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Chapitre 4 : Étude sur l’acquisition de la compétence sociolinguistique par des apprenants

4.3. Résultats

Pour chaque participant, le nombre total d’occurrences, le nombre de chutes et le taux de chute a été calculé pour chaque phénomène (cf. tableau 1). Des calculs statistiques n’ont pas été effectués dans le cadre de cette étude par manque de volume de données. L’augmentation du volume de données et des calculs statistiques permettraient toutefois d’obtenir des résultats exacts et précis et de légitimer les résultats en pourcentages présentés ici, dont les tendances globales donnent déjà matière à réflexion.

80

Participants « ne » de négation schwa dans je_C liquide dans il(s)_C

Chute Total des

Tableau 1 : Nombre de chutes et nombre total d’occurrences pour chaque phénomène examiné par participant.

La tableau 1 présente le nombre de chutes, le nombre total d’occurrences et le taux de chute en pourcentage pour chaque participant dans la partie supérieure du tableau et pour chacun des deux groupes dans la partie inférieure. On observe beaucoup de variabilité entre les participants et la présentation des résultats selon les deux groupes permet d’avoir une vision plus claire des résultats et d’attester de la pertinence des deux groupes.

Dans la suite de cette section, nous présenterons séparément les résultats pour chaque phénomène. Les trois structures, qui sont pour rappel la chute du « ne » de négation, la chute du schwa dans « je » suivi d’une initiale consonantique et la chute de la liquide dans les pronoms « il » et « ils » suivis d’une initiale consonantique, ont été abrégées respectivement

« NE », « JE » et « IL » dans les différentes figures de cette section.

La première hypothèse était celle d’une hiérarchisation de ces trois structures (cf. section 4.1.). Sur la base de ce que suggèrent Regan, Howard et Lemée (2009), il est en effet attendu que la chute du « ne » de négation, qui est une variable plus thématisée dans l’enseignement du FLE que les deux autres, soit la variable la mieux acquise des trois. Viendraient ensuite, dans l’ordre, la chute du schwa dans je_C et celle de la liquide dans il(s)_C, qui sont, pour rappel,

81 des variables moins voire pas thématisées en classe ou dans les manuels de FLE (cf. section 2.3.). La figure 1 illustre indique le taux de chute moyen par structure tout d’abord globalement, pour les deux groupes (profité–/profité+) confondus.

On observe une nette différence de taux de chute entre la structure avec le « ne » de négation, d’une part, et les deux autres structures avec le « je » et le « il(s) », d’autre part. En effet, pour ces deux dernières structures, les taux de chute ne sont pas très éloignés (JE = 15.31% et IL = 16.44%). Le taux de chute pour la structure avec le « ne » de négation est quant à lui bien plus haut (NE = 58.68%) que pour les deux autres structures, ce qui semble attester de la meilleure acquisition de cette variable que des deux autres chez les participants. Ces résultats confirment ainsi, mais partiellement seulement, la hiérarchie attendue et permettent donc de confirmer partiellement la première hypothèse de notre étude.

La seconde hypothèse avait, pour rappel, trait à l’effet de la qualité d’immersion, qui s’illustre par les deux groupes (profité– et profité+), sur l’acquisition des trois variables. Ainsi,

Figure 1: Taux de chute du « ne », du schwa et de la liquide (en %) dans les trois structures (NE, JE, IL) pour les 10 participants, sans distinction de groupe (profité+ ; profité–).

58,68

15,31 16,44

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

NE JE IL

Taux de chute (en %)

Structures

82 on s’attendrait à ce que le groupe profité+, qui a multiplié les échanges en français et les contacts avec des locuteurs natifs pendant le séjour en immersion, ait mieux acquis les trois variables sociolinguistiques que le groupe profité–. La figure 2 présente donc, pour les trois structures confondues, le taux de chute pour chacun des deux groupes (profité– et profité+).

Le groupe profité– a un taux de chute de 15.42% pour les trois structures confondues, tandis que, pour le groupe profité+, le taux de chute pour les trois structures confondues s’élève à 31.14%, ce qui représente environ le double. Sur la base de ces pourcentages, il semblerait que, globalement, la seconde hypothèse se confirme et qu’il y ait bien un effet de la qualité d’immersion sur l’acquisition des trois variables. Nous avons ensuite examiné les taux pour chaque groupe et par structure afin de voir si ce schéma est valable pour chaque structure ou si des différences émergent selon la structure.

La figure 3 présente le taux de chute du « ne » de négation pour chacun des deux groupes.

Figure 2: Taux de chute global (en %) pour les deux groupes (profité+ ; profité–) dans les trois structures confondues (NE, JE, IL).

15,42

31,14

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

profité– profité+

Taux de chute (en %)

Groupes

83 La figure 3 montre que le groupe profité– a un taux de chute qui n’est que légèrement supérieur à celui du groupe profité+ (59.26% versus 58.41%), la différence étant quasiment insignifiante.

On peut donc conclure que la qualité d’immersion n’a pas d’effet sur l’acquisition et l’emploi de la variable de la chute du « ne » de négation chez les participants.

Un examen des taux individuels de chute, présentés dans la figure 4, montre qu’il existe une grande variabilité inter-apprenant et intra-groupe dans l’acquisition et l’emploi de cette variable. Les pourcentages de chute vont ainsi de 7.69% à 91.67% pour le groupe profité– et de 25% à 95% pour le groupe profité+. Il est donc nécessaire de rappeler, à ce stade, que les résultats sont à considérer avec prudence, car le corpus exploité est petit, tant du point de vue des participants que de celui du nombre total d’occurrences pour chacun des trois phénomènes.

Figure 3: Taux de chute du « ne » pour les deux groupes (profité+ ; profité–).

59,26 58,41

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

profité– profité+

Taux de chute (en %)

Groupes

84 La grande variabilité inter-apprenant et intra-groupe renforce en effet l’idée que la qualité du séjour en immersion n’a très probablement pas d’effet dans l’acquisition de cette variable. Elle permet en outre d’envisager la chute du « ne » de négation comme un phénomène suffisamment thématisé en classe de langue et donc d’ores et déjà en cours d’acquisition avant le séjour en immersion. De possibles explications et des hypothèses concernant ce résultat seront présentés dans la discussion générale (section 4.4.).

Un schéma différent semble toutefois se dégager pour la chute du schwa et pour la chute de la liquide. La figure 5 présente le taux de chute du schwa dans je_C pour chacun des deux groupes (profité– et profité+).

Figure 4: Taux de chute du « ne » par individu selon les deux groupes (profité+ ; profité–).

7,69

66,67 69,23

91,67

25,00 27,78

41,18

66,67

72,73

95,00

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

CH1 KP1 CM2 RB1 EB1 SN1 CC1 AC2 SG1 CM1

Taux de chute (en %)

Participants

CH1profité– KP1 CM2 RB1 EB1 SG1 CM1profité+

85 La différence entre le taux de chute de cette variable du groupe profité– (2.70%) et celui du groupe profité+ (22.45%) est en effet marquée. Il semblerait donc que la qualité de l’immersion, illustrée par les deux groupes profité+ et profité–, ait un effet sur l’acquisition et la mise en pratique de la variable avec la structure je_C.

Toujours concernant la chute du schwa dans la structure je_C, on observe également de la variabilité entre les participants et au sein des deux groupes (profité– et profité+). La figure 6 présente le taux de chute pour cette variable pour chaque participant et par groupe, selon la distinction de couleurs.

Figure 5: Taux de chute du schwa dans la structure je_C pour les deux groupes (profité+ ; profité–).

2,70

22,45

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

profité– profité+

Taux de chute (en %)

Groupes

86 Malgré le fait que l’on observe également de la variabilité inter-apprenant et intra-groupe, la distinction entre les deux groupes (profité– et profité+) semble être tout de même beaucoup plus nette que pour la chute du « ne » de négation (cf. figure 4). La variation dans la qualité d’immersion selon les deux groupes s’observe particulièrement dans ces résultats plus précis.

La différence est en effet marquée entre les apprenants qui n’ont pas profité d’un séjour en immersion qualitatif (groupe profité–), pour lesquels la moyenne de taux de chute est pour rappel de 2.70%, et ceux qui en ont profité (groupe profité+), pour lesquels la moyenne de taux de chute est de 22.45%.

Comme le montre la figure 7, concernant la chute du /l/ dans les pronoms « il » et « ils » suivis d’une initiale consonantique, la différence entre les deux groupes est encore plus marquée que pour la chute du schwa dans la structure avec « je », ce qui laisse penser que la qualité d’immersion a également un effet sur l’acquisition de cette variable.

Figure 6: Taux de chute du schwa dans la structure je_C par individu selon les deux groupes (profité+ ; profité–).

0 0

4,26 7,14

0 2,78 6,45

13,33

41,46

52,63

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

CH1 CM2 RB1 KP1 EB1 CM1 CC1 SN1 AC2 SG1

Taux de chute (en %)

Participants

CH1 CM2 RB1profité– KP1 EB1 CM1 CC1 SN1 AC2profité+ SG1

87 Comme pour la chute du schwa dans la structure avec « je », on observe une différence très distincte entre les deux groupes et elle l’est ici d’autant plus que le groupe profité– n’a fait chuter aucune liquide (taux de chute : 0.00%).

Si l’on considère les données de chaque participant comme pour les deux autres variables, on observe à nouveau de la variabilité, mais cette fois au sein du groupe profité+

uniquement, comme le montre la figure 8 qui présente les taux de chute de la liquide pour chaque participant et selon les deux groupes (profité– et profité+).

Figure 7: Taux de chute de la liquide dans la structure il(s)_C pour les deux groupes (profité+ ; profité–).

0,00

22,70

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

profité– profité+

Taux de chute (en %)

Groupes

88 La différence entre les deux groupes est ici particulièrement saillante, bien qu’il existe de la variabilité entre participants au sein du groupe profité+. Il est intéressant de relever par ailleurs que l’ordre des participants du groupe profité+ en fonction du taux de chute individuel est exactement le même que pour la chute du schwa dans je_C dans la figure 6, ce qui montre qu’il existe une tendance similaire pour l’acquisition de ces deux variables phonétiques (les chutes du schwa et de la liquide dans je_C et il(s)_C respectivement). Les résultats du groupe profité–

sont quant à eux stables, puisqu’aucun des participants n’élide la liquide dans les pronoms « il » et « ils ». Ces résultats renforcent donc l’idée qu’il existe très probablement un effet de la qualité d’immersion sur l’acquisition de cette variable.

Les résultats concernant la chute du schwa dans je_C et de la liquide dans il(s)_C semblent ainsi montrer que, pour les apprenants, l’exposition à de la parole native plus ou moins formelle dans des contextes hors des cours universitaires dans lesquels les apprenants sont plus ou moins

Figure 8: Taux de chute de la liquide dans la structure il(s)_C par individu selon les deux groupes (profité+ ; profité–).

0 0 0 0 0

5,88

13,04

16,67

43,24

50,00

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

CH1 CM2 RB1 KP1 EB1 CM1 CC1 SN1 AC2 SG1

Taux de chute (en %)

Participants

CH1 CM2 RB1profité– KP1 EB1 CM1 CC1 SN1 AC2profité+ SG1

89 passifs, permet la mixité de l’input et des interactions et favorise l’émergence de variantes dans leur pratique du français à l’oral. Il semblerait, sur la base de ces résultats, que la qualité d’immersion favorise globalement l’acquisition de la compétence sociolinguistique, qui s’illustre dans cette étude par les phénomènes variables examinés. C’est en particulier le cas pour la chute du schwa dans je_C et l’élision du /l/ dans il(s)_C, mais pas pour la chute du

« ne » de négation. Il est possible d’entrevoir des pistes interprétatives relatives, justement, aux résultats de la chute du « ne » de négation ; elles seront présentées dans la discussion générale de la prochaine section.