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L'arbitrage à l'OMC

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L'arbitrage à l'OMC

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. L'arbitrage à l'OMC. Revue de l'Arbitrage , 2003, no. 3, p. 949-988

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42318

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L'ARBITRAGE

À

L'OMC

par

Laurence BOISSON de CHAZOURNES Professeur à la Faculté de droit de J'Université de Genève

Directrice du Département de droit international et organisation internationale

RÉSUMÉ

L'arbitrage à I'OMC présente un grand intérêt pour la réflexion théorique sur la notion d'arbitrage international. En effet, dans la constellation de l'arbitrage commercial international, les procédures d'arbitrage à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pré- sentent une dimension particulière :le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends insti- tue un arbitrage à visage <<hybride». Cette caractéristique de l'ar- bitrage à l'OMC se traduit par l'alchimie qui est faite entre un arbi- trage de type traditionnel (article 25) et un arbitrage sui generis (articles 21:3 c) et 22:6)).

L'arbitrage traditionnel a pour matrice juridique l'article 25 du Mémorandum d'accord qui établit un arbitrage ad hoc et principa- lement fondé sur le consentement des parties au différend. Cette procédure d'arbitrage est d'une importance fondamentale en ce sens qu'elle permet à des parties à un différend d'écarter les procédures devant les groupes spéciaux et l'Organe d'appel et de recourir ipso jure à l'arbitrage. L'arbitrage sui generis - ou plutôt les arbitrages sui generis-s'appuie sur les procédures prévues aux articles 21:3 c) et 22:6 du Mémorandum d'accord. La nature sui generis de ces pro- cédures a trait à la limitation par le Mémorandum d'accord de la compétence ratio ne materiae de l'<< arbitre >>. La procédure 21:3 c) limite celui-ci à la détermination du délai raisonnable. La procédure 22:6 le cantonne à l'évaluation de la proportionnalité du montant des contre-mesures commerciales prises par un Etat.

Ces arbitrages sont institutionnels car ils sont greffés sur le système de règlement des différends (groupes spéciaux et Organe d'appel) à I'OMC et agissent en tant que relais procédural de mise en œuvre des rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel. Toutefois, malgré leur hybridité, un dénominateur commun ancre toutes les

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procédures d'arbitrage au système commercial multilatéral. D'une part, les procédures sont rationalisées et ordonnées par certains dogmes du système OMC que sont l'équilibre, la prévisibilité et la confidentialité. D'autre part, les procédures sont fonctionnalisées afin de s'insérer dans le système de surveillance multilatérale établi par le Mémorandum d'accord. Dans le cadre des négociations sur la réforme du système de règlement des différends en application du mandat de Doha, la question de l'arbitrage devrait être cruciale.

SUMMARY

Arbitration at the WTO is of great interest to the theoretical reflexion around the notion of international arbitration. Indeed, in the interna- tional commercial arbitration's constellation, WTO's arbitration pro- cedures reveal a particular dimension: Its Understanding on Rules and Procedures Governing the Seulement of Disputes (DSU), has established an innovative and "hybrid" kind of arbitration. This characteristic of arbitration at the WTO emerges from the alchemy between a traditional kind of arbitration (Article 25) and a sui generis arbitration (Articles 21.3.(c) and 22.6).

Traditional arbitration is based on the legal framework of Article 25 of the DSU establishing ad hoc arbitration and is based primarily on the consent of parties to the dispute. This procedure is of fundamen- tal importance, in the sense that it allows parties to avoid the proce- dures of the panels and of the Appellate Body, and thus to have recourse ipso jure to arbitration. Sui generis arbitration is based on the procedures contained in Articles 21.3. (c) and 22.6 of the DSU.

The sui generis nature of these procedures is related to the DSU sti- pulated limitation of the ratione materiae competence of the "arbi- trator". The procedure of Article 21.3(c) limits his competence to the determination of a reasonable period of time to implement panel or Appellate Body rulings. Article 22.6. limits his competence to the eva- luation of the proportionality of counter-measures' amounts under- taken by a State.

These arbitrations are institutionalized since they are grafted onto the WTO's Dispute Settlement Bodies (panels and Appellate Body), and because they function as procedural mechanisms in the implemen- tation of their rulings. However, in spite of their hybrid nature, there are common denominators that link ali these arbitration procedures to the multilateral trade system. On the one hand, these procedures are aligned with certain WTO's dogmas such as predictability, confi- dentiality, and fair trade practices. On the other hand, the procedures are functionalized in arder to be integrated to the WTO's multilateral surveillance system, which is established by the Dispute Settlement Understanding. In the negotiations on the reform of dispute settle- ment in the context of the Doha Declaration's Work Program, the issue of arbitration should be crucial.

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INTRODUCTION :

L'ARBITRAGE OMC DANS LE MONDE

DES cc ARBITRAGES COMMERCIAUX INTERNATIONAUX»

Avant de traiter de la place de l'arbitrage dans le système OMC, il convient tout d'abord de placer les procédures de l'OMC relatives à l'arbitrage (ci-après regroupées sous la notion générique d'« arbitrage OMC » ou d'« arbitrage à l'OMC ») dans le monde des « arbitrages ». L'arbitrage OMC est bel et bien un « arbitrage commercial international ». Les différends à l'OMC naissent principalement d'allégations de restrictions tarifaires ou non tarifaires au commerce internatio- nal. Ils sont de ce fait des différends commerciaux internatio- naux. L'arbitrage censé régler ces types de différends peut par ricochet être qualifié d'arbitrage commercial international.

Toutefois, l'arbitrage OMC présente plusieurs spécificités. Tout d'abord, seuls les Etats ont le locus standi. Le règlement des différends dans le cadre du système commercial multilatéral marque ainsi sa différence d'avec la structure ratione personae de l'arbitrage commercial international. Il n'y a pas une dyna- mique contentieuse personne privée/personne privée ou per- sonne privée/Etat, mais plutôt une dynamique contentieuse Etat/Etat stricto sensu (c'est-à-dire un arbitrage limité aux seuls Etats membres de l'OMC).

La modélisation des procédures d'arbitrage qui caractérise bon nombre de règlements d'arbitrage (1) n'a pas trouvé un ancrage explicite dans le cadre de l'OMC. En effet, le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ci-après Mémorandum d'accord) ne contient que peu de règles sur la conduite d'un arbitrage por- tant sur des différends entre Etats membres de l'OMC.

Pourtant, la pratique arbitrale internationale a donné et conti- nue de donner lieu à un processus de codification des règles développées par les tribunaux arbitraux. C'est le cas des règles élaborées par l'International Bar Association (IBA), du

(1) C. Kessedjian, <<La modélisation procédurale >>,in La mondialisation du droit (sous la direction de E. Loquin et C. Kessedjian), Travaux du Centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux, vol. 19, Litec, 2000, pp. 237-256.

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Règlement d'arbitrage élaboré en 1976 par la CNUDCI, du Règlement de la Chambre de commerce internationale (CCI), du Règlement d'arbitrage de l'Organisation mondiale de la pro- priété intellectuelle (OMPI), du Règlement du Centre interna- tional de règlement des différends en matière d'investissements (CIRDI), des Règlements d'arbitrage de la Cour permanente d'arbitrage, ou encore du modèle de règles sur la procédure arbitrale de la Commission du droit international (CDI). Même les règles d'exécution des sentences arbitrales connaissent une certaine modélisation avec par exemple la Convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sen- tences arbitrales étrangères. De lege ferenda, ces règles interna- tionales relatives aux procédures d'arbitrage ne peuvent être exclues du champ de l'arbitrage OMC, notamment parce que les Accords de l'OMC (y compris le Mémorandum d'accord) ne doivent pas être interprétés « en isolation clinique du droit international» (2) .

L'arbitrage à l'OMC n'est pas créateur d'un «tiers-droit»

c'est-à-dire d'un droit qui se fonderait sur les seuls usages et pratiques du commerce international (3). Les droits et obliga- tions à l'OMC ont fait l'objet d'une négociation minutieuse entre Etats, et par conséquent les organes de règlement des dif- férends de l'OMC y compris les arbitres, ne sauraient exercer leur jurisdictio en dehors du cadre normatif des Accords de l'OMC. Ces derniers constituent la lex specialis sur laquelle le règlement des différends doit se fonder.

En dernier lieu, remarquons que l'arbitrage OMC n'accorde pas toujours une place de premier plan au «consentement» des parties. Celui-ci est pourtant une caractéristique fondamentale et substantielle de l'arbitrage commercial international. Comme on le verra ultérieurement, les procédures d'arbitrage prévues

(2) Etats-Unis - Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, rapport de l'Organe d'appel, 29 avril 1996, Doc. WT/DS2/AB/R, p. 19.

V. L. Boisson de Chazournes, << Le rôle des organes de règlement des différends dans le développement du droit international de l'environnement : Entre le mar- teau et l'enclume» (à paraître 2003).

(3) V. sur la question, M. Virally, <<Un tiers-droit ? Réflexions théoriques >>, in Le droit des relations économiques internationales, Etudes offertes à Berthold Goldman, Litec, 1982, pp. 373-385; E. Gaillard, <<La distinction des principes généraux du droit et des usages du commerce international>>, in Etudes offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, pp. 203-217.

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aux articles 21:3 c) (4) et 22:6 (5) limitent considérablement le choix des Etats en matière de mise en œuvre d'une de ces pro- cédures (il suffit qu'un seul Etat demande l'établissement de la procédure) et de choix des arbitres (le Mémorandum d'accord prévoit que les arbitres seront choisis parmi les membres des groupes spéciaux ou ceux de l'Organe d'appel qui ont siégé au préalable dans l'affaire qui fait l'objet d'un arbitrage). Suffit-il de relativiser cette spécificité en considérant que l'arbitrage commercial international connaît une évolution dans son aspect purement «contractuel» et «consensuel» (6) ?

De façon générale, l'arbitrage à l'OMC ne répond pas entiè- rement aux systématisations traditionnelles (7). Certaines pro- cédures présentent un caractère sui generis même si elles peuvent correspondre à certains égards à un arbitrage « insti- tutionnel» dans la typologie de l'arbitrage (II). D'autres procé- dures renvoient à un modèle plus proche de la conception habi- tuelle de l'arbitrage (III). De façon spécifique, l'arbitrage à l'OMC est régi par un certain nombre de principes essentiels du système commercial multilatéral (I).

1.- LES PRINCIPES APPLICABLES À L'ARBITRAGE OMC ET SON CONTEXTE DE MISE EN ŒUVRE

L'arbitrage à l'OMC trouve un ancrage dans le contexte géné- ral du Mémorandum d'accord. Celui-ci constitue la lex generalis

(4) Les parties peuvent s'entendre pour fixer le délai raisonnable de mise en œuvre des recommandations et décisions de l'ORD.

(5) Après l'échéance des délais de l'article 22.2 du Mémorandum d'accord, si une requête est faite par un Etat, l'ORD doit autoriser les sanctions requises à moins que la partie perdante d'un litige conteste le niveau des sanctions, auquel cas il y aura arbitrage sur le niveau des sanctions.

(6) J. Werner, << The Trade Explosion and Sorne Likely Effects on Inter- national Arbitration »,Journal of Int'l.Arb., 1997, vol. 14, p. 5. Comme le note l'auteur, << we enter the era of arbitration without contractual relationship >>. Voir également, B. Stern,<< Le consentement à l'arbitrage CIRDI en matière d'inves- tissement international : Que disent les travaux préparatoires ? », in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 2(!' Siècle, A propos de 30 ans de recherche du CREDIMI, Travaux du CREDIMI, vol. 20, pp. 223-244.

(7) En ce sens, E.-U. Petersmann, International Trade Law and the GATT/WTO Dispute Seulement System, Kluwer Law International, The Hague, pp. 69-72.

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qui oriente la teneur substantielle et procédurale des différents arbitrages susceptibles d'être mis en œuvre au sein de l'OMC.

Aussi, certains dogmes particuliers du système de règlement des différends vont-ils marquer de leur empreinte ces arbitrages.

Cela étant, l'arbitrage à l'OMC est teinté d'un certain particula- risme qui se manifeste à travers son rôle spécifique dans le sys- tème de surveillance multilatérale.

A) les dogmes du système de règlement des différends

Trois dogmes essentiels caractérisent le système de règlement des différends à l'OMC : la prévisibilité, l'équilibre et la confi- dentialité.

Le dogme de la « prévisibilité » et de la « sécurité » dont la teneur repose sur l'article 3.2 du Mémorandum d'accord aux termes duquel « le système de règlement des différends de l'OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral», trouve appli- cation dans le cadre des procédures d'arbitrage à l'OMC. Les Etats membres ont tenté le plus possible de circonscrire le pou- voir discrétionnaire des organes de règlement des différends dans l'interprétation des dispositions des Accords de l'OMC.

Leur souci est de contenir ces organes dans les limites de ce qui est prévu stricto sensu par les Accords (8).

Le principe de l'économie jurisprudentielle est un corollaire de la prévisibilité. L'article 3:7 du Mémorandum d'accord pré- cise que « [ ... ] le but du mécanisme de règlement des différends est d'arriver à une solution positive des différends. Une solution mutuellement acceptable pour les parties et compatible avec les accords visés est nettement préférable». Dans le rapport d'appel sur l'affaire Etats-Unis - Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissés en provenance d'Inde, l'Organe d'appel a déclaré qu' « étant donné le but expli- cite du règlement des différends qui transparaît dans tout le Mémorandum d'accord, l'article 3:2 du Mémorandum d'accord

(8) L. Boisson de Chazournes, M. M. Mbengue, << Le rôle des organes de règlement des différends dans le développement du droit :à propos des OGM >>, in Le commerce international des OGM (sous la direction de J. Bourrinet et S. Maljean-Dubois), Paris, La documentation française, collection<< Monde euro- péen et international>>, 2002, pp. 177-212.

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[n'] est [pas] censé encourager ni les Groupes spec1aux ni l'Organe d'appel à «légiférer » en clarifiant les dispositions exis- tantes de l'Accord sur l'OMC hors du contexte du règlement d'un différend particulier» (9). Un Groupe spécial par exemple ne doit traiter que des allégations qui doivent l'être pour résoudre la question faisant l'objet d'un différend (10). Ces règles s'imposent aux arbitres. Ces derniers ne sauraient avoir un pouvoir plus large que les groupes spéciaux ou l'Organe d'appel.

La prévisibilité peut avoir une autre signification dans le cadre de l'arbitrage. Elle implique que les arbitres puissent accé- der à tous les renseignements nécessaires avant de rendre une décision définitive, cela pour garantir l'efficacité du principe du contradictoire. Dans l'affaire Communautés Européennes -

(9) Etats-Unis - Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissées en provenance d'Inde, rapport du 23 mai 1997, Doc.

WT/DS/33/AB/R, p. 22, par. VI. Et l'Organe d'appel de préciser que« l'article XI de l'Accord sur l'OMC prévoit que la Conférence ministérielle et le Conseil général ont le "pouvoir exclusif" d'adopter des interprétations de l'Accord sur l'OMC et des Accords commerciaux multilatéraux ». Cela est expressément reconnu à l'article 3:9 du Mémorandum d'accord qui est ainsi libellé : <<les dis- positions du présent mémorandum d'accord sont sans préjudice du droit des Membres de demander une interprétation faisant autorité des dispositions d'un accord visé, par la prise de décisions au titre de l'Accord sur l'OMC ou d'un accord visé qui est un Accord commercial plurilatéral». Voir sur la question de ce pouvoir exclusif des deux organes mentionnés, la décision de l'Organe d'appel dans l'affaire Japon - Taxes sur les boissons alcooliques, rapport du 1er novembre 1996, Doc. WT/DSB/ABIR, WT/DSJO/AB/R, WT/DSll/AB/R, p. 15; le rapport de l'Organe d'appel dans l'affaire Etats-Unis - Mesures à l'importation de cer- tains produits en provenance des communautés européennes, rapport du 11 décembre 2000, Doc. WT/DS165/AB/R, par. 92.

(10) Australie - Mesures visant l'importation de saumons, rapport du 20 octobre 1998, Doc. WT/DSJB/ABIR, par. 110. Voir également affaire Brésil - Mesures visant la noix de coco desséchée, rapport du 20 mars 1997, Doc.

WT/DS22/R, par. 293. Ce principe avait déjà été formulé dans l'affaire Etats- Unis - Chemises, chemisiers et blouses, rapport du 23 mai 1997, Doc. WT/DSI 33/AB/R, p. 22, par. VI. Pour un aperçu de la pratique des groupes spéciaux dans le cadre du GATI, voir Japon - Commerce des semi-conducteurs, rapport adopté le 4 mai 1988, IBDD, S35/126, par. 122; Japon - Restrictions à l'importation de certains produits agricoles, rapport adopté le 22 mars 1988, IBDD, S35/180, par. 5.4.2 ; CEE - Règlement relatif aux importations de pièces détachées et com- posants, rapport adopté le 16 mai 1990, IBDD, S37/142, par. 5.10, 5.22 et 5.27;

Canada - Importation, distribution et vente de boissons alcooliques par les orga- nismes provinciaux de commercialisation, rapport adopté le 22 mars 1988, IBDD, S35/38, par. 5.6; Etats-Unis - Refus d'accorder le traitement NPF aux chaussures autres qu'en caoutchouc en provenance du Brésil, rapport adopté le 19 juin 1992, IBDD, S39/142, par. 6.18.

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Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution de bananes (2000), les arbitres avaient considéré, suite à une demande de décision préjudicielle formulée par l'Equateur, que

«l'article 22:7 du Mémorandum d'accord prévo[yant] que «les parties accepteront comme définitive la décision de l'arbitre et ... ne demanderont pas un second arbitrage», qu'il est inappro- prié de statuer sur la recevabilité ou la pertinence de certains renseignements à [un] stade peu avancé de la procédure [ ... ] dans les procédures d'arbitrage antérieures, les arbitres ont éla- boré leur propre méthode pour calculer le niveau approprié de l'annulation ou de la réduction d'avantages et ont demandé des renseignements additionnels aux parties jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de prendre une décision définitive. Toutefois, les arbitres ont décidé, à la lumière des préoccupations concernant la garantie d'une procédure régulière, de prolonger le délai prévu pour la présentation des réfutations pour les deux parties [ ... ].Chacune des deux parties devrait ainsi avoir suffisamment de temps pour répondre aux renseignements factuels et aux arguments juridiques présentés par l'autre» (11).

Le dogme de «l'équilibre » revient à interdire à un organe de règlement des différends y compris un tribunal arbitral, d'ac- croître ou de diminuer les droits des Etats membres de l'OMC.

Ce principe est clairement contenu dans les articles 3:2 et 19:2 du Mémorandum d'accord. L'article 3:2 dispose que «les Membres reconnaissent que [le système de règlement des diffé- rends] a pour objet de préserver les droits et obligations résul- tant des accords visés ... ». L'article 19:2 quant à lui prévoit que

« ... dans leurs constatations et leurs recommandations, le Groupe spécial et l'Organe d'appel ne pourront pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés ». Ces règles s'appliquent mutatis mutandis aux différentes procédures d'arbitrage prévues par le Mémorandum d'accord.

La confidentialité est un principe omniprésent dans le Mémorandum d'accord, pour toutes les procédures prévues pour le règlement des différends entre Etats membres de l'OMC.

Dans l'affaire Brésil - Programme de financement des exporta- tions pour les aéronefs - Recours du Brésil à l'arbitrage au titre

(11) Communautés Européennes - Régime applicable à /"importation, à la vente et à la distribution de bananes - Recours des Communautés Européennes à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, rapport du 24 mars 2000, Doc. WT/DS/27/ARB/ECU, par. 18.

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de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord (12), le Brésil avait mis l'accent au cours de la procédure sur le caractère confiden- tiel de certains documents qu'il avait communiqués aux arbitres.

Les arbitres conscients des enjeux, ont décidé en l'espèce d'éta- blir deux versions de leur rapport La première version, conte- nant les détails des calculs et de tous les renseignements pris en compte, n'a été remise qu'aux parties et ce, sur une base confi- dentielle. La seconde, dans laquelle les renseignements les plus sensibles d'un point de vue commercial ont été supprimés, a été distribuée aux Etats membres de l'OMC (13). Les arbitres étaient d'avis qu'ils avaient respecté leurs obligations dans le cadre du Mémorandum d'accord tout en protégeant le caractère confidentiel de certains renseignements pour lesquels les parties avaient demandé ce statut (14).

B) le rôle particulier des procédures d'arbitrage dans le système de surveillance multilatérale de I'OMC

La surveillance multilatérale est un des traits distinctifs du système de règlement des différends à l'OMC. Elle est à l'ori-

(12) Brésil - Programme de financement des exportations pour les aéronefs - Recours du Brésil à l'arbitrage au titre de l'article 22:6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et de l'article 4.11 de l'Accord SMC, rapport du 28 août 2000, Doc. WTIDS46/ARB, par. 2.13-2.14.

(13) Le texte de la version distribuée aux Etats membres de l'OMC était iden- tique à celui de la version confü.lenûcllc remise aux partit:S, à l'cxccpUon d • ren- seignements que les arbitres, eu égard allX {)hSerwtlion~ des parûcs, oni considérés comme étant confidentiels. Ces renbt:ignement~ onl été ·remplacés par~ xxx».

(14) Il est vrai que la confidentialité demeure un des traits marquants de toutes les procédures d'arbitrage. Dans un différend CIRDI, en l'occurrence Mérall'lml ~·. M ~:lm. le 1ribunal arbitral a ~:unsidéré que « There remains none- thcless o qnestion as /o IV!r,•rlrer tirer' exüts mt • f(C'fl~rtJl princip le of confidl!lllla- lay tluu wou/tl npemre tu prt>ltibit publit· di.w:us.\·iott uj' 1111: url>ilrution prOCI!t'- rliug.l· Il>' l'itirer f)(U'I•. NciflH'r tilt• NAfTA nor the JCSJD (Add/tirmal Fadliry) Ru/es con win 11/IJ' c:xpre1s reMnction 011 tlw freedtmt of rhe pnr/ÎI'.I' in this n:•·pc:ct.

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gine de l'effectivité et de l'efficacité de la jurisdictio des organes de règlement des différends pris dans leur ensemble. L'arbitrage est présent à différentes phases du processus de surveillance rn ul tila térale.

Un premier type d'arbitrage à l'OMC intervient dans la phase de surveillance et de mise en œuvre des rapports rendus par les groupes spéciaux et/ou l'Organe d'appel. Les procédures de sur- veillance et de mise en œuvre prévoient que lors d'une réunion de l'ORD qui se tiendra dans les 30 jours suivant la date d'adop- tion du ou des rapports, la partie perdante devra faire connaître ses intentions au sujet de la mise en œuvre des recommandations adoptées par l'ORD (article 21:3 du Mémorandum d'accord).

S'il n'est pas possible pour la partie concernée de s'y conformer immédiatement, il lui sera accordé un délai raisonnable pour le faire. Le délai raisonnable pourra être soit le délai proposé par le Membre concerné avec l'approbation de l'ORD (article 21:3 a) du Mémorandum d'accord), soit un délai convenu par les parties dans les 45 jours suivant l'adoption du rapport (article 21:3 b) du Mémorandum d'accord), soit un délai déterminé par arbi- trage dans les 90 jours suivant l'adoption du rapport (article 21:3 c) du Mémorandum d'accord). Lorsque le délai a été déterminé par arbitrage, l'arbitre devrait partir du principe selon lequel le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations du groupe spécial ou de l'Organe d'appel ne devrait pas dépas- ser 15 mois à compter de la date d'adoption du rapport du groupe spécial ou de l'Organe d'appel. Toutefois, ce délai pourra être plus court ou plus long, en fonction des circonstances de l'espèce (article 21:3 c) du Mémorandum d'accord). Le délai entre la date à laquelle un groupe spécial a été établi par l'ORD et la date de détermination du délai raisonnable ne doit pas dépasser 15 mois, à moins que les parties au différend n'en conviennent autrement. Dans les cas où soit le groupe spécial, soit l'Organe d'appel aura pris des dispositions pour prolonger le délai pour l'examen d'une affaire, le délai supplémentaire qui sera accordé, sera ajouté au délai de 15 mois ; toutefois, à moins que les parties au différend ne conviennent qu'il existe des cir- constances exceptionnelles, le délai total ne doit pas dépasser 18 mois (article 21:4 du Mémorandum d'accord).

Dans les cas où il y a un désaccord au sujet de la compatibi- lité avec un Accord de l'OMC de mesures prises pour se confor- mer aux recommandations de l'ORD, une partie peut avoir recours aux procédures de règlement des différends (article 21:5

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du Mémorandum d'accord). En cas de non-respect, les parties pourront convenir d'une compensation. Si tel n'était pas le cas, l'Etat qui voudra obtenir la restauration de ses droits et intérêts pourra recourir à des contre-mesures. Il faudra qu'il ait obtenu l'autorisation préalable de l'ORD. Si dans le délai raisonnable, l'Etat concerné ne rend pas la mesure jugée incompatible avec un Accord de l'OMC, conforme à ce dernier, cet Etat doit si demande lui en est faite, se prêter à des négociations en vue de trouver une compensation mutuellement acceptable (article 22:2 du Mémorandum d'accord). L'Etat concerné pourra demander à l'ORD l'autorisation de suspendre des concessions et d'autres obligations si aucune compensation satisfaisante n'a été conve- nue dans les 20 jours suivant la date à laquelle le délai raison- nable sera venu à expiration. L'ORD doit accorder cette autori- sation dans un délai de 30 jours à compter de l'expiration du délai raisonnable, à moins qu'il ne décide par consensus de reje- ter la demande. Le Mémorandum d'accord impose certaines limitations en ce qui concerne les domaines dans lesquels les contre-mesures devraient s'exercer. A cette fin, les accords com- merciaux multilatéraux ont été regroupés en trois accords dis- tincts, à savoir le GATT de 1994 (auquel s'ajoutent d'autres accords commerciaux multilatéraux sur le commerce des mar- chandises), l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) et l'Accord sur les aspects des droits de propriété intel- lectuelle liés au commerce (ADPIC). Le principe général est que la partie plaignante devrait d'abord chercher à suspendre des concessions ou d'autres obligations dans le même secteur que celui dans lequel une annulation ou réduction d'avantages a été constatée. S'il n'est pas possible ou efficace de le faire dans le même secteur, la suspension de concessions ou d'autres obli- gations pourra se faire dans d'autres secteurs au titre du même accord. Si cette solution n'est pas possible et que les circons- tances sont suffisamment graves, la partie plaignante pourra chercher à suspendre des concessions ou d'autres obligations au titre d'un autre Accord de l'OMC (15).

Un deuxième type d'arbitrage à l'OMC intervient à ce stade.

Le niveau de la suspension de concessions ou d'autres obliga- tions autorisée par l'ORD doit être équivalent au niveau de

(15) Le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends spécifie que la compensation et les contre-mesures sont seulement des mesures temporaires auxquelles il peut être recouru si les recommandations et décisions ne sont pas mises en œuvre dans un délai raisonnable.

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l'annulation ou de la réduction des avantages (article 22:4 du Mémorandum d'accord). En cas de désaccord concernant l'équi- valence entre le niveau de l'annulation des avantages et le niveau de contre-mesures, un arbitrage pourra être demandé (paragraphes 5, 6 et 7 de l'article 22 du Mémorandum d'accord).

Cet arbitrage sera assuré par le groupe spécial initial si les membres sont disponibles, ou par un arbitre désigné par le Directeur général, et sera mené à bien dans les 60 jours suivant la date à laquelle le délai raisonnable sera venu à expiration.

Les concessions ou autres obligations ne seront pas suspendues pendant l'arbitrage (article 22:6 du Mémorandum d'accord).

Dans sa tâche, l'arbitre n'examinera pas la nature des conces- sions ou des autres obligations qui font l'objet de contre- mesures, mais déterminera si le niveau de ladite suspension est équivalent au niveau de l'annulation ou de la réduction des avan- tages. L'arbitre pourra aussi déterminer si la suspension de concessions ou d'autres obligations proposée est autorisée en vertu de l'Accord de l'OMC en question.

L'article 25 du Mémorandum d'accord prévoit quant à lui un troisième type d'arbitrage qui pourrait couvrir les champs des procédures d'arbitrage prévues aux articles 21:3 c) et 22:6 ou être un supplétif aux procédures d'établissement d'un groupe spécial ou de saisine de l'Organe d'appel pour régler un diffé- rend. Il participe de ce fait et cela dans une perspective globale, au système de surveillance multilatérale.

Les décisions des arbitres ne font pas l'objet d'une procédure d'adoption par l'ORD contrairement aux rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel. L'ORD en «prend note » tout simplement. Ce qui n'ôte en rien aux décisions arbitrales leur caractère obligatoire, contraignant et leur effet de la « chose jugée». Pour preuve, l'article 21:3 c) prévoit expressis verbis que le délai raisonnable sera déterminé par « arbitrage contrai- gnant». L'article 22:7 du Mémorandum d'accord- s'agissant de l'arbitrage 22:6 - stipule quant à lui que «les parties accep- teront comme définitive la décision de l'arbitre et les parties concernées ne demanderont pas un second arbitrage ».

L'article 25, mettant en avant le consentement des parties à l'arbitrage, insiste particulièrement sur le fait que «les parties à la procédure conviendront de se conformer à la décision ar bi traie ».

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LE CONTENTIEUX INTER-ÉTATIQUE 961

Il. - LES PROCÉDURES DES ARTICLES 21:3 c} ET 22:6 : DES ARBITRAGES SU/ GENERIS ET INSTITUTIONNELS ?

Ces arbitrages sont sui generis dans la mesure où ils ne répon- dent pas aux critères classiques de l'arbitrage. Celui-ci a en prin- cipe pour substratum le consentement de parties à un différend à soumettre la résolution à une tierce personne ou à un tiers organe, tout en déterminant le champ de compétence de cette personne ou de cet organe et le droit applicable au différend. A l'OMC, deux procédures dites d'arbitrage rencontrent des limites quant à ces aspects. Comme on l'a vu, l'une des procédures limite l'arbitre à déterminer le délai raisonnable. L'autre cantonne l'ar- bitre à juger de l'adéquation du montant des contre-mesures commerciales prises par un Etat. Ces arbitrages sont institution- nels car ils sont greffés sur le système institutionnel de règlement des différends de l'OMC. Autrement dit, il n'est pas possible pour les Etats membres de l'OMC de recourir à d'autres modes de règlement de leurs différends lorsque ceux-ci ont trait à la fixa- tion du délai raisonnable pour la mise en œuvre des recomman- dations de l'ORD et à l'évaluation de la proportionnalité des contre-mesures commerciales (comp. cependant infra, p. 979 et s.). Leur régime n'est donc pas celui de «conventions d'arbi- trage »perse, mais plutôt celui de « mandats d'arbitrage » conférés non par les parties- celles-ci ne l'accordent que par défaut lors- qu'elles n'arrivent pas à s'entendre- mais par le Mémorandum d'accord. En aucun cas les parties et les arbitres ne peuvent déro- ger à ce mandat, tant en ce qui concerne la compétence des arbitres que le droit applicable.

A) l'article 21:3 : c) : l'arbitre, juge du « temps raisonnable »

L'article 21:3 est libellé comme suit :

« Pour que les différends soient résolus efficacement dans l'inté- rêt de tous les Etats membres de l'OMC, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l'ORD. L'Etat membre concerné informera l'ORD de ses intentions au sujet de la mise en œuvre des recomman- dations et décisions de celui-ci lors d'une réunion de l'ORD qui se tiendra dans les 30 jours suivant la date d'adoption du rapport du groupe spécial ou de l'Organe d'appel. S'il n'est pas

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. ·

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962 LES ÉTATS DANS LE CONTENTIEUX ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL

possible pour un Etat de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions, cet Etat aura un délai raison- nable pour le faire. Ce délai sera :

a) le délai proposé par le Membre concerné, à condition que ce délai soit approuvé par l'ORD; ou, en l'absence d'une telle approbation,

b) un délai mutuellement convenu par les parties au différend dans les 45 jours suivant la date d'adoption des recommanda- tions et décisions; ou, en l'absence d'un tel accord,

c) un délai déterminé par arbitrage contraignant dans les 90 jours suivant la date d'adoption des recommandations et décisions (16). Dans cette procédure d'arbitrage, l'arbitre (17) devrait partir du principe que le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations du groupe spécial ou de l'Organe d'appel ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d'adoption du rapport du groupe spécial ou de l'Organe d'appel. Toutefois, ce délai pourrait être plus court ou plus long, en fonction des circonstances ».

Le sens de l'article 21:3 c) doit être découvert dans son contexte. Celui-ci inclut tout d'abord le texte introductif de l'ar- ticle 21:3, qui reconnaît que la question d'un « délai raison- nable» pour la mise en œuvre n'entre en jeu que « (s]'il est irréalisable pour un Membre de se conformer immédiatement » aux recommandations et décisions. Puis, il y a l'article 21:1, qui souligne que « [p ]our que les différends soient résolus efficace- ment dans l'intérêt de tous les Membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais » aux recommandations et décisions de l'ORD. Enfin, il y a l'article 3:3, qui reconnaît éga- lement que « le règlement rapide de toute situation [ ... ] est indispensable au bon fonctionnement de l'OMC et à l'existence d'un juste équilibre entre les droits et les obligations des Membres». Ainsi, le Mémorandum d'accord souligne explicite- ment l'importance d'une mise en conformité dans les moindres délais.

Le mandat de l'arbitre au titre de l'article 21:3 c) consiste exclusivement à déterminer le « délai raisonnable » pour la mise en œuvre. Il ne l'habilite pas à proposer ou à déterminer des

(16) Il est à noter que si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le choix d'un arbitre dans un délai de 10 jours après que la question aura été sou- mise à arbitrage, le Directeur général désignera l'arbitre dans les 10 jours, après avoir consulté les parties.

(17) Le terme« arbitre>> s'entendra soit d'une personne, soit d'un groupe.

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façons ou des moyens d'assurer la mise en œuvre (18). L'arti- cle 21:3 c) a pour but la mise en conformité ou la mise en œuvre d'une décision de l'ORD. La mise en œuvre, en substance, consiste à mettre la mesure considérée comme incompatible avec les obligations d'un Etat membre de l'OMC au titre de dis- positions spécifiques d'un Accord de l'OMC, en conformité avec ces mêmes dispositions. L'article 3:7 du Mémorandum d'accord souligne que « le mécanisme de règlement des différends a habi- tuellement pour objectif premier d'obtenir le retrait [de la mesure incompatible avec les règles de l'OMC] ».Le Mémorandum d'ac- cord indique en outre qu'il ne peut être recouru à la compensa- tion que si «le retrait immédiat de la mesure en cause est irréa- lisable», et alors uniquement « à titre temporaire en attendant le retrait de la mesure incompatible avec [les règles de l'OMC] ». La su. pen ion de concessions ou d'autres obligations au titre des Accords de I'OMC est explicitement désignée comme un

« dernier recours» en tant que mode de mise en conformité

«sous réserve que l'ORD l'autorise», mais elle demeure aussi une mesure corrective «temporaire» autorisée au titre de l'ar- ticle 22:8 du Mémorandum d'accord uniquement dans le but de parvenir à ce que la mesure non conforme soit « éliminée » ou qu'une «solution mutuellement satisfaisante » soit trouvée.

1) L'arbitre, juge du temps " circonstanciel "

La détermination du temps raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations de l'ORD, est tributaire des circonstances factuelles et juridiques, conjoncturelles et structurelles aux- quelles fait face l'Etat à qui est imputé la non-conformité ou la violation d'un Accord de l'OMC.

L'arbitrage au titre de l'article 21:3 : c) a pour but de fixer le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations d'un groupe spécial ou de l'Organe d'appel. La notion de délai

«raisonnable » n'est pas aisée à définir juridiquement. L'Organe d'appel dans l'affaire Etats-Unis - Mesures antidumping appli- quées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon, a tenté de dégager une définition du « raisonnable »

dans le contexte de l'Accord antidumping. Le terme «raison-

(18) Australie - Mesures visant les importations de saumons -Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord, rapport du 23 février 1999, Doc. WT/DSJB/9, par. 35.

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964 LES ÉTATS DANS LE CONTENTIEUX ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL

na ble», a indiqué l'Organe d'appel : « [ ... ] implique une cer- taine flexibilité qui suppose la prise en compte de toutes les circonstances propres à une affaire déterminée. Ce qui est « rai- sonnable » dans des circonstances données peut s'avérer être moins « raisonnable » dans des circonstances différentes [ ... ] Cela donne à penser que ce qui constitue un délai raisonnable [ ... ] devrait être défini au cas par cas [ ... ]. L'expression «délai raisonnable» doit être interprétée d'une manière qui ne contre- dit pas les notions de flexibilité et d'équilibre qui sont inhé- rentes au concept de « caractère raisonnable » et qui permet de prendre en compte les circonstances propres à chaque affaire» (19).

En l'absence d'une solution mutuellement convenue, l'objec- tif premier est habituellement le retrait immédiat de la mesure jugée incompatible avec l'un des Accords de l'OMC. Ce n'est que s'il est irréalisable pour lui de le faire que l'Etat concerné a droit à un délai raisonnable pour la mise en œuvre. Quand le délai raisonnable est déterminé par arbitrage, l'arbitre doit par- tir du principe que ce délai ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d'adoption du rapport du groupe spécial et/ou du rapport de l'Organe d'appel. Le délai raisonnable peut être plus court ou plus long, en fonction des circonstances. Il ressort clairement du texte de l'article 21:3 c) que le délai de 15 mois présenté comme un principe de départ est purement indicatif. Comme il a été dit dans l'affaire Australie - Mesures visant les importations de saumons, cela «ne signifie cependant pas que l'arbitre est tenu d'accorder un délai de 15 mois dans tous les cas» (20). L'article 21:3 c) fait bel et bien état de la pos- sibilité de fixer un délai inférieur ou supérieur à 15 mois pour la mise en œuvre des recommandations et décisions de l'ORD.

Le recours au délai raisonnable est donc supplétif. En effet, l'article 21:1 du Mémorandum d'accord énonce le principe géné- ral selon lequel « pour que les différends soient résolus efficace- ment dans l'intérêt de tous les Membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l'ORD ». Cette obligation est précisée à l'ar- ticle 21:3 du Mémorandum d'accord qui dispose que, « [ s ]'il est

(19) Etats-Unis- Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon, rapport du 24 juillet 2001, Doc.

WT/DS184/ABIR, par. 84 et 85.

(20) Op. cit., par. 30.

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LE CONTENTIEUX INTER-ÉTATIQUE 965

irréalisable pour un Membre de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions, ce Membre aura un délai rai- sonnable pour le faire ». Les Etats membres de l'OMC doivent ainsi chercher à se conformer « immédiatement » aux recom- mandations et décisions de l'ORn

Dans ce contexte, selon la décision rendue dans l'affaire Communautés Européennes- Mesures concernant les viandes et les produits carnés (Hormones), le délai raisonnable devrait être

« le délai le plus court possible dans le cadre du système juri- dique du Membre pour mettre en œuvre les recommandations et décisions de l'ORD » (21). En conséquence, les « circons- tances» mentionnées à l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord devraient être celles qui peuvent inciter à ce que la mise en œuvre soit le plus rapide possible dans le cadre du sys- tème juridique de l'Etat concerné. Dans la décision rendue à l'occasion de l'affaire Canada - Protection conférée par un bre- vet pour les produits pharmaceutiques, de telles «circonstances» peuvent comporter entre autres le point de savoir si des mesures législatives ou administratives sont nécessaires, la prise en compte de la complexité des mesures à adopter, et le point de savoir si les étapes procédurales conduisant à la mise en œuvre, et leur durée respective, sont prescrites par la loi nationale ou sont facultatives (22). La jurisprudence arbitrale a parfois pré- féré définir négativement le champ ratione materiae de ces cir- constances en excluant des éléments factuels et juridiques qui ne seraient pas pris en considération dans l'objectivation du délai raisonnable. Par exemple, l'incidence des mesures de mise en œuvre sur la branche de production nationale n'est pas réel- lement un facteur pertinent. Comme l'arbitre l'a noté dans l'af- faire Indonésie - Certaines mesures affectant l'industrie automo- bile, « dans la quasi-totalité des cas où il a été constaté qu'une mesure était incompatible avec les obligations d'un Membre au titre du GATI de 1994 ou de tout autre accord [de l'OMC] et

(21) Voir ~guh.:mcnl Jndom!sic-Cerlairll!.\ mt•sun•s t~f/•c/JJ/11 /'imlustric tlllfrJ-

mobile- Arllllrage 1111 litre de l'nrticle 21·3 c) du M1:mornmlum d'ttL'corcl .lttr lt•s règles er (lfocédures régissant le rèsleml'nt ries rlijférl!ll!l.l', ntflpOrt du 7 décembre 1991:1, doc. WTIDS54115-W1ïDS55//4--WT/DS59/J3-WTIDS(J·II12, par. 22 ; Canada - Protection conférée par un brevet pour les produits pharma- ceutiques- Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, rapport du 18 août 2000, doc. WTIDS114/13, par. 47.

(22) Op. cit., par. 50.

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., ....

..

966 LES ÉTATS DANS LE CONTENTIEUX ECONOMIQUE INTERNATIONAL

où, par conséquent, cette mesure devait être mise en conformité avec cet accord il esL nécessaire que la branche de production nationale du Membre intéressé procède à un certain degré d'ajustement [ ...

1

Un ajustement struclurcl opéré pour s'adapter au retrait ou à la modification d une mesure incompatible n'est donc pas une « circonstance » qui puisse être prise en considéra- tion pour déterminer le délai raisonnable conformément à l'ar- ticle 21:3 c) » (23). De même, le simple fait que les mesures de mise en œuvre requises peuvent prêter à controverse et risquent de susciter une opposition dans le pays n'est pas non plus un fac- teur pertinent. L'arbitre l'a bien relevé dans l'affaire Canada - Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceu- tiques:«[ ... ] rien dans l'article 21:3 c) n'indique que le caractère contentieux qu'est censée avoir sur le plan intérieur une mesure prise pour se conformer à une décision de l'OMC doive de quelque manière être un facteur à prendre en considération pour déterminer un« délai raisonnable» pour la mise en œuvre» (24).

Dans l'affaire Argentine - Mesures visant l'exportation de peaux de bovins et l'importation de cuirs finis (25), il a été men- tionné qu'inclure dans la notion de délai raisonnable le temps

(23) Op. cil., par. 23.

(24) Op. cit., par. 60.

(25) Argentine - Mesures visant l'exportation de peaux de bovins et l'importa- tion de cuirs finis -Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord ,<ur les n'gles fi proct!dr1res régl.1·:;rm1 le ri!glt:mellll(es différends, r~pporl Qu 31 août.

20()J. doc. Wï'/DS/55110, par. 49. Et l'arbitre de préciser:« .Il npparaît donc que Je concept de mise en conformité ou de mise en œuvre prescrit dans tc MémorH11dum d'accord e.~L un concept technique ay;ml un ~.:unlenu spé ifittu ·:le rctr:-.it ou la modification d'une mesure, ou d'w1c partie d'un· mesure omu l'élr.t~

blisscmenl ou l'application par un Membrl! de l' M ' 11 constitué la violation d'une disposition d'un accord visé. La mise en conformité au sens du Mémorandum d'accord se distingue de l'élimination ou de la modification des conditions fondamentales économiques ou sociales ou d'un autre ordre dont l'existence pourrait bien avoir pr voqué ou favorisé en premier lieu l'adoption ou l'application de la ml!surc gouvernementale incompatible avec les règles de I'OMC. Ces conditions économiques ou amrcs pourraient, dans certaines situa- tions, subsister après l'élimination ou la modification de la mesure non conforme;

néanmoins, le Membre de I'OMC concerné se sera conformé aux recommanda-

tions~~ déci. ions de. l'ORO et il ses obli~ations au Litre tle l'accord v.isé pertinent 1 ... 1 c'e·t enlxe autres pour ta rai:;on susmentionnée que ln nécessité d'un ajuste- ment structurel de 111 branche de protluction ou des branches de production pour l<tqu;.:Uc ou pour lesquelles la mesure incompatible avec les regi s de I'OM a été pmnutlguéc cl appliquée. n généra lem nt été considérée. dans d · · Hrhilmges a1llérieurs au lilrc de l'nrticle 21:3 c) du Mémorandum d'nccord. comme n'ayant pas d'incidence sur la détermination d'un u délai rnis()nnable » pour la mise en œuvre des reC(IIllmllndrtlions ct décisi ns dt: l'OROlflili., pHr. 41.

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(20)

LE CONTENTIEUX INTER-ÉTATIQUE 967 ou la possibilité de maîtriser et de gérer des conditions écono- miques ou sociales qui précèdent ou accompagnent l'adoption de la mesure gouvernementale incompatible avec les règles de l'OMC peut, dans la plupart des cas, revenir à différer à un ave- nir toujours plus lointain le devoir de mise en conformité. Pour l'arbitre,«[ ... ] les incidences pour le système commercial multi- latéral tel que nous le connaissons aujourd'hui, d'une telle inter- prétation du délai raisonnable pour la mise en conformité sont évidentes, considérables et inquiétantes. Une telle interprétation aurait tendance à réduire le devoir fondamental de mise en conformité « immédiate » ou « dans les moindres délais » à une simple figure de style » (26).

Un critère essentiel de la qualification juridique du caractère raisonnable du délai de mise en œuvre consiste à prendre en compte préalablement la nature administrative ou législative de la mesure à retirer ou à mettre en conformité. Dans deux déci- sions arbitrales au moins, il a été expressément reconnu que la complexité de la mise en œuvre proposée pouvait être l'une des

« circonstances » pouvant influer sur la longueur du « délai rai- sonnable » (27). Dans la pratique, il y a eu jusqu'ici relativement peu d'arbitrages au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord dans lesquels la mise en œuvre des recommandations et décisions de l'ORD exigeait une modification législative.

L'interprétation de la notion de délai raisonnable dépend donc des circonstances. Pour illustration, dans la décision arbi- trale concernant l'affaire Japon - Taxes sur les boissons alcoo- liques, l'arbitre s'est reporté au délai de référence de 15 mois visé à l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord et a conclu qu'il n'était pas persuadé que les circonstances invoquées par les parties justifiaient une modification dans un sens ou dans l'autre -c'est-à-dire un délai inférieur ou supérieur- du délai de référence de 15 mois (28). Dans l'affaire Communautés euro-

(26) Ibid., par. 49.

(27) Canada - Protection conférée par un brevet pour les produits pharma- ceutiques, op. cit., par. 50. Voir aussi la décision de l'arbitre dans l'affaire Communautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes -Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, rapport du 7 janvier 1998, doc. WT/DS27116, par. 19.

(28) Japon - Taxes sur les boissons alcooliques - Arbitrage au titre de l'ar- ticle 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, rapport du 14 février 1997, doc. WT/DSB/15-WT/

DSJ0/15-WT/DSll/13, par. 27.

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