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des prédicats idéophoniques serbes

3.1. Composition phonologique des prédicats idéophoniques

3.1.4. Symbolisme sonore

3.1.4.1. Vocalisme expressif

Observons d’abord s’il existe un rapport entre la forme morphologique et le sens des formes concernées qui nous permettra de voir si l’on peut parler d’un vocalisme expressif des prédicats idéophoniques.

Mais avant de commencer, présentons les voyelles serbes (i, e, a, o, u) sous une forme de triangle comme le fait la phonétique articulatoire :

Labialisation

Antérieure Moyenne Postérieure

minimal I U

moyen E O

maximal A

Schéma 2 : Voyelles serbes d’après le degré d’ouverture et d’après la labialisation (inspiré par Thomas et Osipov 2012)

Ce schéma met en évidence des traits pertinents des voyelles, comme le notent Paul-Louis Thomas et Vladimir Osipov (2012) :

a) Verticalement : le degré d’ouverture ou d’aperture des voyelles, minimal

(i, u), moyen (e, o) et maximal (a) ;

b) Horizontalement : la labialisation (arrondissement des lèvres) des voyelles postérieures (prononcées davantage vers l’arrière de la bouche) u et o s’opposant à la non-labialisation des voyelles antérieures (prononcées davantage vers l’avant) i et e. (Thomas & Osipov 2012 : 62).

Comme nous avons pu le voir plus haut dans le Tableau 6, les voyelles a, o et u ont presque la même fréquence dans les formes des idéophones étudiées : 27% pour le a ainsi que pour le u et 22% pour le o.

Du point de vue articulatoire, la voyelle a possède une aperture maximale dans la prononciation. En effet, la voyelle a est d’une grande sonorité en serbe, associée à une idée de « longueur » (Thomas & Osipov 2012 : 62). Selon l’étude de Radoje Simić et Branislav Ostojić, quand on prononce la voyelle a, l’angle de la bouche est assez grand (12-14 mm) ainsi que l’ouverture de la bouche (13-41 mm) (Simić & Ostojić 1981 : 18). Lors de la prononciation de la voyelle a, la langue n’a pas de contact avec le palais. Elle

Degré d’ouverture

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189 est dans une position la plus basse par rapport au palais. Une étude phonétique sur les voyelles serbes a aussi été faite par Galić, Pešić et Janković (2016). Les auteurs notent que les caractéristiques que nous venons de présenter font de la voyelle a la plus ouverte voyelle en serbe.48

Habituellement, la voyelle a se retrouve dans les formes qui désignent des bruits forts, de grande intensité : bam u mene, tras na seno, pras na pod. Les formes avec la voyelle a comme bam, tras, pras sont des manifestations très bruyantes (bam peut désigner le choc d’une voiture contre un mur, un coup direct le plus souvent au visage, une gifle, etc.; tras et pras servent à représenter une chute par terre et un coup direct fort). Puis, on observe la voyelle o. Lors de la prononciation, la langue se lève vers le voile de palais et il y a un rétrécissement de la cavité buccale. Les lèvres sont arrondies et projetées en avant. L’angle de la bouche est 6-7 mm et l’ouverture de la bouche varie entre 4-20 mm. La voyelle o est liée à l’idée de « grosseur » qui s’explique par le fait que l’on a une émission arrondie dans la prononciation de cette voyelle : Ja ljos na pod « Je tombe par terre », Ona mene cmok « Elle me donne un bisou », On škljoc dugme « Il appuie sur le bouton ».

La voyelle u fait partie des formes qui sont d’une intensité minimale ; le degré d’ouverture est aussi minimal. Lors de la prononciation, la langue se retire vers l’arrière plus que dans la prononciation de la voyelle o. L’angle de la bouche est très petit 4-5 mm. L’ouverture de la bouche elle aussi n’est pas si grande et varie entre 2,5-12/14 mm. Les formes qui contiennent la voyelle u : bup, tup, dum dénotent en général les bruits assourdis : On mene bup u glavu « Il me frappe à la tête », Kamen tup tup « La pière roule », On dum na pod « Il tombe sur le sol ».

La voyelle i n’est pas si fréquente dans les idéophones serbes. Il s’agit d’une voyelle d’ouverture minimale, elle est antérieure et non-arrondie. Lors de la prononciation de la voyelle i, le bout de la langue se déplace vers l’avant de la bouche tout en restant en contact avec les dents du bas. L’angle de la bouche est 6-9 mm et l’ouverture de la bouche 44 mm. On la retrouve dans les formes qui désignent des petits bruits : fik, klik, zviz. La voyelle i est caractéristique de la « petitesse » et de la

48 Les auteurs ont aussi comparé les voyelles d’après leur fréquence. Ainsi, la voyelle i possède la plus

haute fréquence de 120,03Hz, puis suivent les voyelles avec presque la même fréquence o (118,40Hz) et u (118,28Hz). Puis, on trouve la voyelle e qui est à 117,16Hz et la voyelle a qui a la plus basse fréquence de 116,53Hz. (Galić, Pešić & Janković 2016).

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« légèreté » : Ja klik na folder « Je clique sur l’icône », On zviz glavom u zid « Il se cogne la tête contre le mur ».

Enfin, on a la voyelle e. Lors de la prononciation de la voyelle e, la langue est peu élevée vers le palais. Les lèvres sont écartées. L’angle de la bouche est 10-11mm, ce qui fait que cette voyelle est plus fermée que la voyelle a. L’ouverture de la bouche est 38-40 mm. La voyelle e est présente dans une seule forme, zvek, désignant un son sec et court :

On zvek na pod « Il tombe sur le sol ». N’oublions pas de dire que c’est exactement cette

voyelle (allongée) qui est employée dans les onomatopées désignant des cris d’animaux (bee pour les brebis, mee pour les chèvres).

Comme nous pouvons voir, toutes les voyelles ne peuvent pas être s’employer pour désigner le même type de bruit. Certaines voyelles sont associées à des grands bruits alors que d’autres non. Considérons maintenant le consonantisme expressif des idéophones afin de voir si une consonne est associée à un tel ou tel bruit.