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Nagano et l'arbitrage : ou vers une justice de proximité

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Nagano et l'arbitrage : ou vers une justice de proximité

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle. Nagano et l'arbitrage : ou vers une justice de proximité.

Bulletin ASA , 1998, vol. 16, no. 2, p. 311-324

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44122

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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NAGANO ET L'ARBITRAGE - OU VERS UNE JUSTICE DE PROXIMITE

Gabrielle Kaufmann-Kohler

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l. INTRODUCTION

L'objectif premier de cette contribution est d1ïnformer le lecteur de ce Bulletin des activités de la Division ad hoc du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) dans le cadre des XVl!Ièmes Jeux Olympiques d'hiver, qui se sont déroulés en février de cette année à Nagano au Japon. Dans ce but, les développements quî suivent s'attachent à décrire les affaires soumises au TAS (ch. 2. ci-dessous), sans revenir de manière systématique sur le règlement de procédure1 et le fonctionnement pratique de la Division, ces aspects ayant déjà été commentés dans ce Bulletin après la première expérience olympique2 du TAS et étant restés largement inchangés.

La description de rarbitrage à Nagano nous entraînera ensuite sur trois pistes de réflexion, toutes liées à la résolution des litiges par la voie de l'arbitrage (ch. 3 ci-dessous).

Le présent article reprend le contenu d'une conférence intitulée ''Droit du sport - expérience internationale et retombées en Suisse" prononcée le 30 mars 1998 à Genève devant la Société de droit et de législation. Le style oral en a été conservé.

*

Professeur et avocate, Genève.

1 Mealey's International Arbitration Report, Vol. 13, Issue #6.

2 Gabrielle Kaufmann-Kohler, Arbitration and the Games or the first experience of the Olympie Division of the Court of Arbitration for Sport, Mealey's International Arbitration Report 1997 vol.

12 #2 20; du même auteur, Atlanta et l'arbitrage ou les premières expériences de la Division olympique du Tribunal arbitral du sport, Bull. ASA 1996 433-447.

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2. LE TAS A NAGANO

J'illustrerai les activités du TAS à Nagano en racontant deux histoires (ch. 2.1 et 2.2 ci-dessous) avant de compléter le tableau par quelques indications complémentaires (ch. 2.3 ci-dessous).

2.1 Rebagliati c. CIO

La première histoire pourrait s1appeler l'histoire du snowboarder qui avait fumé un joint. Il neige sur Nagano. Nous sommes le 11 février 1998;

voilà plusieurs heures que la nuit est tombée. Une soirée olympique comme les autres? Pas vraiment. Dans le hall de l'hôtel Kokusai, véritable forteresse olympique, c'est ranimation des grands jours. Caméras, micros, cordons de sécurité qui ont peine à retenir une foule de journalistes qui piaffent.

Qu'attendent-ils? Ils attendent, circonstance inhabituelle pour un journaliste, la fin d'une audience d'arbitrage. De quoi s1agit-il? Pourquoi cet intérêt?

Ross Rebagliati, athlète canadien, a gagné la médaille d'or du slalom géant de snowboard le 8 février. C'est la première médaille olympique en snowboard de tous les temps, puisque cette discipline fait précisément son entrée aux JO. Le test antidopage effectué sur tous les médaillés après la compétition a révélé des traces de marijuana. Lors de sa séance du 10 février au soir, la Commission médicale du Comité international olympique (CIO), par un vote très serré, préavise la disqualification. Le 11 au matin, le CIO, par une décision de sa Commission exécutive, compétente en la matière, suit le préavis et retire la médaille. Quelques heures plus tard, à 1 7 heures 15 précisément, Ross Rebagliati, assisté du Comité olympique canadien, dépose un recours contre cette décision devant la Division ad hoc du TAS.

Rappelons que la Division ad hoc a pour mission de trancher, en principe dans les 24 heures, tous litiges surgissant pendant les Jeux et affectant leur déroulement. A Nagano, elle comprend, outre un président, un vice-président et un staff, six arbitres de formation juridique ayant une expérience du sport ou du droit du sport, de nationalités différentes, tous présents sur le site des Jeux et disponibles 24 heures sur 24.

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La requête d'arbitrage de Rebagliati déposée, un tribunal de trois arbitres est immédiatement constitué. Après avoir atteint tous les participants par téléphone, une audience est fixée à 21 heures. Les convocations, avec copie de la requête et du règlement d'arbitrage, partent par fax ou porteur. A l'audience qui durera deux heures et demie, les arbitres entendent Ross Rebagliati, les représentants du Comité olympique canadien, une importante délégation du CIO, et le président de la Fédération internationale de ski (FIS), fédération convoquée en qualité de tiers intéressé, puisque sa discipline est en cause.

A l'issue de 11audience, Rebagliati va répondre aux questions des journalistes qui l'attendent dans le hall du Kokusai, Quant aux arbitres, ils délibèrent sans attendre et rédigent leur sentence3 qui sera notifiée le lenden1ain, dans les 24 heures suivant le dépôt de la requête d'arbitrage, comme le veut le règlement de la Division ad hoc.

Que dit la sentence? Sur une dizaine de pages, elle expose les éléments de preuve recueillis à l'audience et le raisonnement des arbitres. Je ne trahis là aucun secret, puisque, sauf exception, les décisions de la Division ad hoc ne sont pas confidentielles et, après notification aux parties, sont systématiquement remises à la presse, avec un communiqué résumant l'affaire.

Le Code médical du CIO régit le dopage lors des Jeux Olympiques (et, de plus en plus, par renvoi des fédérations, lors d'autres compétitions). Le Code identifie cinq classes de substances interdites; la marijuana ne s'y trouve pas. Le CIO publie aussi une liste de substances interdites; la marijuana n'y figure toujours pas. Le Code proscrit encore certaines

"méthodes interdites"; la marijuana n'en fait pas partie non plus. En réalité, elle apparaît uniquement sous la rubrique du Code médical traitant des

"substances soumises à certaines restrictions", où on lit:

3 Mealey's International Arbitration Report, Vol. 13, Issue #6.

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11En accord avec les fédérations internationales de sport et les autorités responsables, des tests peuvent être effectués pour des composants du cannabis (tels que la marijuana et le haschich). Les résultats peuvent entraîner des sanctions".

Ce qui voudrait dire, selon les déclarations concordantes des représentants du CIO et de la FIS à l'audience, que, si la fédération dont le sport est en cause interdit la marijuana et qu'elle conclut un accord à cet effet avec le CIO, ce dernier traitera la marijuana comme une substance interdite et imposera des sanctions. Or, il s'avère à l'audience que la FIS n'interdit pas la marijuana et qu'elle n'a conclu aucun accord avec le CIO. La sanction est donc dénuée de tout fondement et doit être levée, Rebagliati conserve la médaille ... quoi que l'on puisse penser des sportifs de pointe qui fun1ent des joints.

2.2 Samuelsson c. Fédération internationale de hockey

Ma seconde histoire pourrait s'intituler Phistoire du hockeyeur qui s'était trompé d'équipe.

Il neige toujours sur Nagano. Ulf Samuelsson, joueur de longue date de la National Hockey League (NHL), est membre de l'équipe de Suède. Il a joué avec celle-ci trois matchs dans le premier tour du tournoi olympique, une défaite - deux victoires. Il s'apprête à disputer le match de quart de finale contre la Finlande, quand il s'avère qu'il s'est trompé d'équipe. Con1ment peut-on, quand on compte parmi les stars de la NHL, se tromper d'équipe dans un tournoi olympique? Invraisemblable? .Pourtant, cela arrive - la preuve: Samuelsson n'est pas suédois - il est américain. La nouvelle, qu'un journaliste révèle le 16 février, fait l'effet d'une bombe. Samuelsson peut-il continuer à participer aux Jeux pour la Suède? Qu'en est-il des matchs gagnés par la Suède? Sont-ils perdus par forfait? Cela changerait considérablement la constellation des quarts de finale, qui se jouent le lendemain et le surlendemain.

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Après une séance nocturne houleuse, la Fédération internationale de hockey prend, dans la matinée du 17 février, une double décision: tout d'abord, elle exclut Samuelsson de la suite du tournoi et, ensuite, elle maintient les victoires de la Suède. A midi ce même jour, Ulf Samuelsson et la Suède appellent de la première partie de la décision devant le TAS demandant que le hockeyeur soit admis à participer aux prochains matchs. A une demi-heure près, le Comité olympique tchèque fait égale1nent appel, mais contre la seconde partie de la décision de la fédération, concluant au forfait des victoires suédoises. On comprend pourquoi: si les matchs suédois sont considérés perdus, la Tchéquie jouera en quart de finale contre la Biélorussie plutôt que contre les Américains. Elle augmenterait donc considérablement ses chances d'aller en demi-finale.

Cinq jours plus tard, sur la patinoire de Big Hat, les hockeyeurs tchèques ont dû se dire que toute cette agitation avait été bien vaine, puisqu'ils ont joué et gagné la finale. N'empêche que le 17 au soir, la préoccupation était bien réelle.

L'instruction des deux appels est JOlnte devant un seul et même tribunal, qui tient audience dans l'après-midi. A grand renfort d'interprètes, il y entend non seulement Ulf Samuelsson, le Comité olympique suédois, les représentants de la Fédération internationale de hockey, le Comité tchèque, mais aussi le commissaire de la NHL qui vient soutenir son joueur, le CIO dont la charte est en cause, et les représentants du Comité national russe.

Dans le souci d'accorder la possibilité de s'exprimer à toutes les personnes potentiellement affectées par l'issue du litige, le TAS a en effet donné l'occasion aux six autres équipes qualifiées pour les quarts de finale d'assister à l'audience. Seuls les Russes saisissent l'occasion de venir contrer la demande tchèque. Et pour cause, si cette demande est accordée, ils joueront le quart de finale non contre les Biélorusses mais contre les Suédois, troc qui ne leur paraît pas favorable.

Toute cette affaire met le monde du hockey en ébullition. Il faut décider vite. Les équipes doivent préparer les matchs du lendemain.

Comment arrêter sa tactique face à un adversaire inconnu? Comment en étudier le jeu? A la demande des représentants de la fédération et des équipes, le TAS communique donc le dispositif de la sentence dès le début de la

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soirée. Il passe ensuite une partie de la nuit à rédiger les considérants qui sont notifiés le lendemain matin, toujours dans le délai de 24 heures après le dépôt de la requête.

Que dit la sentence? Tout d1abord, elle exclut Samuelsson des Jeux Olympiques. Vivant et jouant aux Etats-Unis depuis bien des années, il a acquis la nationalité américaine en 1995; il ne le conteste pas. Or, la loi suédoise - précisément 11article 7 de la loi sur la nationalité - prévoit que l'acquisition d'une autre nationalité entraîne automatiquement la perte de la nationalité suédoise. Depuis novembre 1995, Samuelsson n'est donc plus suédois. Depuis cette date, il n1a d1ailleurs plus jamais joué avec l'équipe nationale suédoise. Le règlement de la Fédération de hockey et la Charte olyinpique sont limpides: un athlète doit avoir la nationalité du pays pour lequel il concourt. Ulf Samuelsson, il est vrai, plaide 11indulgence sous prétexte qu'il a découvert sa situation la veille seulement. Il est vrai que la disposition légale suédoise est atypique et peut surprendre. Mais divers éléments de fait font douter de cette apparente candeur, et quoiqu1il en soit de la bonne foi du sportif, l'inéligibilité est un fait objectif. Ici, elle est patente et la sanction de l'exclusion s'impose.

Plus difficile est la question du sort des matchs suédois. Le règlement de la fédération prévoit la défaite par forfait comme sanction à l'encontre de l'équipe ayant disputé un match avec un joueur inéligible. Mais la disposition vise des championnats, non les Jeux Olympîques. La stiucture des premiers n1est pas exactement pareille à celle des seconds. Passons les détails techniques pour ne retenir que le résultat, à savoir que, l'application de la règle du forfait ne sanctionnerait pas que l'équipe fautive, mais aurait en outre l'effet pervers de pénaliser des équipes 11innocentes". telle la Russie. Pour éviter cette conséquence non voulue par la règle, les arbitres refusent de déclasser la Suède. Une décision que les milieux du sport et les médias approuvent comme conforme à l'esprit du sport, au fair play et à l'idéal olympique, mais qui n1est pas vraiment en accord avec les textes.

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2.3 Autres procédures

Complétons maintenant le tableau des activités du TAS à Nagano. Trois autres affaires furent soumises à la Division ad hoc, soit un total de six, le même nombre qu1à Atlanta. Un bon score, si l'on considère que, par rapport aux Jeux d'été, les Jeux d'hiver comprennent trois fois moins d'athlètes et de compétitions.

Deux autres litiges soumis à la Division ad hoc touchaient les conditions d'admission aux Jeux dans les disciplines du bob et du ski alpin. Dans les deux cas, le TAS eut à prendre des mesures provisionnelles urgentes avant de rendre sa sentence.

Le troisième différend revêtait un caractère plus commercial. Un fabricant néerlandais de patins à glace, inventeur du fameux 11K1ap-system11 à rorigine de tous les records de patinage de vitesse battus à Nagano, se plaignait que certains athlètes, dont il avait fourni les patins, recouvraient leurs patins d'une housse fabriquée par un concurrent. La housse masquait la mention de la marque de l'entreprise hollandaise, ce qui donnait l'impression que le fabricant de la housse, dont la marque était bien visible, produisait aussi les patins avec le 11Klap-system11La demanderesse invoquait la violation des dispositions de la Charte olympique sur les mentions commerciales admissibles sur les équipements sportifs et la violation des règles de concurrence déloyale.

D1entente, les parties convinrent de limiter la compétence du TAS à la violation de la Charte olympique, le fabricant néerlandais se réservant d'agir devant un autre for sur la base de la concurrence déloyale. Si le TAS avait dû instruire également ce dernier aspect, cela aurait probablement entraîné des investigations de fait et de droit (quel droit, d1ailleurs?) difficilement réalisables dans les quelques jours qui restaient jusqu'à la clôture des Jeux. Il aurait alors fallu - hypothèse prévue par le règlement ad hoc - transformer la procédure des Jeux Olympiques en un arbitrage ordinaire du TAS, arbitrage qui se serait poursuivi après les Jeux, les mêmes arbitres restant saisis par souci d'efficacité.

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Au bilan, peu d'affaires de dopage. La Division était pourtant prête, avec une liste d'experts scientifiques dont les conflits d'intérêt avaient été vérifiés auparavant. Les rares spécialistes japonais étant déjà mobilisés par le CIO, les experts retenus étaient répartis dans le monde. Pour les entendre lors d'une audience, la Division ad hoc avait prévu des équipements de vidéoconférence, qui restèrent, toutefois, inutilisés.

3. TROIS PISTES DE REFLEXION

Voilà pour les activités du TAS à Nagano. Sur cette base, suivons trois pistes, la première a trait au droit de fond, la deuxième au droit de l'arbitrage et la dernière aux méthodes de résolution des litiges plus généralement.

3.1 Droit de jànd: globalisation par l'application des principes généraux du droit

Le règlement de la Division ad hoc du 'f AS prévoit que les arbitres résolvent le litige "en vertu de la Charte Olympique, des règlements applicables, des principes généraux du droit et des règles de droit dont ils estiment l'application appropriée11Cette dernière formule est bien connue des habitués de l'arbitrage commercial. Je ne m1y arrêterai pas car, en droit du sport, elle ne joue guère de rôle pratique. J'aborderai, en revanche tout d'abord les 11règlements applicables11 et ensuite les 11principes généraux du droit11

La plupart des litiges mettent en cause l'interprétation de règlements d'instances sportives, qu1il s1agisse de règlements des fédérations internationales, de la Charte olympique ou du Code médical du CIO. Presque chaque fois, ces textes s'avèrent lacunaires, incohérents, mal rédigés. C'était le cas dans mes deux histoires. La règle du Code médical sur la marijuana aurait vraiment bénéficié d'une formulation plus claire; quant au règlement de la fédération de hockey, il était carrément inadapté. Les arbitres l'ont d1ailleurs expressément relevé dans la sentence Samuelsson, dans les termes suivants:

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"The Panel regrets that !!HF [International !ce Hockey Federation]

failed to recognize the. potential difficulties [c'est-à-dire les difficultés résultant du fait que la règle du forfait visait un tournoi du type championnat]

be/ore they materialized and failed ta take preventive action by adapting ifs ru/es accordingly. This would have avoided the present conflict. Thus, the Panel recommends that IIHF takes prompt action for the future."

Plus les règlements sont mal faits, plus les arbitres s'appuient sur les principes généraux du droit4, ce qui a nécessairement pour effet d'unifonniser, de globaliser le droit du sport. Dans les litiges qui ont trait directen1ent à la pratique du sport - j'exclus les différends résultant de contrats commerciaux qui gravitent autour du sport - les principes généraux applicables ne sont généralement pas issus du droit des contrats comme en arbitrage commercial international, mais relèvent beaucoup plus souvent du droit pénal ou ad1ninistratif, tels par exemple les principes nul/a poena sine lege ou in dubio pro reo. C'est d'ailleurs bien là le fonde1nent de la décision Rebagliati, que les arbitres ont exprimé dans les termes suivants:

"In reaching our result, we do not suggest for a moment that the use of marijuana should be condoned, nor do we suggest that sports authorities are not entitled ta exclude athletes found to use cannabis. But

if

sports authorities wish to add their own sanctions to those that are edicted by public authorities, they must do so in an explicit fashion. That has not been done here. [ ... ]. The panel recognizes that from an ethical and medical perspective, cannabis consumption is a matter of serious social concern. CAS is not, however, a criminal court and can neither promu/gate nor apply penal laws. We must decide within the context of the law of sports, and cannot in vent prohibitions or sanctions where none appearn (c'est nous qui mettons en évidence).

Ce qui n'est qu'une autre façon de dire nulla poena sine lege.

4 Sur le sujet, voir not. Dominique Hahn dans ASA Special Series no 11, L'arbitrage des litiges liés au sport, à paraître.

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3.2 Procédure: délocalisation par la.fixation du siège à Lausanne Quittons maintenant le droit de fond pour enchaîner avec la deuxième piste de réflexion, qui concerne la procédure arbitrale.

Précisément la localisation - peut-être faudrait-il dire la délocalisation - de 11arbitrage5. Mes deux histoires et les autres se sont déroulées à Nagano de A à

z.

Pourtant, elles ont un lien étroit avec la Suisse. Non seulement parce que le TAS en tant qu'institution arbitrale a son siège en Suisse, mais aussi et surtout parce que le siège de chacun des panels de la Division ad hoc est fixé à Lausanne. En bonne théorie, cela a pour effet de soumettre 11arbitrage au chapitre 12 de la LDIP, de fonder la compétence des tribunaux suisses comme juridictions d'appui et de recours et de conférer la 11nationalité" suisse aux sentences de Nagano pour les besoins de l'exécution selon la Convention de New York. Mais, me direz-vous, ce siège suisse n1est-il pas artificiel, voire fictif? N1est-il pas déraisonnable de mener tout un arbitrage au Japon et d'affirmer qu1il a lieu en Suisse?

Il y a évidemment à ce choix de bonnes raisons. Face à des Jeux Olympiques qui bougent, le rattachement de l1arbitrage au droit suisse stabilise le cadre juridique de la résolution des litiges en évitant que le régime procédural change au hasard des sites olympiques. Cela paraît d'autant plus adéquat que les participants aux Jeux, parties potentielles à rarbitrage, n'ont pas de lien avec le pays hôte (sauf évidemment pour les ressortissants); ils concourent là comme ils concourraient ailleurs. La fixation du siège en Suisse permet en outre 11aligner le régime des arbitrages olympiques sur celui des autres procédures du TAS, qui sont toutes soumises à la LDIP, même quand, pour des raisons pratiques, elles ont lieu ailleurs.

5 Pour une discussion plus approfondie, voir not. Gabrielle Kaufinann-Kohler, Arbitration Procedure: Identifying and Applying the Law Goveming the Arbitration Procedure - The Raie of the Law of the Place of Arbitration, à paraître prochainement dans ICCA Paris Arbitration Congress 1998.

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Que ce choix soit dicté par de bonnes raisons n'exclut évidemment pas les difficultés potentielles. L'application de la LDIP par le TAS en tant qu'institution et par les arbitres est en elle-tnême sans problème. Les difficultés éventuelles résident dans la compétence des tribunaux étatiques.

Tentons de sérier les questions. La rapidité de la procédure et le fait que l'institution arbitrale pourvoit à tous les actes tels que constitution du tribunal, récusation des arbitres, jonction de causes, mesures provisionnelles, rend peu vraisemblable la nécessité d1intervention des tribunaux en cours d1arbitrage. Quant aux risques de difficultés en matière d'exécution, ils semblent également peu plausibles. En effet, de par la nature des litiges et le contenu des décisions, l'exécution est généralement assurée par d1autres voies qu'une action en justice.

Reste rannulation des sentences. Le Tribunal fédéral, saisi d1un recours en nullité contre la sentence selon 11article 190 LDIP, se considérerait-il compétent en vertu du siège suisse, nonobstant le fait que I1arbitrage s'est déroulé au Japon? Oui, me semble-t-il. Dans la conception suisse, le siège est un lien juridique, non pas une localisation physique, géographique. Ce lien peut être établi par les parties. Il est purement volontariste et n'est soumis à aucune condition. Par ailleurs, un tribunal arbitral peut tenir audience, délibérer, rendre sa sentence ailleurs qu1au siège. Dans une affaire qui a juste une année, le recourant le contestait et le TF l1a réaffirmé en toutes lettres:

"Mit der Wahl eines schweizerischen Rechtsdomizil jùr das zu bestellende Schiedsgericht wollten die Parteien ihre Rechtsbeziehungen im Streitfall offensichtlich schweizerischem Schiedsgerichtsrecht unterstellen, nicht aber einen ausschliesslichen Beratungsort am Schiedsort stipulieren.

[ ... ]

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Der Bezeichnung eines bestimmten Schiedsortes komrnt u.a. insoweit Bedeutung zu, ais der Schiedsspruch an diesem Ort ais erlassen gilt. Darauf, ob irgendeine Verhandlung tatsdchlich an diesem Ort stattgefunden hat oder ab der Schiedsspruch tatséichlich dort gefcïllt wurde, kommt es nicht an [citation omise]". (Bulletin ASA 1997 3161329-330, c'est nous qui mettons en évidence).

Dans le cas des sentences de Nagano, il s'agit - il est vrai - de plus qu'une audience, de plus qu'un délibéré. Il s'agit de l'intégralité de la procédure. Mais ce n'est là qu'une question de degré, qui ne doit pas changer le principe.

Quid si une partie avait cherché à annuler une sentence rendue au Japon devant le Tribunal de district de Nagano? Ce dernier aurait-il décliné sa compétence? Aurait-il estimé les parties suffisamment protégées par l'existence d'une voie de recours devant un tribunal à l'autre bout du monde?

Quid des tribunaux australiens, américains, grecs, si l'on pense aux prochains Jeux? S'abstiendraient-ils? Il n1y a évidemment pas de réponse générale, puisque la compétence dépendra du droit national du tribunal saisi. Et même si les avis recueillis à ce jour sont plutôt positifs, on perçoit bien la marge d'incertitude.

3. 3 Résolution des litiges: justice de proximité

J'en viens à la dernière piste, celle qui s'attache, en prenant un peu de distance, à l'évolution des modes de résolution des litiges. La Division ad hoc est représentative d'une tendance générale de la résolution contemporaine des litiges, tendance que j'appelle la justice de proximité. Proximité, parce que le fonctionnement de la Division ad hoc est calqué sur celui des activités qu'elle juge. En effet:

• en étant opérationnelle sur le site des Jeux,

• en rendant des décisions dans des délais très brefs compatibles avec le rythme des compétitions,

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• en mettant à disposition des arbitres qui, par leur nationalité et leur expérience, sont le reflet du monde du sport (et qui - c1est un détail mais il est révélateur - siègent sans complet-cravate ou Péquivalent féminin de rigueur dans d'autres procédures),

• en ayant recours à une procédure uniforme quel que soit le lieu des opérations,

• en appliquant des règles de fond qui ne relèvent pas d'un droit national,

la Division se met en phase avec les opérateurs du sport. Dans le monde du sport, elle répond à un besoin puisqu'elle va être mise en œuvre à l'occasion d'autres manifestations, tels notamment les Jeux du Commonwealth. Mais au delà du sport, elle est représentative d'une tendance générale de la résolution contemporaine des litiges. Les modes traditîonnels de règlement des litiges, qu'ils soient judiciaires ou arbitraux, sont de plus en plus déconnectés de la réalité, du mode de fonctionnement des activités qui donnent lieu aux litiges. C'est une source d'insatisfaction croissante des utilisateurs. Une manière d1y remédier est de rapprocher la résolution du litige du fonctionnement des activités elles-mêmes.

Quelques illustrations de cette tendance. La médiation, qui est en fait une négociation assistée où les intérêts en cause comptent plus que les droits et les obligations, est proche du processus décisionnel du dirigeant d'entreprise. Autre exemple: l'arbitrage online ou en ligne. Il en est encore aux premiers balbutiements, mais il y a fort à parier qu'il va se développer plus vite que nous ne l'imaginons. Que l'on pense par exemple à la résolution des litiges en matière de noms de domaines que va gérer l'OMPI en principe dès cet automne. Au delà de ce domaine très technique, il y a également des perspectives - plus lointaines, il est vrai - dans le cadre du commerce électronique. Autre exemple encore de la justice de proximité dans un cadre différent mais non moins révélateur: les litiges de consommateurs pour lesquels l'Union européenne notamme:r:it cherche actuellement des voies simples, rapides et peu onéreuses vu les faibles montants enjeu.

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On le voit: bien qu'elle s'insère dans le contexte très particulier des Jeux Olympiques, la Division ad hoc n'est pas un phénomène isolé. C'est un produit de son temps, qui prouve que l'on peut rendre la justice différem1nent et ouvre la voie à d'autres expériences, qu'il faudra bien sûr toujours adapter aux spécificités des litiges ou plutôt des activités en cause.

* * * * *

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A. NOUVELLES DE L'ARBITRAGE EN SUISSE

1. NOUVELLES DE L'ASSOCIATION

En ce qui concerne les conférences organisées par rASA, voir la section Conférences ci-après

1.1 Nouveaux membres

Natasa MURIC Rechtsao\valtin CH - 8050 Zürich G (01) 262 1431

Prof. Dr. Claude ROUILLER Ancien Juge Fédéral CH-1095 Lutry G (021) 791 3965

1 .2 Groupes locaux 1.2.1 ASA-Gruppe Base!

ShawnC. CONWAY Attomey-at-law Trenite Van Doome NL - 3000 AD Rotterdam G (0031) 104042111

Dana H. FREYER Attorney, Partner

Skadden, Arps, Slate Meagher

& FlomLLP

US -NY, New York 10022 G (01) 212 735 2506

Dr. Karen A. MONROE Avocate

CH - 1205 Genève G (022) 328 0223

Die ASA-Gruppe Base! führt am Dienstag, den 22. September 1998 eine Abendveranstaltung zum Thema « V errechnung in der Schiedsgerichtsbarkeit >> durch. Die Veranstaltung findet in den Raumlichkeiten der Handelskarnmer beider Base!, St. Alban-Graben 8, 4051 Base! statt.

Interessierte Kolleginnen und Kollegen sind willkommen und mOgen

!bren Narnen sarnt Adresse bei Frau St. Ruesch (Tel. 0611279 70 OO, Fax 061/279 70 01) in die Einladungsliste eintragen lassen.

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