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C'est à la liberté que vous avez été appelés
ASKANI, Hans-Christoph
ASKANI, Hans-Christoph. C'est à la liberté que vous avez été appelés. Communion : Courrier de la communauté des diaconesses de Reuilly, 2004, no. 172, p. 12-16
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30473
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à
Matthieu 5,20-32 et Galates 5,13-16
Voici deux ans qu'il y a des « existences chrétiennes » ; on va donc savoir de quoi il !
est-il qu'il y a des « existences chrétiennes » ? « sûr», va-t-on dire, et à : pensons à Saint François d'Assise, à Dietrich Bonhoeffer, à Albert Schweitzer, à Mère Thérésa ... et pensons à ces femmes et ces hommes qui d'une manière beaucoup plus clandestine et modeste vivent leur foi.
Pourtant, y a-t-il des existences chrétiennes comme il y a des maisons, des voitures, des hommes, des convictions, des idées (fussent-elles très intéressantes), des actions (peut-être très bonnes) ... ?
Je ne veux pas nier qu'il y ait de ces existences, au contraire, j'en suis convaincu, et le monde serait certainement très différent s'il n'y en avait pas. Mais n'y a-t-il pas - en leur cœur - cette question troublante, bouleversante: qu'est-elle, cette existence ?
Moi qui suis chrétien, suis-je vraiment chrétien?
Moi qui suis chrétien, comment se fait-il que je le sois ? Où se passe-t-elle, cette existence: à l'intérieur de mo 1,
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ma
mot ce je
est peu, qui est même très peu à
suivre n'est pas à la mode. Chacun veut être ce est et faire ce qu'il veut. C'est la moindre des choses puisqu'il s'agit de soi-même !
« Sich selbst verwirklichen » - se réaliser soi-même -, était le slogan des années soixante-dix et en Allemagne.
Imaginons un Saint François d'Assise, une Mère Thérésa « se réaliser eux-mêmes». Non, l'existence chrétienne, c'est autre chose, complètement autre chose.
Suivre.
Suivre un appel, suivre Jésus-Christ.
J'emploie consciemment un verbe et non un substantif. « La suivance » résoru1e comme si cela existait sans nous et qu'ensuite on pourrait nous l'appliquer. Non, cela n'existe pas sans nous. Ce n'est pas une possibilité offerte, parmi d'autres, d'organiser, de vivre ou de réaliser notre vie.
Suivre un autre, ce n'est pas une possibilité.
Dans les situations décisives de notre existence, sur un plan profond de notre vie, ce ne sont pas des possibilités, ce ne sont pas des choix qui sont l'enjeu. Nous ne choisissons pas le deuil, la foi, la joie, un conjoint... Imaginons que nous choisissions un conjoint: il y en a tant; ce serait une tâche infinie, désespérée ! ...
Non, dans notre existence ce ne sont pas les choix ou les possibilités qui touchent au plus profond. On ne choisit pas
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-et va
ne choisit pas même sa naissance et on ne la liberté, responsabilité à 1' égard
Suivre un autre n'est pas une possibilité. Nous suivons un appel, nous suivons Jésus-Christ. Cela nous vient de 1' extérieur et c'est tout de même « nous ».
Que signifie «suivre Jésus-Christ»? Cela ne veut pas seulement dire « marcher à Sa suite » !
-·~-.~·"V··· c'est cela, mais ne s'agit-t-il pas là
dépasse la « suivance qui va ? sens qui
»en
Regardons le sermon sur la montagne. Voici Jésus, foule, les disciples ...
Les disciples qui entourent Jésus ... :
«Il y a encore temps, intégralement à
la foule peuple. étaient comme tout le monde. C'est alors -que survint l'appel de Jésus et qu'ils laissèrent tout derrière eux pour le suivre... » 7
«
n y
a encore peu de temps, ils appartenaient intégralement à la foule du peuple », dit Bonhoeffer dans son explication du sermon sur la montagne. En fait, c'est la question qui se pose au travers de notre existence chrétienne, par rapport à elle, en elle : à qui appartenons-nous ? A nous-mêmes ou à un autre ?« Depuis, ils appartiennent intégralement à Jésus. Maintenant, ils marchent avec lui, vivent avec lui, le suivent où qu'il les conduise. »
7 Bonhoeffer, Le prix de la grâce, p. 76 (cf. Nachfolge, S. 57)
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nous avons
avez vous
ce en
Ces mots ne disent pas seulement la rigueur, la radicalité, le sérieux des propos de Jésus : ne pas se mettre en colère contre son frère, ne pas même dire un mot dur, ne pas même regarder une autre femme avec convoitise. Ils nous disent plutôt qu'il y a, ici, quelqu'un qui nous
Vous avez moi je vous dis ...
Vous avez appris ... Et moi je vous dis de ne pas résister au méchant. ..
Vous avez appris... moi je vous « regarde une femme ... »
Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens... m01, Je vous le dis, « quiconque se met en colère contre son frère ... »
Un changement.
Non seulement d'autres idées, une autre morale (plus rigoriste) ... Mais un autre qui nous dit. .. autrement.
Voulons-nous le suivre ?
Voulons-nous accepter de vivre, non ce changement de paradigme, mais ce changement de Seigneur ? Ou plutôt, voulons-nous accepter ce Seigneur au lieu de nous-mêmes ?
« C'est à cause de lui, dit encore Bonhoeffer, c'est à cause de Jésus qu'ils (ses disciples) ont tout perdu (. .. ) En le suivant, ils se sont perdus eux-mêmes, et, ce faisant, ils ont perdu tout ce qui pouvait les rendre riches. Les voici pauvres, et si
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Oui, ils sont ma1s dans ces affaires-là changement de changement de notre existence, commencement d'une existence chrétienne - on ne peut être qu'inexpérimenté.
Oui, ils sont devenus pauvres. Oui, ils ont tout perdu mais ils ont aussi gagné quelque chose :
suivent il va.
Comment peut-on appeler ce qu'ils ont gagné, acquis?
Il y a un mot cela, un mot totalement surprenant dans la « suivance », - du «suivre», comme nous 1' avons dit - un mot totalement dans ce contexte de
perte de soi et de l'appartenance à un autre.
Ils ont gagné la liberté des enfants de Dieu, la liberté de ceux qui lui appartiennent :
« Vous frères, c'est à la liberté que vous avez été appelés.»9 Amen
Pasteur Hans Christoph ASKANI Prédication donnée le 23 janvier 2003 à Versailles
8 (Bonhoeffer, p. 78, dt Text p.l02)
9 (Galates 5, 13)
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