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Propriété et liberté d'entreprendre : de la liberté de contracter à l'arbitrage immobilier

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Conference Proceedings

Reference

Propriété et liberté d'entreprendre : de la liberté de contracter à l'arbitrage immobilier

HOTTELIER, Michel (Ed.), FOËX, Bénédict (Ed.)

Abstract

Le présent ouvrage présente les Actes de la douzième Journée du droit de la propriété, qui s'est tenue à Genève au mois de mai 2013 et qui a été consacrée à la liberté d'entreprendre dans le domaine du droit de l'immobilier. Le thème est traité sous différents aspects par des spécialistes de la matière : La liberté contractuelle (Ariane Morin, professeure) ; Droit privé et droit public cantonal dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (Fabienne Hohl, juge au Tribunal fédéral) ; Blanchiment d'argent dans l'immobilier : en route vers la LBA 2.0 (Julien Blanc, avocat); Trust et immeubles suisses, en particulier la mention du lien de trust dans l'ORF révisée (Delphine Pannatier Kessler, avocate); L'arbitrage immobilier (Nicolas Jeandin, professeur, avocat).

HOTTELIER, Michel (Ed.), FOËX, Bénédict (Ed.). Propriété et liberté d'entreprendre : de la liberté de contracter à l'arbitrage immobilier . Genève : Schulthess éd. romandes, 2016, 127 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:86835

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Foë x / Hott elier (éds) Pr opr iét é et liber té d ’en tr epr endr e

Propriété et liberté d’entreprendre

De la liberté de contracter à l’arbitrage immobilier

Julien Blanc Fabienne Hohl Nicolas Jeandin Ariane Morin

Delphine Pannatier Kessler

Édité par

Bénédict Foëx et Michel Hottelier

Droit de la propriété

C G

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Foëx / Hottelier (éds)

Propriété et liberté d’entreprendre

(4)

C G

Collection Genevoise

Droit de la propriété

(5)

Propriété et liberté d’entreprendre

De la liberté de contracter à l’arbitrage immobilier

Julien Blanc Fabienne Hohl Nicolas Jeandin Ariane Morin

Delphine Pannatier Kessler

Édité par

Bénédict Foëx et Michel Hottelier

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ISBN 978-3-7255-8576-2

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2016 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine, 119, avenue Milcamps, 1030 Bruxelles

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

Citation suggérée : Bénédict Foëx / Michel hottelier (éds), Propriété et liberté d’entreprendre, « Col- lection Genevoise », Genève / Zurich 2016, Schulthess Éditions Romandes.

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Avant-propos

La douzième JOURNÉE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ s’est déroulée le 31 mai 2013 à l’Université de Genève et a porté sur le thème « propriété et liberté d’entreprendre ». Fidèle à la vocation de ces manifestations, dont la première édition a été organisée en 1996, la JOURNÉE 2013 a poursuivi l’objectif de réunir les spécialistes du droit de la propriété immobilière autour d’un thème fédéra- teur, ouvrant la voie à une analyse juridique pointue dans une triple perspec- tive : en premier lieu, une démarche combinant les dimensions théorique et pratique ; une approche consacrée, en deuxième lieu, à l’examen de questions relevant du droit tant cantonal que fédéral ; un forum réunissant, en troisième lieu, des professionnels de l’immobilier issus de plusieurs régions de Suisse romande.

La JOURNÉE 2013 a, assurément, tenu toutes ses promesses. Le large public qui l’a fréquentée a démontré, si besoin est, la pertinence et l’actualité des pro- blématiques liant, de manière ciblée mais transversale, la liberté d’entreprendre à la garantie de la propriété.

Les fondements et la qualification juridiques de la liberté contractuelle – élément cardinal de la liberté d’entreprendre, avant même de parler de contrat d’entreprise – posent, en dépit de l’apparente simplicité du sujet, des pro- blèmes délicats. La contribution présentée par Madame ARIANE MORIN permet de rappeler l’importance tout à fait fondamentale que revêt, au sein du sys- tème juridique helvétique, la faculté pour chacun d’organiser ses relations avec autrui par voie contractuelle. Les rapports entre le droit privé fédéral et le droit public des cantons forment un autre aspect, incontournable lui aussi, propre à l’aménagement de la liberté d’entreprendre. Les développements que Madame FABIENNE HOHL consacre à ce sujet passionnant permettent opportu- nément de situer la richesse et aussi, parfois, l’ambiguïté des problèmes de dé- limitation entre le droit public et le droit privé qui sont soumis à l’arbitrage du Tribunal fédéral.

Sur le terrain des problématiques ponctuelles, la présentation par Mon- sieur JULIEN BLANC de la question du blanchiment d’argent dans le secteur de l’immobilier révèle la complexité des interrogations et des enjeux auxquels tant le législateur fédéral que les praticiens se trouvent confrontés. Une autre question, non moins actuelle, concerne le statut qu’occupent les trusts – figure

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Avant-propos

de Madame DELPHINE PANNATIER KESSLER aborde ce thème de manière aussi originale qu’approfondie.

Last but not least, la sanction dont sont passibles les litiges immobiliers re- vêt elle aussi une importance cruciale. Il s’agit d’une thématique devenue iné- vitable, qui présente de surcroît une actualité particulière suite à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, du Code fédéral de procédure civile. La riche con- tribution de Monsieur NICOLAS JEANDIN permet d’apporter des enseignements précieux à cet égard.

Nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance à toutes les per- sonnes qui ont œuvré pour permettre l’organisation, dans les meilleures condi- tions, de la JOURNÉE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ 2013, de même qu’à celles qui ont contribué à l’édition du présent ouvrage. Nous remercions en particulier Madame VÉRONIQUE DUBOSSON et Monsieur ALEXANDRE ALVAREZ, assistants à la Faculté de droit de l’Université de Genève, de leur précieuse collaboration lors de la relecture et de la mise en forme des textes.

BÉNÉDICT FOËX MICHEL HOTTELIER

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Sommaire

Avant-propos ... 5 Sommaire ... 7 Table des abréviations ... 9 ARIANE MORIN, Professeure à l’Université de Lausanne

La liberté contractuelle ... 15

FABIENNE HOHL,Juge au Tribunal fédéral

Droit privé et droit public cantonal dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral ... 35

JULIEN BLANC, LL.M. en droit bancaire et financier, avocat, Genève

Blanchiment d’argent dans l’immobilier : en route vers la LBA 2.0 ... 51

DELPHINE PANNATIER KESSLER,Avocate, chargée de cours à l ’Université de Genève Trust et immeubles suisses : en particulier la mention du lien

de trust dans l’ORF révisée ... 65

NICOLAS JEANDIN,Avocat, professeur à l’Université de Genève

L’arbitrage immobilier ... 83 Table des matières ... 123

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Table des abréviations

ACLBA Autorité de contrôle en matière de blanchiment AcP Archiv für die civilistische Praxis

AJP Aktuelle Juristische Praxis (= PJA)

al. alinéa

art. article

ASA Association suisse de l'arbitrage ASB Association suisse des banquiers ATF Arrêt du Tribunal fédéral

BR Baurecht (= DC)

BSK Basler Kommentar

BV Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft (= Cst.)

c. considérant c. à. d. c’est-à-dire

CC Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (RS 210) (= ZGB) CCfr Code civil français

CdB Convention de diligence des banques

CE Conseil des Etats

cf. confer

cf. not. confer notamment

CGI Chambre genevoise immobilière

CHF francs suisses

CIA Concordat intercantonal sur l’arbitrage, du 27 mars 1969 Circ. Circulaire

CLT Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, du 1er juillet 1985. Entrée en vigueur

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Table des abréviations

cm commentaire

CO Code des obligations (Loi fédérale complétant le Code civil suisse [Livre cinquième : Droit des obligations], du 30 mars 1911 (RS 220) (= OR)

consid. Considérant

CP Code pénal suisse, du 21 décembre 1937 (RS 310.0) CPC Code de procédure civile, du 19 décembre 2008 (RS 272)

CR Commentaire romand

Cst. Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (RS 101)

DC Droit de la construction (= BR) DCFR Draft Common Frame of Reference DFF Département fédéral des finances

EC European Law

éd. édition/éditeur ERCL European Review of Contract Law

etc. et cetera

FATF Financial Action Task Force

FF Feuille fédérale

FINMA Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers

FM Facility- Management

FMI Fonds monétaire international

GAFI Groupe d’Action financière pour la lutte contre le blanchi- ment de capitaux

Intro. introduction

IPRG Bundesgesetz über das Internationale Privatrecht (= LDIP) JdT Journal des tribunaux

L’EF L’Expert fiduciaire : Pratique fiduciaire (= TREX)

LAT Loi fédérale sur l’aménagement du territoire, du 22 juin 1979 (RS 700)

LB Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne, du 8 novembre 1934 (RS 952.0)

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Table des abréviations

LBA Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur fi- nancier, du 10 octobre 1997 (RS 955.0)

LCart Loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concur- rence, du 6 octobre 1995 (RS 251)

LCC Loi fédérale sur le credit à la consommation, du 23 mars 2001 (RS 221.214.1)

LCD Loi fédérale contre la concurrence déloyale, du 19 décembre 1986 (RS 241)

LDIP Loi fédérale sur le droit international privé, du 18 décembre 1987 (RS 291) (= IPRG)

let. lettre

LF Loi fédérale

LFAIE Loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des per- sonnes à l’étranger, du 16 décembre 1983 (RS 211.412.41) LFINMA Loi sur l‘autorité fédérale de surveillance des marchés fi-

nanciers, du 22 juin 2007 (RS 956.1)

LFors Loi fédérale sur les fors en matière civile, du 24 mars 2000, abrogée (RS 272).

LHID Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des can- tons et des communes, du 14 décembre 1990 (RS 642.14) LIFD Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990

(RS 642.11)

LP Loi fédérale sur la poursuite et la faillite, du 11 avril 1889 (RS 281.1)

LPCC Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux, du 23 juin 2006 (RS 951.31)

LPE Loi fédérale sur la protection de l’environnement, du 7 octobre 1983 (RS 814.01)

LTF Loi fédérale sur le Tribunal federal, du 17 juin 2005 (RS 173.110)

m mètre(s) M. Monsieur

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Table des abréviations

Mme Madame

MROS Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent

n. numéro, note

n° numéro

OBA-FINMA Ordonnance de l‘autorité fédérale de surveillance des mar- chés financiers sur la prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, du 8 décembre 2010 (RS 955.033.0)

OBLF Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habita- tions et de locaux commerciaux, du 9 mai 1990 (RS 221.213.11)

OCDE Organisation de coopération et de développement écono- miques

OFJ Office fédéral de la justice

OIF Ordonnance sur l’activité d’intermédiaire financier exercée à titre professionnel, du 18 novembre 2009 (RS 955.071) ONUDC Bureau des Nations Unies sur la dogue et le crime organisé OPB Ordonnance sur la protection contre le bruit, du

15 décembre 1986 (RS 814.41)

OR Obligationenrecht

ORF Ordonnance sur le registre foncier, du 23 septembre 2011 (RS 211.432.1)

p. page

p. ex. par exemple

P- Projet

PCF Loi fédérale de procédure civile fédérale, du

4 décembre 1947 (RS 273)

PJA Pratique juridique actuelle (=AJP) pp. pages

PEP personnes exposées politiquement PPE Propriété par étages

RBA Risk Based Approach

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Table des abréviations

RDAF Revue de droit administratif et fiscal RDS revue de droit suisse

Rem. prél. Remarques préliminaires

RF Registre foncier

RNRF Revue suisse du notariat et du registre foncier RO Recueil officiel du droit fédéral

RS Recueil systématique du droit fédéral

RSDIE Revue suisse du droit international et de droit européen

s. et suivant(e)

SA société anonyme

SchKG Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs (= LP)

SI Sociétés immobilières

SIA Société suisse des ingénieurs et des architectes SICAV Sociétés d’investissement à capital variable SIF Secrétariat d’Etat aux questions internationales

ss et suivant(e)s

SSJ Société suisse des juristes

SVIT Association suisse des professionnels de l’immobilier T. Tome

TAS Tribunal Arbitral du sport TF Tribunal fédéral suisse

TREX L’Expert fiduciaire : Pratique fiduciaire (= L’EF) vol. volume

ZGB Zivilgesetzbuch

ZK Zürcher Kommentar

ZPO Zivilprozessordnung (= CPC)

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La liberté contractuelle

ARIANE MORIN1

Professeure à l’Université de Lausanne

I. La notion

La liberté contractuelle est la faculté reconnue à chacun d’organiser ses rela- tions avec autrui au moyen du contrat2. Elle implique la liberté de conclure, la liberté de la forme et la liberté de l’objet (cf. art. II.-1:102 al. 1, II.-1:106 al. 1 DCFR)3.

A. Les éléments de la liberté contractuelle

1. La liberté de conclure

Toute personne a le droit de décider si elle entend ou non conclure un contrat, et, dans l’affirmative, de choisir la personne avec laquelle elle se liera. Il en ré- sulte aussi la liberté de renoncer à un contrat (cf. art. III-1:108 al. 1 DCFR), ou d’en modifier le contenu (cf. art. II-1:103 al. 3 DCFR)4.

La liberté de conclure se matérialise notamment dans le principe de la rela- tivité des conventions : si chacun a le droit de choisir son cocontractant, on ne saurait par conséquent imposer à une partie des engagements envers un tiers avec lequel elle n’a pas contracté (res inter alios acta alii nec prodest nec nocet) ;

1 Je remercie beaucoup mon assistant M. Adrien Vion pour sa relecture attentive de cet article et sa contribution à l’élaboration de son appareil critique.

2 ARNET, n. 174 ; BELSER, p. 50 s. ; KRAMER, n. 17 ad art. 19-20 CO ; MERZ, n. 83 ; OFTINGER, p. 316.

3 ATF 80 II 26 c. 5, JdT 1955 I 136 ; ATF 129 III 35 c. 6.1, JdT 2003 I 127 ; ARNET, N. 175 ; BELSER, pp. 27 ss ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 613 ss ; KRAMER, n. 17 ad art. 19-20 CO ; MERZ, n. 83 ; OFTINGER, p. 316.

4 ATF 102 Ia 533 c. 10a, JdT 1978 I 647 ; ATF 136 III 14 c. 2.3 ; ARNET, n. 176 s. ; BELSER, pp. 27 s. ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 614 et 616 ; GUILLOD/STEFFEN, n. 34, 44 et 56 ad art. 19-20 CO ; KRAMER,

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ARIANE MORIN

inversement, on ne saurait en principe opposer à ce tiers les effets d’un contrat qu’il n’a pas conclu (alteri stipulare nemo potest)5.

2. La liberté de la forme

Toute personne a le droit de conclure un contrat sans respecter une forme spé- ciale (art. 11 al. 1 CO)6. En principe, le contrat produira donc ses effets quelle que soit la forme que les parties ont utilisée pour manifester leur volonté (d’où l’art. 1 al. 2 CO)7.

On déduit également de la liberté de la forme la possibilité pour les parties, réservée à l’art. 16 CO, de soumettre la conclusion de leur contrat à une forme conventionnelle librement définie (p. ex. : les parties peuvent réserver la forme écrite pour un contrat que la loi ne soumet à aucune forme, cf. art. 16 al. 2 CO ; elles peuvent aussi renforcer une forme prescrite, p. ex. en soumettant conven- tionnellement à la forme authentique un contrat pour lequel la loi prescrit la forme écrite)8.

3. La liberté de l’objet

Comme indiqué à l’art. 19 al. 1 CO, les parties peuvent en principe conclure un contrat pour n’importe quel objet9.

Les parties peuvent se promettre n’importe quelle prestation, sans être li- mitées aux types de contrats réglés par la loi (principe de la liberté des types) ; d’où l’existence de contrats innommés, mixtes ou sui generis, ou de contrats nommés avec éléments atypiques10. Le contrat peut porter sur la création (con- trat générateur d’obligation), la modification, le transfert (ex. : art. 164 ss CO) ou l’extinction (ex. : art. 115 CO) d’un droit ou d’un rapport de droit. Il peut aussi bien concerner le strict droit des obligations (transfert de biens et de ser- vices entre des personnes) que d’autres branches du droit privé (droit de la famille, droit des successions, droits réels, cf. art. 7 CC)11. Le contrat peut en

5 ATF 80 II 26 c. 5a, JdT 1955 I 136 ; ATF 129 III 35 c. 6.1, JdT 2003 I 127 ; ATF 136 III 14 c. 2.3 ; MORIN, n. 40 ad art. 1 CO.

6 ATF 132 III 549 c. 2.1.1, JdT 2008 I 52 ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 490 et 617 ; GUILLOD/STEFFEN, n. 54 ad art. 19-20 CO ; SCHMIDLIN, n. 1 ad art. 11 CO.

7 ATF 95 II 419 c. 2c, JdT 1970 I 637.

8 GUILLOD/STEFFEN, n. 55 ad art. 19-20 CO ; MERZ, n. 84 ; MORIN, n. 36 ad art. 1 CO ; XOUDIS, n. 1 s. ad art. 16 CO.

9 ATF 109 II 15 c. 2, JdT 1983 I 601 ; ATF 127 III 449 c. 3c, JdT 2001 I 395 ; BELSER, p. 28 ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 618 ; GUILLOD/STEFFEN, n. 48 s. ad art. 19-20 CO ; KRAMER, n. 48 et 56 ss ad art. 19-20 CO.

10 GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 626 ; GUILLOD/STEFFEN, n. 50 ad art. 19-20 CO ; KRAMER, n. 56 ss ad art. 19-20 CO ; PICHONNAZ, Contrats innommés, pp. 30 ss.

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La liberté contractuelle

outre être gratuit (ex : donation, art. 239 ss CO ; mandat gratuit, cf. art. 394 CO) ou onéreux (contrat synallagmatique). Il peut avoir un contenu qui désavan- tage une des parties12. Il peut être dépourvu de rationalité économique13, ou même n’avoir aucune utilité propre (ex : art. 22 CO)14. Enfin, les parties sont libres d’aménager comme elles l’entendent leurs relations contractuelles, par exemple de déterminer le lieu et le moment de l’exécution (cf. art. 74 et 75 CO qui réservent expressément les conventions des parties) ou l’auteur (ex. : exé- cution personnelle, cf. art. 68 CO) ou le destinataire de la prestation (cf. art. 112 CO)15.

B. Les fondements de la liberté contractuelle

La liberté contractuelle est un des piliers du droit privé16. Elle ne constitue tou- tefois pas un droit fondamental autonome et ne figure du reste pas dans le ca- talogue des libertés contenu dans la Constitution fédérale17. La liberté contrac- tuelle n’est donc pas une fin en soi, mais un instrument au service des droits fondamentaux18. Il reste à voir de quels droits fondamentaux il s’agit.

1. Liberté contractuelle et liberté économique

Dans plusieurs arrêts, le TF considère que la liberté contractuelle découle de la liberté économique (art. 27 Cst)19.

Ce rattachement de la liberté contractuelle à la seule liberté économique est problématique à plusieurs égards.

D’une part, le TF a une conception restrictive de la liberté économique. Se- lon lui, l’art. 27 Cst ne protège que les activités économiques privées, exercées à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu20. Le consommateur final (c. à d. la personne physique qui se procure des biens ou des services pour satisfaire ses besoins privés) ne serait donc pas visé par l’art. 27 Cst21. Cela conduit à analyser la protection des consommateurs (art. 97

12 ATF 129 III 276 c. 3.1, JdT 2003 I 346 ; BELSER, pp. 30 s. et 511 ss ; GUILLOD/STEFFEN, n. 49 ad art. 19-20 CO ; KRAMER, n. 23 s. ad art. 19-20 CO.

13 ATF 136 III 142 c. 3.5.

14 Gauch/Schluep/Schmid, n. 1080 ; Morin, n. 12 ad art. 22 CO.

15 MORIN, n. 45 ad art. 1 CO.

16 ATF 129 III 276 c. 3.1, JdT 2003 I 346 ; OFTINGER, p. 317.

17 ARNET, n. 158 ; VALLENDER, n. 45 ad art. 27 Cst ; VALLENDER/HETTICH/LEHNE, § 5 n. 58 ; WOLF, p. 8.

18 ATF 129 III 276 c. 3.1, JdT 2003 I 346 ; ARNET, n. 158.

19 Cf. not. ATF 113 Ia 126 c. 8c ; ATF 131 I 223 c. 4.1, RDAF 2006 I 526 ; ATF 131 I 333 c. 4 ; BIAGGINI, n. 9 ad art. 27 Cst ; KIENER/KÄLIN, p. 363 ; MÜLLER/SCHEFER, p. 1054 ; WOLF, p. 8.

20 ATF 134 I 214 c. 3.

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ARIANE MORIN

Cst) sous l’angle des restrictions à la liberté économique, et donc à la liberté contractuelle des professionnels (art. 36 et 94 Cst), et non sous l’angle de la protection de la liberté contractuelle des consommateurs (art. 35 Cst), et, par- tant, à dissocier le droit de la consommation du droit des contrats, alors même que le contrat est l’instrument utilisé par les consommateurs pour se procurer les biens et les services dont ils ont besoin22.

D’autre part, le rattachement de la liberté contractuelle à la seule liberté économique reste problématique, même si l’on considère avec une partie de la doctrine que la liberté économique consiste dans le libre choix et le libre exer- cice de toute activité économique et comprend donc aussi la liberté de con- sommer23. En effet, reconnaître que la liberté contractuelle est un instrument au service de la seule liberté économique revient (implicitement) à reconnaître que la liberté contractuelle ne mérite au fond protection que dans les limites de l’ordre économique, c’est-à-dire si cela permet le développement du marché24. Cela conduit à une vision fonctionnelle du contrat, qui met la liberté contrac- tuelle au service d’un idéal politique (le développement du marché) qui l’emporterait sur les intérêts spécifiques des parties dans la mesure où ils ne se confondent pas avec ceux de l’homo oeconomicus25. Une conception aussi réduc- trice peut à la rigueur se comprendre dans le contexte de la common law, où le principe de la consideration conduit à ne reconnaître en principe que les con- trats onéreux, et, partant, incite à ne concevoir la liberté contractuelle que comme un instrument au service de la vie économique26. Elle n’a pas sa place en droit suisse des contrats, qui consacre la liberté de la forme (art. 11 al. 1 CO) et de l’objet (art. 19 al. 1 CO), ce qui implique qu’un contrat peut être conclu (cf. art. 1 CO) et valide, indépendamment de son caractère gratuit ou onéreux et peut donc servir des intérêts sans portée économique27.

La conception de la liberté contractuelle retenue en droit suisse peut ainsi être qualifiée de volontariste, et de ce fait de non fonctionnelle, car c’est en principe à chaque personne (et non à l’Etat) de déterminer quel usage elle en- tend faire de cette faculté28.

22 MÜLLER/SCHEFER, p. 1054 ; Vallender/Hettich/Lehne, § 5 n. 56.

23 Dans ce sens, cf. MÜLLER/SCHEFER, p. 1054 ; VALLENDER/HETTICH/LEHNE, § 5 n. 56.

24 WOLF, p. 9.

25 GUILLOD/STEFFEN, n. 19 ad art. 19-20 CO ; SOMMA, p. 8 s. ; WHITTAKER, p. 373 s.

26 MORIN, Efficiency, p. 210.

27 ATF 136 III 142 c. 3.5 ; WOLF, pp. 9 ss.

(21)

La liberté contractuelle

2. Liberté contractuelle et autonomie privée

Et de fait, le TF lui-même souligne que la liberté contractuelle n’est pas seule- ment un instrument du marché. Elle est beaucoup plus largement un moyen de matérialiser l’autonomie privée, c’est-à-dire la faculté concédée à chaque individu de régler lui-même ses conditions d’existence29. Or, si l’on considère que les individus ne sont pas guidés par la seule rationalité économique, mais aussi par leurs liens familiaux, leurs intérêts affectifs, leurs valeurs culturelles et éthiques30, l’autonomie privée fonde tous les droits fondamentaux (y- compris la liberté économique) dans la mesure où ils permettent à chacun d’organiser ses conditions de vie comme il l’entend31.

Par conséquent, si la liberté contractuelle est un moyen de matérialiser l’autonomie privée, elle ne peut pas se rattacher à un seul droit fondamental, mais à tous ceux qui concernent l’autonomie privée32. Il s’agira notamment de la liberté économique (art. 27 Cst), car le contrat est l’instrument privilégié de l’économie de marché, dans la mesure où il vise l’échange de biens et de ser- vices33, mais aussi de la garantie de la propriété (art. 26 Cst), dans la mesure où le contrat permet au propriétaire de disposer de ses biens (art. 641 CC)34, et de la liberté personnelle (art. 10 Cst) car le contrat peut contribuer à l’épanouissement des personnes physiques35, ou encore, suivant le but du con- trat considéré, de la liberté de conscience, d’opinion et d’information (art. 15 et 16 Cst), de la liberté d’association (art. 23 Cst), et ainsi de suite.

II. Protection et limitation de la liberté contractuelle

A. La nécessite de protéger la liberté contractuelle

Puisque la liberté contractuelle sert à matérialiser tous les droits fondamentaux qui se rapportent à l’autonomie privée, elle doit être protégée pour assurer la matérialisation de ces droits dans l’ensemble de l’ordre juridique (art. 35 al. 1 Cst). Vu l’ampleur des droits fondamentaux en cause, on peut en conclure que l’exécution des tâches étatiques doit toujours se faire dans le respect de la liber-

29 ATF 129 III 35 c. 6.1, JdT 2003 I 127 ; ARNET, n. 173 ; BELSER, p. 50 ss ; JÄGGI, n. 205 s. ad Rem.

prél. à l’art. 1 CO ; KRAMER, n. 18 ad art. 19-20 CO ; MERZ, n. 1 et 82 ; OFTINGER, p. 322 ; VALLENDER, n. 44 s. ad art. 27 Cst ; VALLENDER/HETTICH/LEHNE, § 5 n. 58.

30 MORIN, Efficiency, p. 215.

31 Dans ce sens, cf. ATF 129 III 276 c. 3.1.

32 ARNET, n. 158 ; MARTENET, Liberté, pp. 83 s. ; VALLENDER/HETTICH/LEHNE, § 5 n. 58 ; WOLF, pp. 9 ss.

33 VALLENDER, n. 44 s. ad art. 27 Cst.

34 ATF 113 Ia 126.

35 P. ex : le droit de choisir son mode de vie, celui d’avoir des loisirs et des contacts avec autrui ; le consentement éclairé du patient dans les contrats médicaux ; le droit de se cultiver, etc., cf.

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té contractuelle (art. 35 al. 2 Cst)36. Mais dans la mesure où le contrat lie des personnes privées, les autorités ne doivent pas seulement veiller à la protec- tion de la liberté contractuelle dans les rapports entre l’Etat et les particuliers, mais aussi dans les rapports entre particuliers (art. 35 al. 3 Cst)37.

B. Les limites à la liberté contractuelle

Comme le souligne l’art. 19 al. 1 CO (« L’objet d’un contrat peut être librement déterminé dans les limites de la loi »), la liberté contractuelle n’est pas abso- lue38. Elle peut être limitée dans tous ses aspects, qu’il s’agisse de la liberté de conclure (ex : obligation de contracter, cf. not. art. 13 LCart ; dérogation à la relativité des conventions, cf. not. art. 399 al. 3 CO ou 21 LCC), de la liberté de la forme (forme prescrite, art. 11 al. 2 CO) et de l’objet (art. 19/20 CO, cf. not.

les règles impératives). Mais ces limites doivent se concilier avec le fait que la liberté contractuelle sert à matérialiser tous les droits fondamentaux qui con- cernent l’autonomie privée. Par conséquent, elles ne sont possibles que dans le cadre de l’art. 36 Cst39. Elles doivent donc reposer sur une base légale suffi- sante (art. 36 al. 1 Cst), être justifiées par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (art. 36 al. 2 Cst), être proportionnées au but visé (art. 36 al. 3 Cst) et respecter l’essence des droits fondamentaux (art. 36 al. 4 Cst)40.

Par exemple, un canton peut limiter la liberté contractuelle d’un proprié- taire de logements pour des buts d’intérêt public (art. 36 al. 2 Cst), notamment des motifs de politique sociale qui tendent à procurer du bien-être à l’ensemble ou à une grande partie des citoyens, ou à accroître ce bien-être par l’amélioration des conditions de vie, de la santé ou des loisirs41. Le TF a ainsi reconnu comme conforme à l’art. 36 Cst un règlement de la ville de Lausanne obligeant les propriétaires de logements construits ou rénovés avec son appui financier à réserver le choix des locataires à la ville pour 15% du nombre total de logements – ce qui aboutit à limiter leur liberté de conclure, et par là, leur liberté économique (art. 27 Cst), puisqu’il était question d’une activité lucrative (la location d’appartements). Selon le TF, cette exigence poursuit exclusive-

36 ATF 129 III 35 c. 5.2, JdT 2003 I 127 ; ATF 138 I 475 c. 3.3.2 ; voir aussi ATF 140 I 201 c. 6.4.1.

37 ATF 138 I 475 c. 3.3.2 ; ATF 130 III 28 c. 4.2 ; ARNET, n. 135 ss ; BELSER, p. 495 et 499. Voir aussi AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, n. 124 et 131 ; BIAGGINI, n. 15 s. et 21 ad art. 35 Cst ; KIENER/KÄLIN, p. 42 ss. Sur la possibilité exceptionnelle pour une partie de s’en remettre directement aux droits fondamentaux auxquels renvoie la liberté contractuelle dans le cadre d’un litige avec un particulier, cf. GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 677 ss ; KIENER/KÄLIN, p. 53 ; MARTENET, p. 277 ; SCHWEIZER, n. 46, 48 ss ad art. 35 Cst.

38 ATF 135 I 233 c. 5.4 ; MERZ, n. 86 ss ; OFTINGER, p. 318.

39 ATF 131 I 233 c. 5.4 ; ATF 135 II 296 c. 2.1, RDAF 2010 I 468.

40 ATF 140 I 201 c. 6.7 ; ATF 135 II 296 c. 2.1, RDAF 2010 I 468 ; ATF 131 I 333 c. 4 ; BELSER, p. 495 s.

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La liberté contractuelle

ment un but de politique sociale (art. 36 al. 2 Cst), puisqu’elle tend à permettre aux catégories les plus défavorisées de la population d’obtenir un logement à des conditions acceptables, tout en encourageant une certaine mixité résiden- tielle. Elle est proportionnée au but visé, car elle ne concerne que 15% des lo- gements à disposition et car l’Etat offre en contrepartie une garantie financière pour les loyers non payés et les dégâts, ainsi qu’un suivi social (art. 36 al. 3 Cst). Enfin, cette mesure respecte l’essence de la liberté économique (art. 36 al. 4 Cst), car elle n’aboutit pas à enlever de force la propriété foncière, ou à rendre très difficile ou impossible une utilisation de l’immeuble conforme à sa destination42.

C. Les rapports entre protection et limitation de la liberté contrac- tuelle

1. Le principe

Comme acte juridique bilatéral (art. 1 CO), le contrat ne résulte pas de l’exercice de la liberté contractuelle d’une seule partie, mais de celui conjoint de la liberté contractuelle de chaque cocontractant43. La nécessité de protéger la liberté contractuelle dans les rapports entre particuliers (art. 35 al. 3 Cst) va par conséquent avant tout conduire à limiter la liberté d’une partie pour pro- téger celle de l’autre (art. 36 al. 2 Cst)44. C’est ce qu’exprime du reste l’art. 2 CC. Par son renvoi aux règles de la bonne foi, l’art. 2 al. 1 CC souligne qu’il faut protéger la confiance (« Treu und Glauben ») que chacun peut avoir dans le comportement loyal et correct de ses semblables, si bien que l’ordre juridique ne conçoit l’exercice des droits subjectifs, en particulier ceux dérivés de la li- berté contractuelle45, que d’une façon qui n’entrave pas l’autonomie privée des autres personnes contre leur volonté, de telle sorte que la liberté de chacun s’accorde avec celle de tous46. C’est pourquoi, en enjoignant à chacun d’agir selon les règles de la bonne foi, l’art. 2 CC pose une limite à tout exercice d’un droit47.

Dans les rapports entre cocontractants, il n’y a donc pas antagonisme, mais complémentarité entre limitation et protection de la liberté contractuelle48

42 ATF 131 I 333 c. 4.2.

43 JÄGGI, n. 38 ad art. 1 CO.

44 BIAGGINI, n. 21 ad art. 36 Cst ; voir aussi MERZ n. 86 ; OFTINGER, p. 318 s.

45 MORIN, Les art. 2 et 4 CC, p. 215 ; BK-HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, n. 133 ad art. 2 CC.

46 MORIN, Les art. 2 et 4 CC, p. 211 ; BK-HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, n. 22 ss et 34 ad art. 2 CC.

47 ATF 47 II 440 c. 1 ; ATF 72 II 39 c. 2, JdT 1946 I 386 ; ATF 83 II 345 c. 2, JdT 1958 I 194. Sur le fait que l’art. 2 al. 2 CC complète l’art. 2 al. 1 CC en revoyant à cette limite à tout exercice d’un droit, cf. MORIN, Les art. 2 et 4 CC, p. 210 ss.

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raison pour laquelle la doctrine considère que la liberté contractuelle de cha- cun trouve sa limite immanente dans la nécessité de protéger celle d’autrui49.

Cela explique pourquoi de nombreuses règles du droit des contrats peu- vent apparaître comme des normes limitant la liberté contractuelle si l’on se place du point de vue d’une partie, et comme des normes la protégeant si l’on se place du point de vue de l’autre partie. Par exemple, l’art. 270 CO limite la liberté contractuelle du bailleur, puisqu’il permet au locataire de contester le montant du loyer initial. Mais en même temps, il protège la liberté contrac- tuelle du locataire, puisqu’il ne s’applique que lorsqu’il existe des indices suf- fisants d’une absence de possibilité pour celui-ci de négocier le loyer initial en raison de sa situation de détresse personnelle, ou de la pénurie de locaux.

Les règles qui visent à limiter la liberté contractuelle d’une partie pour pro- téger celle de l’autre se distinguent des règles qui limitent le contrat comme tel, en tant qu’expression de la liberté contractuelle de chaque partie, pour proté- ger des intérêts publics ou privés (art. 36 al. 2 Cst) jugés supérieurs aux intérêts des cocontractants. Par exemple, un contrat est contraire aux mœurs (art. 19 al. 2 et 20 al 1 CO) si son objet ou son but heurte le sentiment général des con- venances ou les principes éthiques et les critères et valeurs de l’ordre juridique dans son ensemble50. Cette limite à la liberté de l’objet vise donc des buts d’intérêt public, qui l’emportent sur les choix des parties, indépendamment de considérations quant aux rapports entre leur liberté contractuelle respective.

C’est pourquoi l’interdiction des engagements violant les droits de la person- nalité (art. 27 CC), qui sanctionne des contrats touchant au cœur de l’autonomie privée51, intervient même si la partie lésée a donné son consente- ment libre et éclairé à cette atteinte, par exemple parce qu’elle devait recevoir une rémunération considérable en échange52.

2. La nécessité d’une pesée des intérêts

Une pesée des intérêts est nécessaire pour déterminer dans quelle mesure la liberté contractuelle d’une partie peut être limitée pour protéger celle de l’autre (cf. art. 36 al. 3 Cst)53. Vu l’absence de hiérarchie entre les droits fonda-

49 ARNET, n. 184 ; BELSER, p. 51 ; KRAMER, n. 161 ad art. 19-20 CO ; MERZ, n. 86.

50 ATF 123 III 101 c. 2, JdT 1997 I 586 ; ATF 132 III 455 c. 4.1, JdT 2007 I 251 ; ATF 133 III 167 c. 4.3.

51 ATF 102 II 211 c. 6.

52 GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 687. On ne peut donc pas soutenir en s’appuyant sur l’art. 28 CC qu’un engagement excessif et donc contraire aux mœurs selon les art. 27 CC et 19 et 20 CO est valable lorsque la partie lésée y a consenti, contrairement à ce que soutient une partie de la doctrine (BUCHER, n. 114 ss, 548 ad art. 27 CC ; KRAMER, n. 371 ss ad art. 19-20 CO) et le TF dans un arrêt isolé (ATF 129 III 209 c. 2.2, JdT 2003 I 623).

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La liberté contractuelle

mentaux54, les besoins que chaque partie cherche à satisfaire par le contrat ne sont pas déterminants à cet égard. Il faut partir du principe que les personnes étant égales entre elles (art. 8 Cst), les parties disposent formellement de la même autonomie privée et donc de la même liberté contractuelle, si bien que le législateur doit veiller à ce que chacune d’elle puisse matériellement exercer sa liberté contractuelle de façon équivalente, sans quoi la liberté d’une partie ris- querait d’être vidée de sa substance par l’abus de la liberté de l’autre partie55.

Ainsi, l’effet obligatoire du contrat, implicitement prévu aux art. 1 et 68 ss CO, limite la liberté de conclure, plus précisément la liberté de renoncer au contrat si l’on ne désire plus s’y soumettre56. Cette limite ne peut pas être im- posée à une partie pour la seule raison que l’autre partie désire le maintien du contrat, puisque, formellement, sa liberté de profiter du contrat n’a pas plus de poids que la liberté de son cocontractant de renoncer à ce contrat. L’effet obli- gatoire du contrat découle de motifs supplémentaires, à savoir de l’idée, dé- duite de l’art. 2 CC, que la partie qui prétend revenir sur son engagement crée le risque de léser l’autre partie en rendant vaines les mesures que celles-ci a prises en se fiant légitimement à son offre ou son acceptation (p. ex. les dé- penses qu’elle a faites en vue de l’exécution du contrat), et de porter une at- teinte excessive à son autonomie privée. Une partie peut certes invalider le contrat pour vice du consentement (art. 23 à 31 CO), ou le résilier s’il s’agit d’un contrat de durée (ex : art. 266a, 335, 377 ou 404 CO). Elle devra néan- moins indemniser l’autre partie, dans la mesure où le motif de l’invalidation de la résiliation ne lui est pas imputable et où elle ne pouvait pas réaliser d’une autre façon que son cocontractant ne voulait pas, ou plus, être lié (cf. p. ex.

art. 26 CO et 3 CC ; art. 266g al. 2 CO, 336a et 337c CO, 377 ou 404 al. 2 CO).

Par ailleurs, il n’est pas possible de corriger le contenu d’un contrat pour le seul motif qu’il est défavorable à une partie, puisqu’il est en principe possible de s’engager pour n’importe quel objet, aussi défavorable soit-il57. Cela ne vaut toutefois que si le contrat repose sur le libre consentement de chaque partie : il les lie alors indépendamment de son contenu, puisque chacune d’elles a plei- nement voulu ce résultat, même s’il lui est désavantageux58.

En revanche, le contrat ne reflète pas l’exercice équivalent de la liberté con- tractuelle de chaque partie, lorsqu’au moment de le conclure, l’une d’elles se trouvait dans une situation de faiblesse personnelle (ex. : art. 21 CO) ou struc-

54 Cf. ATF 140 I 210 c. 6.7. Voir aussi supra, I.B.

55 BELSER, pp. 37 ss et 51 ss ; JÄGGI, n. 207 ad Rem. prél. à l’art. 1 CO.

56 Supra, I.A.1.

57 Supra, I.B.3. D’où le rejet en droit suisse de la doctrine du iustum pretium, cf. ATF 113 II 209 c. 4b ; BELSER, p. 509 ss ; GUILLOD/STEFFEN, n. 49 ad art. 19-20 CO.

58 BELSER, p. 19 ss et 50 ss ; JÄGGI, n. 205 ss ad Rem. prél. à l’art. 1 CO ; KRAMER, n. 25 s. ad art. 19-20

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turelle (p. ex. parce qu’il s’agissait d’un consommateur traitant avec un profes- sionnel, cf. not. art. 40a ss et 210 al. 4 CO, art. 1 ss LCC ; art. 3 et 8 LCD)59. Il se justifie alors d’intervenir pour rétablir l’équilibre entre les parties, de façon à ce que le cocontractant en position de faiblesse soit traité comme s’il avait eu la même marge de manœuvre que l’autre partie60. Cela peut conduire à limiter la liberté de contracter de la partie en position de force, en donnant le droit à l’autre partie d’invalider (p. ex. : art. 21 CO) ou de révoquer (art. 40a ss CO ; art. 16 LCC) le contrat61, ou d’exiger une correction de son contenu, de façon à ce qu’il corresponde à celui qu’il aurait eu si elle avait pu pleinement le négo- cier (p. ex. : art. 270 CO ; art. 8 LCD)62. Certaines limites à la liberté de la forme (art. 11 al. 2 CO) ou de l’objet (art. 19-20 CO) résultent également de la nécessi- té de protéger les intérêts d’une partie (potentiellement) en position de fai- blesse (cf. art. 22 al. 2 CO). On peut songer notamment aux règles de forme qui visent à attirer l’attention d’une partie sur la portée de ses engagements (p.

ex. : art. 216 et 493 al. 2 CO) ou à l’informer sur ses droits (p. ex. : art. 266l et 269d al. 2 CO, 9 et 19 OBLF), ou aux règles impératives qui prescrivent un cer- tain contenu au contrat, de façon à garantir un équilibre minimum dans la re- lation contractuelle (cf. les nombreuses règles impératives en matière de bail ou de travail, ou encore dans les contrats de consommation).

III. La prise en compte de la liberté contractuelle par le juge civil

A. L’interprétation et le complètement de la loi en faveur de la liberté contractuelle

1. L’opposabilité de l’art. 35 Cst au juge civil

En matière contractuelle, l’intervention de l’Etat est avant tout le fait du juge civil appelé à trancher un litige entre les parties. A ce titre, il doit protéger la liberté contractuelle (art. 35 al. 2 et 3 Cst). Cela signifie qu’il doit dans toute la mesure du possible interpréter la loi (art. 1 al. 1 CC) dans un sens favorable à la liberté contractuelle. S’il est amené à élaborer des règles jurisprudentielles, soit pour combler une lacune de la loi (art. 1 al. 2 CC), soit, plus fréquemment, pour spécifier une clause générale (avant tout les art. 2 et 4 CC), il doit là en-

59 ATF 137 III 243 c. 4.5, JdT 2014 II 443 ; ARNET, n. 179 ss ; BELSER, pp. 50 ss et 73 ss ; MORIN, n. 76 ad art. 1 CO.

60 COLOMBI CHIACCI, p. 303 s. ; GRUNDMANN, pp. 500 ss.

61 ATF 137 III 243 c. 4.5, JdT 2014 II 443 ; GRUNDMANN, p. 503 s.

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La liberté contractuelle

core privilégier des solutions respectueuses de la liberté contractuelle63. La né- cessité de protéger la liberté contractuelle doit également guider le juge lors- qu’il recherche dans la doctrine des points d’appui à l’interprétation ou au complètement de la loi (art. 1 al. 3 CC) : il doit en principe préférer les opinions doctrinales respectueuses de la liberté contractuelle. C’est ainsi, par exemple, que des théories comme le contrat avec effet protecteur pour les tiers ou la re- lation contractuelle de fait ne devraient être retenues que s’il n’existe aucun autre moyen de protéger les intérêts lésés, car elles sont contraires à la liberté de (ne pas) conclure64.

Cela vaut en particulier lorsque le juge doit déterminer le contenu du con- trat et lorsqu’il doit le soumettre à des règles de forme ou des règles impéra- tives.

2. La détermination du contenu du contrat a) L’interprétation du contrat

Lorsqu’il applique l’art. 18 CO ou le principe de la confiance, le juge ne peut pas présupposer que les parties recherchent nécessairement certains objectifs (p. ex. qu’elles cherchent forcément à maximiser leurs profits). Puisque la liber- té contractuelle est un des moyens qui permettent aux parties d’organiser leurs conditions d’existence comme elles l’entendent65, le juge doit toujours se pro- noncer sans a priori, en fonction de ce que les parties voulaient réellement (in- terprétation subjective selon l’art. 18 al. 1 CO), ou de ce qu’aurait compris une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances concrètes (interpré- tation objective selon le principe de la confiance), compte tenu des buts que poursuivaient les parties et de leur position sociale respective66.

En cas de doute sur les intentions des parties, le juge doit privilégier la so- lution qui aboutit à un contrat valide, conformément au principe de la favor negotii, qui prescrit de donner effet autant que possible à la volonté des parties, pour protéger leur volonté de conclure67. Par exemple, en cas de doute sur le sens à donner à une clause restrictive de responsabilité, le juge doit partir de l’idée que les parties entendaient rester dans le cadre des art. 27 CC et 100 CO et ne voulaient pas d’exonération anticipée en cas de préjudice corporel ou de

63 BELSER, p. 495 ss ; voir aussi BIAGGINI, n. 6 et 17 ad art. 35 Cst ; MARTENET, p. 248 s. ; SCHWEIZER, n. 55 ad art. 35 Cst.

64 ARNET, n. 113 s. ; KRAMER, n. 21 ss et 238 ad art. 1 CO ; MORIN, n. 44 et 186 ad art. 1 CO ; PICHONNAZ, pp. 173 ss. Cf. aussi Kantonsgericht St. Gallen, arrêt du 13.10.2014, in RSJ 2016, p. 22.

65 Supra, I.B.2.

66 ATF 140 III 391 c. 2.3, JdT 2015 II 123 ; ATF 138 II 659 c. 4.2.1, JdT 2013 II 400 ; ATF 135 III 410 c. 3.2 ; JÄGGI/GAUCH/HARTMANN, n. 356 ss ad art. 18 CO.

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faute grave68. Il s’en remettra aux règles classiques d’interprétation ou à la vo- lonté hypothétique des parties pour déterminer l’étendue de limitation de res- ponsabilité dans ce cadre.

b) Le complètement du contrat

L’art. 2 al. 1 CO interdit au juge d’intervenir lorsqu’il constate l’absence d’un accord de fait (art. 18 CO) ou de droit (principe de la confiance) sur les élé- ments objectivement essentiels du contrat69. Il serait en effet contraire à la li- berté de conclure et à la liberté de l’objet d’imposer aux parties une convention dont aucune d’elles n’a voulu les éléments propres à l’identifier comme un tout cohérent, en leur dictant leur rôle respectif (p. ex. dans une vente, qui est vendeur, qui est acheteur), le contenu de la prestation caractéristique de ce contrat (cf. art. 117 al. 3 LDIP) et la présence ou l’absence d’une contrepresta- tion70. Le juge ne pourra en principe pas non plus intervenir en cas d’absence d’accord sur un point subjectivement essentiel, car cela irait à l’encontre de la liberté de ne pas conclure de la partie qui a clairement élevé ce point objecti- vement secondaire au rang de condition sine qua non de son engagement71.

En revanche, comme l’indique l’art. 2 CO, dès que les parties se sont mises d’accord sur les points essentiels, le contrat est conclu, même si elles n’ont pas réglé des points (objectivement et subjectivement) secondaires. C’est là encore une manifestation du principe de la favor negotii, selon lequel la liberté de con- clure doit être protégée en faisant primer autant que possible l’efficacité d’un acte juridique sur son inefficacité72. Lorsqu’aucune norme impérative (appli- cable indépendamment d’un accord des parties) ne traite d’un point secon- daire que les parties ont omis de régler, le juge peut compléter le contrat, dans la mesure où cela permet de préciser la portée des obligations principales des parties et, partant, de matérialiser l’expression de leur liberté de conclure73. Par exemple, s’il est saisi d’un litige relatif au lieu de paiement du prix de vente et

68 ATF 115 II 474 c. 2d, JdT 1990 I 216 ; ATF 117 II 609 c. 6c, JdT 1992 I 726 ;WIEGAND, n. 3 ad art. 100 CO.

69 ATF 119 II 347, JdT 1994 I 609 ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 335 ; KRAMER, n. 248 ad art. 18 CO ; MORIN, n. 3 ad art. 2 CO ; WIEGAND, n. 86 ad art. 18 CO ; BURRI, n. 74 ss (avec nuances aux n.

123 ss) ; nuancés : JÄGGI/GAUCH/HARTMANN, n. 623 ad art. 18 CO.

70 GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 337 ; MORIN, n. 3 ad art. 2 CO. Sur la question de savoir si l’art. 2 CO impose seulement aux parties de s’entendre sur le principe d’une éventuelle contreprestation (cf.

art. 184 al. 3 et 363 CO) ou si elles doivent également déterminer son montant précis (cf. l’ATF 119 II 347, relatif au montant du loyer), voir not. WIEGAND, n. 85 ad art. 18 CO.

71 ATF 118 II 32 c. 3d, JdT 1993 I 387 ; MORIN, n. 5 et 7 ad art. 2 CO.

72 BURRI, n. 104 ; KRAMER, n. 4 ad art. 2 CO ; MORIN, n. 7 s. ad art. 2 CO. Le fait que l’existence du contrat ne dépend pas d’un accord sur ses points secondaires repose aussi sur le constat pragma- tique que les parties ne peuvent jamais prévoir à l’avance toute ce qui se passera en relation avec leur contrat et passent donc nécessairement des conventions lacunaires, voire rudimentaires, cf.

KRAMER, n. 209 ad art. 18 CO ; MORIN, n. 8 ad art. 2 CO ; WINIGER, n. 160 ad art. 18 CO.

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La liberté contractuelle

qu’il constate que les parties n’ont pas réglé ce point laissé à leur libre disposi- tion, le juge peut compléter le contrat, car cela permet de préciser comment l’acheteur doit exécuter la contreprestation due en échange du transfert de la propriété de la chose vendue (art. 184 CO).

Pour compléter le contrat, le juge ne peut pas s’en remettre directement au droit dispositif : il doit tenir compte de ce que la liberté de l’objet permet aux parties de déterminer le contenu de leur contrat comme elles l’entendent (art. 19 al. 1 CO)74. Cela implique que le droit dispositif est seulement à leur service, si bien qu’elles peuvent tout à fait s’écarter de ses solutions75. Par con- séquent, lorsqu’il complète le contrat, le juge doit toujours commencer par se demander ce que les parties, supposées honnêtes et raisonnables (art. 2 CC) auraient décidé si elles avaient réglé elles-mêmes la question laissée ouverte76 : vu la liberté de l’objet, s’en seraient-elles remises au droit dispositif ou au- raient-elles choisi une solution spécifique ? – La réponse à cette question dé- pendra des circonstances concrètes de l’espèce, notamment du contenu et du but du contrat, ainsi que de la fonction de la règle dispositive visée77. Le juge s’en remettra au droit dispositif (p. ex. à l’art. 74 al. 2 ch. 1 CO pour le lieu de paiement du prix de vente) s’il constate que le reste du contrat ne s’écarte guère de ses solutions, ou s’il apparaît que, vu les circonstances particulières de l’espèce, les solutions du droit dispositif correspondent à celles auxquelles les parties seraient arrivées si elles avaient réglé elles-mêmes le problème po- sé78. En revanche, si le juge constate que les parties auraient choisi une solution individuelle (p. ex. parce que leur contrat contient une majorité de clauses qui s’écartent du droit dispositif), il devra s’en remettre à nouveau à leur volonté hypothétique pour compléter le contrat79.

3. La portée des règles de forme et des règles impératives

Le juge doit interpréter les règles de forme (art. 11 al. 2 CO) et les règles impé- ratives (art. 19-20 CO) dans le sens le moins dommageable pour la liberté con- tractuelle (cf. art. 36 al. 3 Cst).

74 Supra, I.A.3.

75 C’est d’ailleurs le cas de la plupart des contrats de la vie commerciale, soumis à des conditions gé- nérales qui s’écartent en tout ou partie du droit dispositif. La fonction des conditions générales se recoupe d’ailleurs en partie avec celle du droit dispositif, du moins si l’on retient que l’un comme les autres permettent de limiter dans une certaine mesure les frais de transaction, cf. KÖTZ, p. 11.

76 ATF 127 III 300, c. 6.1, JdT 2001 I 239 ; ATF 115 II 484 c. 4b, JdT 1990 I 210 ; ATF 107 II 144 c. 3 ; WIEGAND, n. 76 ss ad art. 18 CO.

77 MORIN, n. 14 ad art. 2 CO ; WIEGAND, n. 81 ad art. 18 CO ; WINIGER, n. 170 ad art. 18 CO.

78 MORIN, n. 12 ad art. 2 CO ; WIEGAND, n. 72 s. ad art. 18 CO ; WINIGER, n. 170 ad art. 18 CO. C’est pourquoi il est possible de combler les lacunes d’un contrat innommé en s’inspirant par analogie des solutions du droit dispositif applicable à un contrat nommé dans une constellation d’intérêts compa- rable, cf. ATF 118 II 157, c. 2c non traduit au JdT 1993 I 648.

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ARIANE MORIN

Il ne peut sanctionner de nullité le contrat formellement ou matériellement vicié que si cette conséquence est prévue par la règle de forme ou la règle im- pérative en cause, ou si cela ressort de son but80. Par exemple, un contrat con- traire à l’art. 164 CP (qui interdit de diminuer son actif de manière domma- geable à ses créanciers, en cédant à des tiers des valeurs patrimoniales à titre gratuit ou pour un prix dérisoire) n’est pas nul au sens de l’art. 20 CO, car l’art. 164 CP ne prévoit pas expressément cette sanction et a seulement pour but de réprimer pénalement les comportements soumis à l’action révocatoire des art. 258 ss LP81.

Si la règle de forme ou la règle impérative violée prévoit bien la nullité du contrat vicié, le juge doit malgré tout tenter de donner effet à la volonté des parties (principe de la favor negotii), soit en convertissant le contrat invalide en un acte valable non soumis aux mêmes exigences formelles ou matérielles et permettant d’atteindre le but visé par les parties (ex. : conversion d’une cession de créance nulle en une procuration à fin d’encaissement)82, soit en retenant une nullité partielle selon les critères de l’art. 20 al. 2 CO83.

B. Les limitations jurisprudentielles de la liberté contractuelle En principe, c’est au législateur qu’il incombe d’élaborer des règles limitant la liberté contractuelle84. Cette primauté est toutefois relative dans le contexte d’un code ouvert comme le CO, où le législateur a décidé, par souci de simpli- cité et de maniabilité du code, de ne régler que les hypothèses qu’il considérait (à l’époque) comme les plus significatives. Pour le surplus, il a habilité le juge à régler les questions qu’il avait volontairement renoncées à traiter, en s’appuyant sur l’art. 2 CC85.

Or, puisque l’art. 2 CC renvoie à la nécessité de limiter la liberté d’une par- tie pour protéger celle de l’autre, sa mise en œuvre peut affecter la liberté con- tractuelle. Dès lors, le juge qui s’appuie sur l’art. 2 CC pour limiter la liberté contractuelle intervient dans le cadre des art. 35 al. 3 Cst et 36 al. 2 Cst. Il doit néanmoins respecter toutes les autres exigences de l’art. 36 Cst86. En effet, en tant que norme habilitante, l’art. 2 CC lui confère le rôle d’un législateur de

80 ATF 134 III 52 c. 1.1, JdT 2008 I 307 ; ATF 134 III 438 c. 2.2, JdT 2008 I 541.

81 ATF 134 III 52 c. 1.4, JdT 2008 I 307.

82 ATF 124 III 112 c. 2b/bb ; ATF 126 III 182 c. 3b, JdT 2000 I 315.

83 Sur la nullité partielle en cas de vice de forme, cf. ATF 127 III 529, c. 3c, JdT 2002 I 432 ; ATF 124 III 62, c. 2a ; XOUDIS, art. 11 CO N 35; contra GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, n. 581.

84 Cf. MARTENET, p. 281.

85 EMMENEGGER/TSCHENTSCHER, n. 371 ad art. 1 CC ; MORIN, les art. 2 et 4 CC, p. 222 s. ; sur le fait que cette démarche relève encore de l’interprétation (art. 1 al. 1 CC) et non du comblement des lacunes de la loi (art. 1 al. 2 CC), cf. MORIN, Les art. 2 et 4 CC, p. 224 s. ; EMMENEGGER/TSCHENTSCHER, n. 164, 178 et 441 ad art. 1 CC.

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