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Quelle place pour la mobilité pédestre ?

1. Un contexte défavorable à la marche à pied

1.3. De nouveaux comportements de mobilité

Si les programmes d’activité et les déplacements qui leurs sont liés sont de plus en plus complexes et motorisés, il faut aussi y voir la conséquence de changements de comportements dont les raisons sont multiples.

On relève tout d’abord une modification des motifs de déplacement au profit du motif loisirs qui donne lieu à des déplacements moins standardisés. Le nombre de déplacements domicile- travail est toujours majoritaire (0,74 déplacement par personne et par jour contre 0,36 pour les loisirs), notamment parce que les horaires de travail ont été assouplis ; mais il est proportionnellement en diminution, la réduction du temps de travail marquant l’avènement d’une société plus consumériste et qui laisse davantage de place aux loisirs. Ainsi, les oir progressé entre 1982 et 1994 (+ 33%),

nstante augmentation, participe aussi à l’essor de la circulation motorisée. Il induit un allongement des dista ces domicile-travail puisque la localisation résidentielle, qui tient compte de deux lieux d’emplois en cas de double-activité professionnelle du m ésenté comme l’un des remèdes à l’omniprésence automobile, tend à disparaître au sein même de la cellule déplacements de loisirs sont les seuls à av

principalement aux dépens des motifs travail et professionnel (-20 %) (Massot et Orfeuil, 2000). Avec la diversification des besoins, une même journée voit se succéder les motifs de déplacements et les programmes d’activités deviennent plus complexes (Bonnafous, 1993), plus diffus dans l’espace urbain. Le budget-temps de la mobilité n’augmente toutefois pas puisque le principe des vases communicants opère entre travail et loisirs (Beaucire, 2001 cité par Halleux, 2004). Le nombre de déplacements reste stable ce qui semble en apparence contradictoire mais cela s’explique par la multiplication des chaînes de déplacement qui impliquent plusieurs motifs. Les trajets aller-retour centrés sur le domicile cèdent la place à des boucles plus complexes impliquant des motifs variés et pas toujours planifiés en amont. Cette "mobilité zigzagante" (Bailly et Heurgon, 2001) se substitue progressivement aux déplacements à motif à unique.

Par ailleurs, la désynchronisation et la baisse du temps de travail occasionnent une réduction des pointes de trafic du matin et du soir (Wachter et al., 2002), qui sont traditionnellement défavorables à l’usage de l’automobile puisque celle-ci n’enregistre que 50 % de part de marché dans ces créneaux horaire (Geffrin, 1995). Elles étalent dans le temps les déplacements, ce qui engendre également des problèmes d’adaptation de l’offre des transports en commun.

Le travail féminin, en co

n

énage, est moins efficace. En outre, le covoiturage, pr

familiale (Bailly et Heurgon, 2001). Les temps quotidiens de chaque membre du ménage sont de moins en moins compatibles, ce qui favorise aussi la multimotorisation. Ainsi, les distances parcourues par un couple sont égales, à peu de choses près, au double de la distance parcourue par une personne vivant seule (Nicolas et al., 2002).

Parallèlement, l’instabilité du monde du travail joue également sur les pratiques de mobilité. Les individus changent d’emploi plus souvent qu’ils ne veulent ou ne peuvent changer de domicile. L’accession à la propriété entraîne une immobilité résidentielle qui s’oppose à la volatilité du marché du travail.

La diffusion de nouveaux moyens de communication a permis de flexibiliser la gestion quotidienne des individus. Le téléphone portable, par exemple, est l’appareil du "toujours possible", du "dernier moment" et, en ce sens, incite à l’utilisation des modes de transport motorisés plus réactifs qui ne nécessitent pas de planifier à l’avance le programme d’activité. Plus généralement, les comportements de mobilité des citadins sont liés au niveau d’instruction

portements. En liaison avec ces nouvelles pratiques, la "rationalisation du temps" (Bailly et Heurgon, 2001) devient prépondérante, chaque individu acceptant de plus en plus difficilement les pertes de temps inopportunes souvent associées aux déplacements. De plus, la mobilité individuelle est valorisée en tant que révélateur d’autonomie et parce qu’elle permet une libre sélection des espaces urbains ; symbole de modernité, elle entraîne une baisse d’intérêt pour le local, trop restreint et incapable de répondre à toutes les attentes. Les citadins d’aujourd’hui mettent à contribution le territoire urbain dans son ensemble et organisent une concurrence entre les différents espaces. Chaque individu pratique désormais la ville à la carte ; véritable consommateur d’espace, ce dernier comble ses besoins sur des territoires multiples, à la recherche d’une satisfaction maximale. La ville devient donc un espace où tout est possible et où tout peut changer pour un citadin plus stratégique, plus individualiste et désormais allégé du poids de la proximité spatiale.

Or, la voitur car elle est

l’instrument u processus

d’individuation (Rémy, 1996). Quel autre mode peut procurer une telle impression de

dissociation entre urbanisation morphologique et urbanisation fonctionnelle ; il explique le et au niveau social : plus ils sont élevés, plus les individus sont mobiles (Authier et Lévy, 2002). En terme de déplacements, il faut rappeler que pour une bonne partie de la population, "la contrainte temporelle est atteinte plus tôt que la contrainte monétaire" (Orfeuil, 1995) même si cette constatation ne doit toutefois pas faire oublier que les revenus modestes consacrent une part budgétaire importante à leurs déplacements et qu’ils sont, de ce fait, très sensibles aux variations des coûts. La hausse du niveau de vie a donc contribué à l’augmentation de la mobilité urbaine.

On note ainsi un changement général de comportement des citadins qui nourrit un processus d’individuation favorisant l’individualisation des com

e est en adéquation avec ces nouveaux comportements quotidiens du libre choix et de la flexibilité ; elle est étroitement liée a

liberté (Dupuy, 1995) ? En outre, c’est un espace privé, considéré comme une extension du domicile et qui agit comme un trait d’union entre le binôme domicile-ville qui correspond, rappelons-le, au nouveau mode de fonctionnement des citadins (Chalas, 2000). Ainsi, alors que la ville se spécialise, les comportements sont toujours plus individualisés et les déplacements sont moins massifiés, ce dont rend compte la "pelote urbaine" de la time-geography (figure 14). Ce constat questionne Y. Chalas (1997) : puisque la ville éclatée semble correspondre à ces nouveaux rythmes, pourquoi faudrait-il alors s’acharner à regretter la ville passée et "ne

devrions-nous pas prendre à rebrousse-poil toutes ces pseudos-certitudes sur la pseudo- nécrose des valeurs urbaines ?". Cette question, qui reste posée, a le mérite de prendre le

contre-pied des discours catastrophistes sur le fonctionnement des villes. De la même manière, J. M. Halleux (2004) affirme que les nouvelles pratiques de mobilité ont entraîné une

rejet de la ville émergente par le fait que les modes de pensée n’ont pas effectué la nécessaire dissociation entre ces deux formes d’urbanisation.

Figure 14 : Un aperçu de la complexité des déplacements