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Du terrain au graphe, l’imposition par le terrain de l’exploration du web social

Conclusion – De l’intérêt d’explorer les mobilités en géographie à partir des réseaux sociau

3. Un autre terrain : le web social

3.2. La méthode développée pour les réseaux du web social Les entretiens réalisés auprès des étudiants en France nous permettent d’avancer que

3.2.1. Du terrain au graphe, l’imposition par le terrain de l’exploration du web social

Les entretiens avaient comme objectifs de saisir l’ensemble des réseaux de sociabilités des étudiants marocains en France et de comprendre comment les liens sont entretenus dans la mobilité. Dans cette optique, l’utilisation intense et quotidienne des réseaux sociaux sur le web, surtout Facebook, nous est apparue de manière systématique.

Une distinction des moyens de communication selon les destinataires a souvent été faite par les étudiants rencontrés. Le téléphone ou Skype restent majoritairement réservés aux intimes :

« Facebook c'est pour tous les amis, mais les amis intimes c'est le téléphone. Facebook c'est plus distant. En audio ça n'a rien à voir, c'est pas comme par écrit. » M., étudiant à Montpellier (60)30       

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Nous précisons la modalité de référence aux entretiens valable pour tout le texte : première lettre du prénom de l’étudiant, étudiant(e) à Lille ou à Montpellier, numéro de référence de l’entretien dans la base de données entre parenthèses. Exemple : M., étudiant à Montpellier (60)

D’une manière générale, la communication avec la famille se fait par téléphone ou par Skype et parfois par Msn :

« Avec mes parents, je parle soit par téléphone, soit par Skype mais je ne suis pas « ami » avec eux sur Facebook. Je ne veux pas qu’ils voient mes photos de soirées ou les délires entre potes, c’est ma vie privée, tout ça me regarde. Avec eux, je suis plus soft, même quand on met la webcam, je range ma chambre avant pour ne pas qu’ils voient le bordel, les bouteilles et tout ça. » O., étudiant à Montpellier (43)

Or, en ce qui concerne Msn, les étudiants l’ont souvent qualifié de « dépassé » ou même de « préhistoire des réseaux sociaux ». Quand ce réseau reste utilisé, il est plutôt pour la famille puisque en général les parents ne sont pas inclus dans le réseau Facebook. Twitter est utilisé par un seul des étudiants rencontrés et seulement pour suivre l’actualité de ses stars préférées. Et aucun étudiant rencontré n’entretient un blog, la question semble même surprendre puisque tout est dit sur Facebook. Par contre, l’usage de Skype se fait souvent en addition à l’usage de Facebook. Nous reprenons ici différents éléments qui nous ont orientés dans la recherche sur le réseau social Facebook.

Sur 77 entretiens avec des étudiants marocains en France, trois étudiants n’ont pas de compte Facebook : un seul n’en a jamais eu et deux n’en ont plus. Deux de ces trois étudiants sont parmi les plus âgés de l’ensemble des étudiants rencontrés (tous les deux nés en 1977) et ont quitté le Maroc depuis plus de 10 ans.

A., étudiant à Montpellier (68) justifie l’absence d’un compte Facebook. L’entretien nous révèle qu’il n’a quasiment plus de liens avec le Maroc et qu’il a très peu d’amis en France, c’est un étudiant très solitaire.

« Avant j’en avais un, mais je ne savais pas que ça marchait comme ça alors j’ai laissé tomber. Il faut commenter l’activité des gens pour pouvoir communiquer. Je trouve ça nul. Il y a le côté personnel qui doit rester privé, ça ne doit pas être public. Je fais bien la distinction entre le personnel et le public. » A., étudiant à Montpellier (68)

H., étudiant à Montpellier (65) a également très peu d’amis en France et presque plus de contacts au Maroc ; il se sent très isolé même s’il pense rentrer au Maroc pour trouver une femme et se marier.

La troisième est une jeune étudiante très bien entourée qui utilise Skype tous les jours avec sa famille mais qui n’adhère pas au fonctionnement de Facebook :

« Je l'avais, mais je l'ai supprimé parce que ça ne m'intéresse pas, je ne vois pas l'intérêt, c'est juste pour ceux qui sont curieux. Moi pour communiquer, je préfère utiliser Skype, c'est beaucoup mieux. Facebook ça sert juste à voir ce que font les gens, mais moi je préfère parler directement et voir les gens. » Y., étudiante à Montpellier (48)

Donc 74 étudiants rencontrés ont un compte Facebook (plus de 96 % de l’ensemble). En parallèle de l’usage personnel des réseaux Facebook, il est apparu intéressant de creuser la question des groupes d’étudiants marocains. Les groupes sont constitués soit à partir d’associations existantes, soit virtuellement, c’est-à-dire n’ayant pas d’existence associative dans la réalité physique. Au cours du terrain, nous avons pu rencontrer des membres de deux associations d’étudiants marocains à Lille. Les informations recueillies de manière plutôt informelle ont permis de cibler quelques questionnements sur la structure des groupes

Facebook, leur composition dans le temps et leur utilisation de l’outil. Dans la ville de Montpellier, aucune association étudiante marocaine n’existe, par contre nous avons eu connaissance de l’existence d’un groupe Facebook par l’intermédiaire de quelques étudiants rencontrés. Nous avons construit une base de données de 150 groupes Facebook relatifs aux étudiants marocains à partir des requêtes « étudiants marocains », « moroccan students », ainsi qu’à travers les anciens élèves des lycées français de Rabat et Casablanca, le lycée Descartes et le lycée Lyautey. Notre analyse portera plus précisément sur les groupes des étudiants marocains de Montpellier (179 membres), de l’association marocaine des étudiants de Lille (556 membres) et de l’association des Marocains des grandes écoles à Lille (401 membres).

Nous avons donc représenté les réseaux de trois groupes Facebook et de 20 étudiants. Après un premier entretien classique, les étudiants ont donné leur autorisation pour extraire leurs données personnelles et permettre ainsi l’exploration du réseau par le graphe.

Les données extraites sont :

- les liens et réseaux complets des 20 étudiants, - les liens et réseaux complets des 3 groupes.

L’analyse des réseaux égocentrés d’étudiants31 entre dans un protocole particulier de

suivi dynamique et nécessite l’accord de l’étudiant après un premier entretien ainsi qu’un second entretien de décryptage du réseau. Pour le respect des données personnelles, après un premier entretien, l’étudiant qui donne son accord doit lui-même suivre les instructions d’un lien mis en place exclusivement pour cette étude. Il entre ensuite dans le protocole de suivi et peut à tout moment rompre la procédure. 20 étudiants sont entrés dans ce protocole dont les objectifs sont multiples. Il s’agit d’abord de visualiser l’ensemble du réseau d’un étudiant, d’analyser la dispersion géographique des amis et d’en suivre l’évolution. Quelques cas peuvent expliciter des phénomènes non observables de façon macro et faire émerger de nouveaux questionnements ou des apports théoriques32.

      

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Un réseau égocentré est un réseau relatif à une seule personne, c’est-à-dire le réseau de l’ensemble des amis d’une personne, ici l’ensemble des amis Facebook d’un étudiant.

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C’est l’idée de la production de la théorie à partir des données de terrain développée par la Grounded Theory de Glaser et Strauss (1967). Les auteurs désignent ainsi le fait que la théorie doit être fondée sur les données issues du terrain.

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