• Aucun résultat trouvé

2. INTRODUCTION

2.2. L A CAPTURE ATTENTIONNELLE

2.2.1. La sélection visuelle : top-down versus bottom-up

Le traitement attentionnel de l’information la plus saillante peut s’effectuer selon les deux types de processus. Le premier type regroupe les mécanismes attentionnels appelés top-down, qui contrôlent l'attention de manière volontaire. La sélection visuelle étant sous le contrôle de l’observateur, celui-ci peut alors diriger son attention à un emplacement particulier dans l'espace (Theeuwes, 2010) selon les éléments pertinents pour ses buts et intentions (Eimer

& Kiss, 2010 ; Hickey, McDonald, & Theeuwes, 2006 ; Michael, Fernandez, & Vairet, 2007 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwees, 2010). Le deuxième mécanisme est appelé « bottom-up ».

Selon ce mécanisme, l’attention est dirigée de manière automatique et involontaire (Hickey &

al., 2006), sur la base des caractéristiques propres aux stimuli (Eimer & Kiss, 2010 ; Hickey, McDonald, & Theeuwes, 2006 ; Luck & Hillyard, 1994 ; Sawaki & Luck, 2010). L’attention est alors considérée comme étant cette fois-ci sous le contrôle de facteurs externes de l’environnement (e.g. couleur, flash lumineux, bruit, etc.). Ainsi, lorsque l’attention est attirée indépendamment des buts de l'observateur par un élément de l’environnement, nous parlons de capture attentionnelle (Sawaki & Luck, 2013 ; Theeuwes, 2010 ; Yantis & Jonides, 1984).

Traditionnellement, la sélection bottom-up est associée à la saillance des informations visuelles. La saillance désigne la manière dont un élément peut se distinguer d’autres objets présents dans l’environnement par une caractéristique unique (Hickey, McDonald, &

Theeuwes, 2006 ; Lamy & Egeth, 2003 ; Sawasaki & Luck, 2010). Par exemple, un élément non pertinent pour la tâche peut être saillant car il est de couleur ou de taille différentes, et peut alors capturer l’attention (Hickey & al., 2006). Itti et Koch (2000) parlent, quant à eux, de

« carte de saillance ». Selon ces auteurs, une carte encode la saillance ou la visibilité des objets de l’environnement afin de les localiser lors de la recherche visuelle. Les propriétés de ces objets (couleur, forme, intensité ou orientation) sont analysées et entrent en compétition.

L’emplacement de l’objet dont les propriétés sont les plus saillantes sera gagnant, et sera représenté dans une carte de saillance. L’attention est déplacée vers cet objet qui est alors analysé de manière plus approfondie, afin de savoir s’il correspond à la cible ou non. S’il ne s’agit pas de la cible, un processus de désengagement de l’attention est mis en place permettant

9 à l’attention de se rediriger vers le deuxième objet le plus saillant, créant ainsi une nouvelle carte de saillance. Et ainsi de suite jusqu’à ce que la cible soit identifiée (Itti & Koch, 2000).

Plusieurs études soutiennent cette idée reflétant l’hypothèse de saillance bottom-up (ou hypothèse de la capture automatique) qui propose que l’attention est initialement attirée par les propriétés différentes des items dans le champ visuel (Hickey & al., 2006 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwes, 1992, 2010). Selon cette hypothèse, le contrôle volontaire basé sur les attentes et les objectifs de l’individu va par la suite influencer la sélection visuelle de manière top-down.

Ainsi, la sélection initiale serait basée sur le traitement bottom-up traduisant une capture attentionnelle involontaire en faveur de stimuli saillants. C’est seulement dans un deuxième temps que l’influence top-down va jouer un rôle sur la sélection visuelle en réorientant l’attention vers les stimuli pertinents pour l’individu (Hickey & al., 2006 ; VanRullen & Koch, 2003 ; Theuwees, 2010). Par conséquent, la capture attentionnelle par un élément saillant serait purement induite par les stimuli, sans influence des buts de l’individu (Hickey & al., 2006 ; Sawaki & Luck, 2010 ; Theeuwes, 1992). Finalement, il est important de souligner que même si la saillance physique joue un rôle important dans la sélection bottom-up, il a été démontré que d’autres facteurs exogènes peuvent également attirer l’attention dans un mode bottom-up, comme le contenu émotionnel des stimuli (e.g. visage en colère, araignée, serpent, sang) (Buodo, Sarlo, & Munafò, 2010 ; Burra, 2013 ; Lang & Bradley, 2010 ; Öhman, Flykt, &

Esteves, 2001 ; Theeuwes, 2010 ; Weymar, Löw, Öhman, & Hamm, 2011). Ainsi, ces informations visuelles reflétant une saillance émotionnelle vont attirer notre attention sans que nous le souhaitions, se traduisant par une capture attentionnelle involontaire selon un mode bottom-up.

Cependant, une hypothèse alternative à celle de la saillance bottom-up est l'hypothèse de capture contingente involontaire (Folk & Remington, 1998 ; Folk, Remington, & Johnston, 1992). Cette hypothèse propose que la capture attentionnelle est modulée par des processus top-down et ne serait donc pas initialement purement bottom-up. Cette hypothèse sera développée lors de la discussion.

2.2.2. Paradigme de recherche visuelle : Additional singleton task

Afin d’étudier les processus top-down et bottom-up, des tâches de détection ou de discrimination d’une cible sont utilisées. Un paradigme classique sur lequel nous allons nous baser pour cette étude est l’Additional singleton paradigm développé par Theuwees (1992). Ce

10 paradigme permet d’étudier la contribution des processus de contrôle top-down et bottom-up dans une tâche de recherche visuelle (Theeuwes, 2010).

Cette tâche de recherche visuelle consiste en la présentation d’un ensemble de formes, des losanges ou des ronds, disposées en cercle. Une seule de ces formes diffère des autres et constitue la cible. Autrement dit, la cible peut être un rond parmi des losanges, ou un losange parmi des ronds. Deux conditions sont présentées aux participants. Une condition contrôle où toutes les formes ont la même couleur et une condition de distraction où une forme est de couleur différente (Figure 2). La tâche du participant va être de détecter le stimulus de forme unique et d’indiquer l’orientation de la ligne contenue à l’intérieur de ce stimulus cible.

Précisons que les couleurs du distracteur et de la cible sont aléatoires d’essai en essai. En effet, dans certains essais toutes les formes sont vertes sauf une qui est rouge (distracteur de couleur), alors que dans d’autres essais le distracteur peut être vert et les autres formes, dont la cible, sont rouges. Le stimulus de couleur différente est donc non pertinent pour la tâche en cours, pourtant, Theuwees (1992) a observé un effet de la présence du distracteur. En effet, le résultat principal de cette tâche révèle que le temps de réaction pour réaliser la tâche en cours est plus élevé dans la condition de distraction que dans la condition contrôle. Il suggère donc un avantage du traitement bottom-up sur le traitement top-down, c'est-à-dire que l’attention a été attirée automatiquement par le distracteur, avant d’être redirigée vers la cible. La présence d’un distracteur saillant augmente de ce fait le temps de réaction pour effectuer la tâche, et perturbe la performance du participant à la tâche. Il démontre ainsi que la sélection visuelle peut être influencée par les processus bottom-up.

11

Figure 2 : Illustration de l’Additional singleton paradigm (Theeuwes 1992, cité par Theeuwes 2010).

La condition contrôle (en haut à gauche) et la condition avec distracteur (en haut à droite). En bas, la moyenne des temps de réaction est représentée en fonction des conditions.

Les paradigmes de recherche visuelle comme celui de Theeuwes (1992) et Posner (1980) sont deux exemples de paradigmes qui utilisent des stimuli non pertinents pour l’individu. Nous avons vu précédemment que les stimuli émotionnels peuvent également attirer notre attention de manière bottom-up. Or, ces derniers peuvent être pertinents pour l’individu et le déroulement de leur capture attentionnelle s’effectue alors de manière différente. Nous allons développer ci-dessous la manière dont l’attention peut être capturée par des stimuli émotionnels menaçants d’un point de vue comportemental, et par la suite, d’un point de vue électrophysiologique.