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Des besoins considérables d’investissements

Dans le document et développement durable en France (Page 176-181)

De manière générale, les besoins d’investissement en matière touristique sont considérables. Des investissements sont en effet indispensables pour répondre à l’augmentation prévisible de la demande internationale et/ou intérieure, mais aussi pour entretenir les infrastructures existantes et les adapter à l’évolution des attentes des touristes, ne serait-ce qu’en termes de confort, ainsi qu’aux nouvelles normes de sécurité et d’accessibilité. Christian Mantéi, directeur général d’Atout France, notait en entretien avec la rapporteure que, si le nombre de touristes internationaux dans le monde s’accroît de 3 à 4 % par an, les capacités d’accueil touristiques s’accroissent à des rythmes au moins équivalents dans de nombreux pays. La concurrence à laquelle la France est confrontée tend ainsi à s’amplifier, ce qui impose pour y répondre un effort à la fois quantitatif et qualitatif.

Les besoins d’investissements touristiques sont, pour certains, différenciés sur le plan géographique.

272 Ibid.

273 Article « Investir pour l’avenir mais quel avenir pour l’investissement ? », So Montagne 2014, p. 27.

Des besoins importants d’investissements pour accroître la capacité d’accueil A Paris et dans certaines grandes métropoles, des investissements sont nécessaires pour moderniser l’hébergement existant et accroître la capacité d’accueil, comme le note le rapport Rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la France : le taux d’occupation global moyen des hôtels à Paris atteint près de 75 % selon le Comité régional du tourisme Paris-Île-de-France, engendrant un risque de saturation, dès à présent, lors des grands évènements (salons internationaux, grandes manifestations sportives ou culturelles...) et a fortiori à moyen terme, si les arrivées de touristes internationaux s’accentuent274. La CCI Paris Île-de-France appelle ainsi dans un rapport récent à « développer une offre d’hébergement adaptée à la demande touristique (et équilibrée sur le territoire) en prévoyant entre 20 et 30 000 chambres supplémentaires en Île-de-France, notamment via des

« gros porteurs »275, en périphérie et à proximité des principaux sites de congrès et d’exposition, mais également de lieux d’affaires actuels et programmés »276.

Des besoins en capacités d’hébergements supplémentaires existent aussi en régions, même si les taux d’occupations des hébergements existants varient beaucoup selon les territoires. Ainsi, dans certains d’entre eux, le développement de la mise en location d’appartements ou de chambres d’hôtes, favorisé par l’essor du tourisme par Internet, devrait permettre de satisfaire une partie de la demande supplémentaire en limitant les investissements additionnels nécessaires (développement d’une économie de l’usage). Le CESER des Pays-de-la-Loire note dans un avis récent, pour ce qui concerne son territoire, la question soulevée par le développement quantitatif spectaculaire des résidences hôtelières, alimenté par des avantages financiers spécifiques accordés aux investisseurs en locatifs meublés par la loi Scellier-Bouvard. Cet avis, intitulé Pays de la Loire, nouveaux regards sur le tourisme, rapporté par Michèle Delagneau, observe que, « si cette formule permet d’enrichir l’offre hôtelière, elle peut provoquer une saturation dans les zones les plus excentrées et à certaines périodes (et que), les avantages fiscaux disparaissant après neuf ans, l’équilibre économique de ces résidences pourra se poser »277.

Des besoins considérables pour réhabiliter et moderniser le parc privé touristique existant

Une partie importante du parc dédié à l’hébergement touristique des résidents comme des visiteurs étrangers étant ancienne, des besoins croissants en investissements de rénovation et de modernisation se font jour depuis une dizaine d’années. Ils sont nécessaires pour maintenir et renforcer la qualité de l’offre d’hébergement, qu’elle soit hôtelière ou non.

Apparaît en effet depuis une vingtaine d’années une dégradation progressive de la qualité de l’hébergement touristique non hôtelier, ainsi qu’une perte d’usage locatif de lits touristiques, susceptible d’avoir de très fortes incidences sur les capacités d’accueil et l’attractivité des stations touristiques. Christine Laymard, directrice de l’ANMSM, souligne la gravité de ce problème dans les stations de montagne, où environ 80  % de l’offre d’hébergement touristique reposent sur la location meublée de résidences secondaires.

274 Rapport Rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la France op. cit. p. 46.

275 Établissement hôtelier de grande capacité (de 100 chambres au moins et souvent de 300 à 400), intégrant des équipements qui permettent l’organisation de séminaires, de congrès ou d’évènements d’entreprises.

276 CCI Paris Rapport Les grands évènements : un moteur pour la croissance économique et touristique du Grand Paris, présenté par Mme Monique Baillot, octobre 2013, p. 36.

277 CESER des Pays de la Loire, rapport Pays de la Loire, nouveaux regards sur le tourisme, rapporteure Michèle Delagneau, octobre 2013, p. 50.

Cette offre, souvent construite dans les années soixante-dix et quatre-vingt à la suite du Plan Neige, a constitué une force, car elle permettait de disposer de capacités d’accueil importantes et diversifiées, les coûts d’investissement initiaux étant supportés en grande partie par des propriétaires privés. Une partie des biens concernés connaît toutefois aujourd’hui des périodes d’utilisation et/ou de location de plus en plus rares. Les causes en sont diverses. Ces biens auraient souvent besoin de rénovation, mais les propriétaires n’ont pas forcément les moyens financiers ni l’envie de réaliser les travaux nécessaires, ou hésitent à le faire, l’éloignement géographique de leur résidence principale rendant difficile le suivi de leur réalisation par les entreprises. Dans d’autres cas, les appartements sont amortis, et leurs propriétaires ne souhaitent tout simplement plus les louer pour pouvoir accéder à leur résidence secondaire sans contrainte de temps. Certains font même l’objet d’un relatif

« abandon » en raison de successions ou du vieillissement des propriétaires. Il en résulte une augmentation en station du nombre des « lits froids » (loués moins de quatre semaine par an) ou « tièdes » (loués de 4 à 12 semaines par an), qui concerne tant des meublés que des appartements situés dans des résidences de tourisme ou de résidences secondaires. Albert Gibello, ancien maire d’Albertville, indiquait en audition que près de 40  % des capacités d’hébergement touristiques dans les stations de montagne seraient aujourd’hui obsolètes.

Françoise Gri, directrice générale de Pierre & Vacance Center parc, relève que des difficultés importantes existent aussi sur une partie du littoral. C’est notamment le cas en Languedoc-Roussillon, en Aquitaine et en Vendée. De nombreuses résidences de tourisme construites dans les années soixante et soixante-dix ne sont aujourd’hui plus aux normes attendues pour une location, ne serait-ce qu’en termes de confort, et auraient besoin d’une réhabilitation. Elles ont souvent été construites dans le cadre de programmes de défiscalisation, qui prévoit une exploitation touristique par le promoteur pendant une période de neuf ans. Passée cette période, parfois étendue à dix-huit ans, les propriétaires les récupèrent souvent pour leur propre usage et les occupent une partie de l’année ou les louent occasionnellement eux-mêmes, mais avec une intensité locative, et donc des retombées économiques, beaucoup plus faibles que lorsque cette location est opérée de manière groupée par des professionnels.

La faible rentabilité des capitaux investis, liée notamment au caractère saisonnier d’une grande partie des activités touristiques, favoriserait ce sous-investissement.

Il en résulterait, en montagne et sur une partie du littoral, des risques de «  friches touristiques ». Sur le littoral, il semble toutefois que le problème soit de moindre ampleur, car une partie importante des appartements concernés est habitée par leur propriétaire une grande partie de l’année, ce qui est beaucoup moins le cas en montagne.

Un dispositif dit ORIL-VRT (Opération de réhabilitation de l’immobilier de loisirs- Village résidentiel de tourisme), mis en place au début des années 2000, vise à inciter les propriétaires à engager les travaux de réhabilitation et à mettre en marchés leurs appartements. Il permet une déductibilité de la TVA portant sur les travaux d’investissement des meublés dans les villages résidentiels de tourisme, sous réserve que ceux-ci s’inscrivent dans le cadre d’une opération de réhabilitation de l’immobilier de loisirs. Mais le nombre des réhabilitations effectuées dans ce cadre reste extrêmement faible au regard des besoins.

La tentation existe alors pour les promoteurs et pour les collectivités, pour maintenir un parc immobilier locatif touristique suffisant et homogène, de recourir massivement à la construction de résidences touristiques neuves, favorisée par une attractivité fiscale supérieure, ainsi que par la simplicité et le moindre coût des opérations de mise aux

normes et d’efficacité énergétique. Mais cette fuite en avant (construction systématique plutôt que réhabilitation) pose question sur le plan environnemental. Par ailleurs, que ce soit en montagne ou sur le littoral, le foncier mobilisable n’est pas indéfiniment extensible.

La rénovation du parc ancien constitue donc un enjeu majeur.

Un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) a dressé en 2010 un état de cette situation. Il souligne la réalité de ce problème et la difficulté de le résoudre, malgré l’absence de quantification fiable et précise du nombre de lits touristiques concernés. Il estime leur nombre entre 2 et 7 millions, à un tiers ceux que l’on peut qualifier de « froids », et à 2 % en moyenne par an leur sortie du secteur marchand.

Il constate les résultats très mitigés sur le plan quantitatif de la procédure ORIL-VRT et préconise, outre la mise en place d’un Observatoire national des lits touristiques, l’étude de plusieurs pistes de solutions, parmi lesquelles les suivantes :

– expertiser l’opportunité d’un transfert progressif des avantages liés au neuf vers la réhabilitation ;

– étudier la possibilité d’étendre, dans certains cas, les incitations prévues dans la loi dite Grenelle 2 sur les résidences secondaires en stations touristiques ;

– étudier la possibilité de créer un statut juridique et fiscal de « loueur en meublé de tourisme » plus incitatif que le droit commun afin d’amener les propriétaires à rénover et à louer dans des zones définies par les pouvoirs publics ;

– trouver des modalités d’incitation à des opérations de rénovation de copropriétés278.

Un rapport de 2013 du CGEDD confirme la gravité de la situation dans de nombreux sites touristiques de montagne, la défaillance des acteurs privés et l’absence d’outils à la disposition des collectivités publiques pour y remédier279.

Un groupe de travail Montagne a été mis en place en 2013 par le ministère en charge du Tourisme, et un sous-groupe de travail dédié à la réhabilitation créé dans le cadre de la préparation des Assises du Tourisme, mais celles-ci n’ont pas marqué d’avancées substantielles sur cet aspect.

Un autre problème est constitué par les efforts d’investissements à prévoir pour permettre l’adaptation aux besoins, et ne serait-ce que pour la mise aux normes des petites structures hôtelières, ainsi que des établissements du tourisme social.

M. Claude Daumas président de la Fédération autonome générale de l’industrie hôtelière touristique (FAGIHT), soulignait devant la section les difficultés d’une grande partie des établissements relevant de l’hôtellerie indépendante de séjour à effectuer les investissements nécessaires pour s’adapter aux nouvelles exigences de la clientèle (piscine, spa, tennis, etc.). Cette hôtellerie, implantée en zones littorales, de montagne ou rurales, qui ne fonctionne qu’une partie de l’année en raison du caractère saisonnier de ses activités, avec des taux d’occupation relativement faibles, supporte en effet des charges fixes (taxe foncière, abonnements en matière d’énergie ou de télécommunications) identiques aux hôtels permanents. S’y ajoutent les coût des investissements liés aux nouvelles normes,

278 CGEDD Rapport sur la réhabilitation de l’immobilier de loisirs en France, de Françoise Miquel, Jacques Mougey et Georges Ribière, février 2010, p. 2 à 11.

279 CGEDD, Audit Thématique sur l’application des dispositions de la loi montagne, de Bertrand Creuchet, Marie-Pierre Doizelet, Jean-Jacques Kegelart, Mauricette Steinfelder, Jean Lalot septembre 2013, Rapport 008302-01 p. 4.

notamment en matière de sécurité ou d’accueil des personnes handicapées. Il indiquait que la FAGIHT a adressé dix propositions aux pouvoirs publics, qui visent notamment : la création d’une banque dédiée à l’hôtellerie-restauration (à l’image de l’Autriche)  ; une fiscalité adaptée, avec mise en place de réserves d’investissements, d’amortissements accélérés et une exonération des droits de succession si un montant équivalent est investi ; le retour à une réglementation raisonnable, proportionnée au risque, en matière d’incendie, ainsi que d’accessibilité, pour concilier les demandes légitimes des personnes handicapées avec la réalité économique et technique des entreprises280.

Les structures du tourisme social et solidaire relevant de l’UNAT, dont beaucoup d’établissements ont été créés dans les années soixante, ont à réaliser d’importants investissements pour les adapter à l’évolution des demandes de la clientèle. Le nouveau classement Atout France, effectif depuis le 1er juillet 2012, a également nécessité des investissements de la part du secteur, de manière à pouvoir respecter les critères relatifs notamment aux 2 et 3 étoiles. Selon une étude de l’UNAT, les organismes du tourisme social et solidaire auraient en 2013 investi plus de 130 M€, dont 55 % localisés dans des communes de moins de 3 000 habitants. Les villages de vacances y participent à hauteur de 86 M€, suivis des centres de vacances enfants-adolescents et/ou sportifs (30 M€), des auberges de jeunesse (9 M€), ainsi que des gîtes et refuges (5 M€). 53 % de l’investissement en 2013 portent sur des travaux de montée en gamme (soit 70 M€), suivis par les travaux d’entretien courant et de maintien du patrimoine pour 40 M€ et de ceux pour la mise aux normes (20 M€). 75 % des investissements ainsi réalisés en 2013 ont été portés par des établissements propriétés de collectivités, de comités d’entreprises, de SCI ou de mutuelles281. L’UNAT rappelait dans une autre étude que le coût global des investissements à réaliser pour la seule mise en accessibilité liée à l’application des dispositions de la loi de 2005 pouvait être estimée à plus de 500 M€, et que ces énormes besoins d’investissements s’inscrivent dans un contexte où les marges de manœuvre financière des collectivités territoriales ne cessent de se réduire.

Lors de la clôture des Assises du tourisme, en juin 2014, a été annoncée l’élaboration à l’automne 2014 d’une ordonnance de simplification des normes comportant un volet tourisme, qui devrait notamment simplifier les normes d’urbanisme. Par ailleurs, un fonds

«  tourisme social investissement  », doté de 75  millions€ et capable d’intervenir en fonds propres, est mis en place en liaison avec la caisse des dépôts, l’Ircantec et l’ANCV, pour permettre la rénovation du patrimoine du tourisme social282. Dans son avis Le tourisme associatif en milieu rural, source de développement local et de cohésion social, rapporté par Jean-Pierre Marcon, notre assemblée soulignait l’importance de cet enjeu283.

280 Intervention de M. Daumas, président de la FAGIHT, lors de la table-ronde du 9 juillet 2014.

281 Cf. UNAT, L’investissement du tourisme social et solidaire, panorama de l’investissement patrimonial des acteurs du secteur en 2013 (édition 2013), p. 9 à 12.

282 Clôture des Assises du tourisme, p. 5.

283 CES, Avis Tourisme associatif en milieu rural, source de développement local et de cohésion sociale, rapporté par Jean-Pierre Marcon, 2006, p. 16 et 17. La section a rencontré Jean-Pierre Marcon, président du Conseil général de la Haute-Loire, lors d’un déplacement à Saint-Bonnet-le-Froid le 2 octobre 2014.

Un rôle essentiel dans l’aménagement et le

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