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Le modèle rhénan ou la ville compacte : un scénario impossible ?

La ville recomposée

Encart 1 : La problématique de la localisation des activités commerciales : le modèle de Hotelling

3. Vers une redéfinition de la proximité

3.1. Le modèle rhénan ou la ville compacte : un scénario impossible ?

Bieber et al. (1993a) proposent trois scénarios pour initier une réflexion sur le développement urbain futur. Parmi ceux-ci, le modèle rhénan, urbanophile et érigé en exemple, représente une alternative à l’expansion des villes françaises qui se sont développées en tache d’huile grâce à un réseau routier tentaculaire et qui ont vu émerger des centralités nouvelles dans le périurbain. Cet étalement, fortement consommateur d’espaces et générateur d’externalités négatives, doit être enrayé par un modèle plus durable. Il s’agit de celui qui prime dans les villes de l’Allemagne rhénane et de Suisse alémanique où les transports collectifs jouent encore un rôle structurant fort, où la marche à pied est valorisée et où l’on tente de limiter l’urbanisation diffuse. Dans ces villes "compactes", on privilégie une bonne maîtrise de l’occupation des sols tout en limitant les investissements routiers. Or, certains travaux ont confirmé que les fortes densités entraînent une baisse des distances moyennes parcourues et un rééquilibrage en faveur des modes doux, ce qui occasionne une réduction de la consommation d’énergie (Fouchier, 1997 ; Pouyanne, 2004).

Figure 7 : Eléments de prospective : quel scénario ?

Par ces qualités, le modèle rhénan s’oppose au scénario saint-simonien, vers lequel évoluent de nombreuses villes françaises et européennes, et qui cumule centralité forte, périurbanisation rapide et non contrôlée et spécialisation fonctionnelle des espaces. La réalité est donc sans appel : les quartiers européens ne sont ni multifonctionnels, ni multisociaux (Ascher, 2000). Quant au scénario californien, urbanophobe, ultra automobile et à l’urbanisation diffuse, il ne concerne pour ainsi dire pas les villes françaises.

ne basée sur les principes du développement durable (urbanisme contre l’automobile) et l’autre valorisant les gains d’espaces individuels (urbanisme avec l’automobile).

De manière presque identique, J. Lévy (2005) propose une réflexion sur l’organisation des villes basée sur les modèles d’Amsterdam et de Johannesburg, qui ressemblent en grande partie aux scénarios rhénan et californien mais dans laquelle il n’existe pas de niveau intermédiaire. V. Fouchier (1997) oppose pour sa part deux philosophies : l’u

Que l’on considère l’une ou l’autre de ces "classifications", on sent poindre, dans les débats

aginer que le modèle rhénan ait une quelconque chance de se réaliser à grande échelle, pour l’ensemble des villes françaises, car le coût social et politique que le modèle implique est tel qu’il le condamne presque systématiquement. Il faut plutôt tirer les enseignements positifs du fonctionnement de ces villes et réfléchir à la manière de les adapter dans des espaces urbains qui ont de toute façon déjà suivi une évolution différente. D’ailleurs, J. Rémy (2002) rappelle que les critiques trop systématiques émises à l’encontre de l’évolution récente des villes sont influencées par notre vision passéiste d’une ville faite pour le piéton et que, dans certains cas, les nouveaux espaces périurbains sont faits de mixité. Dans cette optique, certaines propositions visent à structurer le périurbain en diminuant le nombre de maisons individuelles, en densifiant les zones d’habitat autour des lignes de transport public et en renouant avec le mixité fonctionnelle (Beaucire, 2002). Certes, ces types de réaménagements se basent sur les préceptes de la ville compacte, mais ils ne mettent pas systématiquement en cause le phénomène de périurbanisation.

De manière identique, la plupart des pays occidentaux touchés par la périurbanisation se questionnent sur les problèmes liant déplacements et formes urbaines. L’historique des recherches menées sur la question, dressé par Hall (1997) et Burton (2000), nous démontre que le débat à l’étranger est tout aussi polémique qu’en France. Ainsi, l’un des travaux précurseurs en la matière tendait à démontrer que les villes américaines les plus denses étaient favorables aux déplacements non motorisés (Newman et Kenworthy, 1989), ce que contestèrent Gordon et Richardson (1989) notamment. D’autres voix s’élevèrent aussi pour insister sur l’importance de la mixité fonctionnelle (Handy et al., 2005). Cervero et Radish (1996) ont ainsi démontré que les ménages habitant dans des zones denses et à forte mixité fonctionnelle délaissent plus fréquemment leur automobile.

Certaines de ces constatations ont donné naissance à un nouveau courant urbanistique, le new actuels8, une préférence pour la ville dense et qui assure "la diversité de l’occupation des

territoires" (Ampe et Neuschwander, 2002). Ce scénario, nous rappelle toutefois F. Beaucire

(2004), est plus difficile à mettre en place en France que dans les pays d’Europe du Nord car notre pays se caractérise par de faibles densités et la recherche d’accessibilité conséquente a toujours été obtenue par la vitesse ; les mentalités actuelles sont profondément imprégnées de cet héritage. Autre frein, le manque de coopération intercommunale gêne la mise en place de mesures aptes à lutter contre la périurbanisation, comme la fiscalité foncière concertée. Il est donc difficile d’im

urbanism. Né aux Etats-Unis en réaction à la ville fordiste, à l’étalement urbain et au tout

automobile, il privilégie les formes traditionnelles de la ville : bâti et voirie à dimension humaine, redensification, mise en valeur de l’espace public (et prise de conscience de son rôle), dissociation des espaces de l’habitat et de l’automobile. Le new urbanism est imprégné de développement durable et conjugue densité, diversité et recherche esthétique (Cervero et Kockelman, 1997). L’Union européenne y fait référence de manière implicite dans certaines de

8 - Dès 1990, la commission européenne énonçait, via un Green Paper, les caractéristiques de la ville "idéale" : compacité, faibles distances domicile-travail et domicile-achat, rôle prépondérant des transports publics (Commission of the European Communities, 1990).

ses actions, comme dans sa charte d’Aalborg des villes européennes pour la durabilité par exemple (27 mai 1994).

A l’heure actuelle, ce débat n’est évidemment pas clos et la position la plus sage reviendrait peut-être à suivre l’opinion de R. Mackett (2003) qui nous invite à ne pas établir une relation causale trop forte entre agencement urbain et déplacements. Mais en tout état de cause, plutôt que de garantir la mobilité, les politiques urbaines doivent préserver la meilleure accessibilité possible, c’est-à-dire celle qui ne nécessite pas de déplacements trop coûteux.