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Quelle place pour la mobilité pédestre ?

2. Les conditions d’un report modal en faveur de la marche à pied

2.2. Mieux cerner les besoins de la marche à pied

Dans la plupart des enquêtes, une grande majorité des personnes interrogées souhaite que la priorité soit donnée à la mobilité pédestre aux dépens des

" des citadins persiste, s’intensifie même (Dupuy, 1999). Nombreux sont le idus qui effectuent des déplacements de courte portée en automobile sans même envis faute sur l’individu ? S’est-on suffisamment penché sur les caractéristiques de la mobilité pédestre ? A ce sujet, le rapport d’un comité interministériel sur la recherche et la formation dans le domaine des déplacements non motorisés souligne, peut-être sévèrement11, que les

recherches sont trop rares en France (Gilbert et Faure, 2002). Plus grave encore, ce rapport note que la formation universitaire délaisse les modes non motorisés et que les program

doux, qu’ils considèrent d’un point de vue uniqu

Pourtant, à bien y regarder, certains spécialistes de la mobilité et de l’urbain considèrent les déplacements de manière moins restrictive. Ainsi, pour F. Ascher (2000), "se déplacer n’est

pas seulement un moyen d’accéder à une activité, à un lieu, à une fonction. C’est aussi un temps et une activité spécifique, qui a ses qualités propres". Par conséquent, "le déplacement n’est pas un acte totalement transparent sur le plan du sens, bien qu’il soit (ou justement parce

10 - A la vitesse constante communément admise de 5 km/h.

11 - Rappelons, par exemple, qu’un programme comme le PREDIT a initié de nombreuses recherches sur les déplacements non motorisés.

qu’il est) tellement ancré dans notre quotidien" (Petit, 2002). Il faut dénoncer la conception

exclusivement "transitive" du mouvement (Amar, 1993), acte et expérience qui passe trop souvent au second plan (Lussault, 2005). Car, en somme, circuler n’est pas le contraire d’habiter (Sansot, 1998) et il faut examiner les déplacements sous un angle plus qualitatif : cela reviendra à considérer les individus comme de véritables acteurs de leur mobilité.

Or, comme le rapport à l’espace urbain est dépendant du mode utilisé, la mobilité pédestre doit, plus que toute autre, être appréhendée en fonction de ses spécificités.

Figure 17 : Interaction entre modes de transport et territoire Le con degré modes l’envir modes En co urbain

souhai ernative potentielle, il faut donc favoriser cette proximité et faire en sorte que l’espace public ait un sens pour les déplacements lents.

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cept d’adhérence, qui symbolise pour chaque individu et en fonction du mode choisi le d’interaction avec l’espace du mouvement (Amar, 1993), distingue la marche des autres parce qu’elle induit, pour celui qui la pratique, une immersion complète dans onnement (figure 17). La mobilité pédestre est en effet un temps moins neutre que les motorisés car le piéton est plus sensible à l’espace en tant que support du déplacement. nséquence, la marche peut être assimilée à une "couture à petits points de l’espace

" (Amar, 1993) qui maintient un besoin de proximité physique au sein des villes. Si l’on te préserver la mobilité pédestre en tant qu’alt

Cette conception est à opposer aux territoires de l’automobile car "plus la densité décroît, p

choses se compliquent. L’espace urbain se dilue en voies primaires bordées

ps de savoir où l’on est" (Panerai ent d’un giratoire à un autre sans que l’on ait eu le tem

1997).

ualitative, délibérément choisie, la marche symbolise une autre manière de pra pace urbain. Encore faut-il que le piéton y trouve une quelconque satisfaction, ce qui

Figure 18 : Hiérarchie des besoins de la mobilité pédestre

Il est possible d’ordonner ces besoins selon cinq niveaux (Mateo-Babiano, 2003) (figure 18). Naturellement, le premier est celui qui correspond au besoin de se déplacer ; mais il faut aussi, dans l’idéal, que le déplacement se fasse dans des conditions sûres, aisées et qui garantissent plaisir et identification. La mobilité pédestre recouvre donc de nombreuses exigences, ce qui fait dire à Y. Geffrin (1995) que "la marche à pied est le révélateur de la qualité de l’urbain".

la renvoie, entre autres, à la capacité de s’approprier les lieux du déplacement et donc à l’identité et au plaisir. La mobilité pédestre n’est donc pas qu’affaire de technique.

Bien qu’ils soient interdépendants, ces besoins sont hiérarchisés et l’on comprendra facilement qu’un piéton n’attachera que peu d’importance à l’esthétique urbaine si celui-ci éprouve un sentiment d’insécurité lié à l’automobile par exemple : on parlera de besoins gigognes12.

Sur la figure 18, le trait horizontal gras symbolise le seuil maximal de prise en compte des besoins pédestres dans beaucoup de travaux traitant de la marche à pied ainsi que pour la réalisation d’aménagements urbains. Urbanistes et économistes travaillent davantage sur les trois niveaux inférieurs et il faut se tourner du côté de la sociologie ou de la psychologie pour franchir ce seuil qui isole deux composants essentiels de la mobilité pédestre (Thomas, 2004). V. Kaufmann (2004b), qui propose d’appréhender la mobilité comme un capital à travers le concept de motilité, insiste sur la nécessité d’étudier "la manière dont un individu ou un

groupe fait sien le champ du possible en matière de mobilité et en fait usage pour développer des projets". Ce

Satisfaire l’ensemble de ces besoins devrait contribuer à revaloriser les modes doux. Les politiques urbaines qui ont considéré, jusque dans les années 1970, les usagers des villes comme des "citoyens lambda, dont les besoins sont connus, les modes de vie sans mystère, les

pratiques décryptées et les conduites rationnelles" (Segaud, 1996) éprouvent encore des

difficultés à reconnaître l’intérêt de ces besoins plus subjectifs.

Par ailleurs, on remarquera que la marche à pied et la mobilité motorisée sont deux modes particulièrement antagonistes. Une amélioration en faveur de l’un nuira très souvent à l’autre. Par exemple, la vitesse et le nombre des véhicules motorisés suscitent un danger réel et un sentiment d’insécurité qui entraîne l’abandon des modes doux. Il en va de même pour les effets de coupure, occasionnés par les infrastructures routières, qui allongent les déplacements tout en engendrant des comportements à risques comme les traversées en dehors des passages pour piétons (Héran, 2000). Les piétons enquêtés citent d’ailleurs l’insécurité comme la principale cause du manque d’attrait pour la marche à pied (Ovstedal et Olaussen, 2004 ; Ovstedal et al., 2002 ; CEMT, 1994). Ces résultats sont confirmés par le fait que les accidents de piétons surviennent souvent aux abords des grandes voies de circulation. Les modes motorisés sont aussi responsables d’autres désagréments pour les piétons. Nuisances sonores, pollution, stationnement illicite… dégradent les conditions de la marche à pied.