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Conclusion – La France au cœur du système de mobilité étudiante marocaine internationale

2. Pluralité des ressources soutenant le projet de mobilité à l’étranger

2.1. La famille, sans qui rien n’est possible

2.1.1. La mobilisation familiale

□ Soutien et financement du projet

Contrairement à d’autres nationalités, du continent africain notamment, où la mobilité étudiante peut être un projet familial pour faire vivre la famille, la dimension économique et collective est différente pour les Marocains (Godin, Réa, 2011). Le soutien familial se concentre essentiellement sur la réussite individuelle des jeunes étudiants. Ainsi, le soutien est plutôt financier, social et/ou psychologique. En premier lieu, le soutien psychologique de la famille s’avère primordial pour la grande majorité des étudiants. Ensuite, la mobilisation familiale se concrétise par un appui financier pour l’organisation du départ mais également tout au long du séjour. Sans une réelle mobilisation familiale, les étudiants renonceraient à leur départ. En effet, les étudiants doivent justifier de ressources financières suffisantes ou d’une prise en charge d’un répondant en France pour l’obtention du visa. La mobilisation familiale joue alors le rôle de « garantie ». Dans l’enquête, seuls deux étudiants nous ont confié avoir eu des difficultés à obtenir le visa d’étudiant. Ils ont d’abord essuyé un refus et le visa leur a été accordé soit la deuxième année, soit la troisième année sans avoir connaissance des raisons du refus. Ces deux étudiants sont issus de classe sociale moyenne.

« Je n'ai pas eu le visa et je n'ai jamais su les raisons du refus. Le consulat c'est très obscur, on ne peut pas savoir la cause du refus. J’ai du me résoudre à commencer une prépa au Maroc en attendant. » Y. étudiant à Lille (25)

      

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Le fait que l’essentiel des étudiants n’aient pas connu de difficultés à l’obtention du visa constitue un premier élément relatif à l’origine sociale des familles, le biais étant que les étudiants dont le visa a été refusé sont restés au Maroc.

Le coût de la mobilité internationale pour études est de moins en moins supporté par les Etats et institutions diverses (par le biais des bourses), d’où le rôle crucial de la mobilisation familiale qui agit comme levier de la mobilité. La solidarité familiale est très active dans le but de concrétiser le projet de l’étudiant. Au sein de l’échantillon (tableau suivant), près de 55 % des étudiants sont totalement pris en charge par les parents pour le financement des études, et pour 26 % d’entre eux, la famille participe au financement soit avec d’autres membres que les parents (oncle, frères, sœurs, grand-mère), soit en complément d’une bourse, d’un prêt ou d’une rémunération de travail. 13 % d’entre eux bénéficient d’une bourse ou d’un financement. Nous reviendrons sur les types de bourses dans la dimension institutionnelle. Enfin, un peu plus de 6 % sont totalement indépendants et financent leurs études soit par des économies personnelles, soit par des revenus du travail en France.

Tableau 23 – Prise en charge du financement des études

Moyens de financement des études

Nombre d’étudiants concernés dans l’échantillon Parents 42 Famille + complément Parents + oncle

Parents + bourse / financement Parents + frère ou sœur + travail Parents + prêt étudiant

Parents + travail

Parents + prêt parents + bourse Grand-mère

Frère ou sœur + travail

20 1 1 3 1 10 1 1 2 Bourse / financement 10 Economies personnelles 1 Travail 4 Total 77 Source : enquête personnelle

L’arrivée en France et le premier logement révèlent en partie les soutiens familiaux pour la réalisation du projet d’études. Le premier logement est d’une importance cruciale et permet la mise en valeur de la mobilisation collective. 39 étudiants sur 77 sont arrivés avec un des parents ou les deux, soit un peu plus de la moitié d’entre eux. Pour la plupart, les parents sont restés quelques jours avec l’étudiant à l’hôtel le temps de trouver un logement et de prendre des repères dans la ville et pour les études. Parmi les 38 étudiants arrivés seuls, 20 d’entre eux ont été hébergés par un membre de la famille ou une connaissance les premiers temps avant de trouver un logement, et certains ont bénéficié d’un accueil plus long, comme A. qui a été hébergé pendant un an chez son oncle ou H., accueilli par son cousin.

« Tu sais nous, les Marocains, on a une vraie particularité, on est trop attachés à la famille. Ici ça fait un peu bizarre d'accueillir un cousin lointain pendant tout un semestre, ici 3 jours c'est déjà beaucoup. Et encore c'est moi qui ai décidé de partir, je commençais un peu à comprendre le système en France et à un moment, après un semestre, je me sentais un peu lourd pour lui. (Il vivait seul?) A cette époque oui, maintenant il est marié et il vit en Belgique. » H. étudiant à Lille (14)

Parmi les 18 étudiants restants, 9 avaient déjà une chambre universitaire réservée par l’école, c’est le cas de Polytech à Lille ou de l’IAMM à Montpellier. 4 ont trouvé rapidement une location d’appartement en passant par une agence et 5 étudiants (tous masculins) ont connu des mésaventures de logement mais ont trouvé du soutien pour débloquer la situation soit auprès de la communauté marocaine de la ville d’études pour 4 d’entre eux, comme pour M., soit auprès d’une personne sensible à la situation.

« La question du logement est une véritable galère pour un étranger. Je n'ai pas eu de logement en cité universitaire à cause de la bourse Averroès. Donc j'ai du chercher un logement chez un particulier mais il y a toujours le problème du garant. Comment tu peux trouver un garant quand tu débarques en France ? En plus un garant qui touche bien. (Comment tu as fait ?) J'ai logé pendant un mois chez un ami marocain, après j'ai trouvé l'ami d'un ami qui s'est porté garant, c'était un inconnu parce que à Montpellier il y a une grande communauté de marocains. » M. étudiant à Montpellier (60)

□ Influence de la famille sur l’orientation géographique

Ce critère est directement mentionné par les étudiants et, parfois de façon indirecte, influence par la présence de la famille à l’étranger et par l’expérience d’études à l’étranger des parents et des frères et sœurs.

- Influence des parents ou de la famille dans le choix du pays et de la ville d’études 46 étudiants disent que les parents ou la famille ont influencé leur orientation géographique soit par leur histoire ou la présence de famille sur place, soit par leurs conseils. Il s’agit plus ici de l’orientation vers la France. Pour ce qui est des raisons du choix de la ville, 25 étudiants mentionnent la présence d’un proche ou de la famille pour le choix de la ville, en raison principale ou secondaire. Le biais de cet indicateur est que nous nous sommes aperçus que certains étudiants intègrent les amis dans la catégorie « proches » et il est difficile d’estimer la part exacte de la famille.

- La famille à l’étranger

46 étudiants de l’enquête ont déclaré avoir de la famille à l’étranger en dehors des frères et sœurs contre 31 qui n’ont pas de famille à l’étranger (voir tableau annexe 6).

Distinguons parmi les membres de la famille, les oncles et tantes qui sont souvent installés dans les pays cités, et les cousins et cousines qui sont soit encore en études soit travaillent depuis peu après avoir fait des études. Pour ceux qui n’ont pas de famille à l’étranger, certains ont des membres de la famille qui ont fait leurs études à l’étranger mais sont rentrés au Maroc. C’est le cas de la famille de A. étudiant à Lille (37) : sa tante a étudié la médecine en Tunisie, deux cousins ont fait leurs études aux Etats-Unis (neurologie, ingénieur

informaticien), un cousin a étudié la pharmacie en Espagne, deux cousines ont fait une école de commerce à Paris et un cousin une école de commerce à Montréal. Tous sont maintenant rentrés au Maroc.

Concernant la famille à l’étranger, sur les 46 étudiants concernés, 38 ont de la famille en France. Ensuite, 6 en ont au Canada, 5 en Italie, 4 en Allemagne et Belgique, 2 en Espagne, aux Pays-Bas et en Suisse.

6 des 18 étudiants de Lille ont de la famille à Lille et 7 des 28 étudiants de Montpellier ont de la famille à Montpellier et dans la région. Ceci nous donne une première piste de réflexion sur les filières migratoires qui seront développées un peu plus en avant. C’est à Paris que les membres des familles sont le plus présents (22 citations pour Paris).

Nous faisons ici la corrélation avec un autre indicateur tiré des entretiens, celui de la présence de connaissance dans la ville d’étude et du type de connaissance (qui intervient plus loin dans la réalisation des entretiens et qui permet de recouper les différentes informations). 60 des 77 étudiants ont des connaissances en France à leur arrivée et pour 40 d’entre eux, ces connaissances se situent dans la ville d’étude : 16 sont uniquement des amis, 4 des amis des parents, 18 uniquement la famille et 2 famille et amis. Nous pouvons donc dire que 20 étudiants de notre enquête ont connaissance de famille dans la ville de leurs études. Ce chiffre est supérieur à celui cité plus haut car il intègre les frères et sœurs des étudiants et concerne 12 étudiants de Lille et 8 de Montpellier.

- Les frères et sœurs à l’étranger

En moyenne, les étudiants sont issus de familles de trois enfants (voir tableau annexe 7), l’indice de fécondité au Maroc en 2011 étant de 2,19 naissances par femme (2,57 en 2008 et de 7,2 en 1960)58. Près de 80 % des frères et sœurs des étudiants enquêtés sont au Maroc et environ 20 % à l’étranger et parmi eux, 64 % en France, principalement à Lille et Montpellier (tableau suivant).

      

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Tableau 24 – Localisation des frères et sœurs des enquêtés

Pays Villes Effectifs

Maroc Casablanca 33 Maroc Rabat 19 Maroc Kénitra 3 Maroc Marrakech 17 Maroc Fès 15 Maroc Agadir 12 Maroc Oujda 9 Maroc Meknès 5

Maroc Ksar el Kébir 3

Maroc Essaouira 2 Maroc Nador 2 Maroc Tétouan 2 Maroc Khouribga 1 Maroc Mohammedia 1 Maroc El Jadida 1 Maroc Tanger 1 Sous-total Maroc 126 Allemagne Frankfort 2 Angleterre Londres 2 Arabie Saoudite 1 Belgique Bruxelles 1 Espagne Mellila 1 Espagne Malaga 1 Espagne Bilbao 1

Etats-Unis Little Rock 1

Etats-Unis Los Angelès 1

Norvège Oslo 1 France Lille 8 France Montpellier 5 France Paris 3 France Lyon 1 France Béthune 1 France Marseille 1 France Poitiers 1 France Aix-en-Provence 1 Sous-total France 21

Sous-total hors Maroc 33

Total 159

Source : enquête personnelle

*dont 7 frères et sœurs d’une fratrie de 8

Le nombre important de frères et sœurs au Maroc est à relier avec le niveau de qualification actuel : encore beaucoup d’entre eux sont au collège ou au lycée donc situés au Maroc (tableau suivant). En outre, 10 d’entre eux sont diplômés de l’étranger ou ont travaillé à l’étranger et sont rentrés au Maroc.

Tableau 25 – Niveau d’études atteint ou en cours des frères et sœurs des enquêtés

Niveau d'études Effectifs

primaire au Maroc 2 collège au Maroc 15 lycée au Maroc 30 pas d'études 17* baccalauréat 8 BTS 5 DUT 1 prépa 4 licence 9 master 14 doctorat 4 médecine 8 diplôme école marocaine (tourisme,

informatique, hôtesse de l'air, infirmière, audiovisuel, etc.)

16

école d'ingénieur 11

école de commerce 11

autre (musicien, moniteur surf, etc.) 4

Total 159

Source : enquête personnelle

*Dans les 3 familles nombreuses, beaucoup d’enfants de la fratrie n’ont pas fait d’études

30 % des frères et sœurs des étudiants enquêtés n’ont pas encore passé le baccalauréat. Un peu plus de 15 % soit n’ont pas fait d’études, soit ont juste le niveau baccalauréat et travaillent ; 40 % sont diplômés d’une école marocaine, d’une école de commerce ou d’ingénieur, en master, doctorat ou en médecine.

Revenons sur les frères et sœurs qui ont un parcours d’études ou de travail à l’étranger. Cela concerne 43 personnes dont 10 sont déjà rentrées. 30 des 77 étudiants enquêtés ont au moins un frère ou une sœur avec une expérience à l’étranger (voir tableau annexe 8).

Parmi les 43 personnes concernées, 30 ont étudié et/ou travaillé en France dont 8 à Lille et 5 à Montpellier. Ensuite, les autres destinations d’études ou de travail concernent moins de personnes : 4 aux Etats-Unis, 4 en Espagne, 4 en Allemagne, 2 en Angleterre, 1 en Belgique, 1 en Arabie saoudite, 1 en Norvège, 1 en Tunisie.

Parmi les projets des frères et sœurs, 16 ont l’intention de faire des études à l’étranger directement après le baccalauréat, principalement en France, l’un d’eux envisage d’étudier en Espagne et un autre au Canada. 8 ont un projet d’études à l’étranger après quelques années d’études au Maroc, soit pour un master ou un doctorat, soit pour une spécialisation en médecine. 21 ne savent pas encore alors que pour 25 personnes, la décision est clairement d’étudier au Maroc (non à la question des études à l’étranger). Enfin, 6 personnes déjà à l’étranger construisent le projet à court terme de rentrer au Maroc.

Ces éléments vont clairement dans le sens d’un « effet fratrie » pour l’orientation des études à l’étranger, principalement dans le choix de la France mais également de la ville. Il s’agit de cumuler des expériences pour optimiser la mobilité. Nous établissons ici un premier lien entre famille au sens large et filière. La filière se construit sur la base d’un effet de regroupement assez classique dans les migrations.

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