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L'Arbitrage et la Paix: L'Arbitrage Inter-étatique peut-il être un Pacificateur (juste) ?

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L'Arbitrage et la Paix: L'Arbitrage Inter-étatique peut-il être un Pacificateur (juste) ?

WUETHRICH, Jasmin Goplana

Abstract

Pour quelle raison s'intéresse-t-on à l'Arbitrage dans la recherche de la Paix ? Au niveau international, ce mode de règlement de litiges occupe un rôle de plus en plus important. L'un des textes dominant du droit international, à savoir la Charte des Nations Unies, y fais ex-pressément référence à son article 33 paragraphe 1. Ainsi, est-ce que l'Arbitrage peut être considérer comme pacificateur, apte à amener la Paix entre Etats? Si l'Arbitrage est réellement un moyen pour éviter la guerre,restaurer ou préserver la Paix entre Etats, il se pose encore la question de savoir si cette Paix est juste. En effet, une Paix conclue n'est pas ipso facto une Paix Juste. Va-t-il de même pour l'Arbitrage ?

WUETHRICH, Jasmin Goplana. L'Arbitrage et la Paix: L'Arbitrage Inter-étatique peut-il être un Pacificateur (juste) ?. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150490

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Université de Genève – Faculté de Droit

Séminaire Paix Justes, Paix Injustes : Essai de clarification conceptuelle Mémoire de Maîtrise

Année académique 2019-2020

L’Arbitrage et la Paix :

L’Arbitrage Inter-étatique peut-il être un Pacificateur (Juste) ?

Jasmin WÜTHRICH

Sous la Direction du Professeur Alexis KELLER

Date de reddition :29 août 2020

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- 1 - Remerciements

Je tiens à remercier et exprimer ma reconnaissance à,

Mon Directeur de Mémoire, Prof. Alexis KELLER, de m’avoir inspiré et guidé, pour le temps qu’il m’a accordé et ses remarques judicieuses, qui m’ont permises de rédiger et finaliser le présent Mémoire.

Ma mère, Dr. phil. Maria WÜTHRICH, pour son encouragement, ses réflexions philosophiques et conseils précieux, tout au long de la rédaction de mon Mémoire.

Marie-Pierre et Florent JOUBERT, pour leur relecture et correction minutieuse.

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- 2 - Table des Matières

I. Introduction ________________________________________________________ - 5 - II. Qu’est-ce qu’une Paix (Juste) ? ________________________________________ - 8 - A. Les Philosophies de Paix ___________________________________________ - 8 - B. Le concept de Paix Juste ____________________________________________ - 9 - 1. Reconnaissance minimale (Thin recognition)_________________________ - 10 - 2. Reconnaissance maximale (Thick recognition) _______________________ - 10 - 3. Le renoncement (Renouncement) __________________________________ - 11 - 4. Critère de la règle (Convention of rules) _____________________________ - 11 - III. Qu’est-ce que l’Arbitrage (Inter-étatique) ? _____________________________ - 13 - A. Définition ______________________________________________________ - 14 - B. Caractéristiques _________________________________________________ - 15 - 1. Accord de volonté ______________________________________________ - 15 - 2. L’arbitre _____________________________________________________ - 16 - IV. Paix (Juste) par l’Arbitrage Inter-Etatique ? ____________________________ - 18 - A. Relation entre l’Arbitrage et la Paix (Juste) ____________________________ - 18 - B. Cas d’études ____________________________________________________ - 22 - 1. Iran-United States Claims Tribunal ________________________________ - 22 - 2. Egypt-Israel Arbitration Tribunal-The Taba Award ____________________ - 25 - 3. The Brcko Arbitration ___________________________________________ - 28 - V. Conclusion ________________________________________________________ - 31 - Bibliographie __________________________________________________________ - 34 - Déclaration concernant les traductions _____________________________________ - 39 - Déclaration de non Plagiat _______________________________________________ - 40 - Annexes ______________________________________________________________ - 41 - Annexe 1 : Extrait Charte des Nations Unies ________________________________ - 41 - Annexe 2 : Extrait Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux 1899 ____________________________________________________________________ - 41 - Annexe 3 : Extrait Claims Settlement Declaration 1981 Iran-US_________________ - 42 - Annexe 4 : UNCITRAL Arbitration Rules __________________________________ - 43 -

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« The steady increase in the development and role of arbitration and conciliation in interna- tional trade gives rise to a temptation to reflect on their most general features. Such reflec- tions lead to a conviction that something exists which can be called philosophy of arbitration

and conciliation »1.

Jerzy JAKUBOWSKY,Reflections on the Philosophy of International Commercial Arbitration and Conciliation,1982.

1 JAKUBOWKY, p. 175.

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« Le droit de l’arbitrage, plus encore que le droit international privé, se prête à une réflexion de philosophie du droit. Les notions, essentiellement philosophiques, de volonté et de liberté

sont au cœur de la matière. La liberté des parties de préférer aux juridictions étatiques une forme privée de règlement des différends, de choisir leur juge, de forger la procédure qui leur

serait la plus appropriée, de déterminer les règles de droits applicables aux différends, quitte à ce qu’il s’agisse de normes autres que celles d’un système juridique donné, la liberté des arbitres de se prononcer sur leur propre compétence, de fixer le déroulement de la procédure

et, dans le silence des parties, de choisir les normes applicables au fond du litige, soulèvent autant de question de légitimité »2.

Emmanuel GAILLARD,Aspects philosophiques du droit de l’arbitrage international,2008.

2 GAILLARD, p. 18.

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I. Introduction

La Paix ; l’état dans lequel l’humanité recherche à vivre. Pour les chrétiens, notre Histoire com- mence en Paix3. La Paix étant considérée par l’humain comme l’état normal, comme le principe.

Et pourtant dans l’Histoire de l’humanité, il se présente plutôt comme une exception.

Quoi qu’il en soit, principe ou exception, la Paix est considérée comme l’état idéal. Après chaque conflit, après chaque guerre, la volonté de retrouver la Paix pousse l’être humain à mettre de côté ses préjugés, sa colère, sa politique et son ambition de pouvoir, afin de retrouver le Jardin d’Eden.

En temps de conflit entre Etats, la guerre arrive généralement plus rapidement que la Paix. Les mains sur les armes sont vite posées. Mais ce recours aux armes est-il réellement nécessaire ? Les Etats aujourd’hui, probablement plus qu’auparavant, essaye d’éviter une guerre par le biais de négociations et la conclusion d’accords. Néanmoins, les conflits armés ont existé et existent toujours.

N’y a-t-il donc pas d’alternative ? En effet, il en existe une, tant pour les conflits entre particu- liers qu’entre Etats : l’Arbitrage4. Comme un couple ayant la volonté de divorcer, deux Etats ne sont pas forcément aptes à trouver un accord entre eux. D’où l’idée de faire intervenir une partie tierce neutre, pour trouver une solution. Quelle différence avec un juge ordinaire ? L’Ar- bitrage mettant la volonté des parties au premier plan, les Etats ont, par le biais de la procédure arbitrale, entre outre, l’unique possibilité de choisir leur arbitre.

Pour quelle raison s’intéresse-t-on à l’Arbitrage dans la recherche de la Paix ? Au niveau inter- national, ce mode de règlement de litiges occupe un rôle de plus en plus important. L’un des textes dominant du droit international, à savoir la Charte des Nations Unies, y fais expressément référence à son article 33 paragraphe 1 :

« Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix »5.

3 Les termes Paix, Paix Juste, Arbitrage et Pacificateur étant définis ci-après, ils sont considérés dans le présent travail capitalisé, lorsqu’ils apparaissent comme sujet.

4 Dans le présent travail nous considérerons le terme « Arbitrage » comme équivalent à « Arbitrage international ».

5 Cf. Annexe 1.

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L’Arbitrage, parmi d’autres moyens de résolutions de litiges étant donc, en principe, une étape incontournable pour éviter un conflit armé. Il y a ainsi, bel et bien, raison d’être de l’analyse de sa relation avec la Paix.

L’Arbitrage peut-il donc être un Pacificateur ? Si l’on comprend le terme Pacificateur comme rendant justice, oui, forcément il est un Pacificateur ; sinon le but de l’Arbitrage serait vidé de son sens. Notre question ne se limite toutefois pas à la question de savoir si l’Arbitrage est capable de résoudre un litige entre Etats, ainsi s’il peut rendre justice. En effet, les termes de justice, Paix et Paix Juste ne sont pas à confondre. La relation inter-étatique est un phénomène complexe. Il en va de même des conflits entre Etats. Une « petite » dispute territoriale pouvant souvent être la cause ou la conséquence d’un conflit plus large, voir même un conflit armé.

Raison pour laquelle, notre question va plus loin. Nous nous concentrons sur le caractère paci- ficateur dans un sens plus large. Notre question étant de savoir si l’Arbitrage en tant que Paci- ficateur, est apte à amener la Paix.

Cette question peut être analysée de deux manières différentes. Premièrement, il peut être de- mandé si l’Arbitrage peut être considéré comme un moyen alternatif aux Traités de Paix, ainsi si celui-ci se présente plus efficace. Toutefois, on peut également approcher la question en se demandant si l’Arbitrage peut être un complément au Traité de Paix. En effet, comme nous allons le voir, une procédure arbitrale inter-étatique voit souvent le jour suite à la conclusion d’un Accord de Paix. Dans ce dernier cas de figure, la question qui se pose plus précisément est de savoir, si l’Arbitrage peut préserver la Paix déjà établie. Nous allons surtout nous con- centrer sur cet aspect de l’effet pacificateur de l’Arbitrage.

Si l’Arbitrage est réellement un moyen pour éviter la guerre et ainsi de restaurer ou préserver la Paix entre Etats, il se pose encore la question de savoir si cette Paix est juste. L’Histoire nous montre que les Traités de Paix, conclus entre Etats ont, parfois, su restaurer la Paix à long terme, mais ces Paix, dans certains exemples, ont dans la littérature philosophique, juridique et géo- politique fait l’objet de nombreuses critiques. En effet, une Paix conclue n’est pas ipso facto une Paix Juste. Va-t-il de même pour l’Arbitrage ?

Cette question est importante, si l’on souhaite défendre que l’Arbitrage est un Pacificateur pour les conflits inter-étatiques et, donc, devrait être choisi comme méthode pour prévenir une guerre. En effet, un accord devant non seulement être fonctionnel à long-terme, mais également défendable éthiquement. Une Paix injuste n’étant guère soutenable.

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La doctrine de droit international se penche ponctuellement sur la relation entre l’Arbitrage et la Paix. Néanmoins, à notre connaissance, peu d’auteurs.es6 se sont jusque-là penchés.es sur la question de savoir, si une Paix dérivant ou préservée d’un Arbitrage est considérée comme une Paix Juste.

Le présent travail se subdivise ainsi en deux questions qui se chevauchent : l’Arbitrage Inter- étatique peut-il être un Pacificateur ? Si tel est le cas, pouvons-nous considérer que cette Paix est juste ? Dans l’intention de cette analyse nous allons, dans un premier temps, qualifier la notion de Paix (II.A), de Paix Juste (II.B.) et d’Arbitrage (III). Une fois que l’on part avec le même bagage terminologique, nous pouvons étudier la relation entre l’Arbitrage et la Paix, en tachant de juger son caractère pacificateur (juste) (IV.A). Finalement, pour vérifier la théorie en pratique, nous regarderons de plus près trois conflits soumis à l’Arbitrage, afin d’évaluer si ces procédures devant l’arbitre ont su être conclues par une Paix et nous tâcherons de qualifier la justesse de cette dernière. A cette fin, nous avons choisi l’Arbitrage entre l’Iran et les Etats- Unis (IV.B.1), le cas de Taba entre l’Israël et l’Egypte (IV.B.2) et finalement, l’Arbitrage de Brcko entre la Bosnie-Herzégovine et la République Serbe (IV.B.3). Nous espérons qu’à la fin du tunnel nous retrouverons le Jardin d’Eden.

6 Nous tâchons dans le présent travail de répondre, dans la mesure du possible, aux nouvelles exigences quant au langage inclusive et épicène, conformément à la nouvelle Directive en la matière de l’Université de Genève.

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II. Qu’est-ce qu’une Paix (Juste) ? A. Les Philosophies de Paix

Savoir si la Paix est « l’état naturel » de l’espèce humaine est controversé7. Il est toutefois in- discutable que la Paix est recherchée par l’être humain8, quel que soit l’époque dans laquelle il a vécu et de quelle culture il provient. La Paix, sous ses formes diverses, préoccupe l’humanité depuis le début de son Histoire ; d’autant plus quand le Monde se trouve en guerre.

Mais qu’est-ce que la Paix au juste ? Nombreux.ses sont les Philosophes et autres intellec- tuels.les qui se sont préoccupés.es de la Paix. On y trouve trace notamment chez ERASMUS

(Querela Pacis, 1521), Niccolo di Bernardo dei MACHIAVELLI (Il Principe, 1532), Thomas HOBBES (Leviathan, 1651) et Immanuel KANT (Zum ewigen Frieden, 1795)9. Trouver une dé- finition universelle n’est guère facile ; les théories de la Paix s’inscrivant dans la Philosophie de l’Antiquité à nos jours, sont nombreuses. Nous pourrions en écrire des symphonies. Dans l’intention de répondre à la question du présent mémoire, nous allons essayer de nous limiter à une seule Philosophie de Paix.

A cette fin, il n’y a pas mieux que de se pencher sur les pensées de Giovanni PICO DELLA MI- RANDOLA (1463-1494)10, qui tente non seulement de « concilier ARISTOTE et PLATON », mais qui suit la philosophie d’ARISTOTE et inclut les traditions philosophiques de diverses cultures11. PICO exprime cette harmonisation universelle dans son idée de « Pax Philosophica »12. Selon Leszek SOSNOWSKI,Professeur à l’Institut de Philosophie de Krakow, la Philosophie de PICO

peut être considérée comme une « Summa humanitatis », donc une « synthèse de la philosophie, religion et pensées mystiques du passé »13.

De manière schématique, la Paix peut être considérée comme étant « le savoir qui aide à établir les meilleures relations possibles entre personnes »14. Si l’on interprète cette définition, nous pouvons comprendre qu’établir la Paix demande de la sagesse. Afin de retranscrire cette sa- gesse, et d’arriver à ces bonnes relations entre personnes, qui nous apporte la Paix, il faut

7 RICHMOND, p. 3.

8 « Le désire de Paix » est un désire de l’homme, tel que « le désir du pouvoir », comme décrit par NIETZSCHE: cf. RICHMOND, p. 23.

9 RICHMOND, p. 14ss.

10 Pour plus d’informations sur la personne de PICO, cf. PICO DELLA MIRANDOLA.

11 SOSNOWSKI, p. 9s.

12 Idem, p. 8ss.

13 Idem, p. 12.

14 Idem, p. 5.

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nécessairement passer par une forme de communication entre les parties. C’est cette communi- cation qui nous intéresse.

« Peace is the work of justice »15.

Thomas AQUINAS, Summa Theologiae, 1485.

Si l’on complète le raisonnement, nous pouvons comprendre cette communication comme étant la justice. C’est par le biais de la justice, ainsi, par le biais de la loi qu’une personne sage arrivera à communiquer avec les autres ; et cela pour établir les meilleures relations possibles, à savoir la Paix.

Nous savons à présent ce que nous pouvons comprendre par la Paix. Mais quelle forme prend cette Paix ? En effet, les théories philosophiques ne s’arrêtent pas à la tentative de donner une définition à la Paix, mais elles en distinguent également ses formes. La Paix étant une notion relative, elle peut avoir diverses facettes. Une Paix peut être considérée comme juste, injuste, bonne, mauvaise, positive, négative hybride ou encore être jugée au degré de la sécurité qu’elle donne à un peuple.

La Paix qui nous intéresse ici plus particulièrement est la Paix dite juste. Comme mentionné plus haut (cf. supra N 10), la question de savoir si l’Arbitrage est un Pacificateur est une chose, mais savoir s’il en est un Pacificateur Juste en est une autre.

B. Le concept de Paix Juste

« A just war is wont to be described as one that avenges wrongs, when a nation or state has to be punished, for refusing to make amends for the wrongs inflicted by its subjects, or to restore

what it has seized unjustly »16.

AUGSTINUS (354-430) et développé par Thomas AQUINAS, Summa Theologiae, 1485.

Alors que la Paix est l’état que l’être humain recherche, c’est la guerre et son caractère juste qui a fait, dans l’histoire philosophique, l’objet de réflexion par divers.es Penseurs.ses17. Le carac- tère juste de la Paix en revanche, n’a, à notre connaissance, pas était le sujet de travaux philo- sophiques jusqu’au 21ème siècle. C’est seulement en 2006 qu’Alexis KELLER,Professeur d’His- toire du Droit et des Doctrines juridiques et politiques à l’Université de Genèveet Pierre ALLAN,

15 SOSNOWSKI, p. 13.

16 RICHMOND, p. 17.

17 KELLER, p. 19. Dans ce sens également, cf. ROBERTS, p. 53. Pour plus de détails sur le concept de guerre juste, cf. BEILIN, p. 147 et ROBERTS, p. 61s. Pour la comparaison de Paix Juste et guerre juste du point de vue du critère de renoncement, cf. ALLAN/KELLER, The Concept, p. 210.

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Professeur en Sciences politiques à l’Université de Genève, se sont penchés sur la question de savoir ce qu’est une Paix Juste18.

« What is a Just Peace? It describes a process whereby peace and justice are reached to- gether by two or more parties recognizing each other’s identities, each renouncing some cen-

tral demands, and each accepting to abide by common rules jointly developed »19.

Alexis KELLER et PierreALLAN, What is a Just Peace?, 2006.

Selon le concept de Paix Juste des Professeurs KELLER etALLAN, pour qu’une Paix puisse être considéré comme juste, elle doit remplir diverses conditions cumulatives nécessaires, plus con- crètement au nombre de quatre20. Synthétiquement parlant, dans un premier temps, une Paix ne peut être juste, que si les parties reconnaissent à leurs co-négociants un certain nombre d’as- pects. Ils distinguent pour cela la reconnaissance minimale (cf. infra N 23) et la reconnaissance maximale (cf. infra N 24). Pour qu’une Paix puisse être négociée de manière juste, les parties doivent ensuite procéder à un renoncement (cf. infra N 26). Finalement, une Paix Juste doit se baser sur diverses règles (cf. infra N 27).

1. Reconnaissance minimale (Thin recognition)

Une Paix ne peut être négociée de manière juste, lorsqu’une partie ne reconnait pas son cocon- tractant comme un agent autonome21. Plus concrètement, afin de négocier une Paix Juste, une partie doit reconnaitre l’autre, comme un agent autonome différent (dimension anthropolo- gique), ayant la compétence de prendre des décisions au nom de son groupe (dimension juri- dique), le droit d’exister (dimension éthique) et finalement qu’elle est une partie incontournable pour résoudre le conflit (dimension politique)22. Si ces dimensions sont données, il y a présence d’une reconnaissance mutuelle entre les parties, qui est la base pour toute négociation.

2. Reconnaissance maximale (Thick recognition)

La reconnaissance maximale veut que chaque partie comprenne les caractéristiques fondamen- tales de l’identité de l’autre23. C’est-à-dire, qu’une partie doit se mettre à la place de l’autre,

18 Le concept est présenté dans l’ouvrage ALLAN/KELLER, What is a Just Peace ? Dans le même ouvrage on trouve également un point de vue critique, quant à la qualification du caractère juste d’une Paix : A ce sujet, cf. BEILIN, p. 130s.

19 ALLAN/KELLER, The Concept, p. 195.

20 Idem, p. 195s et 210.

21 Idem, p. 197ss.

22 Idem, p. 197ss.

23 ALLAN/KELLER, The Concept, p. 199s.

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afin de comprendre son rôle dans la négociation, en tenant compte de sa culture et sa position dans l’Histoire24. Il est ainsi crucial, qu’il y ait une empathie mutuelle entre les parties25. Un autre aspect qui s’inscrit dans la condition de reconnaissance maximale est le consente- ment26. Pour que des négociations puissent aboutir à une Paix Juste, il faut que les parties aient la volonté de négocier et donner leur consentement aux conclusions de cette dernière. Comme nous l’avons analysé dans un travail précédent, le Traité de Versailles de 1919 est un exemple parfait quant à l’absence de cette condition nécessaire. En effet, les Allemands, partis du traité, ayant été exclu des négociations de l’accord, ont été contraints de consentir à la Paix avec les conditions qui y sont attachées, sans avoir la possibilité de refuser quoi que ce soit27. Dans ce dernier cas, il ne peut, par conséquent, s’agir d’une Paix Juste.

3. Le renoncement (Renouncement)

Conformément à cette condition, chaque partie à un Accord de Paix doit faire des concessions et des compromis, afin d’aboutir à une Paix Juste28. Plus précisément, les parties doivent renon- cer à « certains symboles, positions et avantages »29. Il est coutume dans tous les aspects de la vie que l’on reçoit rarement une chose sans contrepartie30. Pour la négociation d’une Paix il en va de même. Pour préserver un équilibre, le renoncement ne peut, toutefois, se faire d’un seul côté de la balance. Pour que la Paix négociée soit juste, toutes les parties doivent renoncer à au moins un élément31.

4. Critère de la règle (Convention of rules)

Finalement pour qu’une Paix puisse être juste et durable, elle doit être publique et ainsi, contenir des règles objectives et acceptables pour les parties et les tiers observateurs ; La Paix Juste ne pouvant être qu’un simple sentiment subjectif des négociateurs32. Dans cette intention, les par- ties doivent créer un mode d’emploi de conduite « juste », compréhensible et acceptable pour tous les acteurs. Traditionnellement, il s’agit d’un Traité de Paix. Bien entendu, nous pouvons très bien appliquer cette règle à la procédure arbitrale et son Award33. Dans tous les cas, ce qui

24 Idem.

25 Idem, p. 199.

26 Idem, p. 200.

27 Il est intéressant de noter que, même si le Traité de Versailles a réputation d’un Traité injuste, des procédures d’Arbitrage y ont découlées pour résoudre certaines de ses clauses économiques : A ce sujet, cf. ISIDRO/HESS, p.

75s.

28 ALLAN/KELLER,The Concept, p. 201s.

29 Idem, p. 201.

30 Dans ce sens, cf. ALLAN/KELLER,The Concept, p. 201s.

31 ALLAN/KELLER,The Concept, p. 201.

32 ALLAN/KELLER, The Concept, p. 203s et 209.

33 Correspondant en français à : Sentence arbitrale.

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importe est une communication publique entre les parties ; idée exprimée dans le cadre de la définition de la Paix (cf. supra N 17) et que nous retrouvons ainsi également ici, comme élément primordial.

Nous savons à présent ce qu’est une Paix Juste. Se pose néanmoins encore la question de sa- voir : juste pour qui ? Qui peut juger de la justesse d’une Paix ? Que l’on qualifie une Paix, une guerre, une sentence juridictionnelle ou encore une sentence arbitrale, le sentiment de justesse est relatif34. Ce qui est juste pour nous, ne le sera peut-être pas pour vous. L’idéal, on se com- prend, serait que nous considérons la justesse d’une décision de la même manière. Rare, même voire inexistant sont, toutefois, les cas dans notre Histoire, qu’une décision ait été considéré juste par l’ensemble de l’humanité. Fort heureusement ; la Paix ne doit pas impliquer l’imposi- tion d’une seule et unique idée (idéologie). Comme le dit Sir Adam ROBERTS, Professeur Eme- ritus des Relations internationales de l’Université d’Oxford, « il n’existe pas un seul concept de Paix Juste. Ainsi, la pire chose qui pourrait être faite, c’est de considérer qu’il y ait un type idéal de Paix Juste et d’imposer celui-ci. Une telle imposition pourrait à son tour être source de conflits » 35.

Pour revenir plus concrètement au sujet de notre travail, la notion de justesse étant subjective, l’analyse du caractère juste de la Paix amenée ou gardée par le biais de l’Arbitrage, se présente difficile36. L’Arbitrage Inter-étatique peut-il être un Pacificateur Juste ? Nous tâchons de ré- pondre à la question avec le plus d’objectivité possible. Dans l’optique d’arriver au sommet de notre raisonnement, nous devons toutefois d’abord rappeler ce qu’est l’Arbitrage.

34 A ce sujet, cf. ALLAN/KELLER, The Concept, p. 211, note 39.

35 ROBERTS, p. 57. Néanmoins, ROBERTS argumente également qu’il existe de nos jour un certain consensus sur la conception de Paix par le biais de l’adhésion à des Organisations international, comme par exemple, la Charte des Nations Unis ; même s’il peut y avoir des divergences dans son interprétation, cf. ROBERTS, p. 82s.

36 De manière générale, définir ce qu’est une Paix Juste ou ne l’est pas est difficile. Pour plus de détails sur la manière dont on peut approcher la question, cf.KELLER, p. 19ss, et plus particulièrement, par le biais d’une ap- proche historique, cf. KELLER, p. 21ss. Selon BEILIN, la qualification de Paix Juste peut même être dangereuse et, par conséquent, elle devrait être éviter. Pour plus de détails à ce sujet, cf. BEILIN, p. 130s.

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III. Qu’est-ce que l’Arbitrage (Inter-étatique) ?

« Ce n’est pas à dire que l’arbitrage ne soit pas une justice : l’arbitre est un juge et la sen- tence une décision qui a autorité de chose jugée dès son prononcé. Ce n’est pas à dire non plus que la résolution amiable, pas plus que l’arbitrage, soit une justice sans principe, une justice dépourvue de garanties. Ces garanties de bonne justice sont même une condition es- sentielle pour que la résolution amiable puisse apparaitre comme une justice véritable »37 .

Loïc CADIET et Thomas CLAY, Les modes alternatifs de règlement des conflits, 2016.

L’Arbitrage ; un « phénomène » plus ancien que le tribunal ordinaire et une idée aussi ancienne que l’humanité38. En effet, la présence de l’Arbitrage se retrouve déjà dans l’Antiquité grecque et l’Empire romain. Plus précisément, il y est fait référence notamment dans le « Digesta (4,8), Codex Iustinianus (2,55) » et « Novellae (82,11) »39. L’Arbitrage est un « phénomène univer- sel résultant du besoin et de la volonté humaine de trouver une solution équitable pour trancher un conflit entre parties par une personne impartial »40. Aujourd’hui, encore plus qu’auparavant avec la mondialisation, l’Arbitrage se présente comme « un vecteur d’un rapprochement de cultures »41.

Vous le comprendrez, l’Arbitrage, même s’il est peut-être moins connu comme moyen de ré- solution de litige inter-étatique, il n’en est pas moins important42. Au contraire, au vu de son ancienneté et sa présence multiculturelle, il fait partie intégrante du système juridique mondiale.

Il s’agit d’un phénomène intéressant et complexe. A nouveau, nous pourrions vous en chanter un Opéra. Mais le cœur du morceau est finalement facile à comprendre.

37 CADIEt, p. 9.

38 JAKUBOWSKY, p. 176 ; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 1.

39 CADIET, p. 1 ; JAKUBOWSKY,p.176.

40 JAKUBOWSKY,p. 176.

41 OPPETTIT, p. 116.

42 Il est intéressant de noter que le recours à l’Arbitrage pour les disputes inter-étatique est, finalement, plus courant que celui à la Cour International de Justice, cf. BÖCKSTIEGEL, States, p. 41.

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A. Définition

« Arbitration is a private and generally informal trial procedure by which parties can adjudi- cate disputes. It is an extrajudicial process »43.

Thomas CARBONNEAU, The Law and Practice of Arbitration, 2014.

En droit romain, l’Arbitrage était connu sous le nom de Compromissum, selon lequel un conflit est, sur accord entre les parties, soumis à un Arbiter44. A vrai dire, nous ne pourrions vous donnez une définition plus cristalline que les romains45. L’idée de l’Arbitrage se résume au phénomène d’un conflit entre parties, souhaitant résoudre le litige, en se mettant d’accord de le soumettre à un arbitre impartial, ce qui ressort bien de la définition classique à l’article 15 de la Convention de la Haye pour le règlement pacifique des conflits internationaux de 189946 :

« L’arbitrage international a pour objet le règlement de litiges entre les Etats par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit »47.

Bien évidemment, le système de l’Arbitrage a évolué depuis l’Antiquité et le train des règles en la matière ne fait que de se prolonger48. L’Arbitrage ne peut aujourd’hui plus être vu comme un procès informel ; la procédure étant bien définie49. En effet, nous assistons « à l’uniformisa- tion progressive du droit et de la pratique de l’arbitrage international dans le monde »50. Ce qui rend l’Arbitrage complexe de nos jours, sont les règles qui l’accompagnent, celles-ci se diffé- rant de l’institution choisie par les parties51. Aussi, il existe diverses formes d’Arbitrage : no- tamment entre particuliers, entre particuliers et Etat et finalement entre Etats, l’Arbitrage dit inter-étatique52. La définition et les règles ne changeant, en principe, pas de manière consé- quente pour les diverses formes d’Arbitrages, nous parlerons d’Arbitrage en générale, ce qui comprend ipso facto, ipso jure l’Arbitrage Inter-étatique 53. L’Arbitrage Inter-étatique plus

43 CARBONNEAU, p. 1.

44 JAKUBOWSKY,p.176.

45 A noter qu’il n’existe pas de définition « communément admise », cf. KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 5.

46 Cette convention étant toujours applicable aujourd’hui pour la Suisse ; toutefois, seulement avec les Pays qui ne font pas partie de la Convention du 18 octobre 1907.

47 Cf. Annexe 2.

48 Pour un aperçu des règles en droit de l’Arbitrage international : cf. PETROCHILOS, N 5.38ss.

49 JENKIN, p. 24.

50 KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 3.

51 KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 3. En droit de l’Arbitrage, il existe diverses institutions qui contiennent des règles propres de procédure. Il existe, notamment, l’International Chamber of Commerce (ICC), Hong Kong In- ternational Arbitration Center (HKIAC), London Court of International Arbitration (LCIA). Pour plus de détails à ce sujet, cf. BERGER/KELLERHALS,p. 4 et 8ss ; SCHWEBEL, International Arbitration, p. 13ss.

52 Pour les divers types d’Arbitrage, cf. BERGER/KELLERHALS, p. 12ss.

53 Etant donné que nous ne rentrerons pas dans les détails des codifications et règles procédurales en la matière. A ce sujet, cf. BORN, p. 447s et PETROCHILOS, N 5.38.

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concrètement, comprend, par définition, la résolution d’un litige entre deux Etats, le plus sou- vent des litiges territoriaux54.

B. Caractéristiques

La définition de l’Arbitrage étant simple en soi, la compréhension de ses caractéristiques prend un peu plus de temps. En effet, l’Arbitrage connait diverses caractéristiques qui lui sont propres et/ou encore qui ressemblent à d’autres moyens de résolution de litige. Pour cette dernière rai- son, il est parfois difficile de le délimiter de la médiation et conciliation55. L’Arbitrage présente un nombre important d’avantages, à savoir notamment le choix de l’arbitre, la soumission aux règles internationales en la matière connus de manière égale par les parties, le choix du for et du droit applicable, l’effet contraignant et la procédure simplifiée d’implémentation de la sen- tence arbitrale56. Pour la compréhension du présent travail, les caractéristiques qui nous sem- blent incontournables à approfondir sont, le consentement des parties et le choix de l’arbitre.

Ces deux caractéristiques, qui peuvent surtout être considérées comme des avantages, s’inscri- vent dans le rôle extraordinaire des parties dans la procédure57. Contrairement au procès ordi- naire, les parties prennent une place décisive dans l’Arbitrage ; la volonté des parties en est même la base58.

1. Accord de volonté

« […] L’arbitrage repose sur un accord de volonté destiné à conférer à un tiers le pouvoir de trancher un litige »59.

Jean-Baptiste RACINE, Droit de l’arbitrage, 2016.

En effet, des parties en conflit ne peuvent soumettre leur litige à l’Arbitrage seulement, si elles se sont au préalable mises d’accord sur ce point ; principe s’appliquant également pour l’Arbi- trage Inter-étatique60. Autrement dit, s’il n’y a pas d’accord et par ce fait, pas de consentement,

54 BORN,p. 444.

55 Pour plus de détails sur la délimitation de l’Arbitrage avec la médiation et la conciliation, cf. OPPETTIT, p. 35s ; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 7s ; RACINE, p. 7. Pour la différenciation avec le tribunal ordinaire, cf. PINTO, p.

64.

56 BORN, p. 7ss et 444ss pour l’Arbitrage Inter-étatique en particulier ; GAILLARD, p. 18 ; KAUFMANN-KOHLER/RI- GOZZI, p. 17ss ; SANDERS,p. 9s.

A noter qu’il existe des règles de droit international d’Arbitrage, soit les règles des diverses institutions, comme le ICC ou UNCITRAL (cf. Annexe 4), mais également des droits nationaux contenant des règles de procédures. Pour les règles de droit Suisse en la matière, cf. BERGER/KELLERHALS,p. 24ss ; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 43ss.

57 BERGER/KELLERHALS,p. 3.

58 JAKUBOWSKY, p. 180 ; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 5.

59 RACINE, p. 4.

60 BORN, p. 446 ; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 5.

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le litige ne peut y être soumis. En consentant, les parties acceptent ipso facto le caractère con- traignant de la sentence arbitrale61.

La nécessité du consentement des parties est intéressante pour nous, car la volonté de trouver une solution à un litige et le premier pas vers la Paix62. Ainsi, en soumettant leur accord à la procédure arbitrale, les Etats montrent leur désir de trouver une solution pacificatrice. Il en serait autrement, si un tribunal ordinaire les obligeaient à régler leur différents devant un juge.

2. L’arbitre

« Dans la personne du juge, on cherche un tiers impartial et quelques-uns appellent les juges des arbitres ou des médiateurs voulant signifier par-là que, quand on aura trouvé l’homme du

juste milieu, on parviendra à obtenir justice »63.

ARISTOTE (~385-322 a.J-C.), Ethiká Nikomácheia, Livre V, chap. IV.

Le second avantage qui nous intéresse plus particulièrement, est le fait que les parties choisis- sent elles-mêmes l’arbitre qui tranchera leur litige64. Nous rencontrons ici « l’application du principe pacta sunt servanda »65. Un juge dit ordinaire, possède sa compétence de par son statut de juge, alors qu’un arbitre est compétent de par le consentement des parties qui l’on assigné66. De plus, un arbiter n’a pas de compétence générale. Il est compétent de juger seul le cas pour lequel il a été sollicité67. Ici encore, la volonté des parties est au premier plan.

En ce qui concerne l’Arbitrage Inter-étatique plus particulièrement, cette caractéristique est très importante, étant donné qu’elle donne la possibilité aux Etats de résoudre leur conflit dans un

« forum véritablement neutre » et de ne pas devoir se rendre devant un tribunal de l’autre par- tie68. En diminuant le risque de partialité, la tentation de soumettre un litige à un arbitre est grande ; en effet, un Etat sera plus à même d’accepter qu’un arbitre neutre décide de sa cause, plutôt que de laisser trancher le litige par un juge de l’autre Etat69.

61 SMIT DUIJZENTKUNST/DAWKINS, p. 141.

62 D’autant plus, en ce qui est de la délimitation des frontières nationales, le droit international prescrit la nécessité du consentement mutuel des Etats concernées. Dans ce sens, cf. ROBERTS, p. 58.

63 CADIEt, p. 8.

64 MERRILLS, p. 118 ; RACINE, p. 81.

65 JAKUBOWSKY, p. 176.

66 BERGER/KELLERHALS,p. 2.

67 OPPETTIT, p. 32.

68 BORN, p. 446 ; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, p. 2 ; RACINE, p. 82.

69 BÖCKSTIEGEL, Arbitrating for Peace, p. 94 ; JENKIN, p. 7. Dans le même sens, cf. SANDERS,p. 9.

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Par conséquent, la justice rendue par l’Arbitrage est différente de celle rendue par un tribunal ordinaire, car il s’agit-là d’une justice « modelée selon les besoins et la volonté des parties », soit une justice « sur mesure »70.

« L’arbitrage est une justice et, plus encore, une bonne justice »71.

Jean-Baptiste RACINE, Droit de l’arbitrage, 2016

« L’arbitrage est une justice alternative qui propose des alternatives »72.

Loïc CADIET et Thomas CLAY, Les modes alter- natifs de règlement des conflits, 2016.

Nous savons à présent ce qu’est l’Arbitrage et qu’il s’agit d’un bon moyen de rendre justice, mais qu’elle est sa relation avec la Paix ?

70 RACINE, p. 81.

71 Idem.

72 CADIET, p. 43.

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IV. Paix (Juste) par l’Arbitrage Inter-Etatique ? A. Relation entre l’Arbitrage et la Paix (Juste)

« In violent conflicts involving land boundary disputes, political and military tensions may run so high that the parties to the dispute are unable to resolve their differences them-

selves »73.

Bart SMIT DUIJENTKUNST et Sophia DAWKINS, Arbitrary Peace?

Consent Management in International Arbitration, 2015.

Au vu des avantages qu’offre l’Arbitrage, il n’est pas surprenant qu’il puisse être choisi comme moyen de règlement de litige inter-étatique par les Etats74. L’Arbitrage, nous l’avons déjà dit (cf. supra N 30), est ancien. Mais son recours pour des conflits politiques, militaires et territo- riaux remonte également à l’Antiquité75. En effet, déjà au 5ème siècle avant J.-C., nous retrou- vons une clause d’Arbitrage dans un Traité de Paix, à savoir entre Sparta et Argos ; nous y rencontrons des allusions dans l’Iliad de HOMER76.

Au 17ème siècle nous tombons sur des traces d’Arbitrage, notamment chez GROTIUS (1583- 1645), dans son ouvrage De Jure Belli ac Pacis, dans lequel il fait référence à ARISTOTE ; ce dernier ayant retenu « qu’un homme équitable et modéré fera recours à l’Arbitrage, plutôt qu’au droit ordinaire, étant donné que l’arbitre pouvant considérer un cas selon l’équité alors qu’un juge sera restreint par la lettre de la loi »77. Cela rejoint notre raisonnement sur la définition de la Paix. Une personne sage recourra à la loi pour communiquer avec les autres dans le but de la Paix (cf. supra N 17s). Ici nous pouvons allez plus loin, à savoir qu’une personne sage recourra à l’Arbitrage dans le but de la Paix.

Continuellement dans l’Histoire, nous retrouvons des clauses d’Arbitrage dans les Accords de Paix, dans le but d’éviter la guerre dans le futur78. Faisons un arrêt au 18ème siècle, durant lequel les Etats-Unis d’Amérique et la Grande Bretagne ont conclu un Traité de Paix, appelé Jay Treaty, 179479. Ce traité ayant mis fin à la guerre d’indépendance, contenait des clauses d’Ar- bitrage pour les litiges entre citoyens américains et anglais80. De ces clauses a résulté, en 1872, l’Arbitrage entre les Etats-Unis d’Amérique et la Grande Bretagne, connu sous le nom

73 SMIT DUIJZENTKUNST,p. 139.

74 MERRILS, p. 118.

75 RIVKIN, p. 139.

76 RIVKIN, p. 139. Pour plus de détails sur ce Traité de Paix, cf. SOHN, p. 10s.

77 PINTO,p. 65 et 71.

78 RIVKIN, p. 140.

79 PINTO, p. 66 ; SCHWEBEL, Introduction, p. 1 ; Pour plus de détails sur les clauses dudit Traité, cf. PINTO, p. 66 et SCHWEBEL, International Arbitration, p. 180ss.

80 BORN, p. 445 ; SCHWEBEL, Introduction, p. 1.

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d’Arbitration of the Alabama Claims81. Celui-ci étant considéré comme ayant fait briller la ré- putation de l’Arbitrage international82. Les litiges soumis auraient pu déclencher une guerre, voire même une guerre mondiale, raison pour laquelle cet Arbitrage est l’un des exemples clé, que des Etats peuvent soumettre des « sujets délicats à la détermination d’une troisième par- tie »83. Dans la doctrine, il est même dit que les Alabama Claims ont stimulé un « Peace Movement »84.

« The Alabama Claims Arbitration is a splendid example of the intelligent use of the arbitral process in the interest of peace »85.

Jan PAULSSON, The Alabama Claims Arbitration:

Statecraft and Stagecraft, 2016.

Il n’en est pas resté à une simple dénomination théorique. Effectivement, d’autres Etats comme l’Italie, la France et l’Allemagne ont soutenu cette méthode de résolution de litiges, au point qu’en 1889 la Pan-Amercican Conference a déclaré que l’Arbitrage faisait désormais partie des principes du droit international américain86. Dix ans plus tard, la Convention de la Haye pour le règlement pacifique des conflits internationaux de 1899 a créé la Cour Permanente d’Arbi- trage (PCA-CPA), qui permettra de faciliter le mécanisme d’Arbitrage entre Etats, lorsqu’ils y ont consenti87.

Il est vrai que l’histoire humaine a connu de nombreuses guerres, l’une plus dévastatrice que l’autre, alors que l’Arbitrage existe, nous l’avons vu, depuis des centenaires. Il est vrai, l’Arbi- trage n’a pas su prévenir, ni la Première Guerre mondiale, ni la Deuxième ou encore d’autres conflits meurtriers que le Monde ait connus88. Ce n’est pas pour autant qu’il faut considérer que la recherche de la Paix par le biais de l’Arbitrage (ce qui est notamment promu par la Peace and Arbitration Society suédoise) a échoué89. Les Alabama Claims nous montrent que, l’Arbi- trage est bel et bien capable de prévenir des conflits, même voire des guerres et ainsi, de pré- server la Paix.

Avant d’aller plus loin, encore faut-il se demander pour quelles raisons la Paix échoue dans certains cas ? Conclure un Accord de Paix est une chose. Préserver la Paix en est une autre.

81 PINTO, p. 72 ; SCHWEBEL, Introduction, p. 1 ; SCHWEBEL, International Arbitration, p. 282.

82 PAULSSON, p. 7. Dans le même sens, cf. SOHN, p. 11.

83 PAULSSON, p. 7; SCHWEBEL, p. 1. Pour plus de détails au sujet de l’Alabama Claims, cf. PAULSSON, p. 8.

84 Pour plus de détails à ce sujet, cf. SCHWEBEL, p. 1s.

85 PAULSSON, p. 21.

86 SCHWEBEL, Introduction, p. 2.

87 BORN, p. 445 ; PINTO, p. 72; SCHWEBEL, Introduction, p. 2.

88 SCHWEBEL, Introduction, p. 3.

89 Pour plus de détails sur la Swedish Peace and Arbitration Society, cf. MAGNUSSON.

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C’est la longévité de la Paix qui fait plus souvent défaut ; l’échéance se présentant souvent dans la phase d’implémentation des décisions prises durant un Accord de Paix90. Des tensions res- surgissent et les Etats risquent de se retrouver en guerre. Cette dernière étant, toutefois, plus coûteuse que la résolution du litige, les Etats s’efforcent, de plus en plus, de trancher leur conflit, notamment, par le biais de l’Arbitrage91.

Les conflits inter-étatiques sont des phénomènes hautement complexes et présentent de mul- tiples facettes92. Un conflit entre Etats concerne rarement qu’un seul sujet. Touchant à divers thématiques, un conflit se compose de divers chantiers. L’Arbitrage s’occupant de chantiers particuliers, il n’est pas forcément en mesure de construire tout un village93. Il démontre par-là néanmoins son caractère adaptable. En effet, l’Arbitrage peut être adapté de sorte, qu’il puisse régler une vaste panoplie de litiges, ce qui fait qu’il « se préoccupe tout autant de la solution du contentieux passé que du rétablissement de bonnes relations entre les parties »94. Comme nous allons le voir dans les cas d’études ci-dessous (cf. infra N 51ss), l’Arbitrage se concentre sur un litige en particulier qui peut paraitre petit, mais ce dernier pouvant émerger en conflit majeur, même voir en conflit armé. Nous allons également voir que les Arbitrages ci-dessous découlent d’un Accord de Paix déjà conclu. Cette constatation nous prouve que nous nous concentrons, comme introduit, à la bonne question : à savoir non si l’Arbitrage peut aboutir à une Paix (Pea- cemaking)95, mais s’il est capable de la préserver (Peacekeeping)96. Ce n’est pas à dire que la première n’est pas une bonne question. Au vu de ce qui précède, il nous semble, toutefois, qu’elle ne va pas assez loin.

« The preservation of peace is the responsibility of every rationally thinking man in contem- porary times »97.

Leszek SOSNOWSKI, Logos, Justice, Pax Philosophica:

Pico and the Culture of Peace, 2018.

90 JENKIN, p. 9.

91 Idem. Dans ce sens, cf. SOHN, p. 17.

92 JENKIN, p. 4.

93 Ceci ressort bien du fait que, même si l’Arbitrage n’a pas su prévenir la Première Guerre mondiale, de nombreux conflits entre les Etats européens ont été soumis à la procédure arbitrale juste avant la guerre. L’Arbitrage a su prendre en charge des conflits entre deux Etats, mais il rencontre sa limite quand il s’agit de conflits continentaux, voir même mondiaux. Le CPA a rendu quatorze sentences arbitrales avant la guerre de 1914-1918, à savoir entre la France et l’Allemagne en 1909, entre le Norvège et la Suède en 1908, entre le Venezuela et les Etats-Unis en 1909 et entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne en 1909. Certaines ont eu une influence sur le développement du droit international. Pour plus de détails à ce sujet, cf. SCHWEBEL, Introduction, p. 3.

94 OPPETTIT, p. 111.

95 Pour le terme de « Peacemaking », cf. LITTLE, p. 164.

96 Pour le terme de « Peacekeeping », cf. LITTLE, p. 161.

97 SOSNOWSKI, p.12.

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Longue est la liste d’Arbitrage Inter-étatique. Toutefois, il y a un certain nombre de procédures arbitrales qui sont connues pour être des succès98, car elles ont su être pacificatrices. Tel est le cas pour le conflit entre l’Iran et les Etats-Unis (cf. infra N 51), entre l’Egypte et l’Israël (cf.

infra N 58) et entre la Bosnie Herzégovine et la République Serbe (cf. infra N 64). Analysons de plus près ces différents cas, en rappelant que notre question ne se limite pas à savoir si l’Ar- bitrage peut être un Pacificateur, ce que nous pouvons à ce stade répondre intermédiairement par l’affirmative, mais s’il peut être un Pacificateur Juste.

Si l’on analyse le concept de Paix Juste pour l’Arbitrage Inter-étatique en général, sans prendre un cas concret, nous pouvons y identifier, au moins en théorie, la présence de plusieurs critères.

A savoir, la reconnaissance minimale, le critère de la règle et en partie la reconnaissance maxi- male. En effet, un Arbitrage ne peut pas avoir lieu si les parties ne reconnaissent pas l’autre comme un agent autonome. Il en va de même de l’arbitre. En soumettant leur litige à l’appré- ciation de l’arbiter, les parties lui reconnaissent une large panoplie de compétences. C’est une reconnaissance de grande portée. En ce qui est de la reconnaissance maximale, ce critère dépend du cas d’espèce. En effet, il ne nous ait pas possible de généraliser la compréhension du rôle d’une partie de l’autre, au moins pas intégralement. Il est indiscutable que dans la procédure d’Arbitrage il faut reconnaitre la place de l’autre dans les négociations, mais cela n’implique pas encore ipso facto qu’une partie comprenne la place de l’autre dans l’Histoire, encore moins qu’elle ait de l’empathie pour l’autre. Ce critère demande ainsi une analyse très minutieuse de l’histoire notamment sociale, culturelle, géopolitique et relationnelle entre les acteurs dans chaque cas d’espèce ; analyse qui nous est impossible dans les limites de ce travail. Nous pou- vons néanmoins affirmer la présence d’un autre élément de la reconnaissance maximale dans chaque procédure d’Arbitrage, à savoir le consentement. Comme nous l’avons vu (cf. supra N 35), il n’y a pas d’Arbitrage sans consentement. Par conséquent, il s’agit, par définition, d’une pacification consentie. Cet élément crucial nous permet d’affirmer, de manière générale, la pré- sence d’une petite reconnaissance maximale, malgré l’absence d’informations pour analyser le critère de manière plus détaillée. Finalement, un Arbitrage présente toujours le critère de la règle, étant donné que la procédure se conclut avec une sentence arbitrale claire, précise et publique99 en matière d’Arbitrage Inter-étatique.

98 A ce sujet, cf.FRANKLE /MAGNUSSON DAHLQUIST.

99 Il est vrai qu’en principe l’Arbitrage est confidentiel. La confidentialité est même un caractère propre de l’Ar- bitrage. Toutefois, ce principe souffre d’exceptions et les Arbitrages Inter-étatiques, au vu, notamment, du volume doctrinal qu’il y a à ce sujet, sont aujourd’hui connu du public. Voir à ce sujet, cf. BORN, p. 201ss.

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Par conséquent, à première vue, il y a des indices pour que l’Arbitrage soit, non seulement un Pacificateur, mais également un Pacificateur Juste. Notre analyse n’étant toutefois pas encore complète, voyons ce qu’il en est en pratique à l’aide de trois cas d’études.

B. Cas d’études

1. Iran-United States Claims Tribunal100

« One of the major examples in the more recent history of two states deciding to avoid a mili- tary conflict by agreeing on arbitration machinery: the Iran-US Claims Tribunal at The

Hague (IUCT) »101.

Karl-Heinz BÖCKSTIEGEL, The Iran-United States Claims Tribunal:

A Unique Example of Arbitrating for Peace, 2016.

En 1979 des évènements dramatiques se déroulent en Iran. La République islamique d’Iran étant déclaré en février 1979, « une culmination du point de vue américain » a lieu en novembre 1979102. Cinquante-deux diplomates américains sont pris en otage à l’Ambassade américaine par des manifestants iraniens ; captifs pendant 444 jours, ils sont libérés qu’en 1981103. Il est indiscutable qu’un tel évènement fait surgir un conflit majeur entre les deux Etats ; conflit à potentiel dangereux104. Toutefois, les deux Souverains ont su mettre fin au conflit en 1981, par le biais d’un Accord de Paix, amenant la libération des otages105. L’arrangement s’inscrit dans deux documents, préparés par une troisième partie, ayant fonction d’intermédiaire, à savoir la République d’Algérie106. Cet accord, connu sous le nom de Algerian accords, retient, entre autres, que toute revendication future faite par les nationaux de l’un des deux Etats contre le gouvernement de l’autre, sera soumis au tribunal arbitral international crée dans cette intention :

« claims refered to the arbitration tribunal shall as of the date of filing of such claims with the tribunal, be considered excluded from the jurisdiction of the courts of Iran or the US or of any other court »107. Le tribunal arbitral nouvellement constitué peut, à présent, trancher des litiges, non seulement entre les citoyens d’un des deux Etats contre le gouvernement de l’autre Etat, mais également des litiges concernant l’interprétation et la performance de la déclaration

100 En français, correspondant à : Tribunal des revendications de l’Iran et Etats-Unis.

101 BÖCKSTIEGEL, Arbitrating for Peace, p. 92.

102 Pour plus d’informations sur le contexte qui a amené à la prise d’otage, cf. BROWER/BRUESCHKE, p. 3ss ; SCHMITZ, p. 7ss.

103 AKSEN, p.1 ; BROWER/BRUESCHKE, p. 4.

104 Pour plus de détails sur la prise d’otage à l’Ambassade américaine à Téhéran, cf. COLLIER/LOWE, p. 74 et BROWER/BRUESCHKE, p. 3ss.

105 AKSEN, p.1 ; BÖCKSTIEGEL, Arbitrating for Peace, p. 92 ; SCHMITZ, p. 10.

106 AKSEN, p.1 ; BÖCKSTIEGEL, Arbitrating for Peace, p. 92 ; BROWER/BRUESCHKE, p. 6 ; COLLIER/LOWE, p. 75.

107 AKSEN, p.1 ; BÖCKSTIEGEL, Arbitrating for Peace, p. 93 ; PETROCHILOS, N 6.10.

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