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Une concurrence à l’échelle européenne et internationale

Dans le document et développement durable en France (Page 160-163)

Comme il a été souligné précédemment, la structure de l’offre diffère selon les pays européens. L’Espagne et l’Italie sont bien positionnées sur les séjours de longue durée tandis que l’Allemagne a fait du voyage d’affaires un de ses leviers principaux d’attractivité. La France a, pour sa part, un tourisme assez diversifié, dont elle devrait savoir tirer profit.

Toutefois, si la France reste toujours la première destination en termes d’arrivées de touristes internationaux avec une clientèle majoritairement européenne (83 % des arrivées et 77 % des nuitées étrangères), elle se situe en troisième position pour les recettes tirées de ce tourisme après les Etats-Unis et l’Espagne. Si sa localisation à un carrefour de l’Europe explique en partie le décalage, il n’en demeure pas moins que la part de marché de la France se tasse progressivement. La France représentait 11,4 % des arrivées en 2000, elle n’en représente plus que 8 % en 2012. Sur la même période, la part de la France dans les recettes tirées du tourisme international est passée de près de 7  % à un peu moins de 5  %230. Si l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour conforter la politique touristique et développer une stratégie dynamique peut être interrogée231, cette érosion est aussi en partie due à l’émergence de nouvelles destinations et à la concurrence des pays européens qui se sont spécialisés sur des créneaux porteurs.

« Les destinations sont toujours plus nombreuses à travers le monde à s’ouvrir au tourisme et à investir dans ce secteur qui constitue désormais un des ressorts essentiels du progrès socio-économique de par ses retombées sous forme de recettes d’exportation, de créations d’emplois et d’entreprises et de développement des infrastructures. Au cours des 60 dernières années le tourisme n’a cessé de croître et de se diversifier. Il est devenu l’un des plus gros secteurs économiques et à la plus forte croissance dans le monde. On a vu apparaître beaucoup de nouvelles destinations en plus des destinations traditionnelles d’Europe et d’Amérique du Nord.

En dépit de soubresauts sporadiques, les arrivées de touristes internationaux ont connu une croissance quasiment ininterrompue. De 25 millions en 1950, elles sont passées à 278 millions en 1980 puis 528 millions en 1995 avant d’atteindre 1,87 milliard en 2013. Les arrivées de touristes internationaux dans le monde devrait croître de 3,3 % par an pour atteindre 1,8 milliards d’ici 2030. Entre 2010 et 2030 les arrivées dans les destinations émergentes (+4,4 % par an) devraient augmenter deux fois plus vite que dans les économies avancées (+2,2 % par an). La part des

229 Jacques Bruneau, maire de Carnac, propos cités dans « l’UNESCO en ligne de mire » article de Véronique Le Bagousse publié dans le Télégramme du Morbihan du 9/11/2013.

230 Audition de Mme Delfau, sous-directrice du tourisme à la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) devant la section le 28/05/2014.

231 A cet égard la Cour des comptes dans son dernier rapport sur Atout France estime que la France, en termes de dépenses de l’Etat consacrées à la promotion du tourisme, est l’un des derniers pays au monde.

économies émergentes est passée de 30 % en 1980 à 47 % en 2013 et devrait atteindre 57 % d’ici 2030 ce qui correspondrait à plus d’un milliard d’arrivées de touristes internationaux ».232

L’Asie-Pacifique a enregistré la plus forte croissance des arrivées (+ 6 %). La Chine est désormais le premier émetteur de touristes dans le monde, avec des dépenses s’élevant à 129 Md$. Comme le soulignait l’ancien secrétaire général du CNT lors d’un entretien avec la rapporteure233, les potentialités de développement du tourisme chinois, avec l’émergence d’une classe moyenne forte de 4 millions d’individus, sont très importantes.

y Deux pays dont le modèle interroge : L’Espagne

L’Espagne est aujourd’hui la deuxième destination touristique au monde, notamment grâce à un tourisme de masse développé à partir des années 1960. Idéale pour des weekends découvertes et des courts séjours (à Barcelone, Madrid ou encore Bilbao, dont le récent musée Guggenheim constitue un élément majeur de l’attractivité), l’Espagne attire surtout des longs séjours tant sur ses plages (Costa Brava, Costa del Sol…) que dans des circuits, par exemple en Andalousie ou au Pays Basque.

Des années 1960 à 1980, l’Espagne a développé un tourisme de masse en densifiant à outrance les constructions sur ses côtes, notamment sur la Costa Brava, puis en développant ses infrastructures, notamment grâce à des aides en provenance de l’Union européenne.

Dans les années 1970, des édifices de grande hauteur sont venus border les plages de sable, auxquels ont succédé des constructions plus horizontales venant occuper des espaces sans cesse plus vastes, grignotant sur les communes rurales d’une large frange pré-littorale et intérieure. L’impact écologique du tourisme sur les 6 000 kms de côtes espagnoles a été longtemps désastreux, 90 % du littoral souffrant d’un problème de régénération. On estime qu’un touriste consomme au moins le double d’eau qu’un usager local et qu’un golf épuise l’équivalent de la consommation d’eau de 9 000 habitants234.

Les pouvoirs publics et élus locaux ont pris conscience de la gravité de la situation et de la fragilisation des écosystèmes. Pour mettre un terme à l’escalade du béton, ont été notamment créés des parcs naturels ainsi que des zones Natura 2000. L’agro-tourisme et le logement chez l’habitant ont été développés. La protection de l’environnement est même devenue un axe majeur de la stratégie de développement de la Costa Brava, notamment par la création d’une zone marine protégée.

Avec 60,6 millions de visiteurs dont 36,3 millions de visiteurs étrangers et 60 Md€ de recettes engrangées235, l’Espagne a battu tous ses records en 2013, réalisant les meilleurs résultats touristiques de toute son histoire, avec une progression de 5,6 % de voyageurs en plus comparée à 2012236. Les touristes britanniques ont dépensé le plus, suivis des allemands et des français, au troisième rang des visiteurs. Cette année 2013 a vu l’accroissement des dépenses des touristes russes (+ 30  %). Il est certain que, tout comme la Grèce et

232 Faits saillants OMT du tourisme édition 2014.

233 Entretien de la rapporteure avec M. Balandreau le 04/06/2014.

234 Article « Espagne, mer soleil et béton » de Clothilde de Gastines in Métis correspondances européennes du travail 16/07/2009.

235 Chiffres officiels du ministère du tourisme espagnol suite à l’enquête annuelle réalisée par l’institut des études touristiques espagnol (EGATUR). Les visiteurs étrangers ont consommé presque 10 % de plus en 2013 qu’en 2012.

236 L’Espagne continue sa progression en 2014 avec 21,4 millions de visiteurs entre janvier et mai, avec une fréquentation française en hausse de 11,5 %.

probablement pour partie la France, ce pays a bénéficié de l’instabilité politique et du recul du tourisme en Egypte et en Tunisie qui ont perdu, en 2013, 30 % de leur clientèle.

Le tourisme est devenu le principal moteur de la reprise espagnole, avec un apport au PIB en 2012 estimé à près de 11 % et 12 % du total des emplois237. Selon certains observateurs, l’activité touristique pourrait doubler le taux de croissance de l’économie espagnole en 2014. En revanche, frappés par la crise économique, les Espagnols ont été moins nombreux à partir en 2013, le taux de départ se situant approximativement au même niveau qu’en 2004. La France est toujours en tête des destinations prisées par les Espagnols.

La politique très offensive de l’Espagne en matière de tourisme ne se dément pas  : 200 M€ sont ainsi investis par les pouvoirs publics espagnols dans la promotion de ce secteur pour 82 M€ en France. Illustration de ce dynamisme qui ne se dément pas, en septembre 2014 a eu lieu à Paris le premier salon de l’immobilier et du tourisme espagnol. Les atouts mis en avant pour capter la clientèle française sont l’ensoleillement (300 jours de soleil par an), la proximité et la facilité d’accès, la qualité de vie et la gastronomie, son patrimoine et sa culture uniques la diversité de ses paysages et des activités qui peuvent s’y pratiquer et enfin... la baisse de 40 % depuis 2007 des prix de l’immobilier, suite à la crise économique.

Les touristes allemands ont augmenté leur dépense moyenne en Espagne (+8,4  % soit 1 205€ dépensé par chaque touriste pendant son séjour) alors que celle des Français est en recul (618€).

Contrairement à la France où la multiplicité des intervenants est cause de dispersion des moyens publics,238, l’Espagne a su fédérer les énergies tant au niveau des moyens publics via l’image « Espagne » sous un logo unique España, mis en avant pour toute circonstance touristique ou non, que les moyens privés avec un regroupement des professionnels du tourisme au sein d’Exceltur qui réunit 24 des plus grands groupes touristiques ainsi que les secteurs concernés comme les transporteurs aériens et ferroviaires, les parcs à thème, grands centres de réservation etc. Dans une démarche d’anticipation et de promotion du tourisme, Exceltur milite pour une plus grande reconnaissance socio-économique du tourisme comme secteur clé de l’économie espagnole, aide à la diffusion d’actions responsables des acteurs du tourisme dans toutes les questions sociales, culturelles, éducatives et environnementales et à la promotion du respect des communautés locales. Il œuvre pour un tourisme durable, responsable et soutien l’aide à la formation et à l’accueil tout en travaillant sur l’amélioration constante de l’image du pays.

Dubaï

Certains pays entrés tardivement dans l’ère du tourisme ont su développer une offre de toute pièce répondant aux nouveaux standards de consommation, dans le cadre de stratégies de conquête affirmée. Dans leur rapport rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la France239, la Cci Paris-Ile-de-France et l’Institut Montaigne prennent en exemple Dubaï, l’un des Emirats arabes unis qui était il y a peu encore une destination inconnue du grand public. Dubaï accueillait 2,3 millions de touristes en 1995. Aujourd’hui, ce sont près de 10 millions de voyageurs qui choisissent cette destination, soit environ le nombre équivalent de touristes qu’attire la région PACA, générant selon l’OMT 10 Md$ de

237 Chiffres annoncés par le chef du gouvernement Mariano Rajoy.

238 Les moyens publics en France sont évalués à 1,2 Md€ annuels répartis en offices du tourisme, syndicats d’initiative, comités départementaux et régionaux du tourisme

239 Rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la France, rapport de la CCI Paris-Ile-de-France/Institut Montaigne publié en juin 2014.

recettes, soit une croissance de 400 % en un peu plus de 15 ans. La stratégie développée par l’Emirat est basée sur une logique de hub définie dans le Dubaï Strategic Plan qui comprend trois axes : développement d’une infrastructure de transport très performante pour transporter les 66 millions de passagers (2013) notamment via la compagnie Émirats ; vastes programmes immobiliers ; une volonté de développer une destination de tourisme de shopping (festival du shopping ; création de 40 centres commerciaux dans la ville qui comporte plus de 6 000 boutiques. En 2013, le Mall Dubaï a attiré 75 millions de visiteurs).

Le développement de Dubaï pose toutefois des questions majeures. Loin d’avoir instauré un tourisme « durable », l’Emirat a bâti son succès sur des programmes immobiliers peu respectueux de l’environnement et de la protection sociale240. La construction de quatre îles artificielles (projet Palm Island) au large de Dubaï pouvant abriter plusieurs milliers de villas et hôtels de luxe a nécessité le prélèvement de millions de m² de sable241 dans le Golfe, créant une eau boueuse là où jadis elle était transparente. L’écosystème du Golfe en a été bouleversé, menaçant plusieurs espèces de poissons et de massifs coralliens alors que d’autres espèces (comme les requins) sont apparues. La production de déchets est parmi les plus polluantes du monde et la pression sur la ressource en eau, rare dans ces pays arides et malgré la haute technologie des usines de dessalement d’eau de mer, pourrait à terme poser problème.

Ce développement a d’ailleurs subi le contrecoup de la crise mondiale (éclatement de la bulle immobilière, ralentissement d’activités dont le transport aérien, difficulté à rembourser les emprunts pour une dette de 100 Md$, etc.), Dubaï poursuit malgré tout son ascension.

Elle s’apprête à accueillir l’exposition universelle de 2020. Aujourd’hui la fédération des Emirats arabes unis affiche un PIB de 377 Md$ : les services en représentent plus de 35 %, soit un peu plus que les hydrocarbures (31 %).

Dans le document et développement durable en France (Page 160-163)

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