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1. États-Unis : Entre mobilité volontaire et dispersion contrainte

1.3 Le programme Hope VI au concret : élargissement ou restriction des choix individuels ?

1.3.1 Une mixité socio-économique aux effets incertains

De façon unanime, les acteurs du programme Hope VI interrogés dans ces quatre villes nient toute stratégie intentionnelle, même tacite, visant à provoquer des changements dans la composition ethno-raciale des quartiers rénovés ou en rénovation. Qu’il s’agisse des autorités locales du logement (ci-après désignées comme « bailleur social ») ou de bailleurs privés en charge de la gestion des logements rénovés, tous nos interlocuteurs sont affirmatifs :

« On n’est pas dans la logique de changer la composition raciale du quartier ». (promoteur privé, Yonkers)

« Aucune considération n’entre en jeu sur la race et l’ethnicité ». (promoteur privé, New Haven)

« On n’a pas eu l’intention de créer de la diversité raciale à travers Hope VI. On est resté neutre ». (bailleur social, Stamford)

« Il n’y a aucune de notion de diversification raciale. » (bailleur social, Jersey City)

Le seul objectif légitime à leurs yeux est l’attraction de ménages mieux intégrés sur le plan économique et disposant de revenus plus élevés. Se mêlent dans leurs propos des considérations d’équilibre sociologique des quartiers, liées notamment à la présence de familles pourvues d’un emploi, et des considérations d’équilibre financier dans la gestion patrimoniale :

« Le premier objectif, c’est que les gens travaillent. » (bailleur social, Yonkers)

« L’enjeu est de construire un équilibre socio-économique. » (promoteur privé, Yonkers)

« Ce ne seront pas forcément des Blancs qui viendront habiter dans le quartier, mais des gens avec des revenus plus élevés. Qu’importe leur couleur de peau s’ils peuvent payer ! » (bailleur social, Yonkers)

« On a une concentration de pauvreté dans cette ville. On n’est pas intéressé par l’aspect racial du problème. » (bailleur social, New Haven)

« On ne sélectionne pas sur la base de la race. On se fonde sur les revenus. On ne fait rien d’autre que distinguer entre très bas revenus, bas revenus et revenus modérés. » (bailleur privé, New Haven)

« On ne cherche pas à avoir des pourcentages des différentes races, mais différentes states économiques. » (bailleur social, Stamford)

« On cible des familles qui travaillent. Le plus vous payez pour votre loyer et le plus vous êtes attentif à votre environnement. Il faut amener des gens même pauvres, mais qui sont habitués à payer leur loyer à un propriétaire. Je me fous de leur couleur de peau dès lors qu’ils paient le loyer ! » (bailleur social, Jersey City)

« On veut que les gens aient des revenus plus élevés, que leur environnement change, que leurs opportunités s’améliorent. Notre but n’est pas de transformer un quartier en un quartier d’une autre ethnicité. » (bailleur social, Jersey City)

Cette stratégie de diversification de la population résidente sur un critère de revenus repose sur une reconfiguration de la typologie et du statut d’occupation des logements. Pour ce faire, chaque ville a mélangé trois types de logements, selon un dosage variable : des logements sociaux classiques auxquels sont éligibles les ménages gagnant jusqu’à 80% du revenu médian de l’agglomération (ce qui est très rarement le cas)69 ; des logements produits grâce à

un mécanisme fédéral de déduction d’impôts accordé aux investisseurs, le Low Income Housing Tax Credit (LIHTC), auxquels sont éligibles les ménages gagnant jusqu’à 60% du revenu médian, leur loyer ne pouvant dépasser 18% de ce revenu médian ; des logements privés enfin (market-rate units), locatifs, en accession libre ou en accession aidée. Et comme l’objectif est de dédensifier les quartiers (encore que ce ne soit pas un principe intangible), on reconstruit généralement moins que l’on détruit. Le solde consiste soit en reconstructions hors site, soit en allocations individuelles permettant un relogement sur le marché privé70, soit

encore par un relogement dans le logement social d’un autre quartier. Le gouvernement fédéral n’ayant imposé aucun starndard en la matière, chaque ville a pu définir la proportion de chaque type de logement à réaliser.

A Yonkers, le projet relatif à Muldford Gardens prévoit de reconstituer l’intégralité du stock de logements détruits, dont une partie hors site, mais de ne recréer que 60% des 550 logements sociaux détruits (soit 327), le reste se partageant entre 30% de logements locatifs (172 LIHTC et logements en marché libre) et 10% en accession (53 unités).

A New Haven, le premier projet Hope VI relatif au quartier de Elms Haven a fortement dédensifié le site. Celui-ci comprenait originellement 828 logements, dont 366 avaient été démolis avant Hope VI (cf. supra) ; sur les 462 logements restant, seuls 297 ont été reconstruits, dont 185 logements sociaux (62%), 44 LIHTC (15%), 15 en location libre (5%) et 53 en accession (18%). Le second projet concernant le quartier de Quinnipiac Terrace conduit au contraire à redensifier le site avec 200 reconstructions prévues pour 146 démolitions, dont 114 logements sociaux (57%), 55 LIHTC (27,5%), 16 en accession aidée (8%) et 15 en accession libre (8,5%).

69 Le loyer est calculé à partir du cas de figure donnant le montant le plus élevé parmi ces quatre situations : 30%

du revenu mensuel après les déductions accordées pour tenir compte en particulier du nombre de personnes à charge dans le foyer ; 10% du revenu mensuel ; une partie fixe du montant de l’aide sociale si elle est perçue ; un loyer forfaitaire minimum de 25 à 50 dollars.

A Stamford, la rénovation du quartier de Southfield Village s’est accompagnée de la perte de 170 logements (330 reconstructions pour 500 démolitions), mais la plupart des unités de logements perdues étaient vacantes. Une moitié a été reconstruite en logements sociaux, 20% en LIHTC, 25% en locatif libre et 5% en accession. Le second projet, relatif à Fairfield Court, prévoit au contraire une forte redensification du site puisque les 144 logements sociaux démolis seront intégralement reconstruits (en partie dans d’autres quartiers de la ville), auxquels s’ajouteront 131 logements nouveaux destinés à d’autres catégories de revenus. La logique est encore différente à Jersey City s’agissant du quartier de Curries Woods rénové à partir de 1998. Le site a été fortement dédensifié, passant de 712 à 298 logements. Si 80% des logements sociaux détruits ont été reconstruits (et 91 unités réhabilitées), près de la moitié l’ont été hors site. La mixité a été néanmoins recherchée par la stratification des logements sociaux par tranches de revenus et la production hors site d’autres types de logements (LIHTC, locatif libre et accession) afin d’y mélanger les habitants relogés. Le projet Hope VI le plus récent pour Jersey City, relatif au quartier de Lafayette Gardens, diffère du premier puisqu’il ne remplace que 60% des 492 logements locatifs sociaux démolis, dont une partie sera là aussi reconstruite hors site, la densité étant réduite 300 à logements. Mais le projet prévoit la production globale de 850 logements, mettant fortement l’accent sur les logements privés (180 en accession libre, 20 en accession sociale et 98 en locatif libre, le solde consistant en LIHTC).

Bien que réalisée dans des proportions variables d’un site à l’autre, la diversification de l’offre en logements dans des quartiers autrefois très homogènes n’en est pas moins réelle, avec pour visée explicite le renouvellement partiel des caractéristiques socio-économiques de la population de départ. Mais on peut se demander si le logement n’est pas aussi un levier implicite de recomposition des équilibres ethno-raciaux dans les quartiers rénovés. L’approche de la rénovation en terme de classes pourrait recouvrir des considérations ethno- raciales. En fait, seuls deux de nos interlocuteurs locaux ont spontanément posé cette équation entre mixité des logements et mixité ethno-raciale des habitants :

« Le logement mixte conduit à la diversité raciale ». (bailleur social, Stamford)

« La question, c’est d’avoir un travail ou pas. C’est une question de classe sociale, même si parler de classe, c’est aussi parler de race. Quand vous agissez sur la ségrégation économique, vous agissez indirectement sur la ségrégation raciale ». (bailleur social, Jersey City)

Pourtant, si l’on en juge par les effets concrets du programme Hope VI, la corrélation est tout sauf évidente entre les variables de la classe et de la race. Dans les sites où les logements reconstruits sont déjà occupés, les acteurs locaux constatent que la rénovation urbaine a certes attiré des ménages aux revenus modestes ou moyens, mais presque exclusivement issus de groupes minoritaires :

« Le but de Hope VI est de déconcentrer la pauvreté, mais la plupart des ménages venus sur le site appartiennent aux minorités. Même en faisant de la mixité des revenus, on sait que le quartier restera un quartier de minorités et qu’on n’attirera jamais beaucoup de gens qui n’appartiennent pas aux minorités. Il n’y a d’ailleurs eu aucun changement sous l’angle racial dans les deux quartiers rénovés à New Haven. Les nouveaux résidents de Quinnipiac Terrace apportent juste une petite diversité sur le plan des revenus, et encore n’est-elle pas considérable. » (bailleur social, New Haven)

« A Quinnipiac Terrace, on a à la louche 60% de Noirs, 35% de Latinos et 5% d’autres races. C’est un quartier de minorités. Sur 160 ménages, un seul est blanc ! » (bailleur privé, New Haven)

« La corrélation entre mixité des revenus et diversité raciale n’est pas automatique. Les gens veulent vivre dans des quartiers qui reflètent leur statut économique. Pour eux, c’est plus important que la race. Dans nos logements sociaux, on ne trouve de diversité raciale que dans les résidences pour personnes âgées. Le reste est composé de minorités, dont 80% de Noirs, alors qu’ils ne sont à peu près que 20% dans la ville. » (bailleur social, Stamford)

« Curries Woods est noir à 90%. Hope VI n’y a rien changé. Idem à Lafayette Gardens. » (bailleur social, Jersey City)

« Il y a quelques nouveaux arrivants. C’est un peu plus diversifié sur le plan ethnique, mais on ne voit toujours pas de Blancs. » (habitant de Lafayette Gardens, Jersey City)

A quelques exceptions près, le constat est identique dans tous les sites Hope VI des Etats- Unis. Aussi l’agence fédérale ne nourrit-elle aucune attente quant à l’impact de la diversification des logements sur la diversité des groupes ethno-raciaux :

« Il n’y a pas de correspondance entre l’économique et la couleur des gens. Les logements mixtes amènent des populations différentes, mais si certains ont pensé que les revenus étaient un équivalent de la race, on voit bien que ça ne marche pas car ça attire des classes moyennes noires. »

L’association nationale des Public Housing Authorities souligne, elle aussi, l’émergence des classes moyennes minoritaires :

« Les classes moyennes appartenant aux minorités prennent de l’importance. On peut donc avoir de la ségrégation raciale avec le revenu des minorités qui augmente. »

Pour beaucoup de nos interlocuteurs locaux, la dimension économique de la ségrégation prévaudrait désormais sur sa dimension ethno-raciale :

« Le moteur de la ségrégation est beaucoup plus économique que racial aujourd'hui. » (bailleur social, Jersey City)

« Il y a clairement une question raciale dans le logement social, mais l’économique a plus de sens que la dimension raciale. On peut avoir une concentration de Blancs pauvres. Il y a plus de Blancs que de Noirs qui dépendent du welfare ! » (bailleur social, Yonkers)

Si des Blancs s’installent dans les logements privés de certains sites rénovés par le programme Hope VI, ce serait le résultat de la seule dynamique du marché :

« Amener des Blancs dans les quartiers noirs, c’est ce qui se passera peut-être avec Hope VI, car c’est le marché qui décide. Faisons des quartiers attractifs et alors peut- être qu’il y aura une intégration raciale. » (bailleur social, Yonkers)

« La diversité raciale est très difficile à réaliser. Cela dépend beaucoup de la localisation des sites et des pressions sur le marché du logement. La déségrégation est totalement guidée par le marché. A Charlotte, par exemple, il y a eu afflux de ménages blancs à cause de proximité avec downtown. C’est sans doute le cas aussi dans le quartier de Cabrini Green à Chicago. » (responsable du programme Hope VI, HUD) « Les Blancs s’installent dans les quartiers de minorités si l’offre de services s’améliore. Ils viennent tout en sachant que les services sont de mauvaise qualité s’ils ont la conviction que les valeurs immobilières vont monter. C’est le phénomène de

gentrification. » (responsable d’une association nationale de promotion de l’équité

dans le logement)

Tout dépend donc de la dynamique du marché local du logement. C’est ainsi qu’à Yonkers et New Haven, les logements privés ne trouvent pas preneurs, faute de demande suffisante :

« Le marché est relativement faible dans la ville, du moins dans certains quartiers, en dépit de la proximité avec New York City. Mulford Gardens n’est pas un quartier où l'on peut faire des logements au prix du marché. » (bailleur privé, Yonkers)

« On n’arrive pas à faire des logements privés à Quinnipiac. Il n’y a pas assez de familles qui ont les moyens ». (bailleur social, New Haven)

Au contraire, le phénomène de gentrification est sensible à Stamford, en raison de l’attractivité résidentielle de la ville. Ici, les logements privés ont trouvé acquéreurs chez des ménages blancs, même ce n’était pas l’intention recherchée, bien au contraire :

« Dans les nouveaux logements sociaux, on a 80% de Noirs, 10% de Latinos et seulement 5% de Blancs. En revanche la proportion est à 50/50 entre Noirs et Blancs dans les logements privés de Southfield Village. » (bailleur privé, Stamford)

« C’est le marché immobilier qui est le moteur. On a pensé que des classes moyennes des minorités allaient acheter, mais ce sont des yuppies qui l’ont fait. Le fait est qu’on est près de New York. Beaucoup de Blancs sont donc arrivés dans des quartiers anciennement noirs. C’est le résultat pas l’intention. Les gens votent avec les pied. Si c’est un bon deal, ils viennent. » (bailleur social, Stamford)

En cours de rénovation, la dynamique pourrait être de même nature dans le quartier de Lafayette, à Jersey City, une ville également en proie à des tensions importantes sur le marché du logement du fait de sa proximité avec Manhattan :

« Lafayette se trouve dans un quartier en gentrification. Des Blancs viendront éventuellement dans les logements privés. Mais des Noirs aussi. » (bailleur social, Jersey City)

L’affichage d’une neutralité de rigueur par rapport aux appartenances ethno-raciales des ménages ne signifie pas que les acteurs locaux des projets Hope VI ne reconnaissent pas une valeur intrinsèque à la diversité des quartiers sous cet angle. Plusieurs y ont fait spontanément référence au cours des entretiens, tant au niveau local qu’à celui du gouvernement fédéral, tout en faisant le distingo entre l’idéal et les choix de politique publique :

« Je viens de New York, je suis habituée au melting-pot. » (bailleur privé, New Haven) « On veut tous une société racialement intégrée. » (bailleur social, New Haven)

« Idéalement, ce serait mieux d’avoir un quartier plus équilibré, mais dans la pratique je n’accorde pas de préférence. » (bailleur privé, Stamford)

« J’adorerais que les quartiers soient pleinement intégrés. » (bailleur social, Jersey City)

« On regarde la diversité raciale comme quelque chose d’immensément positif. » (responsable du programme Hope VI, HUD)

« Si l’on observe davantage de diversité raciale dans les sites rénovés, c’est bien, même si ce ne peut être notre but. » (responsable du programme Hope VI, HUD)

« A un niveau personnel, nous avons a cette conviction que la diversité raciale est très positive, mais on ne fera rien pour changer les choses sous cet angle d’un point de vue opérationnel. » (responsable du programme Hope VI, HUD)

Des représentants africains-américains des locataires, interrogés à Jersey City et à Yonkers, valorisent tout autant la diversité, même si l’un d’eux estime que cela ne doit pas se faire au détriment des habitants originels :

« Je ne pense pas que le quartier devrait être entièrement noir. On s’entend bien avec les Latinos et les Blancs. » (représentant des locataires, Curries Woods)

« Il y avait des Blancs au départ, mais ils sont partis quand les Noirs sont arrivés. Aujourd'hui le quartier est principalement noir. Hope VI pourrait faire revenir des Blancs, pourquoi pas. Mais les gens doivent être relogés et avoir la priorité. C’est pourquoi on ne peut pas donner la priorité aux Blancs. » (représentant des locataires, Lafayette Gardens)

« Les gens sont d’accord pour que des gens de l’extérieur arrivent dès lors qu’ils ont accès à un logement bon marché. » (représentant des locataires, Yonkers)

Si la diversité ethno-raciale est une valeur prisée par tous, certains acteurs doutent cependant des bénéfices concrets de la diversité résidentielle, même limitée à sa dimension socio- économique. Ceux qui ont émis ces réserves sont des acteurs nationaux, sans doute plus au fait que les acteurs locaux de la littérature sociologique sur le sujet71. Les effets pathogènes de

la concentration de la pauvreté ne sont pas mis en question, mais le doute est réel sur les bienfaits de la mixité, économique ou ethno-raciale, y compris chez les promoteurs nationaux du programme Hope VI :

« La littérature ne permet pas de dire que le logement mixte, ça marche. On en a fait un objectif, mais comment être sûr que les gens du logement social et du logement privé intéragissent et s’apportent mutuellement quelque chose ? » (responsable du programme Hope VI, HUD)

« On sait que la concentration de la pauvreté ne marche pas, mais on ne sait pas si l’inverse marche. L’intégration raciale ne crée pas forcément une intégration sur d’autres plans. » (ancien responsable du HUD)

« Il n’y a pas de cohésion naturelle entre des groupes différents. » (association nationale de bailleurs sociaux)

Une évaluation du programme Hope VI menée par l’université de Yale dans le quartier de Quinnipiac Terrace à New Haven, rend compte de l’absence de communauté spontanée suscitée par le mélange de groupes hétérogènes, au-delà de l’amélioration substantielle des conditions de vie dans le quartier et de l’attractivité qui en résulte. Voici un extrait des conclusions de cette évaluation :

« Il existe un sens de la communauté qui semble venir du fait que le nouveau Quinnipiac Terrace a l’air d’un endroit où la plupart des gens seraient probablement heureux d’habiter. De plus, nous avons entendu nombre de commentaires sur l’amélioration de la sécurité et la réduction du trafic de drogue (…). En même temps, n’avons pas été en mesure d’identifier un nouvel esprit communautaire qui se serait substitué à l’ancienne communauté du quartier (…). Mais il faut noter que chacun

71 Les enquêtes menées dans de nouveaux ensembles économiquement mixtes ne sont guère concluantes, que ce

soit dans le cadre du programme Hope VI ou d’autres initiatives. Ils tendent globalement vers un même résultat : les interactions de proximité sont très limitées et transcendent rarement les différenciations socio-économiques (Buron et al. 2002). L’une des enquêtes américaines parmi les plus commentées, menée sur sept sites ayant réussi à faire cohabiter différents groupes sociaux dans les mêmes ensembles résidentiels, concluait que « le

niveau d’interaction entre les différents groupes apparaît insignifiant » (Brophy, Smith 1997). Dans le même

sens, des chercheurs de l’Urban Institute estiment qu’« il n’existe aucune preuve empirique qu’il soit possible de

créer de façon artificielle un quartier où des gens de différents niveaux de revenus interagiraient, au lieu de partager simplement le même espace physique » (Popkin et al. 2000 ; voir aussi Hogan 1996 ; Schill 1997 ;

Talen 1999). Là même où de tels échanges ont été observés, leur impact sur l’accès à l’emploi ou à d’autres ressources n’a pu être démontré (Smith 2002b). L’hypothèse selon laquelle les pauvres adopteraient par mimétisme les normes sociales et comportementales des « riches », tenant lieu de role models, n’a pas davantage été vérifiée. Dans leur étude sur l’ensemble résidentiel mixte de Lake Park Place, à Chicago, J. E. Rosenbaum et al. (1998) qui demandaient aux habitants pauvres s’ils considéraient les autres habitants comme des role models, se sont vus répondre que « l’idée était plutôt insultante, voulant dire qu’ils étaient infantiles, inférieurs et dans le

d’entre nous est heureux de ses conditions d’habitat sans éprouver de sentiment fort par rapport au quartier où l’on vit. Nous tirons le sentiment d’appartenance sociale de bien d’autres façons, par le travail ou l’église, par exemple, plus que par le lieu de résidence. Les gens qui commencent à réussir en terme d’autonomie personnelle en viennent souvent à prendre des distances avec leurs amis et connaissances, ou à se trouver simplement trop occupés pour consacrer beaucoup de temps à leur quartier ou leur communauté. On peut soutenir alors que mettre trop l’accent sur la communauté de Quinnipiac Terrace peut s’avérer contre-productif ; une attention plus grande devrait être portée à la façon de faciliter des contacts accrus avec la communauté plus large de New Haven, afin de mettre fin à l’isolement par rapport la société au sens large que les habitants ont expérimenté par le passé »72

Cette clairvoyance tranche avec l’engouement de certains acteurs locaux prêtant au mélange

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