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Visibilités occasionnelles : fêtes et cérémonies exceptionnelles

CONSACRÉS AUX DIEU

B. Visibilités occasionnelles : fêtes et cérémonies exceptionnelles

La statue du dieu pouvait être sortie du temple afin qu’un rituel fût accompli devant elle lors des fêtes civiques. C’était le cas à Sparte lors des fêtes en l’honneur d’Artémis Orthia dont la prêtresse tenait à bout de bras la statue. Le poids de la statue s’alourdissait si les jeunes gens chargés de fouetter ceux qui devaient voler des fromages sur l’autel ne le faisaient pas avec assez de vigueur2. Quel que fût le sens de la cérémonie3, il n’en reste pas moins que la divinité était présente par sa statue visible de tous. À Magnésie du Méandre, un décret du début du IIe siècle réorganisa les fêtes en l’honneur de Zeus Sosipolis. Il précise :

ὁ δὲ στεφανηφόρος ἄγων τὴν πομπὴν φερέτω ξόα- να πάντων τῶν δώδεκα θεῶν ἐν ἐσθῆσιν ὡς καλλίσ- ταῖς καὶ πηγνύτω θόλον ἐν τῆι ἀγορᾶι πρὸς τῶι βωμῶι τῶν δώδεκα θεῶν

« que le stéphanéphore menant la procession porte les statues des douze dieux dans des vêtements les plus beaux et qu’il construise une tholos sur l’agora devant l’autel des douze dieux »4.

Les statues des dieux étaient sorties en procession, cérémonie qui faisait partie de la fête en l’honneur des dieux. Nous ne savons pas bien où les statues étaient conservées, mais la construction de la tholos sur l’agora avait peut-être pour but de les exposer devant leur autel, que l’exposition soit temporaire – pendant la durée de la fête – ou plus longue.

Il existe d’autre part dans plusieurs cités un certain nombre de fêtes rejouant l’arrivée de la divinité. C’est le cas de la fête des Tonaia pour Héra à Samos. Cette statue fut retrouvée par les habitants sur la plage, après une tentative avortée de vol par des pirates. Ayant mis la statue à bord, ceux-ci n’étaient pas parvenus à quitter le rivage et avaient dû l’abandonner sur la plage. Lorsqu’elle fut découverte au petit matin par les habitants, ceux-ci procédèrent à une purification de la statue et la replacèrent dans le temple, où elle était retenue par des branches. Désormais, chaque année, la statue était emmenée sur la plage où une cérémonie de

1

Voir chapitre 2, p. 119.

2

Cf. Pausanias, III, 16, 9-11. Voir Xénophon, La République des Lacédémoniens, II, 9. Voir le cas de l’Artémis Phosphoros de Messène portée par des femmes : inscr. 1032, l. 4 : DAUX 1963, p. 768-774 ; SEG 23, 220 ; THEMELIS 1994, en particulier p. 115-116.

3

Voir NILSSON 1941, p. 457-461 ; FLACELIERE 1948, en particulier 398-400 ; LEVY 2003, p. 59, 101.

4Inschr. von Magnesia

156 purification avait lieu, à l’occasion de laquelle des gâteaux étaient offerts à la divinité1. D’année en année, cet épisode était rejoué, permettant de se remémorer les pouvoirs de la statue qui avait bougé seule (les habitants n’eurent pas vent des pirates), mais aussi de montrer la statue à chacun.

Dans d’autres cas, c’est la première réception du dieu qui était reproduite. Il en allait ainsi du culte rendu à Dionysos par les Athéniens : sur l’Académie, se trouvait un petit temple où était portée la statue de Dionysos Eleuthéros2

, chaque année, au moment des Grandes Dionysies. Le reste de l’année, la statue se trouvait à Éleuthère, mais lors des concours de tragédie, la statue de Dionysos était présente dans le théâtre3, où des éphèbes l’apportaient4. Cet acte était l’offrande d’un divertissement au dieu, élément très approprié pour sa réception : un rite de xenismos5. Cette réception est perçue, selon Chr. Sourvinou-Inwood, comme une réactivation de la première réception du culte et en même temps donne une expression concrète à l’arrivée du dieu dans la cité hic et nunc6. Toute la population pouvait alors le voir facilement par ces fêtes qui commémoraient son arrivée7. C’était aussi le cas de Dionysos à Smyrne8, d’Apollon à Delphes le 7 du mois de Bysios9, de Korè à Théra10 ou à Mantinée11.

D’autres fêtes permettaient de voir la divinité : c’étaient des fêtes à l’occasion des soins de la statue, et en particulier à l’occasion de son bain. À Argos, les lôtrochoi baignaient la statue de la déesse12. D’autres statues de divinités étaient également baignées comme Artémis à Éphèse, Artémis et Athéna à Ancyre, Aphrodite Pandémos à Athènes13. Les

1

Athénée, XV, 672.Voir ROMANO 1988, p. 129 ; BETTINETTI 2001, p. 109, 158.

2

Pausanias, I, 29, 2 ; IG, II², 1368 ; scholie Aristophane, Acharniens, 243a. Cf. Pausanias, VII, 21, 6 à Patras. Voir PICKARD-CAMBRIDGE [1953], 1968, p. 59-60 ; BURKERT 1988, p. 84, n. 22 ; SOURVINOU-INWOOD 1994, p. 268-290 ; 2003, chapitre II.1 ; PARKER 1996, p. 92-95 ; STEINER 2001, p. 84.

3

Aristophane, Grenouilles, 536. Voir Arthur PICKARD-CAMBRIDGE [1953], 1968, p. 60.

4

Cf. IG, II², 1006, 1008, 1011. Voir SOURVINOU-INWOOD 2003, p. 69.

5

Voir SOURVINOU-INWOOD 2003, p. 73.

6

SOURVINOU-INWOOD 2005, p. 151.

7

Voir également GLADIGOW 1985-1986, p. 116-117 ; SOURVINOU-INWOOD 2005, p. 151-168.

8

Philostrate, Vie des Sophistes, 531. C’est le cas à Milet (LSAM 48, et le commentaire à la l. 21, p. 125) ; à Priène (LSAM 37, l. 5), à Ephèse (ENGELMAN, KNIBBE & MERKELBACH 1980, n° 661, l. 20). Voir BURKERT, 1988, p. 84, n. 22 ; SOURVINOU-INWOOD 2005, p. 156.

9

Plutarque, Etiologies grecques, 292EF ; Callisthène d’Olynthe, FGrHist 124F49. Voir SOURVINOU-INWOOD

2005, p. 157.

10

Cf. Pausanias, III, 20, 7.

11

Cf. IG, V, 2, 265-266. Voir JOST 1985, p. 346-349 ; BURKERT 1988, p. 85 ; SOURVINOU-INWOOD 2005, p. 161.

12

Voir Callimaque, V Pour le bain de Pallas, 1, 51-52 ; scholie Callimaque, Bain de Pallas, V, 1. BRULE 1987, p. 113 ; BETTINETTI 2001, chapitre IV.

13

Artémis à Ephèse (EM, s. v. Δαιτίς) ; Artémis et Athéna à Ancyre (BRINKMANN 1905, p. 160 avec le martyrologe de St Théodose) ; Aphrodite Pandémos et Peitho ( ?) à Athènes (IG, II², 659 ; LSCG 39, l. 21-26 ; SIMON 1983, p. 48-51). GINOUVES 1962, p. 284-294, présente d’autres cas, mais il ne s’agit que du bain d’une déesse dans le mythe). Par contre, le bain d’Héra à Nauplie semble se faire de façon cachée, Pausanias, II, 38, 2, parle de mystères sacrés. Voir également KAHIL 1994, p. 219-222.

157 interprétations de ces rites sont diverses1, mais celle qui semble s’imposer est de donner une nouvelle jeunesse, une nouvelle puissance à la déesse, mais aussi de permettre à la puissance retrouvée de la déesse de s’étendre à l’ensemble du territoire. Les populations de la cité avaient ainsi une occasion de voir la statue de la divinité lors du parcours entre le temple et le lieu du bain2

.

La statue des divinités semble facilement visible pour les visiteurs des sanctuaires ou lors des fêtes, tandis que le personnel cultuel bénéficiait d’une vision plus importante du fait de sa charge. Néanmoins, ce n’était pas toujours le cas.

II. Limites ponctuelles et permanente à la visibilité des statues des divinités

En effet, la statue du dieu pouvait parfois ne pas être vue. Il faut différencier plusieurs cas de figures selon que les restrictions concernaient le temple, la statue ou les personnes3.