute par participant a montré une grande variabilité dans les résultats. Il est néanmoins utile de rappeler que la présente étude a été menée sur la base d’un très petit corpus et qu’un corpus plus volumineux permettrait peut-être de montrer des tendances plus précises.

En outre, la phase de transcription des entretiens a permis de confirmer des observations qui avaient été faites durant la récolte de données en Irlande. Ces observations concernaient un aspect de leur expérience d’immersion en pays ou région francophone, qui constituait un paramètre nouveau et non-négligeable dans l’analyse des données. En effet, l’expérience individuelle du séjour en immersion semblait être une composante déterminante dans le bilan qu’ils tiraient de leur expérience à l’étranger. Deux types d’expérience semblent se dégager de leurs témoignages : certains semblaient avoir réellement profité de leur séjour pour interagir avec des natifs, alors que d’autres, non. Ainsi, suite à l’étape de transcription, une phase de tri des données s’est imposée. Deux « juges » ont procédé à une sélection uniquement sur la base du contenu – et non de la forme – des conversations et deux groupes distincts ont finalement émergé : le groupe profité+, d’une part, avec les participants qui semblent avoir pleinement profité de leur immersion et, d’autre part, le groupe profité– qui rassemble les participants qui en ont moins profité. Le groupe profité+ comprend six participants, tandis que le groupe profité– compte quatre participants. La différence entre ces deux groupes repose sur la qualité du séjour en immersion, en termes d’inputs et de contacts avec les natifs en français. Pour illustrer la procédure de tri qui a été effectuée, des extraits transcrits sont présentés ci-dessous.

Le premier extrait est celui de CC1, qui était en séjour à Paris durant neuf mois au cours de sa troisième année de Bachelor et qui était sur place pendant les grèves d’étudiants de 2018, durant laquelle les cours universitaires ont été suspendus. Elle explique qu’en raison des grèves, elle a dû trouver un autre moyen de pratiquer le français pour pallier l’absence de cours et de moments de rencontre avec des francophones :

78 j'ai fait des amis avant ça français et je n'ai pas je ne les ai pas vus à

aux cours et donc j'ai dû euh les envoyer des messages pour rencontrer pour se voir et ça (m'aidait/m'a aidée) parce que j'ai pa- j'ai passé le temps de de parler avec mes amis au lieu de être à côté d'eux en classe […]

<oui> et j- j'ai appris des choses euh par exemple des choses qu'on dit euh à l'oral avec des amis au lieu d- du cours […] et j'ai jamais entendu avant ça mais ça je ne pouvais pas apprendre aux cours mais mes amis m'a m'a appris m'a enseigné [rires] avec des amis c'est un autre langue complètement [rires] et c'est c'est bon d'apprendre les deux

(CC1, groupe profité+) Le deuxième extrait illustre aussi le groupe profité+ et est tiré de l’entretien avec une participante qui a séjourné à Paris et en Bretagne pendant six mois en qualité de jeune fille au pair. Elle souligne que son français s’est beaucoup amélioré pendant une partie du séjour qu’elle a passé en compagnie des grands-parents des enfants, car ils ne parlaient pas anglais :

particulièrement les grands-parents des enfants euh ils parlent pas un mot d'anglais [rires] […] pendant deux deux semaines je crois on est à

Bretagne dans une maison de vacances avec les grands-parents et au matin et après-midi les enfants font une cours de tennis et choses comme ça donc j'étais [rires] presque seule avec les grands-parents et cette deux semaines j'ai amélioré beaucoup parce que il y a pas d'autre choix

(CM1, groupe profité+)

Le troisième extrait, qui illustre cette fois le groupe profité–, est celui de CH1 qui a passé neuf mois à Paris pour sa troisième année de Bachelor. Elle dit n’avoir pas côtoyé de locuteurs francophones pendant son séjour et précise qu’il n’y a pas eu d’amélioration dans son français :

j'ai passé mon temps avec euh les autres (Irlandais/Irlandaises) au lieu de Français et alors mon français euh n'est mh n'était n'a n'a pas été euh amélioré beaucoup

(CH1, groupe profité–)

79 Le quatrième et dernier extrait illustre aussi le groupe profité– et est tiré de l’entretien avec une participante qui a passé huit mois à Paris. Elle explique dans cet extrait qu’elle a parlé principalement anglais pendant son séjour en raison de son cercle sur place :

j'ai parlé anglais beaucoup de temps à Paris car mes (amis/amies) là ils sont américaines et australiennes et anglaises

(RB1, groupe profité–)

Ces quatre extraits illustrent les deux catégories profité+ et profité– du point de vue de l’expérience d’immersion en fonction de l’input en français et des contacts avec les locuteurs natifs. Ces quatre participantes ne semblent pas avoir profité de la même qualité d’immersion et c’est sur la base de cette observation qu’a été formulée la seconde hypothèse de l’étude présentée à la section 4.1.