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1. États-Unis : Entre mobilité volontaire et dispersion contrainte

2.3 Le « retour des Blancs » comme horizon des projets locaux de rénovation urbaine

2.3.1 Le discours des élus : une mixité très peu sociale

Pour une moitié des 39 élus interrogés, il ne fait pas de doute que la concentration spatiale de minorités ethniques est un problème en soi sur lequel l’action publique se doit d’agir. L’équation est parfois posée entre concentrations ethniques et « communautarisme », avec son corollaire, le défaut d’allégeance des individus envers la communauté nationale. Pour certains de ces élus, les regroupement ethniques ne portent pas seulement atteinte à la cohésion nationale, mais sont également préjudiciables aux individus concernés, ces regroupements étant perçus comme un handicap dans les processus individuels d’intégration.

Pour cette majorité d’élus, la mixité suppose non seulement le rassemblement d’une diversité de groupes sociaux sur un territoire donné, mais aussi une diversité d’origines ethno-raciales. Plus précisément, la nationalité française n’étant pas un critère suffisant de mixité sociale, c’est la présence en nombre significatif de « Français de souche » qui, pour ces élus, paraît constitutive d’une situation de mixité sociale. Ceux qui rejettent cette lecture au profit d’une analyse strictement socio-économique de la mixité sociale sont très minoritaires. Un dernier groupe est plus mitigé, hésitant entre une analyse qui accorde la primauté aux critères socio- économiques ou aux critères ethno-raciaux et « culturels » (ce qui revient au même dans leur langage) de la mixité.

La position des élus de l’UMP apparaît très homogène et contraste avec les contradictions ou hésitations qui marquent les autres courants politiques. Les élus communistes paraissent en fait les plus hésitants, oscillant entre une lecture ethnicisante et une lecture classiste, plus conforme à l’idéologie traditionnelle de leur parti. De façon presque systématique, nos interlocuteurs appartenant à ce parti commencent par admettre la dimension ethno-raciale de la question, mais finissent par la réduire « en dernière instance » à sa dimension socio- économique.

A Argenteuil, les élus UMP sont unanimes à considérer les origines ethniques comme une dimension essentielle de la mixité sociale, au-delà même de la distinction juridique entre Français et étrangers. Ils sont rejoints par un élu PS et un élu PCF. Les deux autres élus de gauche de notre échantillon sont partagés entre une lecture socio-économique et ethno-raciale ou culturelle de la question des regroupements résidentiels. Si la droite nourrit peu d’illusion sur le vote des minorités ethniques en sa faveur, les élus de gauche construisent en partie leur

183 Rappelons que pour chaque question abordée dans les parties qui suivent, nous avons extrait de notre

position en référence aux « petits Blancs » qui constituaient traditionnellement un réservoir de voix, et qui ont tendance aujourd'hui à céder aux sirènes du Front national. L’un des élus interrogés se réfère également à la demande des minorités ethniques elles-mêmes pour justifier une position hostile à leurs regroupements résidentiels.

A Clichy-sous-Bois et Montfermeil, l’ensemble des élus UMP sont là aussi sur la même longueur d’onde. A Montfermeil, le discours de l’UMP affirme de façon radicale la prépondérance des enjeux « culturels » sur les enjeux socio-économiques. Sur l’objectif du retour des « Français de souche » dans le quartier des Bosquets, qui ne fait pas de doute pour la majorité droite, l’opposition de gauche n’affiche pas de position homogène. Le même clivage traverse la majorité socialiste de Clichy-sous-Bois, comme en témoignent des propos d’élus qui s’accordent sur les difficultés d’intégration des primo-arrivants, mais qui sont en total désaccord sur l’acception socio-économique ou ethno-raciale qu’il conviendrait de donner à la mixité.

A l’inverse des autres villes, c’est l’élu de droite de Créteil qui défend une approche strictement socio-économique de la mixité. L’élu socialiste se situe dans la ligne républicaine anti-communautaire, même si l’enjeu ne lui paraît pas pertinent pour sa ville, d’autant que la demande sociale de mixité émanant des « petits Blancs » xénophobes ne lui semble pas centrale. Plus sensible au point de vue de ces « Français de souche » appartenant à la petite classe moyenne, l’élue communiste s’efforce de trouver un compromis entre la ligne de son parti, qui ne connaît que des problèmes socio-économiques, et la prise en compte de la dimension ethno-raciale de la mixité. Contrairement à son collègue socialiste, le danger de la ghettoïsation lui paraît beaucoup plus tangible à propos du quartier des Bleuets, dont le projet de rénovation urbaine était le plus avancé au moment de l’enquête.

Aux Blagis, seuls les élus UMP ont une position homogène, faisant de la dissolution du regroupement résidentiel des minorités ethniques un enjeu central de la politique de mixité sociale. Les élus UMP de Bagneux et Fontenay-aux-Roses sont rejoints sur ce point par des élus socialistes de ces deux villes ; l’élu communiste de Bagneux préfère, quant à lui, lier en « dernière instance » les dimensions socio-économiques et de l’ethnicité, comme beaucoup de ses collègues d’autres villes.

Tous les élus d’Aubervilliers déclarent être confrontés à une demande sociale d’exclusion des immigrés. Mais ils n’en tirent pas les mêmes conclusions quant à l’objectif de mixité. Seul l’élu de droite prône de façon explicite un rééquilibrage ethnique de sa ville. Les élus communistes et Verts sont tiraillés. D’un côté, ils se montrent réticents à envisager la question

de la mixité sous cet angle et, de l’autre, ils ne cachent pas que cette dimension est bien présente dans leur esprit. Les deux élus socialistes sont en revanche sur la même longueur d’onde pour juger secondaire la dimension ethno-raciale de la mixité sociale.

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