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Le développement architectural de certaines structures

CONSACREES AUX DIEU

D. Le développement architectural de certaines structures

Si certains édifices étaient assez ouverts et permettaient aux Grecs de voir facilement les rituels, le développement architectural des sanctuaires pouvait en rendre certaines parties moins visibles. C’est le cas de Dodone. Les sources littéraires n’apportent pas de précision utilisable sur le type de consultation oraculaire qui reste très discuté1. Les fouilles menées par S. Dakaris ont montré comment l’espace sacré autour du fameux chêne se construisit progressivement. Démon, un historien attique du milieu du IVe siècle indique qu’il n’y avait pas, à une haute époque, de murs autour du lieu de culte de Zeus à Dodone : celui-ci était entouré de trépieds et le culte avait lieu à ciel ouvert2, ce qui le rendait facile à observer. Ensuite, vers 400, fut construit un temple de Zeus, le temple M qui mesurait 4 m sur 6,5 m ; à partir de la fin du IVe siècle, un mur de maçonnerie isodomique de 13 m sur 11,8 m entourait

le temple et le chêne. Simple mur dont on ne connaît pas la hauteur, il délimitait l’espace du

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Callisthène FHG, 124 F 22a, b apud Cicéron, De la divination, I, 34, mentionne l’utilisation des sorts à Dodone. Cependant, l’image qui ressort le plus des sources littéraires est une procédure oraculaire en lien avec un chêne (Odyssée, XIV, 328 ; Sophocle, Les Trachiniennes, 172 et scholie, 1157-1178 et scholie au vers 1168 ; Hésiode, fr. 319 Merkelbach-West apud Strabon, VII, 7, 10sq ; Strabon, fr. 1 ; Pausanias, I, 17, 5 ; VII, 21, 2 ; Philostrate, Imagines, II, 33; Maxime de Tyr, Dissertationes, VIII, 1 ; Souda, s. v. Δωδώνη). Pour CORSSEN

1928, col. 221, l’oracle par les sorts se rattache au culte du chêne, le sens primitif de κλῆρος doit être « morceau de bois dont on se sert pour tirer au sort » ; voir également AMANDRY 1950, p. 131. Des lamelles de plomb ont été trouvées dans le sanctuaire. Elles ne sont pas déroulées, le contenu serait resté confidentiel, seulement connu du dieu qui pouvait comprendre la requête. L’usage de marques à l’extérieur (résumé de la question, nom ou chiffre) permettait de repérer les lamelles, la prêtresse annonçant la réponse du dieu pour untel ou pour tel numéro. Voir HOFFMANN 1899, p. 125, no 1587 (93-132) : schrift : Π, Ϲ ; LHÔTE 2006, n° 125, un B pour consultant N° 2 par exemple ; PARKE 1967, p. 109-111 ; DIETERLE 2007, p. 82. Selon LHÔTE 2006, p. 427-429, la réalité est plus complexe avec une intervention du tirage au sort certes, mais avec des variations au gré des époques, des prêtres ou des consultants. L’acte essentiel était peut-être non le tirage au sort, mais le fait de graver un texte sur plomb et l’enfouissement de l’objet au pied du chêne. La majorité des lamelles trouvées ne comporte pas de numéro d’ordre ou de réponse. Elles ont été enfouies, pliées ou roulées par les consultants. Cependant, BOUCHÉ-LECLERCQ [1879-1882] 2003, p. 481-482 ne voit dans cette pratique de cléromancie qu’une introduction ou réintroduction du IVe siècle en une période de décadence de l’oracle. Or, les lamelles de plomb sur lesquelles les questions étaient posées datent du début du Ve siècle au IIe siècle, voire pour l’une du troisième quart du VIe siècle (DAKARIS, CHRISTIDIS et VOKOTOPOULOU 1993, p. 55-60, n° M-4 ; DIETERLE 2007, p. 70 mentionne deux autres lamelles du VIe siècle : i2 = M12 et i143 = M431). Cette pratique des sorts remonte au moins à la fin du VIe siècle selon les lamelles de plomb, voire au-delà si les questions étaient posées oralement auparavant. En dernier lieu, voir RUDHARDT 2006, p. 108-120 ; MYLONOPOULOS 2006a ; GEORGOUDI 2012.

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Stéphane de Byzance, s. v. Δωδώνη ; Souda, s. v Δωδωναῖον χαλκεῖον ; Apostolios 6, 43 ; Servius, scholie à

117 sanctuaire, mais ne cachait probablement pas la vue. Au début du IIIe siècle, le roi Pyrrhos

rénova le sanctuaire et élargit le mur d’enceinte à 20,8 m sur 19,2 m avec trois colonnades ioniques (fig. 53). C’est alors que se produisit une fermeture nette du sanctuaire1. Polybe rapporte comment les Etoliens détruisirent Dodone en 219, même la ἱερὰ οἰκία2 ; elle fut remplacée par un grand temple ionique aux frais de Dion de Macédoine, qui ajouta des propylées en forme de portique prostyle de quatre colonnes ioniques en façade. Ce dispositif monumentalisa l’entrée du péribole et changea l’axe du sanctuaire désormais aligné sur celui de l’oikos. Selon cette hypothèse, il était alors possible de voir la statue dans l’oikos depuis l’extérieur3. À nouveau détruit lors de la troisième guerre de Macédoine et en 86 par les Thraces de Mithridate, le temple fut rénové par Auguste après la victoire d’Actium4. L’édification de constructions de plus en plus élaborées n’avait pas pour but de rendre invisible le rituel qui se déroulait à l’intérieur de l’espace sacré, mais en fut le résultat : on ne le voyait sans doute plus à partir de la fin du IVe siècle. Le but de l’évergétisme des rois et des

confédérations était de laisser leur empreinte sur le sanctuaire et de montrer ainsi leur pouvoir et leur domination. Alexandre lui-même voulut y imposer sa marque, mais il en fut empêcher par la mort5. La monumentalisation du sanctuaire exprimait une délimitation du territoire sacré, manifestait la domination des puissances qui y intervenaient, ce qui modifiait le lien entre les pèlerins et le sanctuaire. Cette fermeture devait convenir aux autorités du sanctuaire, sans quoi de tels travaux n’auraient pu être entrepris. Une telle fermeture apportait peut-être plus de solennité aux consultations et donnait une vision plus construite du sanctuaire et du rituel.

Les structures semi-ouvertes sont donc diverses. Certaines pouvaient chercher à limiter la vue d’une partie des rituels. Parfois, la limitation provenait du développement architectural du sanctuaire, sans qu’il ne soit intentionnel. D’autres structures, au contraire, recherchaient une mise en valeur visuelle de l’intérieur de l’édifice. Toutefois, bien souvent, ce qui était donné à voir reste difficile à appréhender en raison du manque de connaissances précises sur l’usage des édifices.

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DAKARIS 1963, p. 38-39. MYLONOPOULOS 2006a, p. 188-191.

2

Polybe, IV, 67, 1-4. Voir CABANES 1976, p. 355 ; MYLONOPOULOS 2006a, p. 191-194 ; QUANTIN 2008, p. 19. Selon Diodore de Sicile, XXVI, 7, l’oikos fut épargné, cf. CABANES 1976, p. 332, mais QUANTIN 2008, p. 19 souligne que Polybe n’écrit pas que la maison sacrée est le temple de Zeus Naios.

3

QUANTIN 2008, p. 19-20.

4

CARAPANOS 1878, p. 140-148, 170-173 ; VANDERPOOL 1961, p. 301-302 ; DAUX 1959, p. 669-673 ; DAKARIS

1960, p. 4-40 ; 1963, p. 35-59 ; 1971, p. 19-25, 38-49 ; PARKE 1967, p. 114-124 ; LHÔTE 2006, p. XII-XIV ; RUDHARDT 2006, p. 96 ; DIETERLE 2007, p. 105-117, 153-157.

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III. Des structures ouvertes

Un dernier type de structure architecturale était présent dans les espaces sacrés grecs : des structures ouvertes, dans lesquelles les pèlerins pouvaient entrer facilement, ce qui leur permettaient de voir le déroulement des rituels. La première et la plus importante de ces structures est l’autel, élément indispensable au culte. Le second cas que nous analyserons est celui des écrins ouverts.