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L'arbitre conciliateur : approche statistique de la corrélation entre le rôle de l'arbitre et sa culture juridique

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L'arbitre conciliateur : approche statistique de la corrélation entre le rôle de l'arbitre et sa culture juridique

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle, BONNIN REYNES, Victor

KAUFMANN-KOHLER, Gabrielle, BONNIN REYNES, Victor. L'arbitre conciliateur : approche statistique de la corrélation entre le rôle de l'arbitre et sa culture juridique.

Bulletin CCI

, 2007, vol. 18, no. 2, p. 81-90

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:44137

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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L'arbitre-conciliateur : approche statistique de la corrélation entre le rôle de l’arbitre et sa culture juridique

Par Gabrielle Kaufmann-Kohler * et Victor Bonnin **

* Associée, Lévy Kaufmann-Kohler, Genève, Suisse ; professeur à la Faculté de droit de l’Université de Genève ; membre de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI.

** Avocat, J&A Garrigues, S.L., Madrid, Espagne.

1

1. Existe-t-il une corrélation entre la culture juridique de l’arbitre et sa propension à favoriser une transaction ?

Nombre de litiges sont résolus par transaction en cours d’arbitrage. Cet article s’intéresse au mode de négociation et de conclusion de telles transactions. Plus précisément, il s’intéresse à la part que l’arbitre y prend. On voit en effet que, bien que le droit et la pratique de l’arbitrage fassent l’objet d’un consensus transnational croissant, certaines divergences semblent subsister, parmi lesquelles la conception du rôle de l’arbitre en matière de conciliation. L’arbitre peut-il et doit-il favoriser une transaction ou, au contraire, doit-il s’abstenir de toute intervention dans ce domaine ? La divergence n’est pas anodine. Sur le plan pratique, elle touche à l’efficacité de l’arbitrage en tant que mode de règlement des différends 2. Sur le plan théorique, elle met en cause la définition même de la mission de l’arbitre : celui-ci doit-il résoudre le litige par une décision contraignante et dans ce cas il s’écarterait de sa mission en favorisant une transaction, ou doit-il simplement résoudre le litige et dans ce cas l’encouragement à la transaction ferait partie de sa mission ? Notre propos n’est pas d’aborder ce vaste débat dans toute son étendue 3, mais plutôt de nous limiter à une

1 Les travaux qui ont mené à cet article ont été réalisés grâce à l’assistance financière du Fonds national suisse pour la recherche scientifique et de la Faculté de droit de l’Université de Genève. Les auteurs remercient très vivement le Président et Secrétariat de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI et en particulier Monsieur Emmanuel Jolivet, Conseiller général, pour leur avoir donné accès aux sentences examinées dans cette contribution.

2 Notons que le rapport fort utile intitulé « Techniques pour maitriser le temps et les coûts dans l’arbitrage », élaboré par la Commission d’arbitrage de la CCI et publié par la CCI en août 2007, n’aborde pas ce sujet.

3 Nous l’aborderons ailleurs, voir G. Kaufmann-Kohler,« When Arbitrators Facilitate Settlement:

Amiable Imposition or Actual Solution? » Clayton Utz Lecture, Sydney October 2007, publication à venir dans Arbitration International 2008, et les travaux de la CEDR Commission on Settlement in International Arbitration, co-présidée par Lord Woolf et Gabrielle Kaufmann- Kohler, qui sont en cours et devraient s’achever début 2008.

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question qu’il inclut, à savoir la corrélation entre, d’une part, la culture juridique ou la formation de l’arbitre, qui coïncide souvent mais non nécessairement avec sa nationalité et, d’autre part, sa propension à faciliter une solution amiable du différend.

Pour cerner notre sujet, nous avons adopté une approche pratique, ou plus précisément statistique, fondée sur l’examen d’un certain nombre de sentences CCI.

D’expérience, le praticien sait qu’un arbitre allemand ou suisse alémanique sera plus enclin à intervenir pour favoriser une transaction que ne le sera un arbitre anglais ou américain. Pourtant, aucune étude n’est venue, pour l’instant, conforter cette expérience. Se confirme-t-elle, en effet, dans les faits ? L’objectif, restreint et modeste, de la présente contribution est de répondre à cette question. D’emblée, notons qu’il ne s’agit aucunement de mettre en avant une nationalité au détriment d’une autre, mais simplement de constater certains faits utiles à la réflexion sur le fonctionnement du mécanisme arbitral.

2. La méthode : étude de sentences d’accord

Une transaction donne lieu soit à un retrait de la demande suivi d’une ordonnance de clôture soit à une sentence d’accord. L’examen des retraits de demandes ne fournissant pas les éléments nécessaires à notre étude, notre recherche s’est concentrée sur les sentences d’accord rendues au cours d’une période de trois ans allant de 2002 à 2005. Pour des raisons techniques liées à la structure des bases de données disponibles, l’analyse a porté sur 63 des 136 sentences d’accord rendues pendant cette période. Parmi ces 63 sentences, certaines relatent l’historique de la transaction et permettent ainsi d’établir dans quelle mesure le tribunal arbitral a contribué à l’accord amiable. D’autres sont en revanche muettes ou lacunaires à ce sujet, de telle sorte qu’il a fallu les exclure du champ d’investigation.

Un tableau récapitulatif figurant en annexe restitue les principales données ayant trait aux sentences examinées dans cette contribution.

3. Le constat : pertinence de la culture juridique

3.1 Les arbitres suisses et allemands détiennent la palme des affaires transigées

On compte, au sein des tribunaux ayant rendu les sentences d’accord faisant l’objet de la présente étude, 15 présidents ou arbitres uniques et 17 coarbitres de nationalité suisse, suivis de 6 présidents ou arbitres uniques et 14 coarbitres de nationalité allemande. Viennent ensuite 6 présidents ou arbitres uniques et 9 coarbitres anglais.

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Que tirer de ces constatations pour notre propos ? Rien, pourrait-on répondre, en faisant observer que les arbitres suisses appartiennent de toute manière à la nationalité la plus représentée au sein des tribunaux arbitraux CCI 4. Mais le constat ne saurait s’arrêter là. En effet, le résultat devient significatif lorsque l’on considère les chiffres relatifs aux arbitres de nationalités anglaise et allemande. D’ordinaire, dans les arbitrages CCI, le nombre d’arbitres anglais est nettement plus élevé que celui des arbitres allemands 5. Or, cette tendance est inversée s’agissant de sentences d’accord.

On peut voir là un premier indice de la corrélation entre la formation juridique des arbitres et l’issue amiable du litige. Notons, cependant, que les chiffres qui précèdent visent la totalité des sentences d’accord et non seulement celles qui résultent de l’intervention des arbitres dans le processus transactionnel.

3.2 Les types d’intervention de l’arbitre : constatation, correction, conciliation

L’examen des sentences d’accord impose une triple distinction s’agissant du type d’intervention de l’arbitre en matière de transaction amiable. L’arbitre peut constater l’accord, le corriger, ou encore – et c’est là la catégorie qui nous intéresse plus particulièrement – tenter de concilier les parties.

Dans 46 des sentences analysées, les arbitres se limitaient à constater l’existence d’un accord et à rédiger la sentence en conséquence. Nous ne nous attarderons pas sur cette catégorie, car elle ne repose sur aucune action avérée de l’arbitre tendant à favoriser la transaction et est donc sans pertinence pour notre propos. Certes, il se peut que, dans ces affaires, l’arbitre soit intervenu en amont pour favoriser une transaction, mais ceci n’étant pas mentionné dans la sentence, l’hypothèse apparaît trop aléatoire pour servir de fondement à nos conclusions. Pour cette raison, nous ne tenons pas compte de ces sentences.

Dans un deuxième type d’intervention, l’arbitre ne se contente pas de constater l’accord, il le clarifie, le précise, voire le corrige 6 en consultation avec les parties 7. On peut citer, à titre d’exemple, une procédure dans laquelle le tribunal arbitral a soulevé

4 Voir les rapports statistiques publiés dans le Bulletin de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, vol. 14 n° 1 (2003) à la p. 12, vol. 15 n° 1 (2004) à la p. 11, vol. 16 n° 1 (2005) à la p. 9, vol. 17 n° 1 (2006) aux p. 9-10, vol. 18 n° 1 (2007) aux p. 10-11 .

5 Voir les rapports statistiques précités.

6 Sur l’étendue du contrôle de l’accord des parties par l’arbitre qui rend une sentence d’accord parties, voir notamment Y. Derains et E.A. Schwartz, A Guide to the ICC Rules of Arbitration, Kluwer Law International, 2005, p. 311 ; A. Redfern et M. Hunter, Law and Practice of International Arbitration, Sweet & Maxwell, 2004, § 8-51 ; M. Bühler et T. Webster, Handbook of ICC Arbitration, Sweet & Maxwell 2005, § 26-12; K-P. Berger, International Economic Arbitration, Kluwer, 1993, p. 583 et s. ; T. Clay, L’arbitre, Dalloz, 2001, § 970.

7 Voir affaires 17, 33 et 38 du tableau annexe.

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plusieurs objections à l’encontre de l’accord qui lui était soumis : certaines prétentions énumérées dans l’acte de mission ne semblaient pas avoir été réglées ; il n’était pas admissible qu’un addendum à la transaction ne figure pas dans la sentence d’accord ; la méthode de calcul des intérêts comportait des incertitudes. Une audience a permis de remédier à ces objections et de finaliser la sentence d’accord.

C’est bien évidemment la troisième catégorie – celle de la conciliation – qui est pertinente pour notre discussion. Parmi les décisions étudiées, 13 appartiennent à cette catégorie. L’initiative de la conciliation est venue du tribunal dans 3 de ces cas et des parties 8 dans les 10 autres.

La première des trois affaires dans lesquelles la proposition de conciliation émanait du tribunal arbitral était un arbitrage ayant son siège en Argentine 9 et dans lequel trois arbitres originaires de ce pays ont proposé une conciliation. Les parties ont suivi cette proposition en recourant à une conciliation menée par un tiers en dehors de la procédure arbitrale. Dans le deuxième cas, un tribunal composé de trois arbitres brésiliens et saisi d’un arbitrage interne au Brésil a suggéré une conciliation menée par les arbitres eux-mêmes en dehors de la procédure arbitrale 10, suggestion que les parties ont acceptée. Enfin, dans un arbitrage ayant son siège en Allemagne, le tribunal arbitral composé exclusivement d’arbitres de nationalité allemande a fait une proposition similaire 11.

Concernant les affaires dans lesquelles les parties ont sollicité l’intervention du tribunal, le degré et la nature de cette intervention ont varié. Dans 2 cas, les parties ont demandé une audience de conciliation pour permettre au tribunal de donner un avis préliminaire sur le litige. Une fois cet avis émis, l’audience s’est poursuivie par une discussion à laquelle participaient tant les arbitres que les parties et qui a abouti à un accord. Dans l’un des cas, le tribunal, siégeant à Zurich, était présidé par un arbitre suisse épaulé par un arbitre allemand et un arbitre turc 12. Dans le second cas, le tribunal, siégeant en Suisse, était composé exclusivement d’arbitres suisses 13. Dans une autre affaire impliquant à nouveau des arbitres suisses siégeant en Suisse, les parties ont sollicité l’assistance du tribunal dans le cadre d’une séance de conciliation,

8 On ne peut exclure, même dans ces cas, que la demande adressée par les parties au tribunal, tendant à son intervention en tant que conciliateur, ne soit le résultat d’une initiative ou d’une allusion du tribunal non consignée dans le dossier.

9 Affaire 54 du tableau annexe.

10 Affaire 28 du tableau annexe.

11 Affaire 19 du tableau annexe.

12 Affaire 3 du tableau annexe.

13 Affaire 27 du tableau annexe.

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laquelle s’est soldée toutefois par un échec. Dans encore une autre affaire, les parties ont demandé à l’arbitre unique allemand de procéder à une évaluation de leurs positions, après laquelle elles ont entamé des négociations. C’est seulement par la suite qu’elles ont invité l’arbitre à participer à leurs négociations 14. En revanche, dans une procédure présidée par un arbitre italien assisté d’un arbitre suisse et d’un arbitre singapourien 15, les parties ont demandé au tribunal arbitral de les assister à définir la procédure de conciliation et de les entendre exposer leurs positions avant que ne soient engagées les négociations dont les arbitres étaient exclus.

Notons encore un arbitrage interne argentin 16, dans lequel l’acte de mission prévoyait que les arbitres pourraient agir en qualité de conciliateurs et tenir des audiences de conciliation 17. Après plusieurs sessions de conciliation, le tribunal arbitral a fixé aux parties un délai pour aboutir à un accord. La pression du tribunal aidant, les parties ont ainsi mis un terme à leur différend.

En conclusion, on retiendra que, dans la troisième catégorie, des arbitres suisses ont présidé 3 des 13 affaires 18 et que les coarbitres suisses était au nombre de 5 19. On notera aussi la présence, dans cette catégorie, de 3 arbitres allemands agissant comme président ou arbitre unique 20 et de 2 arbitres allemands agissant comme coarbitres 21. On relèvera, par ailleurs, les interventions de 2 tribunaux composés uniquement d’arbitres argentins 22 et d’un tribunal constitué d’arbitres brésiliens 23. Enfin, on remarquera qu’il s’agissait dans 2 cas d’arbitrages internes 24 et dans l’autre

14 Affaire 31 du tableau annexe.

15 Affaire 23 du tableau annexe.

16 Affaire 35 du tableau annexe.

17 Voir aussi l’affaire 46 du tableau annexe, où la clause de l’acte de mission était rédigée dans les termes suivants : « La procédure arbitrale sera scindée en deux phases. Dans la phrase (a) la procédure arbitrale s’étendra à l’ensemble des questions juridiques et des prétentions qui seraient soulevées par la demanderesse et la défenderesse, à l’exception de tous les montants (au titre de royalties ou de dommages-intérêts) qui seraient dus par la défenderesse à la demanderesse. Au cours de la phase (a) l’arbitre déploiera tous les efforts raisonnables en vue de parvenir à un règlement amiable entre les parties. La phase (a) se terminera soit par la conclusion ou la signature d’un accord transactionnel définitif entre les parties soit par une sentence rendue par l’arbitre. ».

18 Affaires 27, 31 et 37 du tableau annexe.

19 Affaires 23, 27 et 31 du tableau annexe.

20 Affaires 19, 36 et 61 du tableau annexe.

21 Affaire 19 du tableau annexe.

22 Affaires 35 et 54 du tableau annexe.

23 Affaire 28 du tableau annexe.

24 Affaires 28 et 35 du tableau annexe.

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cas d’un arbitrage multipartite mettant essentiellement en présence des acteurs de mêmes nationalité et formation juridique 25.

25 Affaire 54 du tableau annexe.

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3.3 Constats supplémentaires

En marge de la question que nous cherchons à résoudre, quelques constats supplémentaires sont dignes d’intérêt. Tout d’abord, dans la quasi-totalité des cas, c’est le tribunal dans son ensemble qui intervient en matière de conciliation. Notre étude n’a révélé qu’une affaire dans laquelle le président a assumé seul le rôle de conciliateur 26.

Ensuite, l’étude montre le fait, communément admis, que certains types de litiges se prêtent mieux à une transaction que d’autres. Sur les 54 sentences d’accord où la nature du différend était connue, 14 portaient sur l’achat et la vente d’actions de sociétés et 10 sur des projets de construction ou autres projets d’infrastructure. Il n’y a là rien d’étonnant car ces litiges soulèvent en général de nombreuses prétentions différentes offrant un vaste champ à un accord transactionnel.

Enfin, l’étude ne permet pas de dégager une tendance quant au moment où les transactions interviennent le plus fréquemment au cours de la procédure arbitrale. Si, à une exception près, l’accord est toujours postérieur à l’établissement de l’acte de mission, on le voit intervenir après une sentence sur la compétence, à la suite d’une autre sentence intérimaire ou partielle, après les mémoires, après les audiences ou encore après le dépôt de rapports d’expertise.

4. Tentative d’explication

L’arbitre dispose de pouvoirs procéduraux très étendus, que ce soit en vertu de la loi nationale régissant l’arbitrage ou du règlement institutionnel applicable, y compris celui de la CCI. Il apparaît naturel que l’arbitre, dans l’exercice de ces pouvoirs, se tourne vers les concepts de l’ordre juridique dans lequel il a « grandi », surtout s’il a déjà une expérience d’avocat, de magistrat ou d’arbitre interne. L’importation des concepts de l’ordre juridique « d’origine » de l’arbitre est généralement implicite et parfois même inconsciente. Elle ressort néanmoins clairement des sentences d’accord qui viennent d’être exposées.

En effet, sans prétention aucune d’exhaustivité, il est frappant de constater qu’en vertu du Code de procédure civile allemand (ZPO) le juge assiste les parties dans la

26 Affaire 37 du tableau annexe.

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recherche d’une solution amiable 27. Il peut proposer la conciliation d’office ou à la demande de l’une des parties à tout moment de la procédure 28, même au stade des recours 29. Cette réglementation repose sur l’idée que l’efficacité dans l’administration de la justice sera mieux servie par une transaction que par une décision. On retrouve la même idée dans l’arbitrage, le règlement de l’Institut allemand de l’arbitrage (DIS) ayant adopté pour l’arbitre la même formule que celle qui s’applique au juge 30.

Il en va de même dans certains cantons suisses. Ainsi, le Code de procédure civile zurichois (ZPO Zurich) requiert la tenue d’une audience portant sur l’organisation de la procédure. Cette audience, à laquelle les parties doivent présenter l’ensemble de leurs moyens, est très souvent l’occasion ou le déclencheur d’une transaction 31. En outre, le juge peut à tout moment inviter les parties à une audience de conciliation 32. Le projet de procédure civile suisse, qui supplantera, à terme, les réglementations cantonales en la matière, prévoit que le juge a le pouvoir de concilier les parties 33. De même, la jurisprudence suisse considère que la participation d’un juge à une conciliation ne porte pas atteinte à son impartialité si, par la suite, il est appelé à trancher le litige 34. On retrouve une approche similaire en Argentine et au Brésil, pays dans lesquels plusieurs affaires exposées plus haut, dans lesquelles les arbitres ont assumé le rôle de conciliateur, étaient situées. Ainsi, le droit brésilien donne au juge le pouvoir de concilier 35 et impose même une obligation correspondante à l’arbitre en début de procédure 36. La situation juridique est comparable en Argentine 37.

27 ZPO, art. 278 ; voir M.E. Schneider, « Combining Arbitration with Conciliation » dans International Dispute Resolution: Towards an International Arbitration Culture, Conférence ICCA, Seoul, 1996, ICCA Congress Series No. 8, Kluwer Law International, 1998, 57, p. 79.

28 ZPO, art. 278; H-J. Musielak, Kommentar zur Zivilprozessordnung, F.Vahlen, 2007, § 278, n° 15.

29 A. Baumbach et al., Zivilprozessordnung, C.H. Beck, 2007, § 278 n° 10.

30 Règlement DIS, art 32.1.

31 ZPO Zurich, art. 118.1; voir R. Frank, H. Sträuli & G. Messmer, Kommentar zur zürcherischen Zivilprozessordnung, Schulthess Polygraphischer Verlag, 1997, p. 424.

32 ZPO Zurich, art. 62 ; sur cette pratique, voir P. Nobel, Vergleich und Urteil - Konkurrenz zweier Erledigungsformen, à paraître.

33 Projet de code de procédure civile suisse, art. 122.3.

34 Voir ATF 131 I 113, p. 119 mentionnant l’arrêt non publié no. 1P.32/1997 de 20 mars 1997, et ATF 119 1a 81, p. 87 : « […] l'indépendance et l'impartialité d'une autorité de jugement ne sont pas nécessairement affectées par les déclarations qui sont faites par le magistrat qui dirige la procédure lors d’une tentative de conciliation ou de liquidation transactionnelle d'un différend civil » ; voir aussi W. Wenger, « The Role of the Arbitrator in Bringing About a Settlement – A Swiss Perspective » dans Best Practices in International Arbitration, ASA Special Series n° 26 (2006) 139, p. 142.

35 Code de procédure civile brésilien, art. 125 al. IV.

36 Loi brésilienne du 23 septembre 1996 sur l'arbitrage (Loi n° 9307/96), art. 21 al. 4

37 Voir Code de procédure civile de la République d'Argentine, art. 309, 843, 849.

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Cette conception du rôle du juge et de l’arbitre tranche avec celle de la common law, selon laquelle la conciliation excède le pouvoir d’adjudication 38 confié au juge et par ricochet à l’arbitre. Les juges américains et, depuis la réformé de Lord Woolf 39, les juges anglais recourent certes à la médiation, mais il s’agit généralement de médiations menées en dehors de la procédure judiciaire par un tiers et non par le juge lui-même 40. Rien d’étonnant, donc, qu’on trouve au sein des tribunaux ayant procédé à la conciliation, peu d’arbitres américains ou, surtout, anglais, comme il a été constaté plus haut.

Au vu des textes de loi, on pourrait s’étonner de ne pas trouver d’arbitres français dans l’échantillon étudié. En effet, l’article 1460 du Nouveau Code de procédure civile (NCPC) déclare applicable à l’arbitrage certains principes de procédure et notamment l’article 21 NCPC selon lequel il entre dans la mission du juge de tenter la conciliation des parties. Cela pourrait-il s’expliquer par l’absence de réelle pratique de la conciliation par le juge français et, par voie d’extension, l’arbitre ?

5. Conclusion

Revenons à notre question initiale : y a-t-il une corrélation entre la propension de l’arbitre à faciliter une solution amiable et sa culture juridique ? Avec toute l’approximation inhérente à une démarche empirique effectuée sur la base d’un échantillonnage limité, l’étude réalisée démontre la réalité d’une telle corrélation. Les éléments statistiques réunis confirment qu’il existe de vraies différences dans la conception du rôle de l’arbitre. Pour certains, il ne peut être qu’adjudicateur. Pour d’autres, il peut parfois aussi être conciliateur.

Sur de nombreux autres aspects du droit et de la pratique de l’arbitrage international, des différences semblables se sont estompées au fil des ans pour laisser la place à une pratique transnationale convergente. A partir de ce constat, on peut penser que la divergence constatée dans la présente étude subira le même sort. Toute autre est la

38 C. Bühring-Uhle, Arbitration and Mediation in International Business Disputes, Kluwer Law International, 1996, p. 157 (83 % des participants à une enquête mentionnée par l’auteur à la p.

202 se sont exprimés en ce sens) ; A. S. Rau et E. F. Sherman, « Tradition and Innovation in International Arbitration Procedure » (1995) 30 Texas International Law Journal 89, p. 105 ; K.- P. Berger, « Integration of Mediation Elements into Arbitration, Hybrid Procedures and

« Intuitive » Mediation by International Arbitrators » (2003) 19 Arbitration International 387, p.

398.

39 Voir les rapports de Lord Woolf, <http://www.dca.gov.uk/civil/reportfr.htm>, dernière visite avril 2008.

40 Il y a toutefois des exceptions ; pour des précisions en particulier sur la pratique américaine, voir G. Kaufmann-Kohler, supra note 3.

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question de savoir quel devrait être le contenu d’une règle ou d’une pratique transnationale en la matière. Ce qui est certain, c’est que pour déboucher sur un consensus transnational surmontant la divergence actuelle, toute solution réaliste devra nécessairement trouver un équilibre entre les conceptions différentes mises en évidence ici.

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