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La législation, symbole d’un prise de conscience des pouvoirs publics

Quelle place pour la mobilité pédestre ?

3. Nouvelles politiques urbaines

3.2. La législation, symbole d’un prise de conscience des pouvoirs publics

Les préoccupations des pouvoirs publics sur la mobilité urbaine sont allées croissant depuis quelques années. Ce crescendo peut être fidèlement suivi en énumérant la succession de lois qui ont été adoptées et qui fixent les jalons d’une mobilité plus réfléchie. Toutes contribuent à établir les bases d’un avenir urbain plus en adéquation avec les termes de la mobilité durable. La loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) (1982) est un texte fondateur dans le domaine du partage modal puisqu’il fut l’un des premiers à stipuler que la politique des transports de personnes devait tendre vers un "développement harmonieux et complémentaire". Dans cette loi, il n’est plus uniquement fait référence à une optimisation technique des

et qui recouvrent préservation de l’environnement, de la sécurité, utilisation rationnelle de l’énergie et plus généralement aménagement urbain. L’objectif affirmé est de garantir le droit au transport et une accessibilité relativement égale pour tous. Les plans de déplacements urbains (PDU) constituent l’une des mesures phares de cette loi ; elle les a instaurés mais sans fixer d’obligation légale. C’est pourquoi leur influence n’est réellement devenue effective que depuis 1996, date de promulgation de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie

(LAURE).

Cette loi comporte de nombreux volets sur les mesures à prendre en ville, par nature l’un des milieux les plus exposés à une diminution de la qualité de l’air et aux conséquences néfastes inhérentes. Ce sont les autorités compétentes pour l’organisation des transports et la gestion des infrastructures qui doivent prendre les mesures nécessaires notamment en centrant le débat sur le difficile problème de la gestion de la mobilité urbaine. La loi incite ces mêmes autorités à faire un bilan des pratiques de mobilité dans les agglomérations urbaines. Le but est d’estimer le coût pour les individus et plus globalement pour la collectivité de la situation observée et de proposer des solutions pour y remédier. Pour ce faire, elle a renforcé les PDU, qui déterminent, au sens large, l’organisation des transports en milieu urbain. L’objectif est d’assurer un "équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité et de facilité d’accès,

d’une part, et la protection de l’environnement et de la santé, d’autre part". En d’autres

termes, ce sont les bases d’une "mobilité durable" au service de l’environnem sont énoncées.

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pu entre les différents ent urbain qui Obligatoire pour les agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants , les PDU doivent favoriser le développement des modes alternatifs pour que chacun ait "le droit de respirer un

air qui ne nuise pas à sa santé" selon le texte de loi. Globalement, ils fixent les grandes

orientations des agglomérations en déterminant une politique précise de gestion et de planification des transports urbains. L’élaboration du plan consiste en une démarche de coordination entre les nombreux partenaires qui concourent, selon leurs compétences, à faire la ville (CERTU, 1996). Dans le texte, la notion d’harmonisation des politiques des différents acteurs des aires urbaines est ainsi primordiale. Souvent ambitieux, les PDU tendent vers un développement harmonieux rendant chaque mode de transport attractif. Ils sont conçus dans l’optique de rétablir en partie, au sein des agglomérations, l’équilibre rom

modes. Pourtant, et il s’agit là de l’un des principaux écueils des PDU, nombreux sont les préceptes qui restent inaboutis. V. Kaufmann (2004a) regrette l’effet d’annonce et l’ambition avortée de nombreux PDU. Selon les agences d’urbanisme, les politiques urbaines sont trop fragmentées et souffrent d’un manque de coordination thématique, géographique et institutionnelle (Sozzi, 1997) et les PDU ne dérogent malheureusement pas à ces approches trop cloisonnées. Ainsi, J. M. Offner (2003) constate "la faiblesse des réflexions systémiques" alors que les actions ponctuelles et isolées ne font que masquer le problème tout en l’amplifiant. Par ailleurs, cet auteur dénonce des calculs inadaptés car basés sur des objectifs de partage modal alors que le critère véhicules-kilomètres est le seul indicateur rigoureux qui témoigne de la réalité des déplacements urbains. Toutefois, en terme de planification urbaine,

les PDU présentent l’avantage de remplir de nombreux objectifs fixés dans divers textes de lois (Petit, 2002) et en constituent l’aboutissement en facilitant l’application des directives.

e (SCOT). Les SCOT définissent des objectifs de développement du territoire16 qui

dépassent les limites de la commune centre (Ecrement, 2002).

Toutes ces lois ont constitué des avancées en terme de planification urbaine et témoignent d’une prise de conscience des pouvoirs publics même si, à l’image des PDU, elles ne sont pas toujours aussi efficaces que prévu.

3. 3. Un exemple emblématique : le nouveau partage de la voirie

Parmi les mesures les plus visibles figure le réaménagement des rues en faveur des modes non motorisés. Les orientations actuelles, qui mettent en œuvre une large panoplie de mesures, visent à "aménager la voirie afin d’orienter les comportements" pour qu’ils deviennent autorégulés et non plus contraints (Héran, 2002). Ces nouvelles dispositions semblent marquer "la fin de la conception de la ville pour l’automobile" (Papon, 2003) et rétablissent la rue dans sa fonction d’espace public dévolu à tous les citadins et à la diversité des pratiques. A ce titre, elles ne luttent pas aveuglément contre l’automobile mais œuvrent plutôt pour un meilleur équilibre et une complémentarité entre modes de transport (Wachter et al., 2002).

L’ancienne doctrine, élaborée entre les années 50 et 70, favorisait le trafic automobile et l’accroissement de l’espace de circulation pour limiter la congestion, à tel point que la rue était devenue monofonctionnelle (Mignot, 2001). Celle qui lui a succédé, à partir des années 90, tient compte de l’ensemble des usagers et répartit plus équitablement l’espace viaire entre les modes. Il n’est nul besoin de décrire plus précisément les exemples d’aménagements rapportés dans le tableau 3 ; très courants, ils témoignent du changement notable des politiques de circulation urbaine même si ces aménagements se situent encore préférentiellement dans les centres-villes. F. Héran (2002) milite pour la généralisation de ces nouvelles mesures, arguant qu’elles seront les plus capables de limiter la dépendance automobile car "l’essor considérable

de ce mode ne s’explique pas d’abord par le penchant des hommes pour cette machine ou pour leur désir de vivre au vert, et encore moins pour la structure étalée des villes contemporaines,

La loi sur la solidarité et le renouvellement urbain (SRU) (2000) entérine l’utilisation

"économe et équilibrée" des espaces urbains et périurbains notamment par une "maîtrise des

besoins de déplacement et de la circulation automobile". Le maintien ou l’amélioration de la

qualité de l’air, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti figurent parmi les objectifs principaux de cette loi. En outre, elle préconise le "maintien de la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale

dans l’habitat urbain", entérinant en quelque sorte les échecs d’un zonage monofonctionnel

excessif et inefficace. Par exemple, l’idée d’un "équilibre entre emploi et habitat ainsi que des

moyens de transport" rejette la dissociation systématique entre bassins d’emploi et zones

d’habitat. La SRU insiste donc sur la cohérence des actions menées entre déplacements et habitat notamment et institue dans cette optique la création de schémas de cohérence territorial

mais tout simplement par la grande efficacité de l’automobile comparée à celle des autres modes". Ce faisant, il pointe du doigt les orientations politiques passées qui ont conféré trop

d’avantages à l’automobile.

Ancienne doctrine

Faciliter le trafic automobile pour limiter la congestion

Nouvelle doctrine

Tenir compte de l’ensemble des usagers de la voirie

Elargissement des chaussées au détriment des

trottoirs, des plantations, des transports publics Réduction de la largeur de la chaussée dès que le trafic automobile ne justifie pas la largeur existante Utilisation de toutes les rues pour assurer la

circulation Création de boucles de desserte, de sens uniques alternés…

Mise à sens unique de voiries à deux voies ou plus

pour faciliter l’écoulement du trafic Remise à double sens de certaines voiries, instauration de contresens cyclables pour redonner un caractère urbain à la rue

Accroissement de la vitesse, tolérance pour les excès

de vitesse Modération de la vitesse : extension des zones 30, excès mieux réprimés… Limitation des trottoirs à la seule fonction de

circulation des piétons Elargissement des trottoirs pour accroître la vie locale Création d’aménagements cyclables quand l’espace

est disponible Création d’un réseau cyclable continu et maillé

Accroissement des possibilités de stationnement Utilisation du stationnement pour contrôler la circulation

Tableau 3 : Deux époques, deux logiques d’aménagement de la voirie (Source : Héran, 2002)

Par rapport à d’autres pays européens, F. Ascher (2000) note que les politiques alternatives peinent encore à s’imposer au tout automobile en France. En Grande-Bretagne, certaines solutions sont plus radicales comme le prouve l’expérience très médiatisée du péage urbain de Londres, que A. Bieber et al. (1993b) qualifient d’approche économique orthodoxe de régulation des déplacements. En Suisse, l’exemple du stationnement est frappant puisque, à titre de comparaison, l’agglomération de Berne qui compte environ deux fois moins d’habitants que Toulouse, ne totalise que 3 800 places de parking contre plus de 29 000 dans la ville rose (Kaufmann, 2003). Ce pays est d’ailleurs très dynamique en terme de politiques favorables aux piétons puisqu’il décerne des prix d’innovations pour la mobilité piétonne aux villes mettant en œuvre des projets innovants. En Allemagne, les zones à vitesse modérée sont beaucoup plus répandues (encart 2).

L’objectif de ces expériences n’est pas d’adopter une position, par ailleurs intenable, qui consisterait à nuire à l’automobile à tout prix mais plutôt de faire en sorte de "conjuguer

l’urbanité, la qualité de vie de nos cités avec les latitudes et les nouvelles possibilités de mobilité offertes par l’usage de la voiture" (Wachter et al., 2002). Et, plus généralement, "la diversité des moyens de locomotion et de traction, la diversité des directions, des vitesses, des destinations, toute cette multitude incalculable des choses si différentes, si hétérogènes, qui circulent sur la voie, requiert, dans l’intérêt général, des solutions adéquates au fonctionnement particulier de chacun de ses éléments, selon la nature de chaque mouvement"

(Cerda cité par Dupuy, 1991). Il semble d’ailleurs que les décisions prises en ce sens soient bien accueillies par l’opinion publique pour peu que celle-ci soit concertée en amont et suffisamment informée.

La ville de Fribourg-en-Brisgau, qui compte 200 000 habitants, a développé depuis plus de 30 ans, une politique des déplacements fondée sur une réduction du trafic motorisé individuel au profit des transports publics, du vélo et de la marche.

▪ Le centre ancien est piéton depuis 1970 et uniquement accessible aux transports publics. Il est resté vivant grâce à l’implantation de nouveaux équipements importants.

▪ Les vitesses de circulation ont été modérées : depuis 1990, près de 90 % des habitants de la ville vivent dans une zone 30 km/h.

▪ De nombreuses mesures ont été réalisées en faveur des cyclistes et un centre des mobilités douces a vu le jour.

▪ La ville a conservé son tramway et mené une politique volontariste pour les transports publics.

Aujourd’hui, cette politique est un succès comme en attestent les chiffres de la mobilité. Si le nombre de déplacements a augmenté entre 1976 et 1999, la part de l’automobile est passée de 60 % à 37 %.

Source : D. Von Der Mühll (2004)

Encart 2 : Fribourg-en-Brisgau, une politique des déplacements réussie

qui aspirent à sions. L’approche holiste qui tenir compte des attentes des individus (Bieber et al., 1993b) n’apparaît pas comme une solution d’avenir et les actions collectives pourront de moins en moins s’opérer sans une reconnaissance et une prise en compte de l’échelon individuel (Norynberg, 2001) ; cela passe par l’instauration d’une