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Analyse des prédicats idéophoniques serbes

2.32. Emploi de zvrc

La forme zvrc figure dans tous les dictionnaires serbes consultés (Matica srpska 1969, VI : 688 ; Rečnik srpskog jezika 2011 : 412).

Le RSJ définit la forme zvrc comme une interjection qui sert à imiter l’action de sonner (2011 : 412). Cependant, il faut noter que des dictionnaires serbes signalent aussi d’autres sens de la forme zvrc que nous n’avons pas répertoriés lors de la collecte de notre corpus et que nous n’avons pas pu attester dans l’usage de la langue contemporaine.

Ainsi, le dictionnaire de Matica srpska la répertorie comme l’interjection onomatopéique qui sert à imiter un coup très léger, comme par exemple avec l’index :

348) Al’ vi Kostu zvrc po čelu. (MS 1969, VI : 688)

« Mais vous tapez Kosta sur le front. »

Cependant, ce dictionnaire donne le premier sens de zvrc qui est ‘sonner’ :

349) Jutros… telefon u štabu zvrc zvrc – neprijateljska kolona kreće se od Dubice. (Ibid : 688)

« Ce matin, le téléphone dans la brigade sonne bring bring – les ennemis arrivent de Dubica. » La forme zvrc n’est pas répertoriée dans les autres dictionnaires consultés.

Le langage courant nous renseigne sur l’emploi de la forme zvrc et donne idée de sa fréquence dans l’usage quotidien.

Observons maintenant l’emploi prédicatif de la forme zvrc.

2.32.1. Emplois prédicatifs de zvrc

Nous avons observé que zvrc est fréquent en fonction prédicative. L’action dénotée par zvrc est en général intentionnelle, ce qui fait que syntaxiquement, zvrc entre dans des constructions transitives et véhicule le sens de ‘sonner’.

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Dans un contexte transitif, zvrc est accompagné d’un COD et éventuellement d’un adjoint, comme dans les exemples suivants :

350) Ja nisam znao šta da radim pa zvrc mamu za savet. (https://goo.gl/Y53Nyj, consulté le 29.03.2018)

« Je ne savais pas quoi faire, c’est pour cela que j’ai téléphoné à ma mère pour lui demander un

conseil. »

351) Ivan uze telefon i zvrc nekoga. Smeje se pola sata. (https://goo.gl/Y53Nyj, consulté le 29.03.2018)

« Il prend le téléphone et téléphone à quelqu’un. Il rigole une demi-heure. »

Il s’agit de l’action d’entrer en communication par téléphone, passer un appel téléphonique. Un être humain réalise une action à l’aide d’un téléphone. Ainsi, la sémantique de ces constructions se rapproche de celle de sonner et prend le sens de ‘sonner’, pozvati « sonner » : Ja zvrc / pozovem mamu za savet « Je téléphone à ma maman pour le conseil ».

Il faut dire que la forme zvrc ne nécessite pas obligatoirement un substantif à la place d’un adjoint, tel que poziv « appel », telefon « téléphone », etc. La forme zvrc elle- même est suffisante pour signifier ‘sonner’, souvent associé à un appel téléphonique. On a aussi affaire à des contextes dans lesquels il s’agit d’une frappe ponctuelle puisque l’action se fait en appuyant du doigt sur un téléphone pour composer un numéro.

2.32.2. Verbes dérivés

Les deux formes, zvrcnuti et zvrckati, sont présentes dans les dictionnaires serbes. Elles gardent le sémantisme du prédicat idéophonique zvrc que nous venons de voir précédemment, ‘sonner, téléphoner’. Pour illustrer cela, citons quelques exemples de notre corpus :

352) Zvrcnula sam majstora koji je po simptomima rekao da je najverovatnije neko crevo. (http://goo.gl/Ar2ECj, consulté le 29.03.2018)

« J’ai contacté un réparateur qui m’a dit, que d’après les symptômes,il s’agirait d’un tuyau. »

353) Telefon joj stalno zvrcka. (http://goo.gl/vDFFkT, consulté le 29.03.2018)

« Son téléphone sonne sans arrêt. »

Comme nous pouvons le constater, le verbe zvrcnuti est perfectif et indique une action unique (téléphoner une seule fois) alors que le verbe zvrckati indique un processus (le téléphone sonne sans arrêt).

2.32.3. Fonction adverbiale de zvrc

Nous n’avons pas relevé beaucoup d’exemples dans lesquels la forme zvrc assume sa fonction adverbiale.

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181 L’exemple suivant contient la forme zvrc, dédoublée, suivie de la forme verbale

zvrcnuti :

354) Gasim i fejs, ko me treba, neka me sms-ne ili zvrc-zvrc zvrcne. (http://goo.gl/Omk8Ta, consulté le 29.03.2018)

« Je suprime facebook. Celui qui a besoin de moi n’a qu’à m’envoyer un sms ou me téléphoner. » En position de sujet, on sous-entend la présence de quelqu’un (donné dans le contexte antérieur), puis on observe me « moi » qui fonctionne comme complément d’objet direct. On y voit encore la forme verbale zvrcnuti qui suit le prédicat idéophonique en intensifiant la force expressive de l’énoncé entier. Il s’agit d’une construction de type ‘IDF-IDF VIDFavec un verbe dérivé de l’idéophone zvrc, précédé d’une forme rédupliquée trois fois de l’idéophone.

Il faut mentionner que la forme verbale est ajoutée ici pour des raisons stylistiques (rime) puisque sms-ne n’existe pas en tant que verbe en serbe (il s’agit d’une forme sms avec la désinence du présent –ne).

2.32.4. Conclusion partielle

Le prédicat idéophonique zvrc que nous venons de présenter a un sens uniforme et s’emploie pour désigner l’action de téléphoner. Le son renvoie à la sonnerie du téléphone qui sonne généralement plusieurs fois avant que l’on décroche. Nous avons pu observer le prédicat zvrc dans des constructions transitives de type SPOA qui ont un COD et éventuellement un adjoint. Cependant, il faut dire que les constructions monovalentes SP restent aussi possibles en serbe Telefon zvrc zvrc « Le téléphone sonne » n’ayons pas trouvé d’exemples.

Les formes dérivées gardent la sémantique de zvrc.

2.33. Conclusion du chapitre II

L’objectif de ce chapitre a été de présenter les formes idéophoniques pouvant fonctionner comme prédicats en serbe. Nous avons pu voir que certaines formes sont plus fréquentes en fonction prédicative (bam, bum, dum, etc.) que d’autres (srk, škljoc, zvrc,

etc.).

Nous sommes partis des descriptions lexicographiques que proposent les dictionnaires serbes pour ces formes, ce qui nous a servi de point de départ pour trouver des exemples que nous avons ensuite analysés dans ce chapitre.

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À part l’emploi prédicatif, nous avons aussi mis en relief d’autres fonctions que les formes idéophoniques possèdent telles que la fonction nominale, discursive, adverbiale et onomatopéique. La plupart des formes étudiées ont la fonction adverbiale et se comportent comme modifieurs adverbiaux, ce que nous présenterons plus en détail dans la chapitre III (cf. § 3.2.4). Certaines formes ont à côté de cet emploi, une fonction discursive : hop, tap, tras, etc. D’autres formes n’ont que la fonction nominale : guc, klik,

srk, škljoc. Il y a aussi celles qui possèdent plusieurs emplois.

Outres les idéophones, nous avons aussi observé les formes verbales, dérivées d’idéophones, ce qui nous a permis de voir le sémantisme des verbes après dérivation.

Après ce chapitre de présentation générale, nous procédons maintenant à la synthèse des prédicats idéophoniques dans le chapitre III.

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Chapitre III

Particularités phonologiques, morphosyntaxiques et