• Aucun résultat trouvé

Conclusion – La France au cœur du système de mobilité étudiante marocaine internationale

2. Pluralité des ressources soutenant le projet de mobilité à l’étranger

2.2. Position sociale et parcours scolaire au Maroc

La dimension sociale de la ressource de mobilité dans notre recherche est approchée par le parcours scolaire au Maroc et, par conséquent, par la possibilité ou non d’envisager une mobilité internationale.

Le cursus scolaire au Maroc est considéré comme une variable dans la construction du projet et dans les ressources acquises. Les informations relatives au parcours scolaire permettent de comprendre en quoi il a influencé la mobilité. Différents cas peuvent être envisagés : de la difficulté à envisager la mobilité internationale en fonction du parcours jusqu’à la mobilité évidente voire vécue comme une injonction.

Les auteurs M. Godin et A. Réa (2011) parlent de « structures d’opportunités » dans les pays d’accueil en définissant ainsi leur rôle crucial dans la formation des carrières étudiantes à partir des pays d’origine. Les auteurs font référence à la langue d’enseignement comme facteur influençant le choix du pays de destination ainsi qu’aux accords bilatéraux :

« Les facteurs participant à l’orientation des carrières ne s’inscrivent d’ailleurs pas toujours dans un espace national unique et les structures d’opportunités peuvent participer à la formation d’un « champ social transnational » (Levitt, Glick Schiller, 2007) au sein duquel les carrières étudiantes prennent forme. La question de la langue d’enseignement est un facteur structurel influençant le choix du pays de destination. De même, l’existence d’accords bilatéraux entre pays et entre universités en matière de mobilité étudiante contribue à la construction d’un espace social migratoire au sein duquel se meuvent les étudiants étrangers. » M. Godin, A. Réa, 2011, p.53

      

62

L’expérience personnelle d’un voyage dans ces régions durant l’été a révélé la prédominance de voitures immatriculées 34 (Hérault). Les rencontres tant au Maroc qu’à Montpellier ont permis de constater l’existence de ce champ migratoire sans pour autant pouvoir le quantifier précisément.

Ces structures d’opportunités peuvent également être approchées en creux, c’est-à-dire en étayant les failles de ces structures qui poussent à partir. Tous les étudiants en mobilité internationale n’entrent pas dans un cadre de structures facilitant la mobilité, et certains, au contraire, bâtissent leur projet dans une fuite du système éducatif marocain. Comment alors déterminer l’influence du parcours sur la mobilité ? Les critères retenus ici sont le type de baccalauréat obtenu, les études post-bac avant le départ, les types d’établissements fréquentés et le projet d’études à l’étranger comme premier vœu. Les extraits d’entretiens éclairent également les logiques et mécanismes du cursus scolaire au Maroc.

Dans notre enquête, parmi les types de baccalauréat des étudiants enquêtés, nous relevons 57 baccalauréats marocains et 20 baccalauréats français (dont un DAE). Les étudiants ayant un bac marocain sont 50 en filière scientifique, 5 en économie ou gestion et comptabilité et 2 en littéraire. Nous observons également une grande majorité de filière scientifique pour ceux ayant un bac français, 15 d’entre eux, et 4 sont issus d’une filière économique.

Le critère du type de lycée fréquenté est en relation avec le critère du niveau social et également de la projection à l’étranger (facilité d’obtention du visa et orientation vers l’étranger). Les établissements fréquentés au lycée par les étudiants reflètent les composantes du baccalauréat : 19 sont allés au lycée français ou dans un lycée privé homologué français, 20 dans un lycée privé et 38 dans un lycée public. Il est intéressant de constater que sur l’ensemble des enquêtés, 44 ont fait leurs études primaires à la mission française ou en privé, 38 étaient au collège à la mission française ou en privé et 39 au collège public. Les justifications et discours des étudiants varient en fonction de leur niveau social et de leur perception du système éducatif marocain. Plusieurs idées en ressortent, notamment que l’orientation dans un lycée public ne signifie pas forcément être de niveau modeste mais peut correspondre à une idéologie des parents (comme pour H., étudiant à Lille, 14). Les discours sur le niveau des lycées publics sont parfois contradictoires, entre une constatation d’une baisse de niveau avec l’arabisation, la difficile maîtrise du français empêchant ainsi l’accès aux études en France et la compétition plus rude entre très bons élèves :

« En fait, il y a des éléments qui sont vraiment bons mais qui n'ont pas forcément les moyens d'aller faire leurs études en France. Par contre, dans un lycée privé, tu as toutes tes chances parce que tu te démarques, alors qu'en lycée public, tu te fais bouffer par tous les supers bons et qui vont limiter tes chances d'aller en France, parce que tu seras moins bien classé, tu auras de moins bonnes notes. » A., étudiant à Montpellier (36), a fait le collège et le lycée public puis terminale en privé.

D’une manière générale, le niveau et le suivi dans les lycées privés sont avancés comme des arguments à la qualité des dossiers présentés pour une mobilité en France. Enfin, les diplômés du lycée français ont des discours de valorisation de ce cursus, valorisation à la fois sociale et facilitant le projet de mobilité, même si certains étudiants rendent compte de la difficulté d’intégrer l’école française ou de la sélection sociale qui s’y opère.

« C'est mieux de faire l'école française quand tu viens d'un certain milieu, et normalement, en faisant ce parcours, tu as toutes les chances de réussir. » M. étudiante à Montpellier (46)

Tous les étudiants enquêtés ne sont pas venus directement après l’obtention du baccalauréat. 33 des 77 étudiants enquêtés ont fait des études post-bac au Maroc avant le départ à l’étranger : 6 en prépa scientifique, 3 en prépa commerce, 2 ont un BTS, 4 ont un diplôme d’ingénieur, 2 ont fait une année d’université sans diplôme, 6 ont une licence, 4 ont un master, 2 ont un doctorat en cours et 4 ont un autre type de diplôme (ex. : école d’informatique).

En fonction de ces éléments, 44 étudiants sont venus en France la même année que celle d’obtention du baccalauréat, pour les 33 autres, le décalage entre l’année du bac et l’arrivée en France varie entre un an et 14 ans (graphe suivant).

Figure 9 – Nombre d’années entre l’obtention du baccalauréat et l’arrivée en France pour les étudiants enquêtés ayant suivi des études post-bac au Maroc

Source : enquête personnelle

Pour l’ensemble des étudiants, la moyenne est de 2,08 années entre l’obtention du baccalauréat et l’arrivée en France.

Le lien peut être fait avec un autre critère, celui d’étudier à l’étranger comme premier vœu. Pour 51 étudiants de l’enquête, partir étudier à l’étranger était le premier vœu, ainsi, pour 26 étudiants ce n’était pas le cas.

Les raisons évoquées pour ceux dont la mobilité internationale est un second choix sont : Un échec ou des choix d’écoles inaccessibles (pour 10 étudiants),

Un complément de formation après un diplôme marocain, Une opportunité de bourse ou de thèse en co-tutelle, La pression familiale ou des amis pour partir, Une formation inexistante au Maroc,

La peur de partir, Un travail au Maroc.

Les raisons évoquées pour ceux qui ont décidé de partir à l’étranger sont variées. Elles seront abordées en partie dans la dimension d’accès et de valeur du diplôme, dans la dimension économique et dans la dimension culturelle (relative à la fois à la proximité de la culture française mais également à la fuite du système marocain).

0 2 4 6 8 10 12 14 16 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 Etudiants Nombre d'années

Enfin, sur la totalité des enquêtés, seuls 9 d’entre eux n’avaient pas souhaité la France comme premier choix de destination (dont 5 issus du lycée public, 2 du lycée privé et 2 du lycée français). Pour eux, les pays envisagés étaient le Canada (Montréal cité 5 fois), les Etats-Unis (cités 4 fois), l’Espagne (citée 3 fois), la Belgique, l’Italie, la Grèce et le Japon (chacun cité une fois).

Les parcours scolaires au Maroc des étudiants entraînent soit une difficulté pour envisager la mobilité soit, au contraire, une évidence à la formulation du projet de mobilité internationale.

Un professeur marocain exerçant dans une université française, et arrivé comme étudiant dans les années 1980, nous fait part de ses constatations sur l’évolution de la composante du groupe des étudiants marocains en France. Selon lui, l’identification des étudiants ne se fait plus à partir d’une appartenance de type politique, il y a eu un basculement vers une appartenance corporatiste.

« L’appartenance c’est l’école. L’élite politique n’est pas renvoyée à son origine doctrinale mais bien aux écoles comme Ponts et Chaussées, Centrale ou d’autres. Avant la mobilité internationale pour études était une mobilité sociale. Des étudiants de toutes les origines sociales se retrouvaient dans des groupes politiques, tous ensemble. Aujourd’hui il n’y a plus d’étudiants de petit rang social, seulement des classes moyennes ou supérieures viennent en France. » R. professeur marocain en France

Ainsi, la mobilité géographique internationale n’est pas forcément une mobilité sociale. Des éléments seront apportés dans le chapitre suivant relatifs aux réseaux sociaux pendant la mobilité. Pour l’élaboration du projet de partir étudier en France, il est vrai que la présence d’amis à l’étranger renforce l’orientation des étudiants : 59 étudiants parmi nos enquêtés mentionnent cet argument. La plupart des amis sont en France, et nous verrons que le réseau social Facebook permet l’obtention d’informations utiles à l’élaboration du projet, notamment dans le choix des destinations et dans la préparation logistique63.

2.3. Formation et qualification : l’accès et la valeur du diplôme

Outline

Documents relatifs