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L'acquisition de l'écriture

ZESIGER, Pascal Eric, DEONNA, Thierry, MAYOR, Claire

Abstract

La maîtrise de la production rapide de signes graphiques lisibles et adéquatement agencés dans l'espace de la page constitue le point d'aboutissement d'un long processus d'apprentissage qui repose sur diverses compétences de natures linguistique, visuo- spatiale, et perceptivo-motrice. Dans cet article, nous présentons une synthèse de la séquence développementale suivie par les enfants au cours de la scolarité primaire et nous relatons quelques observations concernant des enfants qui présentent des difficultés dans cet apprentissage. Les difficultés éprouvées par ces enfants varient d'un cas à l'autre et peuvent être attribuées à des déficits affectant différents niveaux de traitement de la production d'écriture.

ZESIGER, Pascal Eric, DEONNA, Thierry, MAYOR, Claire. L'acquisition de l'écriture. Enfance, 2000, vol. 53, no. 3, p. 295-304

DOI : 10.3406/enfan.2000.3186

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:80954

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L'acquisition de l'écriture

Pascal Zesiger

,

Thierry Deonna

,

Claire Mayor

Abstract

Handwriting learning

The mastery of fast production of legible graphic symbols appropriately displayed on a sheet of paper is the result of a long learning process, based on linguistic, visual- spatial and perceptual-motor skills. In this paper, we present a review of the steps in the development of writing styles in school-aged children, and we describe several cases of children presenting writing difficulties. The type of difficulties experienced by children vary from case to case and can be attributed to deficits at different processing levels in the production of writing.

Résumé

La maîtrise de la production rapide de signes graphiques lisibles et adéquatement agencés dans l'espace de la page constitue le point d'aboutissement d'un long processus d'apprentissage qui repose sur diverses compétences de natures linguistique, visuo- spatiale, et perceptivo-motrice. Dans cet article, nous présentons une synthèse de la séquence développementale suivie par les enfants au cours de la scolarité primaire et nous relatons quelques observations concernant des enfants qui présentent des difficultés dans cet apprentissage. Les difficultés éprouvées par ces enfants varient d'un cas à l'autre et peuvent être attribuées à des déficits affectant différents niveaux de traitement de la production d'écriture.

Citer ce document / Cite this document :

Zesiger Pascal, Deonna Thierry, Mayor Claire. L'acquisition de l'écriture. In: Enfance, tome 53, n°3, 2000. Le bébé, le geste et la trace. pp. 295-304.

doi : 10.3406/enfan.2000.3186

http://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_2000_num_53_3_3186

Document généré le 24/09/2015

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L'acquisition de l'écriture

Pascal Zesiger1'2 Thierry Deonna2 Claire Mayor2

RÉSUME

La maîtrise de la production rapide de signes graphiques lisibles et adéquatement agencés dans l'espace de la page constitue le point d'aboutissement d'un long

processus d'apprentissage qui repose sur diverses compétences de natures linguistique, visuo- spatiale, et perceptivo-motrice. Dans cet article, nous présentons une synthèse de la séquence développementale suivie par les enfants au cours de la scolarité primaire et nous relatons quelques observations concernant des enfants qui présentent des

difficultés dans cet apprentissage. Les difficultés éprouvées par ces enfants varient d'un cas à l'autre et peuvent être attribuées à des déficits affectant différents niveaux de

traitement de la production d'écriture.

Mots clés : Écriture, apprentissage, contrôle moteur, développement perceptivo- moteur, dysgraphie.

SUMMARY

Handwriting learning

The mastery of fast production of legible graphic symbols appropriately displayed on a sheet of paper is the result of a long learning process, based on linguistic, visual- spatial and perceptual-motor skills. In this paper, we present a review of the steps in the development of writing styles in school-aged children, and we describe several cases of children presenting writing difficulties. The type of difficulties experienced by children vary from case to case and can be attributed to deficits at different processing levels in the production of writing.

Key-words : Handwriting, learning, motor control, perceptual-motor development, dysgraphia.

1. Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Université de Genève.

2. Unité de neuropédiatrie, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne.

Adresse pour correspondance : Pascal Zesiger, FPSE, Université de Genève, 40, bd du Pont-d'Arve, 1211 Genève 4, Suisse. E-mail: pascal.zesiger@pse.unige.ch.

ENFANCE, n° 3/2000, p. 295 à 304

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L'ACQUISITION DE L'ÉCRITURE

La production rapide de signes graphiques lisibles et adéquatement agencés dans l'espace de la page au moyen de mouvements imprimés à un outil scripteur constitue le point d'aboutissement d'un long processus d'apprentissage que chaque enfant doit accomplir au cours de sa scolarité.

Cette acquisition repose sur des compétences multiples appartenant à différents domaines : linguistique, visuo-spatial et perceptivo-moteur notamment. Bien que l'apprentissage de l'écriture mobilise d'importantes

ressources de traitement, il se déroule généralement sans poser de problème majeur et l'enfant parvient, à son rythme, à satisfaire aux exigences progressives de lisibilité, de régularité et d'efficience. Toutefois, chez certains enfants, cet apprentissage représente une réelle difficulté qui peut à la longue constituer un véritable handicap dans la scolarité (Deuel, 1995), l'écriture étant souvent utilisée dans ce cadre, en particulier lors des évaluations. Dans ces

quelques pages, nous nous proposons de décrire l'acquisition de l'écriture chez l'enfant normal, puis de relater quelques observations portant sur des enfants qui éprouvent des difficultés dans l'apprentissage de cette habileté perceptivo-motrice. Pour des raisons de simplicité, dans la suite du texte, nous utiliserons le terme « dysgraphique » pour nous référer à ces enfants, bien qu'ils ne présentent pas tous des troubles sélectifs dans ce domaine.

L'ACQUISITION DE L'ÉCRITURE CHEZ L'ENFANT NORMAL

L'apprentissage de l'écriture est conditionné par toute une série d'aptitudes et de connaissances de l'enfant dans le domaine du langage ainsi que dans les domaines visuo-spatial et perceptivo-moteur (voir tableau 1, p. 302). Ces compétences peuvent évoluer à des rythmes différents selon les enfants et selon les stimulations qui sont proposées par les adultes qui les entourent. Nous ne nous intéresserons pas ici au niveau linguistique qui nécessiterait à lui seul de longs développements et qui est dans une large mesure indépendant des aspects visuo-spatiaux et perceptivo-moteurs.

Avant d'aborder l'apprentissage formel de l'écriture, l'enfant passe plusieurs années à expérimenter et à exercer ses capacités de production grapho-motrice au travers du gribouillage, du dessin et de la «

pseudoécriture » (Lurçat, 1974; 1980). Ces activités sont fondamentales dans la mesure où elles permettent à l'enfant de mettre en place, ou du moins de commencer à le faire, diverses habiletés sur lesquelles viendra se greffer l'apprentissage de l'écriture. Il s'agit en particulier de la capacité à générer des mouvements qui ont pour effet de laisser une trace dans l'espace bi- dimensionnel de la feuille. Le contrôle de ce type de mouvements est relati-

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vement difficile à acquérir pour le jeune enfant (Lurçat, op. cit.) et nécessite de sa part l'ajustement dynamique de sa posture et de ses points d'appui (Bullinger, 1988). Ainsi, l'ancrage au sol, à la chaise et au plan d'écriture (ou de dessin) doit progressivement permettre à l'enfant de stabiliser son buste et sa tête de manière à libérer le bras et la main dominants pour qu'ils puissent réaliser les mouvements nécessaires à la production des tracés. Ceci implique que l'enfant doit peu à peu intégrer le rôle

complémentaire des membres supérieurs dans la production grapho-mo trice. Il/elle doit également intégrer les signaux visuels et tactilo-kinesthésiques qui le/la

renseignent sur l'effet des mouvements sur le tracé. Enfin, ces activités

précoces vont également permettre au jeune enfant d'expérimenter la tenue et le maniement de différents types d'instruments scripteurs.

Les premières productions graphiques qui se rapprochent de la norme adulte correspondent généralement à l'écriture des lettres du prénom. C'est principalement au travers de la copie de lettres et de mots que l'enfant

commence à faire ses premiers pas dans l'écriture. Il s'agit d'activités qui se limitent à une copie plus ou moins servile des formes sans que l'enfant parvienne toujours à les réaliser adéquatement et sans qu'il/elle ne soit conscience) des correspondances entre signes graphiques et segments

phonologiques. Durant cette période, la taille des lettres est grande et très irrégulière, et leur positionnement fluctuant. Par exemple, on voit souvent les lettres contenant un jambage dépassant en dessous de la ligne de base de l'écriture comme le p ou le g qui sont posées sur la ligne d'écriture. Il n'est pas rare d'observer également des inversions de l'orientation des lettres (gauche-droite) et des déformations importantes de la taille relative des différents traits formant la lettre (un trait correspond généralement à une

oscillation verticale de l'écriture manuscrite, de haut en bas ou de bas en haut). Par ailleurs, l'ordre et la direction d'exécution des traits ne suivent pas les règles de production utilisées par l'adulte mais se conforment aux principes généraux de la « grammaire de l'action ». Celle-ci correspond à la tendance spontanée de la plupart des individus à effectuer une séquence de mouvements grapho-moteurs dans un ordre et dans des directions

préférentiels (par ex., début en haut à gauche, traits effectués de haut en bas, etc.

(voir Goodnow et Levine, 1973 ; Simner, 1981). Notons au passage que certaines règles de cette « grammaire de l'action » seront modifiées sous l'influence de l'apprentissage de l'écriture. C'est le cas notamment du sens de rotation préférentiel qui passe du sens horaire chez l'enfant pré-scripteur au sens anti-horaire chez l'enfant scripteur en raison du fait qu'il s'agit du sens dominant dans notre système d'écriture (Meulenbroek, Vinter et Mou- noud, 1993).

L'étape suivante est franchie lorsque l'enfant apprend à former les lettres de l'alphabet de manière systématique, habituellement vers l'âge de 6- 7 ans (les âges mentionnés ici sont indicatifs ; ils dépendent fortement du système éducatif de chaque pays). C'est la période pendant laquelle il/elle mémorise progressivement la forme des lettres ainsi que leur nom et/ou le(s)

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son(s) que celles-ci représentent. Toutefois, plus qu'une forme, l'objet à produire devient également une trajectoire impliquant une séquence de mouvements à effectuer en ordre fixe et dans une direction spécifique qui confèrent à la lettre sa dimension dynamique. L'examen des tracés produits au cours de cette phase indique que les lettres sont générées par la

juxtaposition de petits segments qui, accolés les uns aux autres, forment les

différents traits constitutifs de la lettre. Ce type de production se caractérise par des lettres de grande taille présentant un aspect cabossé et irrégulier sur le plan spatial et par une grande lenteur sur le plan temporel (de Ajuria- guerra, Auzias et Denner, 1971). Les erreurs d'orientation (gauche-droite) et les déformations importantes de la taille des traits tendent à disparaître.

L'analyse cinématique, rendue possible par l'utilisation de tables digitalisantes permettant d'enregistrer les productions sous la forme de

coordonnées xy représentant la position de la pointe de l'instrument scripteur à intervalles réguliers (par ex. toutes les cinq minutes), montre de plus que chaque trait de la lettre contient, sur le plan du profil de vitesse, de

multiples couples accélération-décélération (correspondant chacun à la

réalisation d'un petit segment) ainsi que de nombreuses pauses (voir fig. la). La pression de l'instrument d'écriture sur la surface est très forte, traduisant une tension musculaire importante ainsi qu'un engagement moteur global.

Ce mode de production est caractéristique d'un contrôle des mouvements de type rétroactif, dans lequel les informations visuelles et tactilo- kinesthésiques sont analysées pendant et après la formation de chaque petit segment pour permettre une correction de la trajectoire (Meulenbroek et Van Galen, 1989 ; Mojet, 1991 ; Zesiger, 1995). Au cours de cette étape, les processus de feed-back ont une triple fonction pour l'enfant : contrôle de la production du tracé des lettres, disposition spatiale de ces signes par rapport aux autres dans l'espace de la feuille (agencement des lettres dans le mot, des mots sur la ligne et des lignes sur la page) et ajustement par rapport aux lettres (ou parties de lettres) produites et à celles qui restent à produire, ce que nous appellerons par la suite le « point de production ».

La répétition des expériences de production de lettres en boucle percep- tivo-motrice fermée va progressivement permettre à l'enfant de passer à un autre mode de contrôle des mouvements d'écriture, appelé proactif, fondé sur le développement de programmes moteurs spécifiques à chaque variante de la lettre ou allographe (minuscule ou majuscule, script ou cursif). La constitution de représentations motrices est cependant un processus lent et ce n'est que vers l'âge de 10 ans que l'on peut considérer que ce mode de contrôle s'est mis en place. Dans cette phase de développement des programmes moteurs, la taille des petits segments réalisés augmente peu à peu pour aboutir à un trait entier, chaque trait donnant lieu alors à un seul couple accélération-décélération sur le profil de vitesse. La production gagne en fluidité, en rapidité et en régularité. Notons que la régularité spatiale (ou son inverse, la variabilité) peut être évaluée par des juges, mais peut aussi faire l'objet de mesures objectives basées sur la similarité d'un

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mot produit de manière répétée soit dans la même condition, soit dans des conditions de production différentes (variations de taille, de vitesse, etc.) lorsque celles-ci sont enregistrées par table digitalisante. En outre, la taille des lettres atteint rapidement une dimension proche de celle de l'écriture de l'adulte. On observe également une disparition du nombre et de la durée des pauses, du moins de celles qui sont situées à l'intérieur de la lettre, ainsi qu'une diminution de la pression. Les indices visuels et tactilo- kinesthésiques sont alors principalement utilisés pour contrôler

l'agencement spatial de l'écriture sur la page et pour l'ajustement du point de production. Elles ne sont plus nécessaires à la production des lettres elles- mêmes, qui peut très bien s'effectuer en boucle perceptivo-motrice ouverte (les yeux fermés par exemple).

A partir de l'âge de 10 ans, c'est la rapidité qui semble être la centration principale de l'enfant, en partie en raison des exigences scolaires. Cette centration sur l'efficience a pour conséquence une augmentation temporaire d'une part de la pression de l'instrument d'écriture sur la feuille et d'autre part de la variabilité (ou irrégularité) spatiale (Zesiger, 1995). Ce n'est que vers l'âge de 11-12 ans que l'écriture semble avoir atteint un degré de maî-

Fig. 1 a et 1 b

a) Production du mot « lune » par un enfant tout-venant de 8 ans. La première ligne correspond à la reconstruction du tracé enregistré par la table digitalisante et la seconde au profil de vitesse absolue de la pointe du stylo en fonction du temps. On peut observer l'existence de nombreux couples accélération-décélération et de pauses aboutissant à une

production lente (plus de six secondes) et hésitante de lettres cabossées, b) Idem chez un enfant tout- venant de 12 ans : la production est plus rapide (moins de deux secondes), plus fluente et ne contient plus de pauses.

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trise proche de celui de l'adulte, qui allie rapidité, fluidité et régularité (voir fig. \b), même si l'ensemble des paramètres évolue encore quelque peu au cours de l'adolescence. Les changements les plus notables observés durant cette période correspondent à l'affranchissement des normes calligraphiques scolaires et à la recherche d'une écriture plus personnalisée et plus efficiente encore, généralement au détriment de la lisibilité (Bang, 1959 ; de Ajuria- guerra, Auzias et Denner, 1971 ; Sassoon, Nimmo-Smith et Wing, 1989).

LES TROUBLES DE L'APPRENTISSAGE DE L'ECRITURE

Les difficultés d'apprentissage de l'écriture n'ont fait l'objet que d'un petit nombre de travaux, que l'on peut classer en deux catégories. La première est constituée de recherches cliniques à but essentiellement descriptif utilisant principalement des échelles d'évaluation de la trace graphique ainsi que des mesures globales de l'efficience (par ex. le nombre de lettres

produites par minute) (de Ajuriaguerra, Auzias et Denner, 1971 ; O'Hare et Brown, 1989 ; Deuel, 1995). Ces études ont abouti à l'élaboration de systèmes de classification des troubles grapho-moteurs, ces taxonomies sont cependant très variables d'un travail à l'autre. Un des intérêts de ces recherches est d'avoir montré que les troubles d'apprentissage de l'écriture ne se

manifestent pas de la même manière chez tous les sujets et que, par conséquent, leur étiologie pourrait être multiple. La seconde, plus récente, est formée de travaux expérimentaux visant à comparer dans diverses tâches grapho-motrices un groupe de sujets dysgraphiques à des sujets contrôle appariés en âge, l'objectif étant d'identifier les aspects qui différencient les deux groupes et de rechercher ainsi une cause aux difficultés observées. Dans cette perspective, différentes hypothèses sur l'origine des troubles ont été formulées, relatives à un déficit soit de nature perceptive (acuité kinesthésique insuffisante, Laszlo et Bairstow, 1984), soit de nature motrice (« non-fiabilité » du système neuro-moteur, Wann et Kardirkamanathan, 1991 ; Van Galen, Portier, Smits-Engelsman et Schomaker, 1993). Ces recherches, d'une grande rigueur expérimentale, tentent ainsi de mettre en évidence une cause unique aux dys- graphies développementales, ce qui ne semble pas compatible avec les

observations des premiers travaux mentionnés.

En effet, les enfants dits dysgraphiques constituent un groupe

hétérogène et il importe de tenter de préciser davantage le status neurologique et cognitif de ces sujets. Dans un travail en cours (Zesiger, Deonna, Mayor et Nielsen, en préparation), nous avons étudié les productions d'enfants d'intelligence normale présentant divers diagnostics médicaux (maladresse isolée, signes d'infirmité motrice cérébrale ou antécédents indiquant une lésion localisée ou une pathologie neurologique définie). Ces productions, recueillies dans différentes tâches grapho-motrices, ont été enregistrées au moyen d'une table digitalisante et analysées dans leurs dimensions spatiales

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(taille, régularité), temporelle (durée, pauses) et cinématique (fluence des mouvements). Nous nous limiterons ici à exposer brièvement quelques exemples, que nous tenterons d'interpréter à la lumière du schéma contenu dans le tableau 1.

Chez un certain nombre d'enfants, l'apprentissage initial de la forme des lettres est particulièrement difficile. Il s'agit d'enfants chez qui on observe par ailleurs des troubles importants dans le domaine visuo-spatial

(consécutifs par exemple à des atteintes de l'hémisphère droit) et dont les

performances en dessin ou dans d'autres épreuves évaluant les compétences d'organisation spatiale n'impliquant pas la graphomotricité (comme dans des tests de discrimination visuo-spatiale) sont très faibles. Dans ces cas, on observe également des difficultés dans l'agencement spatial des lettres, notamment lorsque les contraintes sont fortes (comme dans les exercices visant à produire une lettre au sein d'un cadre). Outre les erreurs

(inversions) et les déformations observées, les productions se caractérisent par une grande lenteur et une taille très importante. Par rapport au schéma présenté dans le tableau 1, c'est donc principalement le domaine visuo-spatial qui est affecté dans ces cas. Toutefois, l'ampleur des difficultés à ce niveau empêche généralement le développement satisfaisant des processus de programmation et d'exécution motrices.

Chez la majorité des enfants présentant des difficultés d'écriture, ce ne sont pas ces aspects qui semblent au demeurant les plus problématiques.

Ainsi, chez des enfants présentant des problèmes plus généraux de coordination motrice (maladresse ou trouble développemental de la

coordination), les difficultés d'écriture sont pratiquement toujours une plainte formulée par les parents et par les enseignants. Lorsqu'on analyse les

productions de ces enfants, on observe assez régulièrement deux types de profils. Dans le premier, les productions se caractérisent principalement par leur lenteur et leur dysfluence (grand nombre de couples accélération- décélération sur le profil de vitesse) ainsi que par leur irrégularité spatiale.

Ces productions sont très similaires à celles de sujets normaux plus jeunes.

Il s'agit d'enfants qui semblent avoir des difficultés particulières à mettre en place le mode de contrôle proactif de l'écriture. On peut donc faire l'hypothèse que les troubles se situent au niveau des processus de

programmation motrice eux-mêmes, ce qui n'exclut pas l'éventualité que les

processus plus périphériques soient eux aussi affectés. Dans le second type en revanche, les productions se caractérisent presque exclusivement par leur

irrégularité spatiale. Elles sont générées sans lenteur ni dysfluence

particulière, mais sont peu harmonieuses et parfois peu lisibles. Chez ces enfants, l'analyse cinématique révèle que les processus de programmation des lettres ne se différencient pas de ceux d'enfants normaux du même âge et l'on peut dès lors suspecter que les déficits se situent au niveau de 1' « interprétation » des programmes par le système neuromoteur, décrit par certains auteurs comme étant « non fiable » (Wann et Kardirkamanathan, 1991) ou

générant un « bruit » trop important (trop forte représentation de mouvements

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Tableau 1. — Schéma représentant les niveaux impliqués dans l'apprentissage de l'écriture Capacités et connaissances Type de représentations Rôle des afférences perceptives

Connaissances linguistiques (phonologie, métaphonologie, nom et/ou son des lettres, connaissances orthographiques) Connaissances visuo-spatiales (forme des lettres, compréhension des relations spatiales entre traits, la position des lettres et des lignes dans l'espace graphique) Contrôle moteur (capacité à générer des trajectoires, ajustement postural, utilisation des points d'appui, et maniement de l'instrument scripteur) Exécution motrice Représentations orthographiques (identité des lettres)

Représentations allographiques (forme des lettres minuscules, majuscules, script, cursives)

Mode proactif: représentations motrices de lettres (ordre et direction des traits) Mode rétroactif: petits segments programmés successivement

Commandes neuro-musculaires Réalisation du geste grapho-moteur Ajustement du point de production (lettres déjà produites ou qui restent à produire) Agencement spatial (lettres dans le mot, mots sur la ligne, lignes dans la page)

Intégration du feed-back visuel et tactilo- kinesthésique (corrections)

Prise d'informations visuelles et tactilo- kinesthésiques la première colonne sont mentionnés les différents types de capacités et connaissances requises dans l'apprentissage. La deuxième colonne décrit niveaux de représentation traités par le sujet dans les situations de production de lettres et de mots écrits. Un aspect fondamental de est représenté par la transition progressive entre modes de contrôle du mouvement de type rétroactif à proactif La troisième colonne décrit fonctions des afférences perceptives, dont la dernière (intégration du feed-back) disparaît au cours de l'acquisition.

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de haute fréquence proche du tremblement physiologique ; Van Galen,

Portier, Smits-Engelsman et Schomaker, 1993). Il s'agirait donc d'un trouble lié au niveau de l'exécution motrice.

CONCLUSIONS

Comme beaucoup d'autres acquisitions scolaires, l'apprentissage de l'écriture implique de nombreuses aptitudes et connaissances différentes.

Chez l'enfant « tout-venant », cet apprentissage nécessite de longues années de pratique, à la fois préscolaire pour ce qui est de la mise en place des compétences nécessaires au contrôle des mouvements qui ont pour effet de laisser une trace sur la feuille, et scolaire pour ce qui est de l'identité, de la forme et des programmes moteurs relatifs aux lettres à produire. Au cours de la scolarité, la transition fondamentale qui s'opère consiste au passage d'un mode de contrôle de type rétroactif, basé sur une évaluation des effets des mouvements sur le tracé, à un mode proactif, fondé sur le

développement de programmes moteurs spécifiques à la réalisation des différentes lettres. Avec ce changement progressif, on assiste à une amélioration de la plupart des indices spatiaux, temporels et cinématiques de l'écriture, même si certaines dimensions, telles que la lisibilité, connaissent une évolution non monotone (amélioration lente suivie d'une dégradation).

Certains enfants ne parviennent pas à faire face aux exigences du milieu scolaire par rapport à cet apprentissage, et les difficultés qu'ils éprouvent peuvent être de nature, de sévérité et de durée variables. Il est important que ces difficultés soient reconnues rapidement et que des mesures de

traitement et/ou palliatives (par ex. en autorisant l'enfant à utiliser un ordinateur plutôt qu'en exigeant de lui une production manuscrite) soient mises en place de manière à éviter que les ressources de traitement ne soient pas monopolisées par l'acte d'écriture dans les exercices qu'effectue l'enfant, avec un risque de rejet des apprentissages en général. Enfin, une meilleure compréhension de ces difficultés devrait à terme permettre un diagnostic plus aisé et plus précis de ces troubles et la mise en place de traitements plus adaptés aux besoins spécifiques de chaque enfant.

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Imprimé en France

Imprimerie des Presses Universitaires de France ISBN 2 13 050788 3 — ISSN 0013-7545 — Impr. 47 679

CPPAP n° 70 542

Dépôt légal : novembre, 2000

© Presses Universitaires de France, 2000

Références

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