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La voie d’excellence : formation d’ingénieur, de commerce et médecine

Conclusion – La France au cœur du système de mobilité étudiante marocaine internationale

2. Pluralité des ressources soutenant le projet de mobilité à l’étranger

2.3. Formation et qualification : l’accès et la valeur du diplôme Cette dimension de la ressource de mobilité fait référence à la valeur et à la

2.3.2. La voie d’excellence : formation d’ingénieur, de commerce et médecine

Dans notre enquête, pour 32 étudiants sur 77 (41,5 %), le motif d’arrivée en France est soit intégrer une prépa (scientifique ou commerce) pour 7 d’entre eux, soit intégrer une école d’ingénieur66 ou de commerce pour 22 d’entre eux, soit étudier la médecine pour 3 d’entre

      

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eux67. Ces études comptent toujours parmi les plus prestigieuses, avec un prestige qui s’affirme de plus en plus pour les écoles de commerce et qui ne décroit pas pour les écoles d’ingénieur et la médecine.

« L’usage socioprofessionnel de la formation d’ingénieur semble inchangé depuis la période de la post-indépendance : cette formation est perçue comme une voie d’excellence qui garantit des carrières professionnelles stables et prestigieuses, aussi bien pour les premières générations et pour les diplômés des années 1990 que pour les ingénieurs plus jeunes qui intègrent aujourd’hui un marché de l’emploi en crise. » G. Scarfo Ghellab, 2011, p.84

Ce prestige est lié à l’histoire et la culture de la réussite des élites marocaines. Certains auteurs, comme P. Vermeren (2011) ou G. Scarfo Ghellab (2011), se sont intéressés à la connaissance de ces diplômés au Maroc, à la compréhension des faits historiques et des logiques des acteurs dans la mobilité étudiante d’excellence. G. Scarfo Ghellab met notamment en avant le facteur de l’origine sociale comme variable essentielle pour comprendre les parcours scolaires. L’auteur distingue alors les plus favorisés socialement, ceux pour qui « la voie à suivre est tracée dès l’enfance » (p.82) et qui bénéficient d’un capital social élevé et d’une très bonne information des cursus, des plus modestes qui subissent le manque de moyens et de connaissance sur les écoles et les filières. Dans notre enquête, sur les 32 étudiants concernés, 18 déclarent être issus d’une famille aisée, 6 d’une famille moyenne supérieure, 7 d’une famille moyenne et 1 d’une famille modeste, soit les trois quarts d’un milieu aisé ou moyen supérieur. Ainsi, le choix de faire une école d’ingénieur peut être vécu comme un héritage ou comme une promotion sociale.

« Comme mes deux parents étaient ingénieurs donc je ne me suis pas trop posé de question. Je ne savais pas trop à quoi ça ressemblait donc je me suis mis dans l’ingénierie. Comme je n'avais pas trop le niveau pour une prépa, j’ai passé des concours pour intégrer des écoles d'ingénieur post-bac et j’ai décroché Telecom Lille. J’ai quand même décroché la meilleure école d’un regroupement d’école, à l’époque c’était la meilleure, je crois que ça a chuté depuis. » I. étudiant à Lille (7)

Les obstacles pour les plus modestes, majeurs, étaient surmontables en partie par l’existence d’un système de bourses qui s’est considérablement réduit aujourd’hui. S., étudiant à Centrale Lyon, a pu bénéficier d’une de ces bourses du mérite de l’Etat marocain68.

« Je crois que les 15 premières écoles d'ingénieur en France permettent d'être éligible à la bourse du mérite de l'Etat marocain. C'est ce que je visais, pas seulement pour la bourse, j'avoue que je voulais décrocher une bonne école. Certains viennent en France juste pour venir en France même s'ils décrochent une excellente école au Maroc, ils ont juste envie de venir en France. Moi c'était pas le cas, je voulais une bonne école en France. J'ai obtenu Centrale Lyon et donc j'ai eu une bourse. J'étais même prêt à rentrer au Maroc si je n'avais pas de bourse. Je pense que mon père aurait pu me financer mais je préférais obtenir la bourse, en plus c'est plus valorisant. Et mon petit frère est venu en France sans bourse aussi donc ça faisait beaucoup. C'est sur qu'il y avait un critère financier. Mon père aurait pu nous financer tous les deux mais ça ne me dérangeait pas du tout de rentrer si je n'avais pas de bourse. Je pense que l’Etat       

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Nous considérons qu’il peut y avoir un biais de l’échantillon même si celui-ci reprend les grandes orientations des étudiants marocains dans les universités de Lille et de Montpellier (voir chapitre 2).

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La liste des écoles éligibles à l’obtention d’une bourse du mérite de l’Etat marocain se trouve notamment sur le site de l’ambassade du Maroc en France : http://www.amb-maroc.fr/France/France_etudier-en-france.htm Les chiffres précis sur le montant sont difficiles à trouver, a priori ce sont des mensualités de 421 euros pendant 10 mois plus 458 euros pour les frais de scolarité (pour l’année 2008)

marocain donne presque 200 bourses par an, entre 150 et 200. Et c'est 4500 euros par an. » S. étudiant à Lyon, a fait sa prépa à Lille (76)69

Le parallèle peut être fait avec les études de médecine qui restent prestigieuses au Maroc. Certains étudiants subissent une pression familiale pour faire médecine, parce qu’il est recherché et valorisant d’avoir un médecin dans la famille, c’est un critère permettant la promotion sociale de toute une famille. Pour d’autres, les études de médecine sont un héritage familial vécu avec beaucoup d’enthousiasme.

« Avec des amis de la promo du bac on s'était dit qu'on allait ensemble changer de culture, changer de pays. Mais mes parents tenaient beaucoup à ce que je reste au Maroc pour faire la médecine, au-delà du prestige social des médecins, c'était pour avoir un médecin dans la famille, ça donne un petit poids, c'est un métier noble. Donc pour eux d'avoir un médecin c'était beaucoup plus un honneur, alors ils voulaient que je reste. Surtout que j'ai eu la convocation pour la médecine et le visa dans la même semaine. J'ai eu mon visa le jeudi et le mercredi d'après c'était la rentrée pour la médecine. Mon père m'a même dit que le vrai regret de sa vie, c'est de m'avoir accordé le visa pour venir ici. » N. étudiant à Lille (15)

« Ça vient de ma famille, mes deux parents ont été médecins donc je pense que j’ai été en partie influencé. Moi, ça m’a toujours trotté dans la tête, je ne m’étais jamais posé de question sur est- ce que je pouvais faire autre chose. Quand on me posait la question sur qu’est-ce que tu veux faire après le bac, c’était clair. Mais pour le lieu c’était différent. J’avais fait ma demande pour la France l’année du bac et j’attendais la réponse pour le mois de mars. Pendant ce temps, je faisais d’autres recherches notamment en Tunisie et au Sénégal. » A. étudiant à Lille (3)

Il existe une grande différence entre les écoles d’ingénieur pour lesquelles il faut réussir le concours d’entrée et la faculté de médecine pour laquelle la réussite dépend de l’obtention du concours en fin de première année. Ainsi, le choix stratégique de la localisation des études peut se faire par rapport au taux de réussite en P1 (première année) et au numerus clausus qui détermine chaque année le nombre d’étudiants pouvant accéder en deuxième année au niveau national et au niveau des universités. A., étudiant à Lille, nous livre ici les éléments qui ont participé au choix de la destination des études de médecine.

« En fait il y avait deux choix plus un troisième facultatif. J’avais mis Lille et Amiens. Amiens c’était juste parce que je voulais quand même rester proche de ma famille mais sans être vraiment dans la même ville. C’est vrai que ça aurait été plus simple si j’étais resté sur Paris près de ma tante mais la famille au bout d’un moment ça devient invivable. C’est pour ça que j’ai préféré être pas trop loin mais pas à Paris non plus. Et j’ai choisi Lille parce que je m’étais basé sur le quota de réussite en P1, mais je me suis rendu compte que c’était un peu foireux parce que leur quota c’était surtout en fonction du nombre d’inscrits à Lille et du numerus clausus de Lille, parce que c’est plus grand donc au final c’est clair qu’ils en prennent un peu plus qu’ailleurs. C’est sur que j’aurais pu faire des choix un peu meilleurs mais voilà… (Tu as quand même choisi en fonction d’un critère de réussite scolaire.) Oui, au début quand je cherchais c’était par rapport aux critères de réussite. (Si tu avais pris d’autres critères, tu aurais peut-être fait tes demandes ailleurs ?) En fait le problème c’est qu’il y avait aussi le critère du quota d’étudiants étrangers en P1. Dans les filières médicales, surtout en médecine, le quota d’étudiants qui sont là à titre étranger est de 8 %. Entre la P1 et la P2, ces étudiants ne sont pas       

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Etudiant rencontré à Lille, référencé dans l’échantillon comme résident à Lille, cycle ingénieur. Il a fait sa prépa à Lille et a obtenu le concours de Centrale Lyon.

inclus dans le numerus clausus de base, c'est-à-dire que quand ils disent que par exemple pour telle année le numerus clausus est de 7000 étudiants en France, et bien il y a les 7000 plus 8 % d’étudiants étrangers qui sont là pour leurs études. Dans pas mal de villes du sud, enfin à Paris, Montpellier et tout, j’avais des amis qui sont obligés de jouer sur un double classement, c'est-à- dire il faut être classé dans le numerus clausus mais aussi dans le quota des étudiants étrangers, c'est-à-dire être aussi dans les 8 %. Par exemple si l’étudiant a 14 sur 20, que le dernier pris en général français et étrangers en deuxième année a obtenu 11, mais que entre ces deux limites il y a eu les 8 % d’étudiants étrangers, il risque de se faire éjecter. Alors qu’il a le niveau, on se retrouve à redoubler alors qu’on est déjà dedans. C’est un peu frustrant, j’ai un pote à qui c’est arrivé, mais voilà c’est le risque de prendre des villes où il y a plus d’étrangers. (Parce que ce n'est pas partout pareil?) A l’étranger quand on dit études en France, les grands noms qui sortent c’est Paris, Bordeaux, Lyon, Toulouse. Et encore Toulouse c’est à cause des grandes écoles et généralement c’est par rapport à ça. Donc moi j’ai choisi Lille surtout par rapport à ça, parce que leur quota n’a jamais été atteint. Lille n’a jamais eu autant d’inscrits pour atteindre leur quota d’étudiants étrangers. Par exemple dans mon année à moi, il y avait 35 places disponibles, ce qui fait 8% par rapport au total mais c’est seulement 13 qui ont réussi à être classés. » A. étudiant à Lille (3)

Les écoles de commerce sont aujourd’hui très valorisées et valorisantes du fait du contexte économique et des possibilités d’accès au marché de l’emploi privé.

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