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Les étudiants dans un système global de mobilités

dimension migratoire

1.2. Les étudiants dans un système global de mobilités

Un nouveau régime de mobilité se développe dans un contexte de mondialité (Leclerc, 2011) défini, entre autres, par une concurrence de la main-d’œuvre qualifiée, la compétitivité des universités et des écoles, et la circulation des élites. Nous évitons ici l’emploi de l’expression de circulation des « cerveaux », jugée péjorative pour l’ensemble des migrants. Nous lui préférons les termes de mobilité étudiante, qualifiante ou de qualifiés. Il existe aujourd’hui une certaine injonction à la mobilité pour les étudiants qui induit une transformation des mobilités étudiantes dont les enjeux questionnent notre approche scientifique.

La mobilité étudiante représente un enjeu international à prendre en considération. Il semble alors pertinent de confronter, brièvement, les attentes divergentes des pays d’accueil et d’origine.

1.2.1. Pays d’accueil : entre rayonnement, attractivité et maîtrise des flux

Une volonté de rayonner

Les facteurs exerçant une influence culturelle ou politique sur les pays d’origine des étudiants sont évidemment à prendre en considération.

« L’accueil des étudiants étrangers peut constituer, pour les pays d’accueil, un investissement politique et culturel à plus ou moins long terme » (Latrèche, 2001, p. 24). Dans les années 1950-1960, l’accueil des étudiants étrangers des pays en développement était un enjeu politique de taille. C’est un facteur d’exportation à long terme des idées politiques et culturelles du pays d’accueil. A cette époque, se sont développés les accords de coopération et les programmes de bourses.

Aujourd’hui, comme hier, l’enjeu géopolitique de ces migrations apparaît de la première importance. Il est clair que les liens politiques, intellectuels, culturels et commerciaux s’enracinent dans l’accueil fait aux étudiants étrangers durant la période de leurs études, et même à l’ère des réseaux électroniques, les liens créés de personne à personne restent prépondérants et prioritaires dans le maillage relationnel des individus (Gaillard et Gaillard, 1999). Dans le sens du renforcement des liens politiques, culturels et intellectuels par les mobilités étudiantes, en mars 2007, le Ministère de l’Education Nationale français a créé « Campus France ». C’est un instrument à destination des étudiants étrangers destiné à favoriser la promotion de l’enseignement supérieur français et à améliorer l’accueil des étudiants étrangers en France. Ce dispositif facilite ainsi l’information et la communication, il participe de l’attractivité de la France en termes d’enseignement supérieur et de recherche au niveau international.

L’internationalisation de l’enseignement supérieur ou le « marché » mondial de l’éducation

Nous faisons le choix de l’utilisation du concept d’internationalisation plutôt que celui de mondialisation. D’après I. Berry-Chikhaoui, A. Deboulet et L. Roulleau-Berger (2007), l’usage du terme « globalisation » (ou mondialisation) obéit à une « vision du monde surdéterminée par l’économique », tandis que le caractère d’internationalisation « tient tout autant à la circulation, entendue au sens large, d’individus, de savoirs, de modèles ordinaires ou “savants”, de normes spatiales, d’images (…) parfois plus reliés au monde, et aux liens multiples et protéiformes qui construisent les “territoires circulatoires” (Tarrius, 1992) qu’à l’environnement proche » (Berry-Chikhaoui, Deboulet, Roulleau-Berger, 2007, p.12). La globalisation favorise donc l’internationalisation par l’accroissement des circulations (Breton, Lambert, 2003). Ainsi l’internationalisation des villes, même moyennes, facilite la visibilité et l’attractivité de celles-ci, a fortiori dans le domaine universitaire. La concurrence entre les villes est sous-jacente à la volonté d’une représentation internationale, les mêmes dynamiques sont observables pour l’attractivité universitaire, par une mise en concurrence des lieux et des acteurs. Les acteurs impliqués dans l’internationalisation de l’enseignement supérieur sont très divers et n’ont pas tous les mêmes intérêts : gouvernements ; monde académique : universités, enseignants, … ; ONG ; organisations multilatérales (Union Européenne, Banque Mondiale…). Finalement, l’internationalisation fait figure d’un caractère élitiste où les

étudiants ont peu de place. Les enjeux institutionnels relatifs à la mobilité des étudiants permettent de comprendre l’importance de la question pour l’ensemble des acteurs concernés. Attirer et retenir les étudiants sont des objectifs centraux dans les stratégies des établissements universitaires. Cette attractivité dépend de plusieurs facteurs dont la qualité de l’offre de formation, l’intégration dans la recherche, l’environnement de travail ou la politique d’ouverture à l’international.

En Europe, une politique active de recrutement des étudiants internationaux s’est mise en place depuis une dizaine d’années car les retombées sont positives et tangibles sur l’économie nationale et sur les capacités scientifiques des universités (Dia, 200511). Des pays comme l’Australie, le Canada ou les Etats-Unis développent des politiques volontaristes de recrutement des étudiants étrangers. Les pays du Golfe sont également actifs dans le recrutement. La mobilité est donc élevée en tant que nouvelle norme d’excellence scolaire. Cependant, le paradigme de la coopération internationale universitaire est centré de plus en plus vers le Nord12, même si un accroissement des échanges avec l’Asie de l’Est est observé.

Migrations étudiantes, migrations économiques : même traitement

Les pays d’accueil, paradoxalement à ce qui vient d’être dit, n’accordent plus de traitement spécifique aux étudiants étrangers originaires des pays en développement. Les migrations étudiantes constituent même, pour les pays d’accueil, la menace d’une immigration déguisée (Latrèche, 2001).

Plusieurs « politiques » d’accueil des étudiants étrangers se dégagent (Borgogno, Streiff- Fenart, 1999) dont :

- une « forte gestion administrative », par un renforcement des procédures d’entrée et de séjour et l’instauration de quotas. Exemples de la France et de l’Australie où les étudiants doivent obtenir un visa d’étude. Chose qui peut paraître simple, mais, pour l’obtenir, le prétendant aux études en France, doit justifier, lors du dépôt de la demande auprès des autorités consulaires françaises dans son pays d’origine, d’une inscription dans un établissement d’enseignement reconnu par l’Etat, de revenus, et produire un justificatif de domiciliation ou d’hébergement en France. L’Australie, quant à elle, a fait le choix plus radical d’une limitation des inscriptions offertes aux étrangers.

- D’autres pays pratiquent « l’élimination par l’argent », avec l’introduction de frais de visa et l’augmentation des frais d’inscription. Ce sont les pays d’économie libérale, avec les exemples de la Grande-Bretagne ou du Canada.

Les politiques européennes sont assez convergentes dans le sens d’un contrôle accru. Les Etats ont adopté un schéma politique commun. La gestion du phénomène migratoire a un rôle de puissant révélateur des particularités des sociétés d’accueil. Elle est le signe que ces

      

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L’auteur revient sur les facteurs qui ont participé du développement de l’internationalisation de l’enseignement supérieur : l’uniformisation du modèle anglo-saxon à l’échelle mondiale, un marché mondial « académique » en expansion, l’anglais comme langue de communication et d’enseignement, Internet comme outil dans l’enseignement à distance, la coopération interuniversitaire et l’harmonisation des systèmes éducatifs.

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migrations « spécialisées » sont désormais gérées à partir d’un point de vue qui les banalise et tend à souligner exclusivement leur appartenance à une immigration « à risque », par opposition à un point de vue davantage fondé sur des considérations et des valeurs universitaires (Borgogno, Streiff-Fenart, 1999). Cette gestion des flux migratoires étudiants se fait ressentir sur la composition du groupe des étudiants étrangers par nationalité (Latrèche, 2001). En France, ce recul des effectifs des étudiants originaires de pays en développement a profité aux étudiants d’origine européenne dans un premier temps, puis bénéficie aujourd’hui d’une ouverture aux étudiants asiatiques, spécifiquement chinois.

Paradoxe d’une volonté d’être attractif face à une politique de contrôle des migrations, pour ne pas dire à une politique de fermeture. Mais ce paradoxe peut être en partie explicité par la cible de chaque politique. D’une part, attractivité des étudiants des pays du Nord, ou les plus aisés du Sud, pour se créer une place sur la scène internationale, et d’autre part, limitation des entrées de migrants qui risqueraient de prolonger leur séjour alors qu’ils sont considérés comme indésirables, ce sont les étudiants originaires des pays « à risque migratoire ».

1.2.2. La mobilité étudiante au regard des pays en développement

Une mobilité étudiante sous conditions

La « forteresse » Europe tend au contrôle et à la limitation exacerbée des migrations provenant des pays du Sud. Les étudiants n’y échappent pas, d’autant que la tendance européenne en matière d’enseignement supérieur favorise les échanges intra-communautaires. La politique des différents pays en faveur de l’accueil des étudiants étrangers est un critère fondamental dans la mobilité étudiante internationale (procédures, droit d’inscription, conditions d’accueil). L’accès aux études supérieures dans un pays étranger peut relever du « parcours du combattant » selon les critères consulaires, la politique des visas, les critères financiers et d’orientation. Du point de vue des barrières à la mobilité estudiantine depuis les pays d’origine, différents facteurs interviennent : le manque de moyens financiers, l’ignorance de la langue, les contraintes administratives ou académiques, et certainement le manque d’informations.

La mobilité des étudiants : une opportunité pour les pays en développement ?

Dans les anciennes colonies (la plupart sont aujourd’hui des pays en développement), les systèmes d’enseignement supérieur sont nés durant la période coloniale ou au lendemain des indépendances et sont inspirés par le modèle de la puissance coloniale. Les conséquences peuvent se situer à différents niveaux, d’une part linguistique, et d’autre part en termes d’influence culturelle et intellectuelle. Les problèmes politiques et d’entente entre pays du Sud compliquent les volontés de se détacher du modèle colonial et, par conséquent, influencent les destinations des étudiants au sein de systèmes de mobilités internationales.

« Il en résulte une diversité linguistique à l’intérieur d’une même région. C’est le cas du monde arabe, où le français est dominant au Maghreb et l’anglais dans le Golfe. S’ajoutent à cela l’instabilité politique et l’échec des tentatives de construction d’alliances régionales. » (Latrèche, 2001, p. 17).

Les migrations étudiantes sont considérées de différentes manières : soit favorablement, soit comme un mal nécessaire, soit avec indifférence13. Ainsi, la migration étudiante ne peut être dissociée de la géopolitique et de la nature des relations politiques qu’entretiennent les pays d’accueil avec les pays d’origine des étudiants. Ceci est particulièrement vrai pour les relations entre la France et les pays du Maghreb. Une approche historique du développement de l’enseignement supérieur au Maghreb permet de faire émerger la spécificité des migrations étudiantes maghrébines14.

Pour les étudiants, la recherche d’un enseignement de qualité et la valorisation des diplômes obtenus restent un puissant moteur de déplacement (Gaillard et Gaillard, 1999). Toutefois, les motivations à l’expatriation sont de moins en moins corrélées à l’absence de formation locale, la mobilité représentant une expérience valorisante. Nous y reviendrons à travers les constructions territoriales des étudiants et les pratiques de circulations.

La mobilité est un enjeu fondamental pour la société, les individus et particulièrement les étudiants. Aujourd’hui, la mobilité recouvre une image très positive, en particulier dans la mise en valeur de cursus scolaires. Ce qui met en mouvement l’étudiant révèle la grande diversité des situations (nature des motivations, héritage familial, type de qualification, cohérence culturelle et ouverture au monde, éléments politiques, déterminants structurels, facteurs « push » dans le pays d’origine et facteurs « pull » dans le pays d’accueil) et peut être approché par les réseaux sociaux.

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