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Pour une intégration du paysage dans les réflexions sur la mobilité pédestre

1. Vers une définition du paysage urbain

1.3. Une référence explicite au polysystème paysage

Le polysystème, outil d’appréhension du paysage créé par l’école bisontine, fixe un cadre conceptuel d’analyse (figure 21). C’est sur la base de cette définition objective que nous effectuerons notre recherche. A l’origine, le polysystème était constitué de trois "boîtes" (Brossard et Wieber, 1984) :

Figure 21 : Le polysystème paysage

- La première boîte qui accueille les éléments producteurs de paysages. Ces derniers, d’origine abiotique, biotique ou anthropique interagissent pour donner naissance au paysage visible. Ce sous-système nous rappelle que l’anthropique est bel et bien un composant essentiel de la production des paysages, au même titre que les éléments dits naturels ;

- Le système visible, composé d’objets et d’éléments d’image est celui qui s’offre à la vue des individus. Il existe et est observable de manière quasi identique par le plus grand nombre mais est perçu de manière éminemment individuelle. Pour l’étudier, et malgré le vœu d’objectivité du chercheur, il faut nécessairement "passer" dans la sous-boîte utilisateur-recherche et franchir au passage le filtre perceptif qui le "dénature" ;

- Le sous-système utilisateur qui regroupe toutes les façons de disposer du paysage. Les finalités d’utilisation ne sont pas identiques et influencent en grande partie le fonctionnement du filtre perceptif, c’est-à-dire la manière dont sera appréhendé le paysage. C’est dans cette boîte que s’expriment les différences de perception entre les individus car le paysage est obligatoirement quelque chose de reconstruit personnellement. Le paysage n’existe donc qu’à travers chaque regard ; on retrouve ici des principes phénoménologiques puisque l’on s’attache à décrire l’expérience tell qu’elle émerge dans un contexte, telle qu’elle est vécue par chaque individu en fonction de sa subjectivité. Ainsi, c’est dans ce sous-système que l’on découvrira que nombre de personnes n’ont pas conscience d’avoir affaire à un paysage lorsque l’anthropique est très (trop) prégnant.

e

quasi similaire. Berque (1990), par exemple, qualifie de médiance le fait que le paysage résulte de l’interaction continuelle entre la subjectivité de l’observateur et l’objet paysager, ce que G. D’autres définitions du paysage existent mais les différences, lorsqu’il y en a, relèvent plus de la forme que du fond. De nombreux auteurs caractérisent d’ailleurs le paysage de manière

Di Méo (2000) qualifie plus généralement de phénomène de production-inscription de l’homme dans son espace de vie. Cette définition se retrouve dans le polysytème via le jeu de flèches entre les systèmes producteur, utilisateur et paysage visible. Péneau (2000) définit l’ambiance urbaine à la croisée des éléments physiques et quantifiables de la ville et de l’expérience personnelle et collective des citadins. La définition de M. Collot (1986) est sensiblement la même puisqu’elle place le paysage entre propriétés objectives et significations subjectives. Enfin, Bailly (1995) souligne le rôle de l’imaginaire spatial en tant qu’interface

che en psychologie18, tente également de

formaliser ce lien entre sujet et objet en étudiant la manière dont les hommes partagent et

s citadins, on peut toutefois regretter que ce

égie l’étude des représentations et de l’imagination pour expliquer l’influence des processus d’acquisition de

lle cherche à démontrer que, comme chaque individu

hie comportementale, également nommée béhavioriste, privilégie ainsi l’étude des processus

Certains écueils sont toutefois à éviter et M. Roncayolo (1996) nous met en garde contre une basée sur la perception qui verserait dans le sensualisme19. Les

entre structure de la ville et pratiques individuelles.

Un quatrième sous-système, ajouté plus tardivement, permet de décomposer plus précisément le filtre perceptif. Il s’agit du paysage perçu, fruit des constructions individuelles et collectives (caractéristiques physiologiques, psychologiques, milieu socio-culturel, éducation…). L’étude des représentations sociales, courant de recher

élaborent leurs connaissances. Ce sont ces connaissances socialement partagées qui, par exemple, expliquent les différences de perception entre groupes sociaux au sein des villes. Ce sous-système est aussi important que les autres. S’il faut reconnaître qu’il est difficile de prendre en compte les perceptions paysagères de

sous-système soit peu reconnu par les acteurs de l’aménagement du territoire pour qui les éléments paysagers seraient en théorie perçus de manière homogène par tous.

En réponse à ces constatations, la géographie comportementale s’est proposée d’étudier les comportements des individus. La problématique comportementale privil

l’information sur les pratiques spatiales. E

est porteur de ses propres représentations, il existe une infinité de liens qui unissent un même territoire à ceux qui le pratiquent. "L’espace n’existe qu’à travers les perceptions que

l’individu peut en avoir" (Bailly, 1977) et au final, pour ne parler que du milieu urbain,

"chacun porte sa ville en soi" (Ferras, 1990). Tout lieu n’est donc pas uniquement caractérisable à partir de valeurs économiques, historiques ou sociales ; l’espace est aussi psychologique puisqu’il est constitué d’une image dotée d’une identité, d’une signification variant suivant les caractères des observateurs et selon leur vécu. La géograp cognitifs des individus et des petits groupes et considère que la somme de leurs attitudes spatiales génère des structures macro-géographiques observables et quantifiables. En ce sens, notre démarche d’analyse des déplacements pédestres procédera de cette problématique.

approche essentiellement

travaux sur la perception en milieu urbain ne doivent donc pas conduire à une définition trop rigide des politiques à mener car il faut se garder de tout déterminisme architectural ou

18 - E. Durkheim fut l’un des premiers à formaliser ce phénomène en énonçant que les faits sociaux s’imposent aux consciences individuelles.

19 - Doctrine philosophique selon laquelle les connaissances de chaque individu sont exclusivement le fruit de ses sensations.

urbanistique ; les expériences passées et avortées comme les utopies de la ville nous le rappellent fort bien. Il n’est pas possible d’établir un lien définitif entre une politique (paysagère ou autre) et les comportements collectifs qu’elle est censée générer. L’interface perception, située entre le paysage visible et le système utilisateur est donc à étudier avec la plu isant à définir les liens entre ces deux champs doi se référer au système utilisateur.

1.4

volue à un rythme plus lent que les usages qu’il abrite. Le terme d’"hystérésis" est souvent emprunté à la physique pour illustrer ce retard du paysage sur le fonctionnel. Cela conduit donc fréquemment à une situation d’anachronisme car le paysage, it naître

aux âges de la ville. C’est une évidence, personne s grande précaution et les démarches v

vent être rigoureuses, objectives et

. L’hétérogénéité paysagère des villes

Le paysage urbain porte le témoignage de l’ancienneté des villes. Comme nous l’avons vu dans le polysystème paysage, la dimension visible est étroitement liée au système producteur. Mais en milieu urbain, ce lien est parfois difficile à établir par les citadins car les deux sous- systèmes peuvent avoir évolué de manière disjointe. En effet, le paysage est à l’origine synchronique car il est en adéquation avec les fonctions qui l’ont fait naître ; puis il peut devenir diachronique lorsqu’il é

et plus généralement l’espace, porte en partie le témoignage des usages qui l’ont fa

(Viard, 1981). Les paysages urbains sont ainsi fréquemment qualifiés de "palimpseste urbain" car ils sont la résultante d’une lente accumulation de couches plus ou moins renouvelées et plus ou moins signifiantes pour les citadins.

A ce titre, de grandes différences existent entre les quartiers : alors que certains sont plutôt "homogènes", d’autres ont connu une succession de modifications (Roncayolo, 1996), source de diversité mais aussi parfois de manque de lisibilité. Cette dualité s’exprime souvent en fonction de la distance au centre qui est liée

ne s’attendra à ce que les paysages soient identiques dans les centres-villes anciens et dans périphéries, lieux de l’expansion et de la dédensification de la ville. Prenons l’exemple du bâti. A mesure que l’on s’éloigne du centre, les densités de construction sont moins prégnantes, les formes des constructions changent (figure 22).

Dans le centre-ville, des immeubles bas forment des îlots ceinturant les rues. Les vides sont rares et la proximité du bâti crée un corridor urbain bien défini même si les îlots ne sont que très rarement homogènes. En périphérie, qu’il s’agisse de grands immeubles ou de maisons individuelles, on trouve des constructions plus modernes qui laissent plus de place aux espaces emprise au sol s vues du dessus de la figure 22 font apparaître

gie et aux paysages très différents, qui alimentent une polémique portant sur leurs avantages et inconvénients supposé opposent au sujet des mutations modernes de la ville, entre c ville émergente en

es et résultant de l’étalement urbain généré par la mobilité facilitée. D’ailleurs les politiques paysagères actuelles tendent à privilégier l’ancien au risque de faire parfois du postmodernisme architectural, friand de signes et qui remplace "l’histoire par la

référence et l’usage par le symbole

davantage d’urbanité que l’îlot ouvert" (Panerai , 1997). De la même manière, les

souvent arbitraires et dépendants du bon vouloir des décideurs.

ants de la ville récente à ceux de la ville "traditionnelle" n’épargne pas les paysages. La nécessité d’objectiver vides. Ces types de construction contribuent à façonner des identités paysagères spécifiques. De telles différences peuvent, par exemple, être calculées par le coefficient d’

rapporté à la hauteur du bâtiment sur une parcelle donnée. En périphérie, la liberté des promoteurs et architectes est moins contrainte car les normes sont nettement moins restrictives qu’au centre-ville. Ainsi, les différences que le

sont encore plus flagrantes vu du dedans.

En créant les conditions d’un éloignement au centre, les nouvelles conditions de mobilité sont à l’origine de l’émergence de ces nouvelles formes urbaines. Or, ce sont ces formes, à la morpholo

s. Il semble que deux courants s’ eux qui veulent laisser sa chance à la

se détachant des visions "passéistes", et ceux qui dénoncent une détérioration des territoires urbains avec la baisse des densités. A ce sujet, F. Héran (2002) entretient le débat en affirmant que "l’appauvrissement de l’architecture et de la composition urbaine au cours de ce siècle

découle largement de l’usage de l’automobile et de la fonctionnalisation de l’espace qui lui est indissociable". Il semble en effet que l’attention paysagère soit beaucoup plus lâche en ce qui

concerne les réalisations présentes. Pour s’en convaincre, citons l’exemple emblématique des entrées de villes offrant leur lot de paysages "atypiques" et qui, jusque très récemment, ne semblaient pas ou peu être à l’origine de questionnements. Fonctionnelles à l’extrême, livrées à la seule initiative des promoteurs, elles sont longtemps restées à l’écart des questionnements urbanistiques et paysagers.

Il faudrait donc distinguer la diversité du bâti des centres-villes, fruit d’une lente accumulation historique (Mangin et Panerai, 1999), de la monotonie des paysages périphériques récents, aux constructions standardisé

" alors même que "l’îlot fermé ne garantit pas a priori

et al.

héritages paysagers sont le fruit de vifs débats. Il y a ceux que les politiques urbanistiques conservent et valorisent précieusement car ils sont censés occuper une place de choix dans l’imaginaire collectif en tant que patrimoine, esthétique, historique ou social. Mais il y a aussi les héritages que l’on cherche à cacher ou à faire disparaître car ils nuiraient à l’image de la ville. En attente de "recyclage", ils ne sont que temporaires et ne font pas partie de l’avenir des villes. Des opérations de réhabilitation, de restructuration privées ou publiques doivent, à terme, les remplacer (Wiel, 2002). Or, ces choix sont

les connaissances sur la perception des paysages n’en apparaît que plus impérieuse. Elle peut, pour cela, s’appuyer sur une prise de conscience récente des pouvoirs publics.