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Immersion vs post-immersion, quel(s) effets(s) sur l'acquisition du schwa en FLE ? : regard sur les productions d'apprenants japonophones

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Immersion vs post-immersion, quel(s) effets(s) sur l'acquisition du schwa en FLE ? : regard sur les productions d'apprenants

japonophones

ITO, Yuriko

Abstract

Ce mémoire porte sur le schwa français (/ə/), voyelle qui a la particularité de pouvoir être ou non prononcée (ex. « petit » : [pəti] ou [pti]), alternance difficile à acquérir pour les apprenants de FLE. Un séjour en immersion paraissant favoriser l'acquisition de cette compétence sociolinguistique, ce facteur est au centre de notre étude, effectuée dans le cadre du projet « InterPhonologie du Français Contemporain » (http://cblle.tufs.ac.jp/ipfc/). Nous avons examiné le comportement du schwa dans les productions orales d'apprenants japonophones (texte lu et conversation) à deux moments de leur apprentissage : après un an en immersion et un an après leur retour. Les résultats montrent d'une part des variations dans la maitrise de l'alternance des formes, avec une chute plus fréquente dans certains mots (« je » et « ce »).

D'autre part, le taux de chute du schwa semble continuer de progresser, même après leur retour au Japon.

ITO, Yuriko. Immersion vs post-immersion, quel(s) effets(s) sur l'acquisition du schwa en FLE ? : regard sur les productions d'apprenants japonophones. Master : Univ.

Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135593

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Université de Genève Faculté des Lettres

École de Langue et de Civilisation Françaises

Immersion vs post-immersion, quel(s) effet(s) sur l'acquisition du schwa en FLE ?

Regard sur les productions d'apprenants japonophones

Mémoire de maîtrise en Français Langue Étrangère Directrice : Prof. Isabelle Racine

Juré : Prof. Sylvain Detey

Janvier 2020

Yuriko Ito

Route du Belvédère 13 1854 Leysin

yuriko.ito@etu.unige.ch 13-316-062

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Remerciements

Le présent travail de mémoire est l'accomplissement d'un long parcours universitaire passionnant mais qui n'a pas toujours été facile. Sans l'aide des nombreuses personnes qui m'ont aidée, guidée et encouragée tout au long de ce chemin, je ne serais certainement pas arrivée au bout. Je voudrais donc leur transmettre toute ma reconnaissance et ma gratitude, dans les lignes qui suivent.

Je voudrais tout d'abord remercier ma directrice de mémoire, la Professeure Isabelle Racine, de m'avoir prise sous son aile dès mon premier entretien pour le mémoire. Un grand merci pour ses nombreuses propositions, ses judicieux conseils et astuces ainsi que ses commentaires et ses corrections toujours formateurs. Être suivie d'aussi près et aussi régulièrement est un grand privilège dont je suis extrêmement reconnaissante. Egalement un grand merci pour ses encouragements, sa bienveillance et son soutien tout au long de ce parcours, malgré mon éternel pessimisme. Je tiens aussi à la remercier de m'avoir offert deux grandes opportunités – des participations à une journée d'étude et à un colloque international – me permettant de présenter et de valoriser mon travail. Enfin, un énorme merci de m'avoir consacré tant de temps et de patience à m'écouter, m'encourager, me conforter, me rassurer, me stimuler et m'orienter afin que je puisse structurer et finaliser ce mémoire dans le temps imparti.

Je tiens également à remercier le Professeur Sylvain Detey d'avoir accepté de partager ses données et d'avoir évalué ce travail. En effet, sans ses données, mon mémoire n'aurait jamais vu le jour. Un grand merci aussi pour ses suggestions, ses conseils ainsi que pour son accueil chaleureux lors du colloque New Sounds qui a eu lieu au Japon en 2019.

Mes remerciements vont également à Romain pour son coaching exceptionnel, et plus particulièrement pour m'avoir formée au codage. Un grand merci pour sa patience, son soutien et sa disponibilité malgré son emploi du temps chargé. Merci d'avoir toléré et d'avoir répondu à mes messages de désespoir à tout moment de la journée (parfois même très tard…). Sans mon "coach" et ses précieux conseils, mon mémoire serait toujours en cours à l'heure qu’il est. Merci également à Marion et Julie pour leurs conseils et merci d'avoir accepté ma présence dans leur bureau lors de ma formation au codage et des rendez-vous réguliers pour une mise au point avec Romain.

Je souhaite également remercier l'ELCF d'avoir financé ma participation au prestigieux colloque au Japon. Cette expérience m'a à la fois permis de découvrir le monde de la recherche et de "mûrir" en tant que mémorante mais aussi en tant que personne.

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Un immense merci à Anne-Laure, ma fidèle relectrice. Sa relecture attentive a permis de relever de nombreuses erreurs et coquilles qui me sont passées inaperçues. Par ailleurs, ses commentaires et ses suggestions – toujours pertinents – m'ont poussée à retoucher certains passages boiteux.

Un immense merci également à mes amis Leysenouds, Rollois et Genevois, tout particulièrement à Carole (et à ses parents), à Florence, à Jordy, à Mathilde et à Simona pour leurs encouragements et leur soutien. Merci de m'avoir remonté le moral, de m'avoir encouragée, de m'avoir rassurée, de m'avoir raisonnée dans les moments de "panique", d'avoir accepté de lire et relire mon mémoire, d'avoir partagé tant de moments de galère en bibliothèque et de m'avoir proposé de m'héberger, m'épargnant ainsi un long trajet en train. Enfin, merci aussi de m'avoir souvent proposé de manger ensemble ou d'aller boire un café (ou un thé) pour faire une pause. Bien que ma réponse était généralement "non merci", ces propositions m'allaient droit au cœur.

Mes gratitudes vont également à toute ma famille – au Japon et en Suisse – qui m'ont soutenue et encouragée durant mes longues années d'études. Je tiens tout particulièrement à remercier mes parents pour leur compréhension, leur soutien et surtout pour la confiance qu'ils m'ont accordée tout au long de mon aventure dans le monde des schwas.

Enfin, une pensée pour Heidi, mon amie à quatre pattes, qui m'a tant réconfortée et consolée (à sa manière) dans les moments les plus difficiles. R

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Table des matières

Introduction Chapitre 1 : Éléments de contexte 1.1 La place du français au Japon ... 8 1.2 Quelle(s) variété(s) française(s) enseignée(s) au Japon ? ... 10 1.3 Le FLE : les motifs d'apprentissage des Japonais ... 13 Chapitre 2 : Le schwa comme élément de compétence sociolinguistique 2.1 Le schwa en français ... 16 2.2 Les facteurs de maintien / chute du schwa ... 20 2.2.1 Facteurs linguistiques&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&-+

2.2.2 Facteurs extralinguistiques&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&-0 2.3 Le schwa, un élément difficile pour les apprenants de FLE ... 28 2.4 Difficultés spécifiques pour les apprenants japonophones ... 33 2.4.1 Système vocalique (du japonais)&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&./

2.4.2 Système syllabique (du japonais)&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.0 2.4.3 Problème de graphie-phonie&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&.1 Chapitre 3 : Étude expérimentale 3.1 Le projet IPFC ... 41 3.1.1 Les objectifs du projet IPFC et les populations concernées&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&/, 3.1.2 Méthodologie&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&/- 3.2 Objectif de l'étude ... 44 3.3 Méthode ... 47 3.3.1 Participants&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&/2 3.3.2 Matériel&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&/3 3.3.3 Procédure&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&/4 3.3.4 Analyse des données&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&/4 3.4 Résultats et discussions ... 56 3.4.1 Étude 1 – Résultats et discussion&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&01 3.4.2 Étude 2 – Résultats et discussion&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&2/

Conclusion Références Annexes

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Introduction

"Choisir le schwa comme objet d’étude, c’est d’emblée se situer dans une filiation de travaux très nombreux, trop nombreux pour certains, qui cherchent à cerner un objet fugace, hybride voire absent"

(Durand, 2014 : 23)

Le schwa – également connu sous le nom du "e muet" (Léon, 2014) – est caractérisé comme étant une voyelle qui peut être réalisée (ex. "cheval" [ʃəval]) ou non (ex. "ch'val" [ʃval]) en fonction de différents contextes segmentaux. Par ailleurs, comme Racine et al. (2016 : 4) le soulignent, cette voyelle est conditionnée par de nombreux facteurs non linguistiques tels que la provenance du locuteur ou sa classe sociale, la situation ou le style du discours, ou encore le débit de parole. Ainsi, le schwa est au centre d'un débat depuis plusieurs années, et comme Pleasant (1956 : 4, cité dans Dauses, 1973 : 23) le constate : "Les phonéticiens, phonologues, grammairiens, prosodistes ne s'accordent ni sur la nature ni sur le timbre du e muet".

Les études sur le schwa en L1 sont certes nombreuses, mais cette question chez les apprenants semble encore peu explorée. Ceci pourrait s'expliquer, en partie du moins, par un manque de corpus oraux en français langue étrangère, comme le soulignent Isely et al. (2018). En outre, pour pouvoir étudier le schwa de manière adéquate, ces corpus devraient cibler des apprenants avancés et disposant en partie d’une expérience en immersion, comme l’ont fait par exemple Thomas (2001), Uritescu et al. (2002, 2004), Paternostro et al. (2017) et Isely et al. (2018). En effet, il semblerait difficile et peu intéressant d'évaluer l'acquisition du schwa sur la base d'une production limitée, qui consisterait, par exemple à réciter une liste de mots hors-contexte.

Dans le cadre d’un cours de Master de français langue étrangère portant sur l’acquisition phonologique en langue étrangère, la question de la recherche sur la base de grands corpus oraux a été abordée, notamment par la présentation du projet Interphonologie du Français Contemporain (dorénavant abrégé IPFC). Ce projet vise, comme nous le verrons par la suite, à constituer une large base de données orales d'apprenants de français langue étrangère de différentes L1 et à analyser divers phénomènes phonétiques. C'est notamment en apprenant l’existence du sous-projet IPFC- Japon, dirigé par le Professeur Sylvain Detey, et de par mes origines japonaises, que l'idée de mener une étude sur des productions d'apprenants japonophones m'est venue. Après discussion avec la Professeure Isabelle Racine sur une éventuelle possibilité de réaliser un travail de mémoire dans le cadre du projet IPFC-Japon, il a été décidé d’un commun accord avec les Professeurs S. Detey et I.

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Racine que mon mémoire porterait sur l'appropriation du schwa chez des apprenants japonais. Cette question de l'appropriation du schwa est actuellement traitée dans la thèse de Romain Isely, qui s’intéresse à cette thématique chez les apprenants tessinois et suisses allemands dans le projet IPFC.

Il m'a été ainsi proposé de mener une étude similaire chez des apprenants japonais. Ceci me permet, d'une part, d'étudier un phénomène phonétique – le schwa français – n’ayant pas encore été traité dans les productions des apprenants japonais dans le cadre du projet IPFC-Japon, d'autre part, elle me permet d’intégrer un projet de recherche en cours.

Le choix d’examiner ce phénomène chez ce groupe d’apprenants semble particulièrement intéressant. En effet, tout d'abord, le japonais est une langue qui est linguistiquement éloignée du français, ce qui suppose que l'apprentissage du français serait particulièrement difficile pour un public d'une L1 complétement différente. Par ailleurs, le contexte hétéroglotte – c'est-à-dire que la langue d'apprentissage n'est pas la langue parlée dans l'environnement dans lequel les apprenants évoluent – limiterait l'accès à la langue cible ce qui restreint l'utilisation du français dans la vie de tous les jours, bien qu'aujourd'hui, le progrès technologique permet d'accéder à différentes ressources multimédia. Enfin, les contraintes segmentales du japonais rendent l’appropriation de la chute du schwa très intéressante puisqu’elle génère des groupes consonantiques, une structure qui n’existe quasiment pas en japonais.

Notre recherche, qui permet de combiner les trois éléments présentés ci-dessus – les apprenants japonais de français langue étrangère, la linguistique de corpus et le schwa – a donc pour objectif d’analyser les productions du schwa chez les apprenants japonophones de français, dans le cadre du projet IPFC-Japon. Notre corpus est constitué de 9 Japonais apprenants de français de niveau avancé et ayant passé 1 an en France dans le cadre de leur cursus universitaire. Nous les avons enregistrés à leur retour au Japon, en suivant le protocole issu du projet IPFC. Nos résultats ont été ensuite comparés aux données des locuteurs natifs (Isely et al., 2018) afin d'observer si les Japonais font chuter le schwa et, si oui, dans quelles circonstances.

Notre recherche inclue également une autre dimension liée à l'apprentissage d'une langue, qui est l'effet d'un séjour en immersion. Parmi nos 9 participants, 3 d'entre eux ont été réenregistrés 1 an après leur retour au Japon. Il s'agit donc d'examiner s'il y a une différence de taux de chute entre leur premier et leur deuxième enregistrement. Les résultats obtenus seront notamment comparés avec les études antérieures (Thomas, 2001 ; Uritescu et al., 2002 et 2004 ; Paternostro et al., 2017 ; Isely et al., 2018).

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Cette étude a pour but d'apporter un aperçu sur l'acquisition du schwa par des apprenants japonais de français langue étrangère, une population encore non traité, en ce qui concerne le schwa, dans le cadre du projet IPFC-Japon. L’originalité de cette recherche réside en outre dans le fait de se pencher sur l'effet de l'immersion, non pas juste après le retour des apprenants, mais 1 an après leur retour. Ceci permet d'inclure également l'influence du contexte hétéroglotte dans lequel les apprenants évoluent durant cette période et permet de déterminer s’ils continuent de progresser dans la maîtrise du schwa ou si, au contraire, les éléments acquis durant le séjour en immersion se perdent.

Notre travail est constitué de deux grandes parties : une partie théorique (chapitre 1 et 2) et une autre expérimentale (chapitre 3). Dans le premier chapitre, nous présenterons tout d'abord le contexte du français au Japon, notamment son enseignement ainsi que les raisons qui motivent les apprenants japonais à étudier la langue de Molière qui est, à leurs yeux, une langue étrangère. Dans le chapitre 2, nous tenterons de définir le schwa puis nous passerons en revue la littérature consacrée à la question des facteurs qui conditionnent sa chute ou son maintien. Ensuite, nous examinerons les diverses difficultés que les apprenants pourraient rencontrer face à cette voyelle qui, selon Isely et al. (2018 : 1), "constitue un véritable défi pour les apprenants". Nous accorderons une attention particulière aux difficultés pour les Japonais, étant donné que les participants de cette présente recherche sont des japonophones.

Après avoir exposé le cadre théorique, nous passerons à la partie expérimentale, divisée en deux sous-études : Étude 1 et Étude 2. Avant d'analyser les résultats des deux études, les trois premières sections permettront de présenter le cadre IPFC dans lequel s'inscrit ce présent travail, les objectifs de notre recherche ainsi que la méthode (les participants, le matériel utilisé et la procédure d'analyse). La présentation des résultats sera suivie d'une discussion, pour l'étude 1 et pour l'étude 2.

Nous conclurons ce travail par un bilan qui reprendra les éléments clés relevés à travers cette étude et nous évoquerons quelques perspectives fournissant des pistes de recherches qui pourraient être entreprises dans le futur.

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Chapitre 1 : Éléments de contexte

1.1 La place du français au Japon

Le Japon a souvent la réputation d'être un pays "unique" et "authentique" de par son héritage culturel et historique mais également du point de vue linguistique. En effet, le japonais y est la seule langue officielle de facto mais, en raison du flux migratoire et des échanges économiques avec les autres pays, la population japonaise ainsi que le contexte linguistique sont en constante mouvance et deviennent de plus en plus hétérogènes. En 2017, le Ministère de la Justice1 annonce que 2 % de la population japonaise sont des résidents étrangers, la plupart étant des résidents temporaires, des étudiants ou des immigrants. Ainsi, selon Gottlieb (2008), d'autres langues que le japonais telles que le chinois, le coréen, le tagalog mais également des langues "occidentales" telles que le portugais ou l'espagnol sont parlées sur les territoires nippons, principalement dans les communautés migrantes. Malgré cette diversité ethnique et linguistique, le gouvernement japonais semble nier cette réalité, car, comme le relève Gottlieb (2008), aucune enquête n'a jusqu'à présent été menée sur le plan linguistique permettant d'obtenir des données sur les langues étrangères2 parlées au Japon, ce qui témoigne d’un manque de reconnaissance envers les langues étrangères de la part de l'État japonais3.

Bien que le contact avec les langues étrangères semble encore un peu effrayant pour la population japonaise, l'arrivée des langues étrangères n'est pas un fait récent. En effet, comme le souligne Ishikawa (2018), le premier contact avec les langues "occidentales", notamment le français, date de 1854, dès la réouverture du pays4. Avec la restauration du Japon et les visites fréquentes des grandes puissances occidentales sur les terres nipponnes, le français – ainsi que les autres langues étrangères telles que l'allemand et l'anglais – commence à être enseigné afin de pouvoir accéder aux connaissances extérieures comme par exemple la civilisation des Occidentaux et surtout pour s'inspirer de leur régime politique. Ainsi, comme l’explique Ishikawa (2018), en se basant sur le modèle européen, le Japon se développe petit à petit jusqu'à construire un État moderne. Dès l'ère Meiji, le français – tout comme l'allemand et l'anglais – a été introduit dans le système éducatif

1 Statistiques établies par Ministère de la Justice.

[En ligne] http://www.moj.go.jp/content/001271378.pdf

2 L'étiquette "langues étrangères" qualifie toutes les langues étrangères à part l'anglais, qui a un statut un peu particulier au Japon.

3 Le nombre de langues parlées au Japon est estimé en fonction des nationalités des résidents étrangers (Gottlieb, 2008 : 25)

4 Le Japon a traversé une période de "fermeture" (sakoku) limitant tout contact avec l'extérieur pendant le règne de la dynastie Tokugawa.

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comme branche enseignée au niveau secondaire et supérieur afin d'acquérir de nouvelles connaissances et d'amener une "pensée moderne" dans la société japonaise (Ishikawa, 2018 : 118).

Par la suite, le français connaît une baisse de popularité avec une forte diminution d'apprenants par rapport aux deux autres langues – à savoir l'allemand et l'anglais – introduites dans le cursus universitaire. En effet, l'image du français prend une autre tournure quelques années après son introduction dans le système éducatif : il est notamment considéré comme étant une langue

"susceptible de rendre la pensée du peuple déloyale envers la maxime patrimoniale – c'est-à-dire l'allégeance pieuse et l'obéissance absolue – et d'empêcher de ce fait la construction d'un État moderne centralisé" (Izumi, 1981, cité dans Ishikawa 2018 : 83). Ainsi, depuis les années 1880, le français est une branche "déconseillée" et c'est en 1956, avec la promulgation de la Norme d'établissement des universités (daigaku-setchi-kijyun), que le français reprend sa place dans le système éducatif universitaire – tout comme l'anglais et l'allemand – en tant que "matières de langues étrangères" (gaikokugo kamoku) (Ishikawa, 2018 : 84).

Aujourd'hui5, comme le souligne Ishikawa (2018), bien qu'il n'y ait pas de hiérarchie entre les langues étrangères enseignées au niveau universitaire, l'anglais garde un certain prestige à côté du français, jugé comme étant moins important. Même si l'anglais est une langue aussi étrangère que le français ou l'allemand pour les Japonais, il a gagné son importance au fil du temps, à tel point que l'apprentissage de l'anglais est devenu obligatoire à partir du lycée (Ishikawa, 2018). Ainsi, pour la majorité des Japonais, l'anglais est la première langue étrangère à laquelle ils sont familiarisés. De ce fait, bien que l'anglais ne soit ni une langue nationale ni une langue officielle au Japon, il est considéré comme étant une "langue véhiculaire internationale" (Programmation du Japon du 21 siècle, 2000 : 44, cité dans Ishikawa, 2018 : 86), un outil indispensable à la communication avec l'extérieur (Gottlieb, 2008 : 43).

En ce qui concerne l'enseignement des langues étrangères autre que l'anglais dans les lycées6, le chinois se trouve en première place, suivi du coréen, et le français occupe la troisième place, selon une enquête menée par le Ministère de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie (dorénavant abrégé MEXT) en 2014. Toujours selon les chiffres du MEXT, sur les 4'963 établissements7 "classiques" – c'est-à-dire les établissements qui n'offrent pas de cours de langues étrangères, à l'exception de l'anglais qui est enseigné en tant que langue seconde –

5 Bien que les chiffres représentés dans l'ouvrage d'Ishikawa datent de 2009, la situation semble être la même selon les derniers chiffres publiés par MEXT (2014). Voir également la note de bas de page numéro 8 (ci-dessous).

6 Lycées publics, privés et nationaux confondus.

7 MEXT 5M@/DJHIS13272<TYQB/9

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répertoriés en 2014, seuls 223 établissement 8 proposaient le français comme matière d'enseignement, ce qui représente environ 4.5 % des lycées japonais. Au niveau du nombre d'étudiants, sur les 3'334'019 lycéens seuls 9'214 d'entre eux (environ 0.27 %) apprenaient le français dans le cadre de leurs études. Ces chiffres permettent donc de conclure que la majorité des Japonais apprennent une deuxième langue étrangère au niveau universitaire, contrairement à l'apprentissage de l'anglais qui commence dès le collège voire avant.

1.2 Quelle(s) variété(s) française(s) enseignée(s) au Japon ?

Au Japon, comme dans beaucoup d'autres pays, il existe différentes variétés linguistiques, comme le souligne Gottlieb (2008), qui peuvent être perçues à la fois comme une richesse mais qui peuvent également créer une certaine tension entre les différentes variétés parlées sur un même territoire.

Chaque pays a sa propre politique linguistique, que ce soit pour valoriser la diversité ou au contraire, effacer cette diversité en délégitimant certaines variétés afin d'homogénéiser le pays en ne gardant qu'une seule langue, appelée "langue standard" (Milroy, 2001). Cette représentation d'une langue "standard" serait, comme l'explique Milroy (2001), construite à partir des idéologies circulant autour de cette idéalisation d'une langue qui ne serait finalement qu'un imaginaire. Cette représentation d'une langue jouerait un rôle important non seulement au niveau de l'apprentissage mais également sur la manière d'enseigner une langue étrangère. Il semble dès lors intéressant d'observer la ou les représentations de la langue française chez les Japonais, et comment l'apprentissage de cette langue est abordé dans les écoles japonaises.

Comme le relève Ishikawa (2018), dans la société japonaise d'aujourd'hui, il est fréquent de rencontrer du français dans la vie de tous les jours, que ce soit à l'écrit ou à l'oral. L'auteur note que de nombreuses enseignes (restaurants, cafés, boulangeries...) sont écrites en français, comme par exemple "Vie de France" (boulangerie) ou encore "CLEF DE SOL" (boutique de vêtements), ainsi que certains termes français qui sont repris en japonais tels que "croissant", "baguette" ou encore

"mille-feuille". Une étude sur les stéréotypes de la France chez les Japonais non spécialistes du français, effectuée par Giunta (2018), montre que beaucoup de ces participants associent la France à l'alimentation mais cette étude montre également le peu de connaissance des Japonais concernant la France, malgré leur intérêt pour ce pays. En ce qui concerne les représentations linguistiques, le français est qualifié comme étant "une des langues les plus répandues dans le monde" ou encore une langue ayant "une belle sonorité" (Ishikawa, 2009 : 54). Ces quelques représentations majeures des

8 MEXT FL*--+L@?NK /9=:S13VX2W7U6>,T.

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Japonais sur la France et la langue française montrent une certaine idée de leur motivation quant à l'apprentissage du français.

Lorsqu'il s'agit de l'enseignement du français au Japon, Ishikawa (2018) rappelle qu’il est important de ne pas oublier le contexte de l'enseignement et de l'apprentissage de la langue : le français n'étant ni une langue officielle du pays, ni une langue parlée au quotidien, son utilisation se limite à la classe, bien que cette langue ne soit pas totalement absente au Japon. L'une des particularités de la classe de français langue étrangère (FLE) au Japon – qui ne concerne bien évidemment pas que le Japon – est l'homogénéité des participants, avec des classes constituées uniquement d'apprenants japonais. Pour Ishikawa (2018), cette situation – à savoir tant le contexte hétéroglotte qu'une classe homogène – n'est pas propice à l'apprentissage d'une langue étrangère, en l'occurrence le français, en raison du manque de contact avec la langue cible mais également du manque de connaissance culturelle et sociale françaises.

Un autre élément à prendre en compte est la "culture éducative" au Japon, qui est principalement basée sur l'écrit, et notamment sur l'apprentissage des kanjis9 (Detey, 2005 : 63). Ce mode d'apprentissage se refléterait également sur celui d'une langue étrangère, car les instituts – notamment au niveau secondaire – semblent attacher une plus grande importance à la grammaire et à la compréhension des textes littéraires français plutôt qu'à l'aspect communicatif (Detey et Lyche, 2019). Au niveau universitaire, les cours de français sont généralement divisés en deux parties : une partie de cours de grammaire donnés par un enseignant japonais, et l'autre partie, de cours de lecture dispensés par un enseignant francophone natif (Ishikawa, 2018). Cependant, comme le souligne Ishikawa (2018), avec le développement de l'apprentissage par une approche actionnelle dès les années 1980, de plus en plus d'universités japonaises offrent des cours de conversation et non plus de lecture, bien que les cours de grammaire gardent toujours autant d'importance dans l'apprentissage du français. Cette importance accordée à la grammaire se remarque également dans le descriptif du MEXT concernant les cours de "langues étrangères" : contrairement au descriptif des quatre compétences langagières – production orale, production écrite, compréhension orale et compréhension écrite – qui se limite à quelques lignes sans grande précision, le descriptif relatif au contenu grammatical est beaucoup plus précis quant aux points grammaticaux à aborder en classe10.

9 Les kanjis sont une des écritures japonaises importées de l'écriture chinoise.

10 MEXT,QB/9/E40HOYA8C-+.

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En ce qui concerne la variété de français enseignée dans les cours de FLE au niveau secondaire, la description du MEXT à propos de l'éducation des langues étrangères indique que le matériel utilisé (en classe) doit être en français standard "actuel"11. Ceci suppose que le français enseigné de nos jours serait le français de Paris, puisque c’est celui qui est généralement considéré comme étant le français "standard" dans l'imaginaire collectif (Lyche, 2010 : 145). Au niveau universitaire, la majorité des manuels employés dans les cours de français sont rédigés en français "standard"

(Detey et Lyche, 2019). Ainsi du point de vue didactique, la sensibilisation aux variétés françaises ne semble pas encore tout à fait développée dans les classes de FLE au Japon, quel que soit le niveau d'étude.

Au niveau des acteurs – enseignants et apprenants –, dans l'enquête menée par Detey et Lyche (2019) sur l'enseignement des variétés françaises et de la francophonie dans les cours de FLE en Norvège et au Japon, les participants japonais montrent un certain intérêt pour les variétés françaises et encouragent la sensibilisation à la francophonie. Mais les résultats globaux de cette étude montrent toutefois que les participants norvégiens et japonais attachent une plus grande importance au français standard, comme Detey et Lyche (2019) l’expliquent dans leur conclusion :

"Il en ressort qu'en dépit de la promotion socioculturelle croissante de la francophonie, la part réservée à la diversité des voix francophones dans l'input reste encore très pauvre, que les enseignants manquent de formation à ce sujet, et que les apprenants, tout en reconnaissant l'importance d'une introduction aux variétés de français, demeurent essentiellement attachés à la conception d'un standard dominant."

(Detey et Lyche, 2019 : 10)

Les Japonais – tout comme les Norvégiens – semblent donc préférer l'apprentissage du français standard, même s'ils voient la diversité d'un point de vue plutôt positif. Cette envie d'apprendre le français standard pourrait s'expliquer en partie, comme l'illustrent Detey et Lyche (2019 : 9) en citant un des entretiens avec un apprenant japonais, pour sa fonction passe-partout favorisant ainsi

"l'intercompréhension", selon le terme employé par cet apprenant. Ainsi, Detey et Lyche (2019 : 9) constatent, à travers leur enquête, qu'il y a "la quasi-unanimité en faveur d'une initiation orale [aux]

variétés [de français], unanimité qui s'oppose aux pratiques en salle de classe", que ce soit du point de vue des apprenants norvégiens ou japonais.

11 MEXT,QB/9/E40HOYA8C-+.

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1.3 Le FLE : les motifs d'apprentissage des Japonais

Selon Besse (2009), il existe deux types de public d'apprenants de langue étrangère : ceux qui apprennent une langue étrangère pour des raisons professionnelles et utilitaires, et ceux qui l'apprennent pour des raisons liées à des éléments extrinsèques tels que leur intérêt pour l'aspect culturel du pays (l'art, la littérature, l'histoire, etc.) ou pour le côté esthétique de la langue.

Au Japon, pour la grande majorité des étudiants, l'apprentissage du français – et des autres langues étrangères hormis l'anglais – commence au niveau universitaire. Comme le français n'est pas une langue utilisée dans la vie de tous les jours et que son enseignement n'est plus imposé par le gouvernement dans le système éducatif au niveau secondaire (Ishikawa, 2009), il est intéressant de comprendre le choix de cette langue et les motifs qui poussent les étudiants japonais à apprendre le français.

Ici seront repris les motifs mentionnés dans trois enquêtes menées au Japon sur l'apprentissage du français dans les universités : celles de Himeta12 (1997 et 2006, cité dans Besse 2009) ainsi que celle d'Ishikawa (2009). Ces trois enquêtes, menées à des moments différents, montrent une certaine similitude parmi les diverses justifications apportées par les participants, qui pourraient être divisées en quatre catégories13 : l'esthétisme de la langue, l'intérêt à la culture française, le tourisme et enfin l'image internationale de la langue française comme étant "une des langues les plus répandues dans le monde" (Ishikawa, 2009 : 54). Ishikawa (2009) précise qu'il arrive également que l'apprentissage du français soit entrepris pour accéder à des ressources dans d'autres domaines tels que l'histoire ou la philosophie. Du point de vue temporel, il est intéressant de noter que l'image du français comme langue internationale est mentionnée dans les deux études les plus récentes (Himeta, 2006 ; Ishikawa 2009), ce qui suppose qu'avec la tendance à la globalisation du 21ème siècle, les étudiants japonais semblent avoir un esprit de plus en plus ouvert et seraient avides de connaître "l'autre", de découvrir la diversité. Il est également pertinent de souligner que cet argument était le plus relevé dans l'étude d'Ishikawa (2009), ce qui, encore une fois, souligne l'importance de cette conscience à l'altérité et de l'envie d'apprendre la langue à des fins communicatives, et moins pour des motifs d'esthétisme comme cela semblait être le cas dans l'étude de Himeta, en 1997 (Besse, 2009 : 13).

Aujourd'hui, cet esprit d'ouverture et l'intérêt porté à "l'autre" pourraient se justifier par des

12 Les résultats des deux études de Himeta sont repris de l'article de Besse (2009), car ces deux études n'ont malheureusement pas pu être consultées.

13 Nous avons constitué ces quatre catégories sur la base des témoignages mentionnés dans les travaux de Himeta (1997 et 2006, cité dans Besse 2009) et d'Ishikawa (2009).

(16)

statistiques14 concernant le nombre d'étudiants partant en échange à l'étranger. Selon les chiffres publiés par la Japan Student Services Organization (JASSO)15, les étudiants japonais – la plupart étant des universitaires – sont de plus en plus nombreux à partir en échange au cours de leurs études. En 2017, 105'301 étudiants sont partis16 à l'étranger, ce qui ne prouve pas forcément que les étudiants japonais s'intéressent à la langue française étant donné que la destination la plus prisée est les Etats-Unis. Cependant, d'autres sources telles que l'OCDE ou encore l'UNESCO relèvent qu'en 2016, 55'969 Japonais sont partis en échange, dont 1'659 en France.

Les échanges linguistiques sont souvent recommandés aux apprenants d'une langue étrangère, principalement pour apprendre la langue cible. En effet, comme Regan (2003) et Regan et al.

(2009) le soulignent, de nombreuses études montrent qu'être constamment exposé à la langue cible durant une certaine période permet à l'apprenant de s'approprier cette langue étrangère. Cette idée d'apprentissage en immersion vient notamment de l'hypothèse que "l'apprentissage d'une langue seconde peut s'appuyer sur des processus semblables à ceux qui ont permis l'acquisition de la langue maternelle par un enfant" (Briquet, 2006 : 14). En effet, l'enfant apprend sa langue maternelle en étant, comme Briquet (2006) le mentionne, "baigné" dans sa langue maternelle dès son plus jeune âge, ce qui lui permet ainsi d'intégrer dans son cerveau les sons qu'il entend et de créer son propre système phonétique.

Par ailleurs, Regan et al. (2009) ajoutent, à travers diverses études présentées dans leur ouvrage, que le séjour en immersion est un contexte particulièrement propice à l'acquisition des éléments sociolinguistiques. Les auteurs expliquent la particularité de l'apprentissage en immersion de la manière suivante :

"(...) study abroad programmes are principally a means of allowing the instructed learner to acquire 'pseudo-naturalistic' status, by engaging in more informal acquisition in the target language (TL) community, through naturalistic contact with the L2 in everyday social situations. Following study abroad, the learner is characterised by more balanced access to both formal and informal input than the instructed learner outside the TL community and the naturalistic learner within that community."

(Regan et al., 2009 : 20)

En ce qui concerne la vision que porte le système éducatif japonais sur les séjours linguistiques, le MEXT encourage de plus en plus les étudiants à partir à l'étranger, notamment à travers une

14 Il s'agit de statistiques figurant dans un document publié par MEXT, concernant une enquête menée sur les étudiants étrangers en échange au Japon et les étudiants japonais en échange à l'étranger.

15 Selon la description reprise du site JASSO, il s'agit d'une "institution administrative indépendante établie sous le ministère de l'Education, de la Culture, des Sports, de la Science et des Technologies" (JASSO. Petit guide de l'étudiant au Japon. https://www.jasso.go.jp/fr/study_j/sgtj.html (consulté le 10.07.19)).

16 La durée de séjour s'étend entre moins d'un mois à plus d'une année.

(17)

compagne promotionnelle du nom de "tobitate" (") lancée en 2013. Ce programme vise à promouvoir l'apprentissage de langues étrangères en immersion, afin d'élever des "citoyens internationaux"17 – selon les termes de MEXT – et de permettre à la société japonaise de fonctionner de manière plus internationale dans le futur.

Ainsi, bien que le français – et les autres langues étrangères hormis l'anglais – ne soit pas une branche d'enseignement obligatoire au Japon, ni une langue imposée par les institutions pour des raisons politiques, la langue française semble toujours susciter un intérêt à la fois pour des raisons communicatives mais également culturelles.

Ce premier chapitre décrit globalement le contexte du français au Japon, notamment en ce qui concerne l'apprentissage de cette langue (section 1.1) ainsi que les représentations du français chez les Japonais, tout particulièrement concernant la question de la variété enseignée (section 1.2).

Enfin, la dernière section (1.3) du chapitre 1 énumère les principaux motifs d'apprentissage, qui poussent les étudiants japonais à apprendre le français.

Après avoir présenté le contexte de notre recherche, c'est-à-dire l'apprentissage du français au Japon, nous allons maintenant nous intéresser à un aspect de la langue française : le schwa. Comme notre présente étude porte sur la production du schwa français chez des apprenants japonophones, le chapitre 2 présentera la particularité de cette voyelle notamment son statut en tant qu'élément sociolinguistique, ainsi que les difficultés que pose le schwa.

Chapitre 2 : Le schwa comme élément de compétence sociolinguistique

Le schwa, en français, est une voyelle neutre qui a la particularité d'être prononcée ou non, en fonction de nombreux facteurs, à la fois linguistiques et sociaux (Walter, 1977 ; Racine, 2008 ; Lyche, 2010), ce qui rend son apprentissage souvent difficile, non seulement du point de vue phonétique, mais également en raison de son instabilité.

Comme le schwa constitue le cœur de la présente étude, nous allons commencer par le définir.

Ensuite, nous passerons en revue les différents facteurs linguistiques et extralinguistiques qui déterminent son maintien ou sa chute en nous appuyant sur les travaux antérieurs. Enfin, la dernière

17 Le site de la campagne promotionnelle emploie les termes japonais "gurōbaru jinzai" (&(!%)8), qui se traduiraient par "personne capable de fontionner dans le monde entier" (traduction personnelle).

(18)

partie de ce chapitre examinera les difficultés éprouvées par les apprenants concernant l'apprentissage du schwa, tout particulièrement par les Japonais.

2.1 Le schwa en français

Le schwa français est décrit comme une voyelle antérieure moyenne arrondie (Léon, 2014), qui existe également dans d'autres langues comme en anglais, en allemand, en néerlandais ou encore en danois (Detey et al., 2016)18.

Contrairement aux autres voyelles, le schwa français est, selon Lyche (2010 : 155), "déficient dans sa distribution". Tout d'abord, l'une des particularités du schwa qui le distingue des autres voyelles est le fait qu'il ne peut pas former une syllabe initiale à lui seul (*eprendre19). Une autre caractéristique du schwa est, toujours d'après Lyche (2010), qu'il ne peut pas être dans une situation de hiatus. Par ailleurs, le schwa ne peut se trouver qu'en syllabe ouverte comme dans "chemin" ([ʃə- mɛ̃]) (Lyche, 2010). Enfin, la plus grande particularité de cette voyelle est qu'elle est instable : le schwa peut être prononcé dans certains cas, alors que dans d'autres cas, il peut disparaître. Par exemple, la séquence "Je me le demande" peut être produite "Je m'le d'mande" ou "J'me l'demande"

ou tout simplement "Je me le demande" (Gadet, 1997 : 60). Il s'agit de la même phrase, mais produite sous trois formes phonétiques différentes : avec des chutes du schwa dans les deux premiers exemples et sans dans le troisième. De par sa nature instable, cette voyelle est baptisée sous plusieurs appellations telles que "e caduc", "e instable", "e muet", ou encore "e féminin" qui illustrent bien la nature complexe du schwa (Racine, 2008 : 14 ; Léon, 2014 : 223).

Ainsi, le schwa a longtemps intrigué les chercheurs, comme l'exprime Walter (1977) dans la citation suivante :

"La question du 'e muet' est depuis des décennies la question la plus controversée de la phonologie du français. Cela est imputable d'une part au fait qu'elle est sous l'étroite dépendance de la graphie, sans que cette dépendance soit régulière, et d'autre part qu'il existe ici, plus que partout ailleurs, une grande variété de réalisation suivant les sujets et suivants les situations."

(Walter, 1977 : 49)

18 "La prononciation du français dans le monde – du natif à l'apprenant" (2016). Ouvrage collectif traitant le français comme langue d'apprentissage par des apprenants de différents L1. Le chapitre consacré aux apprenants japonophones se trouve dans les références bibliographiques de la présente étude (voir Kamiyama et al. 2016).

19 Exemple repris dans l'ouvrage de Lyche (2010)

(19)

Afin de dresser un "portrait" de cette voyelle, nous allons nous baser sur trois éléments, proposés par Côté (2019), permettant de décrire le schwa : son timbre, son alternance avec zéro et enfin sa relation avec la graphie.

Tout d'abord, en ce qui concerne son timbre, selon l'API, le schwa est décrit comme une voyelle moyenne centrale neutre20 – c'est-à-dire que les lèvres ne sont ni arrondies ni écartées – et elle n'est jamais accentuée (Racine, 2008 : 3). Cette voyelle est représentée par le symbole /ə/, qui correspond à la voyelle d'interjection "euh" marquant une hésitation en français standard (Léon, 2014 : 224).

Cependant, son timbre varie en fonction des régions, des individus et du contexte d'interaction (Léon, 2014 : 223). De ce fait, le schwa peut prendre le timbre de la voyelle semi-ouverte [œ]

comme dans "jeune" alors que dans d'autres régions, notamment au Nord de la France, le schwa tend à être prononcé comme la voyelle semi-fermée [ø] comme dans "jeu" (Léon, 2014 : 223). Le schwa a donc la particularité d'avoir un timbre qui oscille entre les trois sons ([œ], [ə] et [ø]) bien qu'il ne s'agisse que d'une seule voyelle.

La deuxième caractéristique du schwa est son alternance avec zéro. En d'autres termes, le schwa peut être soit réalisé soit effacé. Comme nous l'avons évoqué plus haut, cette voyelle est baptisée sous plusieurs appellations, aujourd'hui les plus communes étant "e caduc", "e instable", "e muet", ou encore "e féminin", bien que cette dernière, selon Racine (2008), s'utilise "très rarement"

(Racine, 2008 : 14 ; Léon, 2014 : 223). Dans son ouvrage, Léon (2014) explique que ces différentes appellations décrivent le caractère particulier du schwa : le "e muet" doit son nom au fait que le "e"

n'est pas prononcé, même si la voyelle est graphiquement présente. Toujours selon Léon (2014), le

"e instable" ou le "e caduc" expriment le caractère variable de la voyelle, qui est prononcée dans certains contextes et absente dans d'autres. Quant au "e féminin", cette appellation est liée au fait que le "e" permettait autrefois de distinguer le masculin et le féminin comme dans "aimé" et

"aimée", le "e" final au féminin étant plus long (Léon, 2014 : 223). Concernant cette dernière appellation, Léon (2014) précise qu'aujourd'hui, cette distinction se fait de moins en moins en français standard, bien que dans certaines variétés du français, le "e" féminin est encore aujourd'hui maintenu. Enfin, le terme "schwa" est un mot repris de l'hébreu, signifiant "rien" ou "néant" et exprimant ainsi la fonction "nulle" de la lettre <e> (Racine, 2008 ; Léon, 2014).

Il existe d'autres noms moins courants dans la littérature sur le schwa, notamment celui de Jetchev (1999) qui propose d'appeler le schwa "ghost vowel" (Jetchev, 1999) qui se traduit par "voyelle

20 Ces trois éléments décrivent, dans l'ordre, le degré d'aperture, la position du dos de la langue et l'arrondissement des lèvres.

(20)

fantôme". On pourrait aussi imaginer appliquer le terme "caméléon", utilisé par Wiese (2003) pour décrire la liquide /r/, au schwa. En effet, Wiese (2003 :41) explique la liquide /r/ en allemand de la manière suivante : "The phoneme /r/ in German and many other languages is a chameleon in terms of segmental features, which change frequently and quickly, and which seem largely irrelevant with respect to phonological regularities.". Il ne s'agit, certes, pas du schwa que Wiese (2003) décrit, mais le comportement du /r/ en allemand semble représenter des caractéristiques semblables au schwa sur le plan de la variation. En effet, les deux – le /r/ allemand et le schwa français – sont imprévisibles et changent constamment leur apparence en fonction du contexte, comme un caméléon qui change de couleur en fonction de son environnement.

Bien qu'il existe plusieurs noms désignant cette mystérieuse voyelle, ils ne semblent pas tous toujours appropriés et ils varient en fonction du point de vue adopté par le chercheur. Par exemple, selon Léon et al. (2009) ainsi que Grammont (1941, cité dans Racine, 2008), le terme "e muet" est

"malencontreux" (Léon et al., 2009 : 33) car bien que ce "e" peut ne pas être prononcé, il peut également être prononcé dans certains cas. De ce fait, le "e" n'est pas toujours muet comme cette appellation le laisse entendre. Comme le souligne Racine (2008), Fouché critique également le terme "e muet" car, selon lui, cette dénomination décrit uniquement les "e" orthographiquement présents mais qui ne sont jamais prononcés comme dans "samedi" (Racine, 2008 : 15) dans lequel le schwa chute toujours (réalisé [samdi]) dans la majorité de l'espace francophone. De ce fait, cette terminologie semble peu adéquate, car elle ne décrit pas sa variabilité, notamment dans le cas où il est maintenu. Fouché (1969) critique également l'appellation "e caduc", comme Racine (2008) le fait remarquer, car selon lui, cette terminologie exclut les "e" qui tombent obligatoirement, comme dans "samedi", et les "e" qui se maintiennent toujours, comme dans "grenier" (Racine, 2008 : 16).

En ce qui concerne le terme "schwa", inspiré de Maurice Grammont, on peut noter qu'il est utilisé majoritairement par les chercheurs pour décrire le phénomène phonologique de ce "e" est non pas l'aspect phonétique (Laks et Durand, 2000 ; Racine, 2008). En effet, selon la relecture de Grammont proposé par Laks et Durand (2000), Grammont avait adopté ce postulat en ne s'intéressant non pas au timbre de cette voyelle mais à son comportement qui tend à se maintenir ou à disparaître en fonction de l'environnement phonologique21.

Enfin, le dernier critère spécifique au schwa, selon Côté (2019), concerne sa relation avec la graphie. En effet, au niveau graphique, le schwa est représenté par un <e> sans accent. Cependant, en français, comme l'indique Léon (2016), le graphème <e> peut être prononcé de différentes

21 Dans le présent travail, le terme schwa sera principalement utilisé, car il s'agit d'un travail visant à observer le comportement du schwa dans la production des locuteurs non natifs.

(21)

façons en fonction des éléments qui l'entourent. Ainsi, lorsque le "e" se trouve devant une consonne double comme dans "effet" ou devant <sc> comme dans "descente", il aura un timbre fermé, mais il peut également avoir un timbre ouvert comme dans "terreur" (Léon, 2016 : 224). Par ailleurs, le

<e> graphique peut également ne pas être prononcé – généralement les "e" qui se trouvent en fin de mot – comme dans "livre" ([livʁ]). Cependant, dans certaines variétés notamment au Sud de la France, les schwas finaux sont généralement réalisés, de ce fait "livre" se prononcera [livʁə]

(Coquillon et Durand, 2010). Enfin, Léon (2014) précise que le schwa peut également être représenté par la graphie <on> ou <ai> dans de rares cas comme dans "monsieur" ([mǝsjø]),

"faisan" ([fǝzã]), et certaines déclinaisons du verbe "faire" comme dans "faisait" ([fǝzɛ]) (Racine, 2014)22. Ainsi, les occurrences comme "monsieur" ou "faisait" peuvent être également prononcées

"m'sieur" ([msjø]) ou "f'sait" ([fzɛ]), bien que graphiquement, le schwa soit représenté par <on> et

<ai>.

Dans cette section 2.1, nous avons décrit le schwa français en nous basant sur les trois critères spécifiques au schwa proposés par Côté (2019), qui sont : le timbre, l'alternance avec zéro et la relation avec la graphie. Bien qu'il existe de nombreuses études consacrées au schwa, tant dans le passé23 que dans le présent, la nature de cette voyelle reste toujours mystérieuse. Cette situation mène certains chercheurs à remettre en question son statut en tant que voyelle et proposent d'autres appellations liées à sa fonction telle que "lubrifiant phonique" comme le propose Martinet (1969) qui servirait à "alléger des groupes consonantiques lourds" (Martinet, 1969 cité dans Lyche, 2010 :155) ou encore "glissante syllabique" proposée par Jackobson et Cotz (1949, cité dans Lyche, 2010 : 155).

De par ses multiples appellations et son instabilité, cette voyelle constitue "une des épines" (Lyche, 2010 : 154) dans le monde de la phonologie, intriguant de nombreux chercheurs. Bien qu'elle soit difficile à cerner, les observations faites dans les études antérieures ont permis de relever certains facteurs influençant le comportement du schwa. Nous allons donc, dans la section 2.2, nous intéresser à ces derniers de deux points de vue : linguistique et extralinguistique.

22 Cours de phonétique et phonologie BA1

23 Racine (2008) présente certains de ces phonéticiens et phonologues ayant étudié le phénomène du schwa, notamment Grammont, Fouché, Malécot, Delattre, etc.

(22)

2.2 Les facteurs de maintien / chute du schwa

Selon plusieurs chercheurs (Walter, 1977 ; Gadet, 1997 ; Léon, 2014), la chute ou le maintien du schwa dépend de différents facteurs à la fois linguistiques et extralinguistiques. Tout d'abord, sur le plan purement linguistique, le nombre et le type de consonne, la position syllabique et la fréquence lexicale jouent un rôle déterminant sur la variation du schwa (Racine, 2008 ; Racine et Grosjean, 2002). Sur le plan extralinguistique, les facteurs tels que la provenance et l'origine sociale du locuteur, le style de discours ou encore l'aspect rythmique du discours influenceraient le maintien ou la chute du schwa (Racine, 2008).

Nous allons examiner ces différents facteurs un par un, en commençant par les facteurs linguistiques. Dans un deuxième temps, nous aborderons les facteurs extralinguistiques, c'est-à-dire les facteurs qui influencent la chute du schwa en lien avec le locuteur et l'environnement dans lequel il évolue.

2.2.1 Facteurs linguistiques

Nous allons, pour commencer, nous intéresser aux facteurs gouvernant la chute ou le maintien du schwa qui sont les suivants : le nombre de consonnes, la position syllabique dans laquelle le schwa se trouve, la nature des consonnes environnantes et enfin l'influence de la fréquence lexicale (Racine, 2008).

Tout d'abord en ce qui concerne le premier facteur – c'est-à-dire le nombre de consonnes – l'une des théories les plus connues aujourd'hui et qui décrit bien le comportement du schwa est la Loi des trois consonnes établie par Maurice Grammont (1914, cité dans Dell, 1985 ; Laks et Durand, 2000 et Racine, 2008). Selon Dell (1985), Mende (1880, cité dans Dell, 1985) aurait déjà fait une première tentative de description du schwa avant Grammont (1910), mais ce serait Grammont qui aurait marqué "le point de départ d'une série de descriptions" (Dell, 1985 : 219) de la voyelle. Son principal objectif, en établissant la Loi des trois consonnes, consistait à éviter un groupe de trois consonnes consécutives (Grammont, 1914 cité dans Laks et Durand, 2000 et Racine, 2008). Ainsi, Grammont (1910) définit la Loi des trois consonnes comme suit : "L'e étymologique ou non, n'apparaît que lorsqu'il est nécessaire pour éviter la rencontre de trois consonnes comprises entre deux voyelles fermes" (Grammont, 1933 cité dans Laks et Durand, 2000 : 32). Il précise également que les consonnes les plus influentes sont les consonnes qui précédent le schwa plutôt que celles qui le suivent (Racine, 2008). Ainsi, lorsque le schwa est précédé d'une consonne, il est plus susceptible de tomber comme dans "semaine" ([səmɛn]) qui pourrait également être produit "s'maine" ([smɛn])

(23)

(Lyche, 2010 : 156). En revanche, lorsque le schwa est précédé d'au moins deux consonnes et suivi d'une consonne, il est généralement maintenu afin d'éviter un groupe de trois consonnes consécutives, comme dans "donne le pain" où le schwa dans "le" tend à être maintenu (Lyche, 2010 : 156). Cependant, comme le souligne Racine (2008), cette Loi des trois consonnes est

"confrontée à de nombreuses exceptions" (Racine, 2008 : 73). De ce fait, elle ne suffit pas pour circonscrire le comportement du schwa.

Le deuxième facteur influençant le comportement du schwa concerne la position syllabique dans laquelle se trouve le schwa dans un mot (Gadet, 1989 ; Racine, 2008 ; Racine et al., 2016). En plus de la Loi des trois consonnes, différents contextes dans lesquels le schwa tend à tomber ont été répertoriés, notamment par Dell (1985). Nous reprenons les "grandes lignes" de Dell, condensées par Lyche (2010 : 155) en nous intéressant au schwa dans trois contextes : dans les monosyllabes ("le"), dans les syllabes en initiale de polysyllabes ("cheval") et dans les syllabes en interne de polysyllabes ("doucement").

Tout d'abord, le schwa – précédé d'une seule consonne – qui se trouve en interne de polysyllabes n'est généralement jamais prononcé sauf lorsqu'il est sous emphase (Lyche, 2010). En revanche, lorsque le schwa se trouve dans un monosyllabe ou dans une syllabe en initiale de polysyllabe, le schwa est instable car le contexte consonantique varie plus souvent qu'en syllabes interne de polysyllabes (Lyche, 2010 ; Isely et al., 2018). En effet, comme le contexte gauche – c'est-à-dire les consonnes et les voyelles qui précèdent le schwa – change constamment, le nombre de consonnes qui précèdent changent également (Lyche, 2010). De ce fait, comme Walter (1977) l'illustre avec le mot "melon" (Walter, 1977 : 49), le schwa dans la séquence "sept melons" ([sɛtməlɔ̃]) ne va pas forcément tomber car il est précédé de deux consonnes (/t/ et /m/) et suivi d'une consonne (/l/). Or, dans une séquence telle que "un melon", le schwa serait plus susceptible de tomber car il est précédé et suivi d'une seule consonne (/m/ et /l/), de ce fait cette séquence pourrait se prononcer [ɛ̃məlɔ̃] (sans chute) ou [ɛ̃mlɔ̃] (avec chute) (Walter, 1977). Il s'agit d'un schwa dans la même position – c'est-à-dire dans la première syllabe d'un polysyllabe – mais le contexte gauche est différent : dans le premier contexte, le schwa est précédé de deux consonnes, alors que dans le deuxième contexte, le schwa est précédé d'une voyelle et d'une consonne.

Enfin, il arrive que plusieurs syllabes contenant un schwa se suivent. Dans ce contexte, selon Gadet (1997), c'est principalement le premier schwa qui détermine la chute ou le maintien des autres schwas : si le schwa chute dans la première syllabe, le deuxième schwa sera maintenu, le troisième schwa chutera à nouveau et ainsi de suite. Ainsi, dans la séquence "Je me le demande" le schwa

(24)

peut tomber dans "me" et "demande" et être maintenu dans "je" et "le" ([ʒəmlədmɑ̃d]) ou bien, il peut tomber dans "je" et "le" et être maintenu dans "me" et "demande" ([ʒməldəmɑ̃d]) (Gadet, 1997 : 60). Dell (1985), de même que Gadet (1997), précise que cette "règle" est en réalité une tendance et non pas une "nécessité absolue" à respecter (Dell, 1985 : 248). Il est, de ce fait, tout à fait possible, de réaliser tous les schwas successifs (Dell, 1985). Cependant, plus la séquence est longue, plus un locuteur natif aura tendance à effacer des schwas afin de garder une certaine fluidité et de maintenir une "diction naturelle" (Dell, 1985 : 248).

La position syllabique du schwa est, certes, importante mais Delattre (1951) rajoute que la nature des consonnes conditionne également le maintien et la chute du schwa. Il développe une théorie basée sur le degré d'aperture des consonnes qui précèdent le schwa. Et comme le souligne Racine (2008 : 28), le degré d'aperture coïncide avec "le principe régissant le découpage syllabique". En effet, Delattre (1951) insiste tout particulièrement sur l'importance du découpage syllabique qu'il exprime de la manière suivante :

"Le jeu de l'ə est fortement relié au rythme de la chaine parlée française – cette chaîne dont les anneaux sont les syllabes qui se succèdent extraordinairement égales les unes aux autres par comparaison avec ce qui se passe dans toute autre langue."

(Delattre, 1951 : 342)

Ainsi, Delattre (1951 : 343) fait la distinction entre deux consonnes24 "syllabiquement unies" et deux consonnes qui ne sont pas "syllabiquement unies". Il définit comme "syllabiquement uni" une syllabe dont la première consonne est plus fermée que la seconde. Delattre (1951) établit ainsi une échelle des consonnes de la plus fermée à la plus ouverte, qui se présente de la manière suivante : /p, t, k, b, d, g, m, n, f, s, ʃ, v, z, ʒ, ɲ, l, ʁ, j, w, ɥ/. Ainsi, lorsque les deux consonnes précédant le schwa sont syllabiquement unies, le schwa tend à se maintenir, alors que lorsque ces deux consonnes ne sont pas syllabiquement unies, le schwa est moins stable et risque plus de tomber (Delattre, 1951 ; Racine, 2008). Delattre (1951 : 343) explique que lorsqu'il n'y a pas ce lien syllabique entre les deux consonnes, la première consonne "n'est plus entièrement dans la syllabe de l'ə mais en partie dans la syllabe précédente". De ce fait, le schwa dans "justement" serait moins stable que celui dans "vendredi", car dans "justement" les deux consonnes qui précèdent le schwa – /s/ et /t/ – ne sont pas "syllabiquement unies" (Delattre, 1951 ; Racine, 2008). Selon l'échelle de Delattre (1951 : 344), /s/ étant moins fermée que /t/, /s/ se trouverait ainsi "en partie" dans la syllabe précédant celle où se trouve le schwa : [ʒys-stǝ-mã]. En revanche, dans "vendredi", /d/ étant plus

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