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Emplois prédicatifs de bam

Analyse des prédicats idéophoniques serbes

2.1. Emploi de bam

2.1.1. Emplois prédicatifs de bam

Nous avons observé que bam est très fréquent en fonction prédicative. Il indique une action brève qui produit un bruit fort. Ce bruit est généralement issu du contact avec une surface dure (sol) ou molle (corps) mais jamais avec une surface liquide (eau). Cette action peut éventuellement être répétée et, dans ce cas, il y a réduplication de l’idéophone.

L’action décrite par bam peut être d’origine non intentionnelle, non contrôlée, ou intentionnelle, contrôlée, ce qui fait que syntaxiquement, bam entre aussi dans des constructions intransitives (en véhiculant le plus souvent le sens de ‘tomber’) que transitives (en prenant le sens de ‘frapper’).

Voyons maintenant les situations type dans lesquelles apparaît bam en fonction prédicative et leurs particularités.

2.1.1.1. Contextes intransitifs

Dans un contexte intransitif, en l’absence de complément d’objet direct à l’accusatif, l’idéophone bam est souvent accompagné d’un argument, représentant un adjoint. De ce fait, le prédicat bam se réalise comme un prédicat à deux arguments, le premier désignant le sujet, donné par un nom au nominatif, et le second un adjoint qui est marqué par un syntagme prépositionnel ayant le sens du point final de l’action. On parle de construction SPA. En position d’adjoint se trouve un seul syntagme na + Accusatif, comme dans l’exemple qui suit (na pod « au sol ») :

24) Milena je okretala očima i bam na pod ! (https://goo.gl/Y53Nyj, consulté le 03.01.2018)

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53 Ce syntagme na + Accusatif peut contenir un nombre assez limité de noms qui marquent le point final désignant une surface horizontale et dure à savoir : pod « sol »,

zemlja « terre » et quelques autres. De ce fait, le prédicat idéophonique bam se range à

côté d’autres prédicats de chute avec le sens de ‘tomber’, comme pasti « tomber », srušiti

se « s’écrouler », stropoštati se « s’effondrer », sručiti se « se renverser par terre » : Milena bam / padne / se sruši / se stropošta / se sruči na pod « Milena tombe par terre ». Il s’agit

d’une chute lourde et bruyante.

Notons que le syntagme qui s’emploie pour marquer un contact avec une surface verticale est u + Accusatif. Cependant, ce syntagme s’emploie dans un contexte transitif où le prédicat bam a une autre sémantique. Nous allons le présenter dans les paragraphes suivants.

2.1.1.2. Contextes transitifs

À part le contexte intransitif où le prédicat bam a le sens de ‘tomber’, bam peut également se trouver dans des contextes transitifs où il est toujours accompagné d’un complément d’objet direct, donné par un nom à l’accusatif, et éventuellement d’un autre argument, généralement un adjoint.

La sémantique de ces constructions est plus complexe, puisque bam se réalise ici comme un prédicat à trois arguments, à savoir un sujet, un complément d’objet direct et un adjoint. Il s’agit généralement de situations contrôlées où un homme donne un coup soit directement (main, pied), soit à l’aide d’un instrument (porte), et ce coup peut être direct (frappe) ou latéral (gifle).

Nous distinguons ainsi trois constructions avec bam :

Bam 1 « Coup direct »

Bam 2 « Coup direct avec un instrument »

Bam 3 « Coup latéral »

2.1.1.2.1. Bam 1 « Coup direct »

Lorsque bam désigne un coup direct, ponctuel, ce coup est généralement donné avec le poing ou, plus rarement, avec le pied :

25) Okrenu se naglo Mirko i bam Milana u leđa ! (http://goo.gl/P2aysx, consulté le 04.01.2018)

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Dans cet exemple, une personne, Milan, qui occupe la place de complément d’objet direct, accuse le coup. L’adjoint u leđa « dans le dos » précise à quel endroit précis le coup est porté. La construction observée est de type SPOA.

Dans la phrase suivante, le coup est porté avec le pied sur un objet :

26) Ne radi mi ventilator na računaru ! Ja bam nogom u računar ! Počinje da hladi. (http://goo.gl/P2aysx, consulté le 04.01.2018)

« Le ventilateur sur mon ordinateur ne marche pas ! Boum - je donne un coup de pied dans

l’ordinateur ! Il recommence à refroidir. »

Dans les mêmes contextes, nous pouvons aussi ranger les exemples où le complément d’objet désigne une partie du corps comme glava « tête » (27) projetée contre un endroit précisé par l’adjoint u zid « contre le mur » :

27) Kako je Edin objasnio pokretima ispalo je da je Jelena nju uhvatila za kosu i bam bam glavu u zid ! (http://goo.gl/Q21Cjl, consulté le 04.01.2018)

« Comme Edin l’a expliqué avec les mouvements, Jelena l’a attrapée par les cheveux et a frappé

sa tête contre le mur. »

Comme nous pouvons le voir, une personne, Jelena, en frappe une autre nju « elle ». L’action est répétitive, l’idéophone rédupliqué en apporte une preuve. Le sens prédicatif de bam se rapproche ici du sens de ‘frapper’ : cf. udariti « frapper », opaliti « assener » :

Ja bam / udarim / opalim Milana u leđa « Je frappe Milan dans le dos »14.

Dans les trois exemples cités précédemment, c’est le syntagme u + Accusatif qui se trouve en fonction d’adjoint. Ce syntagme u + Accusatif s’emploie le plus souvent avec les noms désignant une surface verticale contrairement au syntagme vu précédemment dans un contexte intransitif na + Accusatif qui est spécialisé pour désigner une surface horizontale. Les mots pouvant occuper la place d’adjoint désignant une surface verticale sont en nombre limité : zid « mur », semafor « feu de signalisation »,

drvo « arbre », kamion « camion », zgrada « immeuble » et quelques autres.

À part les noms qui désignent une surface dure, le point final peut être marqué par un nom qui indique une surface molle, comme dans l’exemple suivant (u oko « dans l’œil ») :

14 Il est intéressant de constater que lorsque l’accusatif glavu (ex. 6) est remplacé par l’instrumental glavom,

le complément en question prend nettement les « allures » d’un instrument. On comprend alors qu’il s’agit de la propre tête du référent en position de sujet (comme le poing ou le pied qui donne un coup, voir plus haut) et non de la tête de quelqu’un d’autre :

27a) … da je Jelena bam bam glavom u zid !

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28) A on taman okreće glavu ka svetlosti, i ja bam bam pravac u oko. (http://goo.gl/SGd3nc, consulté le 05.01.2018)

« Et il venait juste de tourner la tête vers la lumière, que je le frappais directement à l’œil. » La frappe, ici un coup de poing frontal, est portée par un homme. De ce fait, en position de sujet se trouvent les noms désignant des humains comme dans les exemples (25), (26), (27) et (28). La place d’adjoint est prise par un nom désignant une partie de corps, u

oko « dans l’œil », mais nous pouvons aussi en trouver quelques autres comme : u leđa « dans le dos », u glavu « à la tête », u nos « dans le nez », etc.

D’autre part, notons que la place de complément d’objet direct peut être occupée par un nom désignant un être humain, Milenu (25), des animaux (On bam psa u glavu « Il frappe le chien dans la tête »), ainsi que des objets (Ona bam flašu u zid « Elle tape la bouteille contre un mur »).

Par tous ces arguments, le prédicat idéophonique bam dans le contexte transitif s’inscrit parmi les prédicats d’action dirigée sur un objet comme quelques autres verbes qui fonctionnent dans le même paradigme et qui ont le sens de ‘frapper’, ‘heurter’ : cf.

udariti « frapper », lupiti « heurter », opaliti « assener », tresnuti « frapper fort » : Ja

bam / udarim / lupim / opalim / tresnem Ivana u oko « Je frappe Ivan dans l’œil ». Il s’agit d’une

frappe lourde, accompagnée d’un bruit fort.

Enfin, lorsqu’il y a le syntagme u + Accusatif, il convient de mentionner que la forme bam est aussi fréquente dans un autre contexte :

29) Ako neko misli da motor vredi manje od 700 evra, neka uzme pištolj i bam u glavu ! (http://goo.gl/um9VM8, consulté le 05.01.2018)

« Si quelqu’un pense que le moteur vaut moins de 700 euros, qu’il prenne le fusil et se tire une

balle dans la tête bam ! »

Il s’agit d’un coup fort de courte durée, réalisé à l’aide d’une arme à feu pištolj « un fusil ». Le sujet de ce prédicat est toujours un homme. Le syntagme u + Accusatif désigne celui sur qui le tir est dirigé et il peut aussi comprendre une partie du corps, comme dans la phrase (29) u glavu « dans la tête ». Le moyen par lequel l’action est faite, une arme, n’est pas donné comme un actant du prédicat bam mais se trouve dans le contexte :

pištolj « fusil ». C’est grâce à ce contexte que l’interprétation sémantique de bam tend ici

vers le sens de ‘tirer’. Il s’agit d’une action dirigée sur l’objet en question, cf. pucati,

gađati, ispaliti « tirer », mais, visiblement, il n’y a pas ici de sens causatif15, car le fait de

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tirer ne sous-entend pas forcément ‘tuer’, puisqu’on peut tirer sur des objets, comme en cours de tir, par exemple.

2.1.1.2.2. Bam 2 « Coup direct avec un instrument »

Avec certains types de noms, bam dénote le bruit qui accompagne une action produite par un claquement des objets à charnière : vrata « porte », prozor « fenêtre »,

vratanca « portière d’une commode », kapija « portail », ou des objets à glissière : fioka « tiroir », klizna vrata « porte coulissante », etc. Prenons un exemple :

30) Profesorka, sva besna izađe iz učionice i bam vrata ! (https://goo.gl/Y53Nyj, consulté le 05.01.2018)

« La professeure toute furieuse sort de la classe et claque la porte. »

La porte se referme sous la force d’une frappe Profesorka bam vrata « La professeure claque la porte ». La porte représente en quelque sorte l’instrument d’un homme qui la manipule ; elle est en même temps un objet qui subit l’action et un objet qui en est l’instrument. Dans cet emploi, bam se rapproche du sens de ‘claquer’ : cf. lupiti, tresnuti « claquer la porte » : Profesorka bam / udari / tresne vrata « La professeure claque la porte ».

À part le sens vu plus haut ‘claquer un objet Y’, il y a dans notre corpus d’exemple avec la construction bam na vrata désignant la situation de ‘frapper à la porte’, comme dans l’exemple suivant :

31) Milan je došao trčeći i bam bam na vrata ! (https://goo.gl/Y53Nyj, consulté le 05.01.2018)

« Milan est venu en courant et frappe à la porte boum boum. »

Une personne frappe à la porte. Précisons qu’il ne s’agit pas ici de toquer légèrement, comme ce serait le cas avec la forme kuc (cf. § 2.19), mais de frapper violemment, avec un poing ou la paume de la main, d’une façon plus insistante. La réduplication de l’idéophone bam marque l’itération des coups portés à la porte, il s’agit de deux coups

bam bam.

Bien évidemment, en l’absence de l’accusatif d’objet direct, cette construction avec le syntagme prépositionnel bam na vrata s’emploie normalement dans un contexte intransitif. Cependant, il faut noter que le nom vrata « porte » se place ici en tant que patient dans l’adjoint : on dirige une action sur un objet qui est vrata « porte ».

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57 Enfin, la forme bam peut désigner un coup latéral dans des contextes où il est question d’une gifle, d’un coup volontaire et fort. Contrairement aux deux premières acceptions de bam, Bam 3 « fonctionne » sur un plan latéral, puisqu’une gifle est toujours donnée de côté :

32) Zoki se okrene, krene prema tom navijaču i bam šamar otvorenim dlanom ! (http://goo.gl/13ErWd, consulté le 05.01.2018)

« Zoki se tourne, part vers ce supporteur et le gifle avec toute la main. »

Disons d’abord que cet exemple se trouve à la limite de l’emploi transitif puisqu’il s’agit plutôt d’une construction lexicalisée bam šamar « gifler ». Pour rendre ce sens ‘gifler’, le lexème šamar « gifle » n’est jamais dissociable de l’idéophone. Le complément syntaxique à l’accusatif šamar ne représente pas le patient comme dans le cas de Bam 2. Nous voyons dans cette formation une construction lexicalisée bam šamar ayant un équivalent verbal dans udariti šamar « gifler ». Dans cette construction, la réalisation du nom du patient animé à l’accusatif est bloquée (*bam šamar Mirka). Le destinataire de la gifle est en général marqué par le datif navijaču « supporteur ». On observe enfin que la construction peut aussi contenir un complément de moyen, employé à l’instrumental

otvorenim dlanom « toute la main » (32). Par tous ces arguments, la construction avec bam šamar se rapproche du sens de ‘donner une gifle’ : cf. udariti, opaliti, lupiti, odalamiti, puknuti šamar : Ona meni bam / udari / opali / lupi / odalami / pukne šamar « Elle me

donne une gifle ». Le prédicat bam prend les principales caractéristiques syntaxiques du verbe dati « donner » : bam nécessite un complément d’objet direct et un adjoint marquant le destinataire.