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Une mobilité fondée sur une ressource circulatoire

dimension migratoire

3. Une mobilité fondée sur une ressource circulatoire

La mobilité relève d’une dynamique et les réseaux sociaux en révèlent la structure. Les recherches opposent souvent, ou, a minima, mettent en tension, la mobilité et l’enracinement. Bouger versus s’enraciner. Aujourd’hui, la géographie nous permet l’articulation entre le « trans », ce qui traverse, et les différents pôles spatiaux.

Dans cette recherche, nous nous attachons à saisir la complexité du lien entre les deux mouvements, dans l’idée de transversalité, puisque les deux mouvements sont vécus de manière chevauchée et simultanée par les migrants. La mobilité des personnes qualifiées ou des étudiants ne diffère pas fondamentalement des paradigmes migratoires généraux. La circulation met l’accent sur la dynamique de création de réseaux et de liens. Il n’est pas question d’un présupposé pro-circulatoire. Le déterminisme est évité en interrogeant également les formes d’ancrage et de non-circulation. Nous abordons plusieurs dimensions de la dynamique des mobilités : la dimension circulatoire, la dimension migratoire et les ressources circulatoires faisant le lien.

3.1. Les dimensions circulatoire et migratoire : les pratiques de

circulations induites par la mobilité

La mobilité n’induit pas forcément des circulations. La mobilité peut alors être perçue comme déterminant du départ et formation d’un capital. Toutefois, les circulations peuvent être appréhendées dans le cadre de l’entretien de liens, de la mise en relation de plusieurs lieux.

L’expression « circulation migratoire » apparaît dans les années 1980 en France pour décrire des phénomènes de mobilités internationales qui se sont complexifiés.

« Avec la circulation migratoire, définie comme la somme des mobilités découlant de la présence à l’étranger d’une population émigrée installée, l’objectif est alors de proposer une approche globale des migrations, qui rassemble des éléments « immobiles » et des composantes mobiles qui n’ont pas vocation à l’installation. La notion permet de prendre en compte tout à la fois l’ensemble des espaces concernés par les migrations, les déplacements des personnes entre lieux d’origine et d’arrivée, l’ensemble des flux matériels (biens, services, remises) et immatériels (normes, valeurs, représentations) induits par ces mobilités. » (Guerassimoff, 2004, p.9)

La circulation migratoire fait référence aux divers types de déplacements, de personnes, de marchandises ou de savoir-faire, liés à la migration. La notion de circulation migratoire explicite la forme dynamique du « va-et-vient » en termes de mobilité. Ce concept implique l’idée de bi- ou de multipolarité15. Il est fondamental dans le positionnement conceptuel général de ce travail et justifie notre méthodologie à partir des réseaux sociaux. L’utilisation du terme circulation implique une dynamique, établie ici de part et d’autre de la Méditerranée et la mise en réseaux entraîne plusieurs registres : les circulations physiques d’individus, les circulations de biens, de compétences, etc. C’est pourquoi les circulations migratoires entrent dans notre cadre d’approche des migrations étudiantes. Le concept de circulation migratoire peut alors être utilisé comme « clé de lecture » (Schaeffer, 2004) ou outil d’observation afin d’appréhender les trajectoires des migrants, leurs ancrages et les différentes formes de sociabilités des étudiants. Ainsi, les circulations des étudiants marocains sont abordées à partir de la multiplicité des mouvements, de leurs temporalités, de la fréquence des retours, des mobilités pour le travail ou la carrière. Le rapport aux étudiants marocains nous permet également une entrée féconde à partir des voyages et circulations au cours des études pour rendre visite à d’autres étudiants marocains. Lors de ces visites, les étudiants rencontrent-ils d’autres personnes que des Marocains ? L’analyse de ce type de circulation permet d’interroger l’exclusivisme communautaire, la fermeture ou le brassage et l’ouverture multiculturelle. A. Findlay (1990) parle de « canaux » comme de chemins dans des univers relativement hermétiques (effet tunnel) qui sont alors différents des réseaux, plus diffus, et permettant des bifurcations.

      

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Il peut y avoir circulation entre deux pôles (la bi-polarité), la multipolarité est une conséquence de l’approche par les circulations puisqu’elle nous amène à considérer les pôles liés par la circulation. Rappelons que les notions d’espace relationnel et de champs migratoires ont été des leviers antécédents à l’approche par la circulation migratoire.

Toutefois, la logique d’ancrage ne doit pas être sous-estimée, au contraire, elle représente l’essentiel du temps et de l’implication des personnes en mouvement et révèle l’importance des lieux, du local. Etre en mobilité internationale ne signifie pas être toujours en mouvement. On ne circule pas toujours, on est le plus souvent ancré. Il paraît donc essentiel de situer ces lieux comme des repères, des plots au sein de réseaux plus larges et éclatés. Ces lieux sont révélateurs de la capacité de ces populations circulantes à jouer sur plusieurs espaces et plusieurs appartenances. Dans le cadre des mobilités étudiantes marocaines internationales, le thème du retour se développe, beaucoup d’étudiants y songent. Ces retours sont au moins réalisés dans la circulation, de manière ponctuelle, faisant du pays d’origine le premier point d’ancrage. Nous distinguons donc plusieurs échelles de l’ancrage, d’abord l’échelle nationale que nous venons d’évoquer, l’échelle locale à partir des villes et l’échelle micro-locale à partir des lieux fréquentés dans la ville.

3.2. La ressource circulatoire à partir du capital social et des

réseaux sociaux

La dimension stratégique des réseaux sociaux dans la migration est d’avoir accès à des ressources (Potot, 2003). La ressource peut prendre deux sens distincts : la circulation par la ressource et la ressource par la circulation16. Dans le premier cas, la ressource circulatoire entraîne la mobilité, dans le second cas, la ressource est générée dans la mobilité. Nous questionnons la construction de la ressource circulatoire mobilisable et re-mobilisable.

Le concept de ressource circulatoire renvoie d’une part à une certaine « prédisposition de l’individu ou du groupe issue, notamment, de l’accumulation d’expériences antérieures et de savoir-faire spécifiques culturellement ou socialement transmis » (Cortes, 2008, p.64). Ce premier sens fait référence aux ressources de mise en mobilité. Mais la ressource circulatoire renvoie également « aux multiples composantes, d’ordre matériel ou symbolique (informations, codes, normes, modèles culturels…), construites parfois dans l’immédiateté, dans l’improvisation et la négociation, et qui sont mobilisées de façon individuelle ou collective par les acteurs migrants » (Idem, p.65). Ainsi, la ressource circulatoire est abordée dans notre recherche à partir de l’ensemble des moyens permettant la circulation : le capital social et les réseaux sociaux.

La structure des relations dans laquelle s’insèrent les individus peut constituer un système de contraintes et de ressources. Ceci amène à une réflexion sur le capital social. En simplifiant, nous pouvons exposer deux conceptions du capital social (Cusset, 2007). Dans la lignée de Burt (1993), le capital social est individuel et dépend de contacts non liés entre eux et donnant accès à des groupes de contacts différents. L’autre conception à la suite de

      

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Nous élargissons la notion de ressource au-delà des objets matériels et avançons la capacité d’agencement de l’espace et de mise en circulation par la ressource (Portes, 1998). La notion de « ressource circulatoire » peut être entendue comme « une opportunité et une stratégie d’actions permettant de circuler ou faire circuler, et par là- même une mise en liens des lieux et des hommes » site du laboratoire Art-Dev http://recherche.univ- montp3.fr/artdev/

Coleman (1988) rend le capital social dépendant d’un réseau serré et relativement clos. De même, pour Burt ou Bourdieu, le capital social exige un certain investissement en temps, voire en argent, alors que pour Coleman il semble plutôt le fait d’un environnement donné, d’une « externalité positive » (Cusset, 2007). Le capital social représente-t-il une ressource spécifique de la mobilité ? Cette ressource ne se mesure pas par le nombre d’amis mais plutôt par « le produit de la taille du réseau personnel, du volume des ressources contenues dans ce réseau (c’est-à-dire de l’information et des différentes espèces de capital détenues par les agents avec lesquels des relations sont entretenues), et des chances d’accès à ces ressources. » (Mercklé, 2011, p.46). Le capital social peut produire des effets positifs ou négatifs, il faut donc le contextualiser (Lin, 1995). N. Lin (1990) considère que la structure des réseaux de relations est hiérarchisée selon les ressources détenues par les individus (Ponthieux, 2006). Selon le paradigme interactionniste, les ressources sont révélées par la place de l’individu dans les réseaux. Ainsi, le réseau est structurant quand il permet un accès aux ressources extérieures important. R. Putnam (2000), en dehors de défendre la thèse du déclin du capital social, présente en introduction de son ouvrage les termes bonding et bridging (Ponthieux, 2006). Bonding est associé aux liens forts, à la réciprocité spécifique et à la solidarité, tandis que bridging permet de mettre en contact différents réseaux (c’est l’idée des liens faibles de Granovetter ou des trous structuraux de Burt).

Le capital social peut être interprété à l’échelle de l’individu : quelles sont les ressources auxquelles un individu accède et qu’il peut mobiliser grâce à son réseau personnel ? Mais l’analyse peut se faire à l’échelle du collectif : quelles sont les ressources qu’un individu peut mobiliser du fait de son appartenance à une communauté ? Dans le cas des étudiants, les ressources à mobiliser peuvent être de divers ordres : législatives, organisationnelles, relationnelles ou informatives.

La mobilisation des ressources fait appel à la stratégie des acteurs.

« Trois déclinaisons de la manière d’utiliser des ressources externes et que les acteurs peuvent mobiliser au gré de ses projets peuvent être proposées : il faut connaître les ressources pour agir, il faut les comprendre et il faut savoir les mobiliser de la manière la plus efficace possible. » (Gumuchian et alii, 2003, p.59).

Nous formulons l’hypothèse que les étudiants s’inscrivent dans des réseaux de relations mixtes, permettant ainsi un potentiel supérieur de mobilisation de ressources. D’autant que le capital social est « également susceptible d’accroître le rendement d’un autre capital » (Degenne, Forsé, 2004, p.135).

A partir de ces éléments, il s’avère nécessaire de s’emparer de la question dans une orientation géographique en faisant le lien entre ressources, réseaux sociaux et mobilité ainsi qu’entre l’individuel et le collectif.

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